TB2 − 2011-2012 Mathématiques L.E.G.T.A. Le Chesnoy D. Blottière Chapitre X Applications linéaires Table des matières 1 Définitions et propriétés élémentaires 2 2 Noyau et image d’une application linéaire 4 3 Matrices versus applications linéaires : un exemple 3.1 Matrice associée à une application linéaire relativement aux bases E et F . . . . . . . . . . . . . 3.2 Application linéaire associée à une matrice relativement aux bases E et F . . . . . . . . . . . . . 3.3 Lien entre les deux constructions précédentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 5 6 7 4 Matrices versus applications linéaires : cas général 7 5 Applications linéaires et théorie de la dimension 10 6 Rang d’une application linéaire et rang d’une matrice 10 6.1 Rang d’une application linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 6.2 Rang d’une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 6.3 Rang d’une application linéaire versus rang d’une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1 Notation : Le symbole K désigne R ou C. 1 Définitions et propriétés élémentaires Définition (application linéaire) Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Une application ϕ : E → F est dite linéaire si ∀ u1 , u2 ∈ E, ∀ λ1 , λ2 ∈ K, ϕ(λ1 u1 +λ2 u2 ) = λ1 ϕ(u1 )+λ2 ϕ(u2 ) (ϕ respecte les combinaisons linéaires). Remarque 1 : On conserve les notations de la définition précédente. On peut démontrer que ϕ : E → F est linéaire si et seulement si les deux propriétés suivantes sont vérifiées. ∀ u1 , u2 ∈ E, ϕ(u1 + u2 ) = ϕ(u1 ) + ϕ(u2 ) (ϕ respecte l’addition) et ∀ u ∈ E, ∀ λ ∈ K, ϕ(λ u) = λ ϕ(u) (ϕ respecte la multiplication par un scalaire) Exemple 1 : Montrer que l’application x x+y−z f : R3 → R2 ; y 7→ x+z z est linéaire. Théorème 1 (application linéaire canoniquement associée à une matrice) Soient n, p ∈ N∗ . Soit A est une matrice n × p à coefficients dans K (i.e. A ∈ Mn,p (K)). On définit l’application ϕA canoniquement associée à A par : x1 x1 .. p n .. ϕA : R → R ; . 7→ A . . xp xp L’application ϕA est linéaire. Preuve du théorème 1 Théorème 2 (image du neutre par une application linéaire) Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Soit ϕ : E → F une application. Alors on a : ϕ linéaire =⇒ ϕ(0E ) = 0F . Preuve du théorème 2 Exemple 2 : Soit ϕ l’application définie par : x x+y 3 2 y 7→ ϕ: R → R ; . x+z+1 z Comme ϕ(0R3 ) = 0 6= 0R2 , l’application ϕ n’est pas linéaire. 1 Définition (endomorphisme et isomorphisme) 1. Soit E un K-espace vectoriel. Un endormorphisme de E est une application linéaire de E dans E. 2. Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Soit ϕ : E → F une application. On dit que ϕ est un isomorphisme de E dans F si ϕ est linéaire et bijective. 2 Notations 1. Soient E et F deux K-espaces vectoriels. On pose L(E, F ) = ensemble des applications linéaires de E dans F . 2. Soit E un K-espace vectoriel. On pose L(E) = ensemble des endomorphismes de E. Théorème 3 (opérations sur les applications linéaires) Soient E, F et G trois K-espaces vectoriels. 