Céphalées symptomatiques

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Forum Med Suisse No 5 30 janvier 2002
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Céphalées symptomatiques
H. P. Mattlea, M. Sturzeneggera, C. Meyerb
Introduction
Les céphalées symptomatiques, ou secondaires,
sont rares en face des céphalées primitives. Leur
incidence est estimée entre 10 et 20%. Le médecin a donc parfois des difficultés à diagnostiquer
une céphalée symptomatique en tant que telle.
Dans les situations suivantes, le médecin doit
rester à l’écoute de son patient pour poser le bon
diagnostic et lui proposer le bon traitement.
Arguments en faveur des
céphalées symptomatiques
Le caractère de la douleur et les
symptômes d’accompagnement ne sont
pas les mêmes qu’avec les crises céphalalgiques ou migraineuses précédentes
Les patients souffrant de céphalées symptomatiques indiquent pour la plupart spontanément,
ou répondent à l’anamnèse que le caractère
et/ou la violence de leur mal de tête sont inhabituels, ou qu’il y a des symptômes d’accompagnement qu’ils ne connaissaient pas pour leur
céphalée tensionnelle ou migraineuse. Citons
les crises d’amblyopie, témoignant d’une hypertension intracrânienne.
Facteur déclenchant particulier
Si les céphalées n’apparaissent que dans certaines situations, ou surviennent pour la première fois après un certain événement, cela doit
faire suspecter une céphalée symptomatique.
Par exemple un traumatisme, ou un mal de tête
uniquement en position debout, disparaissant
en position couchée. Ces céphalées dites orthostatiques se voient dans l’hypotension intracrânienne.
Céphalée hyperaiguë
a
b
Service universitaire
de Neurologie, Berne
Neurologue, Baden
Correspondance:
Prof. Heinrich Mattle
Clinique et Policlinique
de Neurologie
Hôpital de l’Ile
CH-3010 Berne
[email protected]
Une céphalée survenant sur le mode hyperaigu,
et dont le caractère est inhabituel pour le patient, doit faire penser à une hémorragie sousarachnoïdienne.
Céphalée prolongée
Les crises de céphalées primitives peuvent
durer de 2 à 3 jours. Une céphalée se prolongeant de manière inhabituelle doit faire suspecter une pathologie intracrânienne ou une
maladie systémique avec une céphalée comme
symptôme dominant.
Déclenchement à l’effort
Les céphalées migraineuses s’accentuent typiquement à l’effort, ou à la toux. En l’absence
d’une anamnèse de migraine, il s’agit de céphalées d’effort. Elles sont pour la plupart bénignes, mais peuvent être le reflet d’une pathologie intracrânienne.
Vomissement
Un vomissement, en jet surtout, tôt le matin et
en l’absence de nausée notable, doit faire penser à une hypertension intracrânienne et à un
processus expansif intracrânien.
Epilepsie / déficits neurologiques /
altérations neuropsychologiques
Les crises épileptiques, ou les déficits neurologiques ou neuropsychologiques chez des patients souffrant de maux de tête, doivent toujours faire suspecter une pathologie intracrânienne, et exigent un diagnostic complémentaire en urgence. Cela est vrai surtout pour les
troubles de la conscience et la présence d’un
méningisme.
Pathologie interne ou autre,
non neurologique
Hypertension, infections fébriles, obstruction
nasale ou sécrétions nasales purulentes, maladies inflammatoires non infectieuses, comme
lupus érythémateux disséminé, peuvent avoir
comme seule manifestation ou symptôme clinique d’appel une céphalée. Toute céphalée
atypique exige un examen général.
Quelques maladies dont les
céphalées peuvent être le
symptôme majeur
Le tableau 1 donne un aperçu des maladies se
manifestant par une céphalée symptomatique.
Céphalées posttraumatiques
Après une commotion ou une contusion cérébrale, il peut y avoir une céphalée sourde, plus
marquée aux niveaux frontal et temporal. Elle
augmente à l’effort et dure toute une journée.
L’importance de la douleur semble être en corrélation inverse avec la durée de la perte de
connaissance. Nul ne peut expliquer pourquoi.
