Revue pluridisciplinaire en neurologie d www.neurologies.fr Réfexion Conseil génétique Comment répondre à vos patients qui vous demandent un profil génétique ? p. 136 Marie Met-Domestici Diagnostic Biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer Le principe des tests sanguins basés sur l’analyse d’expression génétique et leur utilisation potentielle p. 169 Isabelle Saulnier, Florent Lachal et Thierry Dantoine Le point sur… Les troubles du contrôle des impulsions Quels troubles ? Chez quels patients ? Comment les prendre en charge ? p. 173 David Maltête Jonction neuromusculaire morcelée d’une fibre musculaire humaine. dossier (p.141) Pathologies neuromusculaireS L’évolution des connaissances Coordonné par Philippe Petiot 1 Les données à connaître pour diagnostiquer une pathologie neuromusculaire - Philippe Petiot 2 Dysglobulinémie et neuropathies : comment faire le lien ? - Françoise Bouhour 3 Les myopathies distales : un groupe hétérogène d’affections génétiques - Hélène Gervais-Bernard 4 Les syndromes myasthéniques congénitaux : un diagnostic complexe - Perrine Devic Avril 2012 • Volume 15 • n° 147 • 8 E sommaire Revue pluridisciplinaire en neurologie Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • ­Rédactrice : Violaine Colmet Daâge • Secrétaire de Rédaction : Annaïg Bévan • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de ­Production : Cécile Jeannin • Chef de Studio : Laurent Flin • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef Pr Franck Semah (Lille). www.neurologies.fr Avril 2012 • Vol. 15 • N° 147 n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 134 Comité de rédaction Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Stéphane Auvin (Paris), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Dr Yannick Béjot (Dijon), Dr Stéphanie Bombois (Lille), Dr Bénédicte Défontaines (Paris), Dr Romain Deschamps (Paris), Dr David Devos (Lille), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valérie Domigo (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Antoine Gueguen (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Christine Lebrun-Frénay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Pr Yann Péréon (Nantes), Dr Sylvain Rheims (Lyon), Dr Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne), Dr Tatiana Witjas (Marseille), Pr Mathieu Zuber (Paris). n réflexion Conseil aux patients qui demandent un profil génétique : un nouvel aspect de la relation médecin-malade . . . . . . . . . . . . . . p. 136 Marie Met-Domestici (Nice) n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pathologies neuromusculaireS L’évolution des connaissances Coordonné par Philippe Petiot Comité de lecture Pr David Adams (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Pr Franck Baylé (Paris), Dr Catherine Belin (Bobigny), DrFlorentBorgel(Grenoble),PrEmmanuelBroussolle (Lyon), Dr Gaëlle Bruneteau (Paris), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Créteil), Dr Olivier Delalande (Paris), Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Thierry Dubard (Reims), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Créteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantéri-Minet (Nice), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Dr Caroline Papeix (Paris), Pr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Pr Didier Smadja (Fort-de-France), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Marc Verny (Paris), Pr Hervé Vespignani (Nancy), Comité scientifique Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr Jean-Louis Baulieu (Tours), Dr Gérard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr William Camu (Montpellier), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr François Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Hubert Déchy (Versailles), Dr Jean-François Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie Hertz-Panier (Paris), DrPierreHinault(Rennes),DrLaurentLaloum(Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Saclay), PrOlivierLyon-Caen(Paris),PrJean-LouisMas(Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Philippe Neau (Poitiers), Pr JeanPierre Olié (Paris), Pr Jean Pelletier (Marseille), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danièle Ranoux (Limoges), Pr Jean Régis (Marseille), Dr Pascal Rémy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris) Neurologies est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette, Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai 75011 Paris - Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : [email protected] RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0112 T 78155 - ISSN : 1287-9118 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Neurologies” sont publiés sous la ­responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. p. 141 1 n Les neuropathies périphériques : démarche diagnostique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 142 Philippe Petiot (Lyon) 2 n Dysglobulinémie et neuropathies : comment faire le lien ?. . . . . p. 149 Françoise Bouhour (Lyon-Bron) 3 n Les myopathies distales : un groupe hétérogène d’affections génétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 156 Hélène Gervais-Bernard (Lyon) 4 n Les syndromes myasthéniques congénitaux : un diagnostic complexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 162 Perrine Devic (Lyon) n diagnostic Identification de patients atteints de la maladie d’Alzheimer : utilisation de tests sanguins basés sur l’analyse d’expression génétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 169 Isabelle Saulnier, Florent Lachal et Thierry Dantoine (Limoges) n le point sur… Les troubles du contrôle des impulsions : prévenir et détecter précocement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 173 David Maltête (Rouen) n NeuroAgenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Congrès : quand Soumettre vos abstracts ? . . . . . n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Appels à projets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n à lire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 140 p. 140 p. 154 p. 161 p. 172 p. 177 Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photo de couverture : Dr Perrine Devic, Laboratoire de biologie moléculaire de la cellule (UMR 5239 CNRS) du Pr Laurent Schaeffer, Ecole Normale Supérieure de Lyon. actualités de la profession Sommeil EN BREF Une enquête sur les troubles Epilepsie et antirétroviraux L’AAN et l’International League Against Epilepsy ont publié de nouvelles recommandations sur les risques d’interactions entre antiépileptiques et antirétroviraux. Pour en savoir plus : Birbeck GL et al. Evidence-based guideline: Antiepileptic drug selection for people with HIV/AIDS: report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology and the Ad Hoc Task Force of the Commission on Therapeutic Strategies of the International League Against Epilepsy. Neurology 2012 ; 17 : 139-45. SEP : un Prix pour l’ICM Le Prix Marie-Ange Bouvet Labruyère, sous l’égide de la Fondation de France, qui récompense un chercheur ou une équipe de l’ICM pour ses travaux innovants sur les maladies de la myéline, a été attribué pour 2011 à Violetta Zujovic (Inserm U975, équipe “Approche moléculaire et cellulaire de la remyélinisation”). Pour en savoir plus : www. fondationdefrance.org Alzheimer : Bon usage des médicaments La HAS met en ligne une fiche de bon usage des médicaments de la maladie d’Alzheimer, avec ces objectifs : Que peut-on attendre de ces médicaments ? A quel stade de la maladie doit-on commencer le traitement ? Quels médicaments prescrire selon le stade de la maladie ? A quelle posologie ? A quelles conditions poursuivre le traitement ? 134 du sommeil en France E n 2008, dans le cadre du Programme d’actions sur le sommeil 2007-2010, l’InVS (Institut de veille sanitaire) a mis en place une enquête épidémiologique visant à disposer de données chiffrées sur la fréquence et la gravité des troubles du sommeil en France. 8 257 ménages (22 273 personnes) ont été interrogés. Un questionnaire valide a été retourné par 15 941 personnes, dont 12 636 âgées de 16 ans et plus. 34 % ont déclaré la présence de troubles du sommeil, à la fréquence d’au moins 3 nuits/semaine. Les femmes sont plus concernées que les hommes (prévalence : 39 % vs 29 %). Ces troubles sont plus fréquents avec l’âge : 22 % chez les 16-24 ans (plutôt difficultés d’endormissement), 44 % après 75 ans (plutôt réveils nocturnes fréquents). Près de 80 % déclarent une symptomatologie chronique, avec des troubles du sommeil depuis plus de 3 mois. La prévalence du syndrome d’apnées du sommeil (SAS) a été estimée à 2,4 % chez les 16 ans ou plus, la prévalence des symptômes évocateurs de SAS (ronflements fréquents associés à des apnées ou à une somnolence diurne) à 4,9 %. 