1. Soient f, g ∈ L(E, F ). Alors l’application f + g : E → F ; u 7→ f (u) + g(u) est linéaire, i.e. f + g ∈ L(E, F ). 2. Soit f ∈ L(E, F ) et soit λ ∈ K. Alors l’application λ f : E → F ; u 7→ λ f (u) est linéaire, i.e. λ f ∈ L(E, F ). 3. Soit f ∈ L(E, F ) et soit g ∈ L(F, G). Alors l’application g ◦ f : E → G ; u 7→ g(f (u)) est linéaire, i.e. g ◦ f ∈ L(E, G). 4. Soit f ∈ L(E, F ) bijective, i.e. f est un isomorphisme de E dans F . Alors l’application f −1 : F → E ; v 7→ l’unique solution de l’équation f (u) = v d’inconnue u ∈ E est linéaire, i.e. f −1 ∈ L(F, E). Preuve de la propriété 3. du théorème 3 Exemple 3 : Soit ϕ l’application définie par : x x−y ϕ: R → R ; 7→ . y x+y 2 2 1. Montrer que ϕ est l’application linéaire canoniquement associée à une matrice A ∈ M2 (R). 2. Montrer que ϕ est un isomorphisme de R2 dans R2 . 3. Déterminer l’application ϕ−1 . 4. Montrer que ϕ−1 est l’application linéaire canoniquement associée à une matrice B ∈ M2 (R). 5. Quel lien unit A et B ? Théorème 4 (structure canonique de K-espace vectoriel sur L(E, F )) Soient E et F deux K-espaces vectoriels. L’ensemble L(E, F ) muni des deux applications a : L(E, F ) × L(E, F ) → L(E, F ) ; (f, g) 7→ f + g et m : K × L(E, F ) → L(E, F ) ; (λ, f ) 7→ λ f (qui sont bien définies d’après le théorème 3) est un K-espace vectoriel. Exemple 4 1. L’ensemble L(R2 , R3 [X]) possède une structure canonique de R-espace vectoriel. 2. Plus généralement, le théorème 4 permet de construire de nouveaux espaces vectoriels à partir de ceux déjà introduits auparavant (comme Rn , Rn [X], F(I, R), S(N, R)). 3 2 Noyau et image d’une application linéaire Définition (noyau et image d’une application linéaire) Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Soit ϕ : E → F une application linéaire. 1. Le noyau Ker(ϕ) est le sous-ensemble de E défini par : Ker(ϕ) = {u ∈ E : ϕ(u) = 0F }. 2. L’image de ϕ est le sous-ensemble de F défini par : Im(ϕ) = {ϕ(u) : u ∈ E}. Théorème 5 (noyau et injectivité, image et surjectivité) Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Soit ϕ : E → F une application linéaire. 1. L’application ϕ est injective si et seulement si Ker(ϕ) = {0E }. 2. L’application ϕ est surjective si et seulement si Im(ϕ) = F . Preuve du théorème 5 Théorème 6 (structures du noyau et de l’image) Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Soit ϕ : E → F une application linéaire. 1. Ker(ϕ) est un sous-espace vectoriel de E. 2. Im(ϕ) est un sous-espace vectoriel de F . Preuve du théorème 6 1 Exemple 5 : Soit A = 1 1 2 0 2 1 −1 . Soit 1 x x y ϕA : R → R ; 7→ A y z z 3 3 l’application linéaire canoniquement associée à A. 1. Déterminer une base du noyau de ϕA . Qu’en déduire quant à l’injectivité de ϕA ? 