Les analgésiques ne sont pas très efficaces. La
mobilisation précoce et la consommation res-
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treinte d’analgésiques sont le meilleur traitement. Le repos peut être contre-productif. Si le
mal de tête se prolonge au-delà de 2 semaines,
le traitement sera le même que pour les céphalées tensionnelles, soit les antidépresseurs tricycliques.
Les céphalées posttraumatiques simples sont
difficiles à distinguer de celles des hématomes
sous-duraux. Un hématome sous-dural résulte
d’une rupture des veines communicantes, avec
hémorragie lente dans l’espace sous-dural.
Plusieurs jours ou semaines après un traumatisme même banal, une céphalée sourde commence, intermittente au début, mais qui devient persistante. Les vieillards sont particulièrement menacés, de même que les personnes
ayant des troubles de la coagulation et les alcooliques. S’il y a anamnèse de traumatisme, il
faut évoquer un hématome sous-dural et le
confirmer par neuroradiologie. En l’absence
d’une telle anamnèse, le caractère inhabituel de
la douleur doit faire demander un examen neuroradiologique pour préciser le diagnostic. Les
hématomes volumineux, surtout s’ils sont accompagnés de déficits neurologiques ou neuropsychologiques, seront drainés chirurgicalement.
Si une artère méningée se déchire lors d’un
traumatisme crânien, il se produit une hémorragie aiguë dans l’espace épidural, ou hématome épidural. Ces patients ne reprennent pas
connaissance après le traumatisme, ou la reperdent 1 à 2 heures après le traumatisme. Le
diagnostic doit être rapidement confirmé, et
l’hématome évacué pour prévenir toute invalidité permanente.
Tableau 1.
Maladies et situations dans lesquelles
les céphalées peuvent être le
symptôme dominant.
Posttraumatique
Vasculite
Pathologies intracrâniennes
anomalies de la circulation du LCR
infections
néoplasies
hémorragies intracrâniennes
Toxiques
Infections systémiques
Métaboliques
Pathologies de la colonne cervicale, des yeux,
oreilles, sinus, articulations temporo-mandibulaires
ou dents
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Anomalies de la production, de la
circulation ou de la réabsorption de
liquide céphalo-rachidien
Une anomalie de la production, de la circulation ou de la réabsorption de liquide céphalorachidien peut se manifester par une céphalée
comme symptôme majeur:
– pseudotumeur cérébrale / hypertension intracrânienne;
– hypotension intracrânienne;
– hydrocéphalie.
Hypertension intracrânienne
Une augmentation de la pression intracrânienne peut être idiopathique ou secondaire à
– une hydrocéphalie;
– un processus expansif tel que néoplasie, hématome ou œdème cérébral ischémique ou
traumatique;
– une thrombose veineuse ou sinusale;
– ou des substances comme vitamine A,
tétracyclines, etc.
Les symptômes dominants de l’hypertension
intracrânienne sont des céphalées diffuses, uniquement matinales au début, puis toute la journée, qui s’accompagneront assez rapidement
de nausée et d’apathie. Les crises amblyopiques en sont typiques, ou amputations ou assombrissements du champ visuel d’une durée
de quelques secondes. La papille de stase en est
un signe somatique. Une mydriase unilatérale
ou une paralysie oculomotrice totale sont déjà
des symptômes d’alarme de l’hypertension intracrânienne, reflétant une menace de herniation du tronc cérébral. D’autres symptômes
d’alarme sont un trouble de la conscience avec
une posture anormale, témoignant d’une décortication ou d’une décérébration.
L’hypertension intracrânienne idiopathique,
ou «pseudotumeur cérébrale», touche pratiquement toujours de jeunes femmes obèses.
Elles se plaignent de céphalées type tensionnelles, migraineuses au début et surtout matinales, puis permanentes et à localisation bifrontotemporales. Elles signalent en outre des
acouphènes pulsatiles, des troubles visuels épisodiques, des crises amblyopiques et parfois
une diplopie. Une chute définitive de l’acuité visuelle pouvant aller jusqu’à la cécité est rare et
généralement réversible sous traitement. Il y a
presque toujours un œdème de la papille bilatéral. Le CT, l’IRM et le LCR sont normaux, mais
la pression du LCR est augmentée.
