Université Joseph Fourier, Grenoble Maths en Ligne
Convergence uniforme
Vous allez apprendre à traiter les nombreuses situations où des limites s’enchaînent
sur une variable et sur un paramètre, entier ou non. Vous devrez retenir d’une part
la prudence (on n’intervertit pas des limites sans précaution), d’autre part que dans
la plupart des cas, la convergence uniforme rend vrai ce qu’il est naturel d’écrire. Ne
vous lancez pas sans de solides bases d’analyse : révisez les chapitres sur les suites et
les séries numériques, limites et continuité, dérivabilité, intégration.
Table des matières
1 Cours 1
1.1 Interversion de limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Suitesdefonctions ............................. 5
1.3 Continuitéuniforme............................. 9
1.4 Sériesdefonctions ............................. 15
1.5 Fonction définie par une intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.6 Intégrales convergentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2 Entraînement 24
2.1 Vraioufaux................................. 24
2.2 Exercices................................... 30
2.3 QCM..................................... 38
2.4 Devoir .................................... 40
2.5 Corrigédudevoir.............................. 43
3 Compléments 50
3.1 Likearollingstone ............................. 50
3.2 Tout le monde peut se tromper . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
3.3 La paille dans l’oeil du voisin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.4 Dépouillé d’une gloire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
3.5 Une démonstration du théorème de d’Alembert . . . . . . . . . . . . . 58
3.6 Polynômes de Bernstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
6 janvier 2012
Maths en Ligne Convergence uniforme UJF Grenoble
1 Cours
1.1 Interversion de limites
La liste d’exemples qui suit a pour but de vous montrer la diversité des situations
que nous envisageons dans ce chapitre, mais aussi de vous inciter à la prudence.
nN,lim
m+
m
n= +mais mN,lim
n+
m
n= 0 .
aR+,lim
x+aex= 0 mais xR+,lim
a+aex= +.
nN,lim
x1xn= 1 mais x[0,1[ ,lim
n+xn= 0 .
nN,lim
x1+xn= 1 mais x]1,+[,lim
n+xn= +.
nN,lim
x1
2n
X
k=0
(x)k= 0 mais x[0,1[ ,
+
X
k=0
(x)k=1
1 + x.
Pour les exemples qui suivent, IAdésigne la fonction indicatrice d’un sous ensemble A
de R:IA(x)=1si xA,0sinon.
nN,lim
x+
I[n,+[(x) = 1 mais xR,lim
n+
I[n,+[(x)=0.
nN,lim
x0+
I[0,1
n[(x)=1 mais x]0,1] ,lim
n+
I[0,1
n[(x)=0.
nN,Z1
0nI]0,1
n](x) dx= 1 mais x[0,1[ ,lim
n+nI]0,1
n](x)=0.
aR+,Z+
0
I[a,+[(x) dx= +mais xR,lim
a+
I[a,+[(x)=0.
Dans toutes ces situations, deux calculs de limites portant successivement sur chacune
des variables ne donnent pas le même résultat si les variables sont échangées : on ne peut
pas intervertir les deux limites. La convergence uniforme est une condition suffisante
sous laquelle l’interversion de deux limites est possible. Nous commençons par le cas le
plus simple, celui d’une « double » suite.
Théorème 1. Pour tout mN, soit (un,m)nNune suite de réels ou de complexes, qui
converge vers am,uniformément en m:
ε > 0,n0N,n > n0,mN,|un,m am|<ε.
Supposons de plus que pour tout nNla suite (um,n)mNconverge, et soit bnsa limite.
Alors les deux suites (am)mNet (bn)nNconvergent vers la même limite.
lim
m+am= lim
m+lim
n+um,n= lim
n+lim
m+um,n= lim
n+bn
1
Maths en Ligne Convergence uniforme UJF Grenoble
Pour bien comprendre l’adverbe « uniformément », comparez avec « pour tout m
N, la suite (un,m)nNconverge vers am» :
mN,ε > 0,n0N,n>n0,|un,m am|< ε .
Le rang n0dépend non seulement de ε, mais aussi de m. La convergence est uniforme
en m, si ce rang n0vaut pour tous les m. Remarquez que l’hypothèse d’uniformité
implique la convergence des deux suites (am)et (bn).
Démonstration : Dans Rcomme dans C, une suite est convergente si et seulement si
c’est une suite de Cauchy. Ici les suites (un,m)nNsont de Cauchy uniformément en m.
Commençons par le démontrer. Pour tous m, n, k N,
|um,n+kum,n|6|um,n+kam|+|amum,n|
Fixons ε > 0. Par hypothèse, il existe n0tel que pour tout n > n0, pour tout k>0,et
pour tout m,
|um,n+kam|<ε
2et |um,n am|<ε
2
Donc pour tout n > n0, pour tout k>0,et pour tout m,
|um,n+kum,n|< ε
Dans cette inégalité, prenons la limite en m: pour tout n > n0, pour tout k>0:
|bn+kbn|6ε .
La suite (bn)nNest une suite de Cauchy, donc elle converge. Soit lsa limite. Nous
devons montrer que la suite (am)nNconverge elle aussi vers l.
|aml|6|amum,n|+|um,n bn|+|bnl|.