2. Déterminer une base de l’image de ϕA . Qu’en déduire quant à la surjectivité de ϕA ? Remarque 2 : Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Soit ϕ : E → F une application linéaire. Déterminer le noyau de ϕ revient à résoudre l’équation ϕ(u) = 0F d’inconnue u ∈ E. Quand E = Rp et F = Rn (p, n ∈ N∗ ), déterminer le noyau de ϕ revient à résoudre un système linéaire homogène, comme on l’a vu dans l’exemple 5. Mais déterminer un noyau, en général, peut conduire à résoudre des équations d’autres natures, comme des équations différentielles par exemple. Théorème 7 (famille génératrice de l’image) Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie. Soit (e1 , e2 . . . , ep ) une famille génératrice finie de E (par exemple une base de E). Soit F un K-espace vectoriel. Soit ϕ : E → F une application linéaire. Alors (ϕ(e1 ), ϕ(e2 ), . . . , ϕ(ep )) est une famille génératrice de Im(ϕ), i.e. : Im(ϕ) = Vect(ϕ(e1 ), ϕ(e2 ), . . . , ϕ(ep )). Preuve du théorème 7 4 ♥ Remarque 3 (noyau et image d’une application linéaire canoniquement associée à une matrice) Soient n, p ∈ N∗ . Soit A ∈ Mn,p . Soit x1 x1 .. p n .. ϕA : R → R ; . 7→ A . xp xp l’application linéaire canoniquement associée à A. x1 x1 .. 1. Ker(ϕA ) est l’ensemble solution du système linéaire homogène A . = 0Rn d’inconnue ... ∈ Rp . xp xp 2. On note (e1 , e2 , . . . , ep ) la base canonique de Rp . D’après le théorème 7, on a : Im(ϕA ) = Vect(ϕ(e1 ), ϕ(e2 ), . . . , ϕ(ep )). Comme pour tout i ∈ J1, pK : ϕ(ei ) = i-ème colonne de A on voit que : Im(ϕA ) est le sous-espace vectoriel de Rn engendré par les vecteurs colonnes de la matrice A. 1 1 0 1 1 0 0 1 1 0 1 alors Im(ϕA ) = Vect , , 1 . On peut en déduire Par exemple, si A = 1 1 0 1 1 0 0 1 que 0 , 1 est une base de Im(ϕA ), en extrayant une base de la famille génératrice de Im(ϕA ) 0 1 précédemment obtenue. Exemple 6 : Soit ϕ : R2 [X] → R2 [X] ; P 7→ P 0 . 1. Montrer que ϕ est bien définie. 2. Montrer que ϕ est linéaire. 3. Déterminer une base de Ker(ϕ). 4. Déterminer une base de Im(ϕ). 3 Matrices versus applications linéaires : un exemple Notations : On note E = (e1 , e2 , e3 ) la base canonique de R3 et F = (f1 , f2 ) la base canonique de R2 . 3.1 Matrice associée à une application linéaire relativement aux bases E et F Notation : Dans cette section, on note ϕ l’application linéaire définie par : x x + 2y + z 3 2 y 7→ ϕ: R → R ; . −x + y + 7z z On commence par calculer les coordonnées de ϕ(e1 ), ϕ(e2 ), ϕ(e3 ) dans la base F. 1 ϕ(e1 ) = = 1 f1 + −1 f2 −1 ϕ(e2 ) = 2 1 = 2 f1 + 1 f2 ϕ(e3 ) = 1 7 = 1 f1 + 7 f2 . 5 Définition (matrice de ϕ relativement aux bases E et F) La matrice de ϕ relativement aux bases E et F, notée Mat(ϕ, E, F), est la matrice 2 × 3 dont la i-ème colonne est formée des coordonnées de ϕ(ei ) dans la base F (i ∈ J1, 3K). On a donc : 1 2 1 Mat(ϕ, E, F) = . −1 1 7 Théorème 8 (la connaissance de Mat(ϕ, E, F) permet de retrouver ϕ) x Soit u ∈ R3 et soit y ses coordonnées dans la base E. Alors les coordonnées de ϕ(u) dans la base F sont z x données par Mat(ϕ, E, F) y . z Preuve du théorème 8 Exemple 7 : Les coordonnées de ϕ(e1 + 3e2 − e3 ) sont : 1 1 2 3 = Mat(ϕ, E, F) −1 1 −1 1 7 1 6 3 = . −5 −1 Par suite, ϕ(e1 + 3e2 − e3 ) = 6 f1 + −5 f2 . 