34 % de la population déclare être habituellement un peu, voire très fatiguée après une nuit de sommeil, et la prévalence d’une somnolence diurne excessive est de 19 %. Une personne sur 5 présente une insomnie chronique accompagnée d’un retentissement diurne (fatigue ou somnolence excessive). La prévalence est plus forte chez les femmes que chez les hommes (22 % vs 15 %). Elle augmente avec l’âge jusqu’à la classe des 4554 ans puis diminue légèrement ensuite. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir déjà consulté pour des problèmes de sommeil (14 % vs 8 %) et à prendre habituellement des médicaments pour dormir (12 % vs 5 %). Parmi les personnes souffrant d’insomnie chronique s’accompagnant d’un retentissement diurne, 27,5 % déclarent avoir déjà consulté un médecin pour ces troubles. 22 % prennent de façon habituelle des médicaments pour dormir. Une très forte influence de l’âge sur la consommation de médicaments est observée : 6 % des moins de 25 ans déclarent prendre des médicaments et quasiment la moitié (49 %) chez les plus de 75 ans. Seules 15 % des personnes ayant des symptômes évocateurs de SAS ont déclaré avoir déjà bénéficié d’un enregistrement du sommeil. ß Pour en savoir plus : C. Gourier-Fréry et C. Fuhrman, Département des maladies chroniques et traumatismes, Institut de veille sanitaire Les troubles du sommeil Synthèse des études menées à l’Institut de veille sanitaire. Mars 2012. Démences Alzheimer : un nouveau gène identifié dans les formes précoces D ans un communiqué du 3 avril, l’Inserm annonce qu’une équipe française, celle de Dominique Campion et Didier Hannequin (Unité Inserm 1079 “Génétique du cancer et des maladies neuropsychiatriques” et Centre national de référence malades Alzheimer jeunes, CHU de Rouen) a mis en évidence une nouvelle mutation qui pourrait être à l’origine de certaines formes précoces de maladie d’Alzheimer. Cette équipe a étudié 130 familles qui ont été identifiées par 23 équipes hospitalières françaises dans le cadre du Plan Alzheimer et parmi lesquelles l’un des membres est atteint d’une forme précoce de la maladie. Parmi ces familles, 116 portaient des mutations sur les gènes déjà connus. En revanche, pour les 14 familles restantes, aucune mutation sur ces gènes n’avait été observée. L’étude du génome des patients des 14 familles, grâce aux nouvelles techniques de séquençage complet de leur ADN, a permis de mettre en évidence des mutations sur un nouveau gène SORL1. Deux des mutations identifiées sont responsables d’une sous-expression de SORL1, laquelle a pour conséquence une augmentation de la production du peptide β-amyloïde. ß Pour en savoir plus : Potier C et al. High frequency of potentially pathogenic SORL1 mutations in autosomal dominant early-onset Alzheimer disease. Molecular Psychiatry du 3 avril 2012. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 REFLEXION Conseil aux patients qui demandent un profil génétique Un nouvel aspect de la relation médecin-patient n Les neurologues risquent d’avoir à faire face à une nouvelle demande de la part des patients et de leur famille : comment aborder les problèmes de conseils vis-à-vis de la littérature grandissante sur les susceptibilités génétiques aux maladies neurologiques et aux traitements. Ce problème devient particulièrement aigu aux Etats-Unis et commence à arriver en Europe. Un article récent publié dans Neurology Clinical Practice explicite la problématique rencontrée à partir d’un cas clinique. D ans cet exemple publié dans Neurology Clinical Practice, l’épouse souffre de céphalées chroniques, tandis que le mari présente une histoire familiale avec des AVC précoces. Ils souhaiteraient intégrer un programme de recherche durant le quel les profils génétiques de chacun seront établis, avec en toile de fond l’espoir d’obtenir une explication aux céphalées de Madame, et, d’autre part, estimer le risque de Monsieur de souffrir d’un AVC. Néanmoins, ayant consulté les offres des compagnies privées qui proposent ces analyses sur internet, ils consultent le neurologue de Madame pour avis. Ce type d’article soulève plusieurs problèmes : • d’une part la potentialité que de plus en plus de demandes pour avis génétiques puissent arriver auprès de médecins non spéciali*Conseillère génétique, Unité d’oncogénétique médicale, Centre Antoine Lacassagne, Nice 136 Marie Met-Domestici* sés en génétiques, comme les neurologues ; • d’autre part la distinction qui doit être faite entre l’étude du profil génétique dans le contexte d’un programme de recherche sur une anomalie identifiée ou