Pour que le traitement de l’hypertension intracrânienne idiopathique soit efficace, il est indispensable que ces femmes perdent du poids.
Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique et
diurétiques de l’anse sont administrés, avec des
injections de stéroïdes et ponctions lombaires à
répétition. Les shunts lobo- ou ventriculo-péri-
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tonéaux, ou la fenestration de la gaine du nerf
optique sont le dernier recours en cas de menace de cécité.
Hypotension intracrânienne
Les céphalées survenant en position debout et
disparaissant en position couchée, ou céphalées orthostatiques, sont caractéristiques du
syndrome d’hypotension intracrânienne. Le
mal de tête survient typiquement dans les 15
minutes suivant le passage en position debout,
et s’améliorent dans les 30 minutes suivant
l’alitement. Il s’accompagne éventuellement de
nausée, vomissement, acouphène, baisse de
l’acuité auditive, photophobie ou diplopie. Les
symptômes objectifs peuvent être un méningisme ou des parésies du 6e nerf crânien. A la
ponction lombaire, la pression est basse, pouvant même donner une ponction sèche, ne permettant d’obtenir du LCR que par aspiration à
la seringue. Il présente une pleïocytose avec
augmentation des protéines, pouvant conduire
au diagnostic d’infection intracrânienne. L’IRM
montre parfois un déplacement caudal du tronc
cérébral. Après injection de produit de
contraste, il se produit typiquement une opacification supra- et infratentorielle dans la duremère (pachyméningite) (fig. 1). Les leptoméninges entre les sillons ne prennent pas de produit de contraste.
Une hypotension intracrânienne peut être
spontanée. Mais elle est beaucoup plus souvent
symptomatique, reflétant une fuite cryptique de
LCR, après ponction lombaire, anesthésie spinale, traumatisme crânio-cérébral, crâniotomie, chirurgie vertébrale ou dans les fissures de
la dure-mère, une rhinorrhée de LCR ou des
shunts atrio-ventriculaires. Un déficit volumique ou une hyperosmolarité font baisser la
pression intracrânienne. Les pathologies s’ac-
Figure 1.
Hypotension intracrânienne spontanée s’étant manifestée sous
forme de céphalée orthostatique. Sur
l’IRM en T1, une concentration pathognomonique de produit de contraste
est visible dans les méninges
supra- et infratentoriels, et surtout de
la tente.
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compagnant d’une baisse de la production de
LCR, ou d’une réabsorption accrue sont spéculatives, et certainement rarement en cause
dans l’hypotension intracrânienne.
Le traitement de l’hypotension intracrânienne
est ciblé sur celui de sa cause, p.ex. par fermeture chirurgicale d’une fistule. Le traitement
symptomatique comprend alitement, patch de
sang autologue épidural, perfusions épidurales
de NaCl, ceinture abdominale, caféine et stéroïdes.
Céphalées d’effort
Les céphalées déclenchées à l’effort, ou à la
toux, sont pour la plupart bénignes et réagissent bien aux bêtabloquants. Mais elles peuvent
également témoigner d’un processus expansif,
surtout de la fosse postérieure, d’une anomalie
transitionnelle crânio-cervicale ou de pathologies rares, l’anévrisme basilaire fusiforme notamment. Les céphalées lors de rapports
sexuels («coital headache») en font partie. Si la
douleur apparaît à l’orgasme, il s’agit de rechercher soigneusement une pathologie sousjacente, comme un anévrisme ou une hémorragie sous-arachnoïdienne. Si elle survient
après l’orgasme, il s’agit dans la plupart des cas
d’une céphalée primitive bénigne.
Céphalées sur pathologies vasculaires et
troubles circulatoires
Les céphalées secondaires à des pathologies
vasculaires et troubles circulatoires sont relativement rares, mais peuvent être le symptôme
dominant d’une thrombose veineuse, d’une artérite à cellules géantes, d’une dissection ou
d’une hémorragie sous-arachnoïdienne. Elles
accompagnent souvent une hémorragie cérébrale et un infarcissement territorial important,
mais pratiquement jamais un infarcissement
cérébral lacunaire.