3.2 Application linéaire associée à une matrice relativement aux bases E et F Notation : Soit la matrice A = 1 4 2 5 3 6 . Propriété/Définition (application linéaire associée à A relativement aux bases E et F) L’application App(A, E, F) R3 : x u de coordonnées y dans E z → R2 7→ x ϕ(u) de coordonnées A y dans F z est linéaire. On la nomme application linéaire associée à la matrice A relativement aux bases E et F. Remarque 4 : En fait, l’application App(A, E, F) introduite ici n’est autre que l’application notée ϕA dans ce qui précède. Exemple 8 : On sepropose de calculer App(A, E, F)(2e1 + 3e2 − e3 ). Les coordonnées de 2e1 + 3e2 − e3 dans 2 la base E sont 3 . Par définition les coordonnées de App(A, E, F)(2e1 + 3e2 − e3 ) dans la base F sont : −1 2 1 A 3 = 4 −1 2 5 3 6 On a donc : App(A, E, F)(2e1 + 3e2 − e3 ) = 5 f1 + 17 f2 . 6 2 5 3 = . 17 −1 3.3 Lien entre les deux constructions précédentes La construction ϕ ∈ L(R3 , R2 ) ; Mat(ϕ, E, F) ∈ M2,3 (R) se généralise à toutes les applications linéaires de R2 dans R3 . De même, la construction A ∈ M2,3 (R) ; App(A, E, F) ∈ L(R3 , R2 ) se généralise à toutes les matrices de M2,3 (R). Ces généralisations seront expliquées dans la section suivante. Nous verrons aussi que : ∀ ϕ ∈ L(R3 , R2 ), App(Mat(ϕ, E, F), E, F) = ϕ et ∀ A ∈ M2,3 (R), 3 Mat(App(A, E, F), E, F) = A. 2 Autrement dit, une fois des bases de R et de R fixées, les applications linéaires de R3 dans R2 correspondent de façon binuivoque aux matrices 2 × 3. L’objectif de la section 4 est de généraliser et d’approfondir ce lien ténu entre applications linéaires et matrices, entrevu dans cette situation particulière. 4 Matrices versus applications linéaires : cas général Notations • E désigne un K-espace vectoriel de dimension finie p ∈ N∗ . • E = (e1 , . . . , ep ) est une base de E. • F désigne un K-espace vectoriel de dimension finie n ∈ N∗ . • F = (f1 , . . . , fn ) est une base de F . Définition (matrice d’une application linéaire relativement à des bases) Soit ϕ : E → F une application linéaire. La matrice de ϕ relativement aux bases E et F, notée Mat(ϕ, E, F), est la matrice n × p dont la i-ème colonne est formée des coordonnées de ϕ(ei ) dans la base F (i ∈ J1, pK). Schématiquement, on a : ϕ(e1 ) ϕ(e2 ) ϕ(ep ) Mat(ϕ, E, F) = ∗ ∗ ... ∗ ∗ ∗ ... ∗ .. . .. . ∗ ∗ .. . ... ∗ / f1 / f2 .. . / fn Exemple 9 1. Soit ϕ l’application linéaire définie par : x x+y+z 3 2 y 7→ ϕ: R → R ; . x−y−z z Calculer Mat(ϕ, CanR3 , CanR2 ). 2. Soit ϕ l’application linéaire (cf. exemple 6) définie par : ϕ : R2 [X] → R2 [X] ; P 7→ P 0 . Calculer Mat(ϕ, CanR2 [X] ). 7 3. Soit ϕ l’application linéaire définie par : ϕ : R2 → R2 ; x x + 3y 7→ . y 2x + 2y 1 1 , f2 = est une base de R2 et calculer Mat(ϕ, CanR2 , F). 1 0 1 3 (b) Montrer que G = g1 = , g2 = est une base de R2 et calculer Mat(ϕ, G). 