pas, et dans le cadre d’une entreprise privée via internet. Des profils génétiques réalisés avec un encadrement médical Dans l’exemple donné, c’est un neurologue qui est sollicité par un couple de patients pour un avis qui concerne la sphère génétique. D’autres praticiens pourraient être amenés à entendre ce type de requête. Si un avis d’un généticien ou d’un médecin formé en génétique semble d’emblée souhaitable, il est dit ici que l’éloignement peut justifier de se référer à un autre spécialiste. Il existe également, dans certains CHU, des conseillers gé- nétiques qui peuvent recevoir les patients et leur famille en consultation, recueillir les informations et orienter la prise en charge. Les compagnies privées qui proposent l’analyse du profil génétique sur internet suggèrent d’impliquer un médecin pour l’interprétation des résultats afin que le patient ne soit pas seul devant des informations dont il ne pourrait pas comprendre la portée, mais cela n’est pas obligatoire et les résultats sont adressés au patient. La Food and Drug Administration qui régit aux Etats-Unis la commercialisation des denrées et des médicaments pourrait demander prochainement à ce qu’un médecin soit impliqué dans la communication des résultats aux patients. La HAS n’a pas encore a priori entamé de réflexion sur le sujet. De la même façon, les chercheurs en génétique et les éthiciens qui se penchent sur ce problème proposent l’implication de généticiens et/ou de conseillers en génétique. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 REFLEXION D’une manière générale, l’évolution des pratiques qui ont trait à la génétique laisse présager que de plus en plus de médecins non généticiens - dont des neurologues - soient amenés à donner leur avis quand à des résultats d’analyses génétiques que les patients pourraient leur présenter et qu’ils auraient sollicités eux-mêmes. Ainsi, il semblerait logique que les praticiens soient amener à devoir développer leurs connaissances en la matière. Le neurologue mis à contribution ici va devoir rationaliser les espoirs et les croyances des patients, leur exposer les risques de bénéficier d’informations non attendues et non souhaitées et, enfin, leur expliquer les implications d’une inclusion dans un programme de recherche en génétique qui sont toutes particulières. Ainsi, sont mises à contributions les notions que le neurologue peut avoir de génétique et d’éthique en relation avec la génétique. Il est bon de rappeler que même si le neurologue est interpellé, il n’est normalement pas habilité à demander ou à rendre un test génétique. Les limites et les promesses d’un profil génétique La balance risque/bénéfice est d’une importance capitale dans tout acte médical, et d’intérêt majeur ici puisque l’on parle d’étudier les caractéristiques génétiques d’un individu. En toile de fond, ce sont les principes de bienfaisance et de nonmalfaisance de la bioéthique qui doivent être en ligne de mire lorsque l’on mène ces réflexions. Les patients qui s’orientent ici vers une analyse du profil génétique es138 pèrent que l’on puisse utiliser les informations obtenues afin d’améliorer leur santé, que ce soit au moment même ou bien dans leur avenir médical. Puisque les données de génétique peuvent s’apparenter à la médecine prédictive dans certains cas de figure, c’est le champ de la prévention qui est intéressé, et c’est par ce biais là que l’on peut espérer agir positivement pour sa santé. Sur un plan plus global et communautaire, si les études de profil génétique étaient amenées à s’étendre, cela pourrait fournir un grand nombre de données qui permettraient de résoudre nombre de dilemmes diagnostiques. Le séquençage de nouveaux variants alléliques par le biais de ces examens pourrait conduire à affiner certains diagnostics pour lesquels des études de gènes candidats avaient échoué. L’étude plus approfondie des génomes pourrait également guider l’utilisation des médicaments et des dosages de ces derniers. La génétique apporte également des informations dans l‘ajustement de certains traitements d’intérêt en neurologie. Par exemple, certains individus d’origine asiatique partagent un allèle HLA-B ancestral nommé HLA-B*1502. Ces individus présentent des effets secondaires importants aux traitements par carbamazépine. La connaissance du statut allélique pour ce locus peut permettre d’orienter le traitement vers une autre molécule antiépileptique afin d’éviter ces effets secondaires. Si tous