Dissections artérielles cérébrales
Les dissections concernent les hommes et
femmes jeunes et d’âge moyen. 80% touchent
les carotides, 20% les artères vertébrales, et
25% touchent plus d’une artère. Les dissections
intracrâniennes sont généralement très rares,
et touchent surtout les jeunes gens. Les traumatismes et vasculopathies telles que dysplasie
fibromusculaire ou syndrome de Marfan prédisposent aux dissections, voire les déclenchent.
Une dissection carotidienne se présente par
une douleur orbitaire, cervicale ou crânienne,
un syndrome de Horner et des symptômes hémisphériques ipsilatéraux (tabl. 2), parfois par
un acouphène pulsatile. La variabilité des déficits neurologiques est importante, allant de
l’obstruction carotidienne asymptomatique à
l’infarcissement territorial médian complet.
Les déficits des nerfs cérébraux postérieurs du
même côté que les symptômes hémisphériques
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Tableau 2.
Symptômes dominants de la
dissection carotidienne et vertébrale.
Céphalées ou algies faciales du même côté que la
dissection
TIA ou infarcissement dans le territoire irrigué par
l’artère
Syndrome de Horner
Acouphène pulsatile, bourdonnement artériel
peuvent donner des syndromes centraux et périphériques croisés, pouvant passer par erreur
pour un problème au niveau du tronc cérébral.
Les dissections vertébrales donnent des cervicalgies ispilatérales avec déficits vertébro-basilaires, le plus souvent un syndrome médullaire dorsolatéral. Leur présentation clinique
est généralement très variable. L’un des extrêmes est la douleur isolée au niveau du cou
ou de la nuque, et l’autre une atteinte complète
du tronc cérébral dans la thrombose basilaire.
Les dissections peuvent être suspectées aux ultrasons et confirmées par l’IRM. L’hématome
pariétal peut se voir à l’IRM sous la forme d’un
signal falciforme hyperintense (fig. 2). Le diagnostic à temps d’une dissection permet la plupart du temps de prévenir un infarcissement
cérébral embolique par une anticoagulation.
Thromboses cérébrales veineuses et sinusales
Les thromboses cérébrales veineuses et sinusales concernent surtout les jeunes femmes. Il
s’agit la plupart du temps du sinus longitudinal
supérieur et du sinus latéral, plus rarement des
sinus droit et caverneux, et des veines corticales. Les symptômes cliniques sont présentés
dans le tableau 3. Etiologiquement, il faut distinguer les thromboses secondaires à des infections intracrâniennes et systémiques des
Figure 2.
Dissection de la carotide droite.
L’hématome pariétal falciforme se
voit sur le cliché IRM avec technique
de suppression de la graisse comme
une structure hyperintense.
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non infectieuses. Toutes les étiologies médicales des thrombo-embolies sont à envisager,
gynécologiques-obstétricales chez les femmes,
la fumée, la pilule et l’obésité, et chez les
hommes la maladie de Behçet. Neuroradiologiquement, il y a des infarcissements hémorragiques uni- ou bilatéraux. La plupart de ces
thromboses se voient au CT avec produit de
contraste ou à l’IRM, et certaines uniquement à
l’angiographie (fig. 3). L’imagerie diagnostique
de choix est l’IRM.
Encéphalopathie hypertensive
Il s’agit de troubles cérébraux lors d’une crise
hypertensive, avec ou sans hypertension chronique préalable. Les céphalées en sont le symptôme majeur, pouvant s’accompagner de nausée, vomissement, troubles visuels, obnubilation et confusion, crises convulsives focales ou
généralisées, déficits neurologiques focaux. Au
fond d’œil, il y a un œdème de la papille et de
la rétine, et des vasospasmes artériolaires.
L’encéphalopathie hypertensive est une situation d’urgence, imposant une baisse tensionnelle rapide et éventuellement un traitement
anticonvulsivant. Une hypertension artérielle
n’évolue pas toujours de manière aussi dramatique. Mais si elle fait des symptômes cliniques,
il s’agit beaucoup plus souvent de céphalées difficiles à distinguer des céphalées tensionnelles.