1 −2 (a) Montrer que F = f1 = Théorème 9 (la connaissance de Mat(ϕ, E, F) permet de retrouver ϕ) Soit ϕ : E → F uneapplication linéaire. y1 x1 .. .. Soit u ∈ E et soit . ses coordonnées dans la base E. Alors les coordonnées . de ϕ(u) dans la base yn xp F sont données par : y1 x1 .. .. . = Mat(ϕ, E, F) . . yn xp Preuve du théorème 9 : Analogue à celle du théorème 8. Propriété/Définition (application linéaire associée à une matrice relativement aux bases E et F) Soit A ∈ Mn,p (K). L’application App(A, E, F) : → E x1 u de coordonnées ... dans E F 7→ x1 ϕ(u) de coordonnées A ... dans F xp xp est linéaire. On la nomme application linéaire associée à la matrice A relativement aux bases E et F. Preuve du caractère linéaire de App(A, E, F) Exemple 10 : Soit A = 1 0 1 1 0 2 . Expliciter l’application linéaire App(A, CanR2 [X] , CanR2 ) : R2 [X] → R2 . Théorème 10 (Mat( · , E, F) et App( · , E, F) sont des bijections réciproques l’une de l’autre) Les applications Mat( · , E, F) : L(E, F ) → Mn,p (K) ; ϕ 7→ Mat(ϕ, E, F) et App( · , E, F) : Mn,p (K) → L(E, F ) ; A 7→ App(A, E, F) sont des bijections réciproques l’une de l’autre, i.e. : ∀ ϕ ∈ L(E, F ), App(Mat(ϕ, E, F), E, F) = ϕ et ∀ A ∈ Mn,p (K), Mat(App(A, E, F), E, F) = A. Remarque 5 : D’après le théorème 10, on peut identifier application linéaires de E dans F et matrices de taille n × p, une fois que l’on a choisi une base de E et une base de F . 8 ♥ Théorème 11 (applications linéaires, matrices et opérations sur icelles) 1. Addition (a) ∀ ϕ, ψ ∈ L(E, F ), Mat(ϕ + ψ, E, F) = Mat(ϕ, E, F) + Mat(ψ, E, F). (b) ∀ A, B ∈ Mn,p (K), App(A + B, E, F) = App(A, E, F) + App(B, E, F). 2. Multiplication par un scalaire (a) ∀ ϕ ∈ L(E, F ), ∀ λ ∈ K, Mat(λ ϕ, E, F) = λ Mat(ϕ, E, F). (b) ∀ A ∈ Mn,p (K), ∀ λ ∈ K, App(λ A, E, F) = λ App(A, E, F). 3. Composée d’applications linéaires et produit matriciel Soit G un K-espace vectoriel de dimension m ∈ N∗ et soit G = (g1 , . . . , gm ) une base de G. (a) ∀ ϕ ∈ L(E, F ), (b) ∀ A ∈ Mn,p (K), ∀ ψ ∈ L(F, G), Mat(ψ ◦ ϕ, E, G) = Mat(ψ, F, G) × Mat(ϕ, E, F). ∀ B ∈ Mm,n (K), App(B × A, E, G) = App(B, F, G) ◦ App(A, E, F). 4. Isomorphisme et application inversible On suppose ici que p = n, i.e. que E et F ont même dimension. La matrice Mat(ϕ, E, F) est donc carrée. (a) Soit ϕ ∈ L(E, F ). On a : ϕ isomorphisme ⇐⇒ Mat(ϕ, E, F) inversible. De plus, si ϕ est un isomorphisme, on a : Mat(ϕ−1 , F, E) = (Mat(ϕ, E, F))−1 . (b) Soit A ∈ Mn,p (K). On a : A inversible ⇐⇒ App(A, E, F) isomorphisme. De plus, si A est inversible, on a : App(A−1 , F, E) = (App(A, E, F))−1 . Remarque 6 1. Grâce aux propriétés 1. et 2., on peut préciser la conclusion du théorème 10 : les applications Mat( · , E, F) et App( · , E, F) sont des isomorphismes réciproques l’un de l’autre. 2. La propriété 3. est fondamentale. Elle motive la définition du produit matriciel précédemment introduite. Exemple 11 1. Soient les applications linéaires x x+y+z ϕ : R3 → R2 ; y 7→ 2x − 3y − z z et ψ : R2 → R2 ; x x−y 7→ . y x + 2y Calculer Mat(ψ ◦ ϕ, CanR3 , CanR2 ). 2. Soit ϕ l’application linéaire définie par : x 2x − 3y ϕ: R → R ; 7→ . y x + 2y 2 2 (a) Prouver que Mat(ϕ, CanR2 , CanR2 ) est inversible et calculer son inverse. (b) En déduire que ϕ est un isomorphisme. (c) Identifier Mat(ϕ−1 , CanR2 , CanR2 ), puis expliciter ϕ−1 . 