Il existe n0tel que pour tout n>n0,|bnl|< ε/3. Il existe n1tel que pour tout n>n1
et pour tout m,|amum,n|< ε/3. Fixons alors n2>max{n0, n1}. La suite (um,n2)
converge vers bn2, donc il existe m0tel que pour tout m > m0,|um,n2bn2|< ε/3. Au
bilan, pour tout m>m0:
|aml|6ε
3+ε
3+ε
3=ε .
Le théorème 1 est un cas particulier d’un résultat beaucoup plus général qui vaut
pour n’importe quel cas de limites enchaînées : suites, mais aussi fonctions, limites à
gauche, à droite, en ±∞, etc. Tant que vous ne disposez pas d’une notion de limite
suffisamment générale, vous en êtes réduit à récrire autant de définitions et de théorèmes
qu’il y a de situations (apparemment) différentes. Nous allons le faire pour une suite
de fonctions, avec une limite finie en un point.
2
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Théorème 2. Soit Iun intervalle ouvert de R. Pour tout nN, soit fn:x7−fn(x)
une fonction définie sur I, à valeurs dans R. Supposons que pour tout xI, la suite
de réels (fn(x))nNconverge vers f(x),uniformément en x:
ε > 0,n0N,n > n0,xI , |fn(x)f(x)|<ε.
Soit aun point de I. Supposons que pour tout nNla fonction fnadmet une limite
en a, notée ln.
Alors la suite (ln)nNconverge, fadmet une limite en aet les deux limites sont les
mêmes.
lim
n+lim
xafn(x)= lim
xalim
n+fn(x)
Bien sûr, nous pourrions invoquer le fait qu’une fonction fadmet lpour limite
en asi et seulement, pour toute suite xnconvergeant vers a, la suite f(xn)converge
vers l. Nous serions ramenés à la situation précédente, et nous déduirions le théorème
2 du théorème 1. Mais la question est suffisamment difficile, l’enjeu important et les
notations compliquées, pour justifier une nouvelle démonstration que nous vous invitons
à suivre en parallèle de la précédente.
Démonstration : Commençons par démontrer que la suite lnest de Cauchy. Pour tout
n, k Net pour tout xI,
|fn+k(x)fn(x)|6|fn+k(x)f(x)|+|f(x)fn(x)|
Fixons ε > 0. Par hypothèse, il existe n0tel que pour tout n > n0, pour tout k>0,et
pour tout xI,
|fn+k(x)f(x)|<ε
2et |fn(x)f(x)|<ε
2
Donc pour tout n > n0, pour tout k>0,et pour tout xI,
|fn+k(x)fn(x)|< ε
Dans cette inégalité, prenons la limite quand xtend vers a: pour tout n>n0, pour
tout k>0:
|ln+kln|6ε .
La suite (ln)nNest une suite de Cauchy, donc elle converge. Soit lsa limite. Nous
devons montrer que f(x)tend vers lquand xtend vers a.
|f(x)l|6|f(x)fn(x)|+|fn(x)ln|+|lnl|.
Il existe n0tel que pour tout n > n0,|lnl|< ε/3. Il existe n1tel que pour tout
n>n1et pour tout xI,|f(x)fn(x)|< ε/3. Fixons alors n2>max{n0, n1}. La
3
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fonction fn2(x)converge vers ln2, donc il existe ηtel que pour tout x]aη, a +η[,
|fn2(x)ln2|< ε/3. Au bilan, pour tout x]aη, a +η[:
|f(x)l|6ε
3+ε
3+ε
3=ε .
Pour être sûr que vous avez bien compris, et au risque de paraître lourd :
Théorème 3. Soient Iet Jdeux intervalles ouverts de R,aun point de Iet bun
point de J. Soit f: (x, y)7−f(x, y)une fonction définie sur I×J, à valeurs dans R.
Supposons que pour tout xI, l’application partielle y7−f(x, y)admet g(x)comme
limite en b,uniformément en x:
ε > 0,η > 0,y]bη, b +η[,xI , |f(x, y)g(x)|<ε.
Soit aun point de I. Supposons que pour tout yJ, l’application partielle x7−f(x, y)
admet une limite en a, notée h(y).
Alors hadmet une limite en b,gadmet une limite en aet les deux limites sont les
mêmes.
lim
yblim
xaf(x, y)= lim
xalim
ybf(x, y)
Comme vous ne connaissez pas encore le critère de Cauchy généralisé, nous al-
lons devoir passer par les suites pour l’une des deux variables, ce qui va rendre cette
démonstration très proche de la précédente.
Démonstration : Soit (yn)nNune suite convergeant vers b: la suite f(x, yn)converge
vers g(x),uniformément en x. Pour tout n, k Net pour tout xI,
|f(x, yn+k)f(x, yn)|6|f(x, yn+k)g(x)|+|g(x)f(x, yn)|
Fixons ε > 0. Par hypothèse, il existe n0tel que pour tout n > n0, pour tout k>0,et
pour tout xI,
|f(x, yn+k)g(x)|<ε
2et |f(x, yn)g(x)|<ε
2
Donc pour tout n > n0, pour tout k>0,et pour tout xI,
|f(x, yn+k)f(x, yn)|< ε
Dans cette inégalité, prenons la limite quand xtend vers a: pour tout n>n0, pour
tout k>0:
|h(yn+k)h(yn)|6ε .
La suite (h(yn))nNest une suite de Cauchy, donc elle converge. Soit lsa limite. Nous
devons montrer que g(x)tend vers lquand xtend vers a.
|g(x)l|6|g(x)f(x, yn)|+|f(x, yn)h(yn)|+|h(yn)l|.
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