Tableau 3. Symptômes dominants
d’une thrombose sinusale et veineuse.
Céphalées inhabituelles
Crises épileptiques focales ou généralisées
Œdème de la papille et autres signes d’hypertension intracrânienne
Déficits sensitivo-moteurs, éventuellement
controlatéraux
Artérites, artérite à cellules géantes
Les vasculites forment un groupe de maladies
étiologiquement et morphologiquement hétérogène, primitives (c.-à-d. sans étiologie connue)
ou secondaires à certaines maladies. Dans la
plupart des vasculites, la manifestation SNC
n’est qu’une partie de la maladie, et les manifestations extracérébrales dominent le tableau
clinique. Elles touchent également le système
nerveux périphérique, avec des poly- et mononeuropathies, la rétine ou la cochlée. Dans les
angéites isolées et granulomateuses du SNC, la
vasculite se limite au système nerveux central.
Les symptômes neurologiques majeurs des vasculites sont des céphalées, des troubles cognitifs et des déficits neurologiques focalisés suite
à de multiples petits infarcissements. La for-
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Figure 3.
Jeune femme souffrant de céphalées sur thrombose du sinus longitudinal supérieur. Le thrombus est
bien visible sur le cliché IRM sagittal. Il se situe juste en dessous et
dans l’os compact de la calotte crânienne sans signal, et par rapport
au parenchyme cérébral, il est en
partie iso- et en partie hyperintense.
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comes ou lymphomes (méningite néoplasique),
les céphalées sont par contre un symptôme dominant précoce.
Céphalées de la méningite, de l’encéphalite et des infections systémiques
mule sanguine est généralement inflammatoire, mais pas toujours. Les anticorps reflétant
une certaine maladie ou un certain syndrome
peuvent aider au diagnostic. Il y a également
des signes d’inflammation dans le LCR. L’angiographie montre parfois des altérations vasculaires inflammatoires. Mais parfois seule une
biopsie cérébrale ou méningée permet de poser
le diagnostic.
L’artérite à cellules géantes touche essentiellement des vieillards. Son étiologie est inconnue. Céphalée, fatigue, myalgies, tendance dépressive et douleurs des masséters à la mastication en sont les symptômes majeurs. Les artères temporales peuvent être douloureuses à
la pression, indurées et non pulsatiles. Une VS
très accélérée met sur la voie du diagnostic. Les
ultrasons permettent souvent de visualiser une
paroi artérielle épaissie, mais pas toujours, et
le diagnostic sera confirmé par biopsie et histologie. Les stéroïdes sont le traitement de
choix, à hautes doses au début et à doses faibles
pendant plusieurs mois.
Infarcissement cérébral secondaire à la migraine
L’infarcissement cérébral secondaire à la migraine est rare. Il concerne la plupart du temps
le territoire de l’artère cérébrale postérieure et
se caractérise comme suit:
– symptômes neurologiques identiques à ceux
des crises migraineuses précédentes;
– survenue lors d’une crise migraineuse;
– autres causes d’infarcissement exclues.
Céphalées des néoplasies
Les céphalées ne sont que rarement le symptôme dominant dans les néoplasies intracrâniennes. Les symptômes dominants sont beaucoup plus souvent des crises épileptiques ou des
déficits neurologiques ou neuropsychologiques
focaux. Mais lorsque ces néoplasies atteignent
un certain volume, les céphalées diffuses, souvent frontales et irradiant dans l’ensemble du
neurocrâne sont des symptômes d’accompagnement fréquents. Dans l’infiltration néoplasique des méninges par des carcinomes, sar-
Les infections peuvent être hématogènes ou
toucher le système nerveux par continuité, et
provoquer une inflammation des méninges
(méningite), du parenchyme (encéphalite) ou
des foyers purulents (abcès intracérébral, empyème sous-dural, abcès épidural).
