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concevoir l’appartenance à un groupe (l’identité sociale) comme un
élément de la fonction d’utilité [Akerlof et Kranton, 2000].
La principale limite de ces approches est que l’individu demeure
spectateur de son identité : son appartenance à un groupe est définie a
priori, l’individu étant ainsi doté d’une identité unique et invariante.
La rationalité reste purement instrumentale et n’inclut aucune capacité
réflexive permettant à l’individu de penser – et donc de modifier – sa
relation au collectif [Favereau et Thévenon, 2002 ; Thévenon, 2003].
L’Économie des Conventions (EC) met cette absence de capacité
réflexive au cœur de ses critiques et dote les agents économiques
d’une rationalité procédurale [Favereau, 1989], située [Thévenot,
1989], interprétative [Batifoulier, 2001] et critique [Boltanski et Thé-
venot, 1991]. L’EC met ainsi l’accent sur la pluralité des formes
d’actions, des principes de rationalité sous-jacents à leur contexte, et
le rôle des représentations collectives dans la définition même de la
rationalité [Favereau, 1997a ; Orléan, 2002 ; Chaserant et Thévenon,
2001].
Nous proposons ici d’approfondir la conception de la rationalité de
l’EC sur ce dernier point en mobilisant la théorie de l’identité sociale
pour éclairer la façon dont les collectifs se constituent et influencent
l’action individuelle et dont les individus perçoivent les groupes et
leur appartenance à ceux-ci.
Initiée par Tajfel au début des années 70, la théorie de l’identité
sociale (TIS) montre, principalement de manière expérimentale, qu’un
simple effet de catégorisation, i.e. de définition des groupes, conduit
les individus à favoriser les membres de leur propre groupe. Les tra-
vaux ultérieurs de Turner explicitent les mécanismes cognitifs à