9 5 Applications linéaires et théorie de la dimension Théorème 12 (théorème du rang) Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie. Soit F un K-espace vectoriel. Soit ϕ : E → F une application linéaire. On la relation fondamentale : dim(Ker(ϕ)) + dim(Im(ϕ)) = dim(E). Exemple 12 : Soit ϕ : R2 [X] → R3 l’application définie par : P (−1) ϕ : R2 [X] → R ; P 7→ P (0) . P (1) 3 1. Montrer que ϕ est linéaire. 2. Montrer que Ker(ϕ) = {0R2 [X] }. 3. En déduire que Im(ϕ) = R3 , grâce au théorème du rang. 4. Que peut-on alors dire de ϕ ? Théorème 13 (critère d’isomorphie en dimension finie) Soient E et F deux K-espace vectoriels de dimension finie, tels que : dim(E) = dim(F ). Alors pour toute application linéaire ϕ : E → F , on a : ϕ injectif ⇐⇒ ⇐⇒ ϕ surjectif ϕ bijectif. ♥ Preuve du théorème 13 Exemple 13 : Soit ϕ : R2 [X] → R3 l’application définie par : P (0) ϕ : R2 [X] → R3 ; P 7→ P 0 (0) . P 00 (0) 1. Montrer que ϕ est linéaire. 2. Déterminer Im(ϕ). 3. En déduire que ϕ est un isomorphisme. 6 6.1 Rang d’une application linéaire et rang d’une matrice Rang d’une application linéaire Définition (rang d’une application linéaire) : Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Soit ϕ : E → F une application linéaire. On suppose que Im(ϕ) est de dimension finie (hypothèse qui est vérifiée si E ou F est de dimension finie). On définit le rang de ϕ, noté rg(ϕ), par : rg(ϕ) = dim(Im(ϕ)). Remarque 7 : On se replace dans le contexte de l’énoncé du théorème du rang. Ce théorème se reformule comme suit : dim(Ker(ϕ)) + rg(ϕ) = dim(E) d’où le nom attribué à ce théorème. 10 6.2 Rang d’une matrice Définition (rang d’un matrice) : Soient n, p ∈ N∗ . Soit A ∈ Mn,p (K). Le rang de la matrice A, noté rg(A), est défini comme étant le rang du système linéaire : x1 A ... = 0Rn . xp Remarque 8 : On rappelle que le rang d’un système linéaire se calcule en l’échelonnant, à l’aide de l’algorithme du pivot de Gauß. 1 Exemple 14 : Montrer que le rang de la matrice A = 2 3 0 1 vaut 2. 2 1 1 1 Théorème 14 (propriétés du rang d’une matrice) 1. Soient n, p ∈ N∗ . Soit A ∈ Mn,p (K). (a) On a les deux inégalités suivantes : rg(A) ≤ n rg(A) ≤ p. et (b) On a : rg(A) = rg( t A) où t A désigne la transposée de A. 2. Soit n ∈ N∗ . Soit A une matrice carrée de taille n × n. Alors on a le critère d’inversibilité suivant : ⇐⇒ A inversible rg(A) = n. Remarque 9 : La propriété 1.(b) du précédent théorème a la conséquence suivante. Pour calculer le rang d’une matrice, on peut aussi effectuer des opérations élémentaires sur les colonnes. Exemple 15 : Calculer le rang de la matrice 6.3 1 2 3 4 5 2 1 0 1 3 1 1 1 1 1 0 2 4 4 3 . Rang d’une application linéaire versus rang d’une matrice Théorème 15 (lien entre rang d’application linéaire et rang de matrice) Soit E un K-espace vectoriel de dimension p ∈ N∗ et soit E = (e1 , . . . , ep ) une base de E. Soit F un K-espace vectoriel de dimension n ∈ N∗ et soit F = (f1 , . . . , fn ) une base de F . Soit ϕ : E → F une application linéaire. Alors on a : rg(ϕ) = rg(Mat(ϕ, E, F)). Exemple 16 : Déterminer le rang de l’application x 2x ϕ : R4 → R5 ; 3x 4x 5x linéaire + + 2y y + + y 3y 11 + + + + + z z z z z + + + + 2t 4t 4t 3t .