La symptomatologie clinique classique de la
méningite consiste en céphalées, fièvre et raideur de nuque (méningisme). Ces céphalées
peuvent être intenses, diffuses, ou évent. bilatérales et plus volontiers occipitales. Dorsalgies, myalgies, photophobie, nausée et vomissement en sont d’autres symptômes. Elle peut
être à l’origine de crises épileptiques, de déficits des nerfs crâniens, d’une somnolence pouvant aller jusqu’au coma. Il peut y avoir un
œdème de la papille. Chez les enfants, les immunodéprimés ou les vieillards, le méningisme
et la température peuvent parfois être très discrets, les céphalées et/ou les vomissements dominant le tableau clinique.
Tableau 4. Infections intracrâniennes.
Méningite aiguë purulente ou bactérienne
Méningite aiguë non purulente ou virale
Méningite chronique (voir méningite néoplasique)
tuberculose
champignons
syphilis
borréliose
VIH
sarcoïdose
LED
Encéphalite
Inflammation paraméningée
Les encéphalites sont la plupart du temps virales, et se présentent comme les méningites
avec fièvre, céphalées et méningisme. A cela
viennent pratiquement toujours s’ajouter une
perturbation de la conscience et de la personnalité, avec des troubles focaux tels qu’aphasie,
ataxie, hémiparésie, déficits des nerfs crâniens,
du champ visuel, crises généralisées ou focales
et papilles de stase.
Un abcès cérébral est un processus purulent
focal dans le parenchyme cérébral, rare. Les céphalées surviennent comme manifestation d’une
hypertension intracrânienne, plus rarement
lorsque des symptômes infectieux généraux ac-
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compagnent l’abcès cérébral. Il y a généralement
aussi des troubles neurologiques focaux.
Le diagnostic est assuré par examen du LCR
est IRM cérébrale. Une pleïocytose de plusieurs
centaines ou milliers de cellules témoigne d’une
infection bactérienne, et de quelques mononucléaires surtout ou moins de cent cellules d’une
infection virale. S’il y a moins de quelques centaines de cellules, avec des protéines augmentées et un glucose bas, il y a suspicion de méningite chronique. Les lésions parenchymateuses cérébrales ou inflammations méningées
sont visibles à l’IRM, mais généralement uniquement après injection de produit de
contraste, et peuvent permettre de poser le diagnostic étiologique d’une inflammation ou
d’une infection intracrânienne. L’imagerie diagnostique met sur la voie d’un abcès intracérébral. Le LCR peut être normal. Le tableau 4
donne un aperçu des infections intracrâniennes.
Le traitement des infections intracrâniennes
dépend de leur étiologie. Il comporte une antibiothérapie ciblée, des virostatiques ou même
des interventions chirurgicales.
Une inflammation paraméningée, une sinusite p.ex., peut également se présenter avec une
céphalée comme symptômes dominant.
Céphalées des pathologies vertébrales, des
yeux, des oreilles, des sinus, des articulations temporo-mandibulaires et des dents
En présence de céphalées, il faut toujours penser à une maladie des yeux, des oreilles, du viscérocrâne ou de la colonne cervicale. Les sinusites sont les plus fréquentes. Leurs caractéristiques les plus importantes figurent au tableau 5.
Les pathologies cervicales peuvent donner des
douleurs difficiles à distinguer des céphalées
tensionnelles chroniques. Contrairement à la
céphalée tensionnelle, la douleur est unilatérale. La mobilité de la colonne cervicale est généralement limitée, ou douloureuse. Les pathologies oculaires sont généralement plus faciles à distinguer des céphalées primitives, avec
leurs signes et symptômes locaux, ce qui vaut
Tableau 5.
Symptômes et signes des sinusites.
Douleur en regard du sinus, rétro-oculaire, frontale, dentaire, évent. irradiant et accentuée par la
flexion antérieure de la tête
Obstruction nasale, sécrétions nasales purulentes
Diaphanoscopie, radiologie des sinus, CT, IRM pathologiques
Le traitement de la sinusite fait disparaître
la douleur
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également pour les algies des oreilles, des dents
et des articulations temporo-mandibulaires.
Céphalées médicamenteuses et toxiques
De nombreuses substances solides, liquides et
gazeuses peuvent induire des céphalées, p.ex.
le monoxyde de carbone ou l’alcool. Des médicaments sont souvent en cause dans les céphalées, ou très souvent accentuent les céphalées
primitives et provoquent une chronification
toxique. P.ex. les dérivés nitrés, les inhibiteurs
de la pompe à protons, le dipyridamole ou des
immunosuppresseurs comme la ciclosporine.
Chez les vieillards, il faut toujours penser à la
possibilité d’un effet médicamenteux indésirable.
Céphalées des troubles métaboliques et
pathologies systémiques
Des douleurs diffuses, semblables à celles de la
céphalée tensionnelle, caractérisent les céphalées des troubles métaboliques. Elles se rencontrent dans l’insuffisance rénale, les hépatopathies, l’hypo- et l’hyperthyroïdie, et dans de
nombreuses autres maladies systémiques. Les
céphalées accompagnent également, ou sont
même le symptôme dominant de syndromes
polymorphes dont la pathogenèse est inexpliquée, comme la fibromyalgie, le «Chronic Fatigue Syndrome» ou les dépressions.
Marche à suivre en face d’une suspicion
de céphalées symptomatiques
Si l’anamnèse et l’examen somatique indiquent
que les céphalées sont le symptôme de telle ou
telle maladie, son diagnostic doit être confirmé
pour que le traitement soit spécifique. La première étape diagnostique fait généralement
appel à l’IRM, exceptionnellement au CT. Pour
confirmer une méningite ou une encéphalite, de
même qu’une hémorragie sous-arachnoïdienne, il faut effectuer une ponction lombaire
et examiner le LCR. Pour les vasculites, les ultrasons cérébro-vasculaires sont un bon examen. Pour exclure une pathologie systémique, il
faut rechercher les signes d’inflammation dans
le sang et effectuer des examens sérologiques.
Il y a presque toujours suffisamment de temps
pour le diagnostic. Dans certaines situations cependant, comme celles figurant au tableau 6, le
diagnostic et le traitement pressent, et la céphalée est alors une urgence absolue.
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Quintessence
Si le caractère de la douleur et les symptômes d’accompagnement sont
différents de ceux des précédentes crises céphalalgiques ou migraineuses,
en cas d’apparition suraiguë, de douleur prolongée, d’apparition à l’effort
ou dans d’autres circonstances, de crises épileptiques, de déficits neurologiques ou anomalies neuropsychologiques, il faut évoquer une céphalée
symptomatique.
L’anamnèse est très importante pour distinguer les céphalées symptomatiques des primitives. Il faut rechercher en détail par l’anamnèse les
symptômes dominants des céphalées citées au tableau 1.
L’étiologie sera précisée par imagerie diagnostique, examens du liquide
99
Tableau 6.
La céphalée est une urgence en
présence des symptômes suivants.
fièvre élevée
méningisme
crises épileptiques
vomissement
perturbation de l’état de conscience, obnubilation
mydriase
problèmes respiratoires
posture de décérébration/décortication
céphalo-rachidien et sérologiques, ce qui permettra souvent d’instaurer
le traitement spécifique.
Forte fièvre, méningisme, vomissement, obnubilation, troubles de la
conscience, surtout si associés à mydriase, posture de décérébration ou
de décortication, avec problèmes respiratoires, sont des symptômes
d’alarme chez des patients se plaignant de céphalées. Dans de telles
situations, la céphalée est une urgence absolue.
Références
– Diener HC. Kopf- und Gesichtsschmerzen. Diagnose und Behandlung in der Praxis. Stuttgart: Georg
Thieme Verlag; 1997.
– Mumenthaler M, Mattle H. Neurologie, 10. Auflage. Stuttgart: Georg
Thieme Verlag; 1997 (oder 11. Auflage, erscheint im November 2001).
– Olesen S, Tfelt-Hansen P, Welch
K.M.A. (Editors) 2nd Edit. The Headaches. Philadelphia: Lippincott Williams & Wilkins; 2000.
– Silberstein SD, Lipton RB, Goadsby
PJ. Headache in clinical practice. Oxford: Isis Medical Media; 1998.
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