ces points positifs sont encourageants, le neurologue interrogé par ses patients doit être en mesure de leur expliquer que, parfois, il peut être difficile d’associer des conditions de santé aux variants génétiques découverts. La relation patient/médecin devient tout autre. Le neurologue est habitué à suivre son patient pour céphalées chroniques et il se retrouve avec la gestion de la relation avec le couple ou les apparentés. Il s’agit donc de sortir du colloque singulier habituellement rencontré en médecine. C’est en effet le propre de la génétique qui élargit les données et sort du cadre du patient seul face à son médecin, mais s’intéresse à des couples ou bien à des familles. En même temps, puisque il s’agit d’analyser le profil génétique pour chacun des individus du couple, il en va de l’extrême personnalisation et de l’information la plus complète concernant chacun des individus. Cette dualité : mine d’information sur chaque individu et collecte d’informations intimistes pour différents individus en même temps est aussi le propre de la génétique. Les risques à tout vouloir savoir Comme les auteurs le soulignent, les individus présentés ici s’exposent aux aléas d’une recherche génétique sans conseil génétique. S’il n’y a pas de conseil génétique au préalable, les patients s’exposent à bon nombre d’évènements inattendus. Chercher à obtenir un profil génétique, c’est d’abord s’exposer à obtenir pour résultats des faux-positifs et des faux négatifs, avec les inconvénients que cela procure : une ré-assurance alors qu’une prévention aurait pu être aménagée ou bien alors une inquiétude, voire Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Conseil aux patients qui demandent un profil génétique une détresse psychologique qui aurait pu être évitée. Le patient s’expose aussi à obtenir des informations qu’il ne cherchait pas. Il peut ainsi se découvrir UNE susceptibilité pour telle ou telle affection, plus grave que l’explication qu’il attendait. Dans le registre de la bienfaisance/non malfaisance toujours, que penser de découvrir lors d’un profil génétique une susceptibilité à développer une pathologie grave sans que l’on puisse mettre en place un dispositif de prévention ? Dans le champ de la neurologie, que penser de la découverte fortuite d’une mutation conduisant à la chorée de Huntington ou bien à la maladie d’Alzheimer alors que l’on ne peut rien faire en terme de prévention ? Beaucoup de patients expriment leur volonté de ne pas savoir lorsqu’ils sont correctement informés de toutes ces éventualités. Les généticiens sont régulièrement confrontés au problème. Les patients peuvent aussi, à l’issu de l’examen, devenir détenteur d’informations qu’ils doivent moralement et éthiquement transmettre à leurs apparentés afin de leur permettre de se protéger. Enfin, les analyses globales des caractéristiques génétiques peuvent poser un problème majeur lorsque leurs résultat est inscrit dans le dossier médical d’un patient. Même si, aux Etats-Unis comme en France, des lois visent à protéger les données génétiques, comme par exemple, l’interdiction de les faire figurer dans les dossiers informatiques pour cause d’absence de vérification des accès, il peut toujours y avoir des risques à ce que ces données soient réperNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 toriées (allusion dans un courrier de consultation par exemple…). Participer à une étude pour avoir son profil génétique Les neurologues qui participent actuellement en France à des études cliniques thérapeutiques de phase II ou III sont amenés à proposer aux patients de participer à des études de pharmacogénétique ou pharmacogénomique. Lorsque les patients viennent demander un avis avant de participer à l’étude pour laquelle il doit signer le consentement avant le prélèvement sanguin, il est important de rappeler les particularités des études à visée génétique. Tous les résultats obtenus serontils communiqués aux patients ? Il s’agit là de confronter les principes éthiques d’autonomie du patient : qui doit savoir ? satisfaire? aux principes de bienfaisance/non malfaisance ? Le patient doit-il avoir connaissance de faits qui ne lui servent pas à améliorer sa santé mais qui peuvent l’inquiéter ? Le patient va-t-il être au courant de toutes les recherches qui seront effectuées à partir de son prélèvement ? Quelle est la quantité de données qui va être disponible à partir de ces examens ? Des variants de significations inconnus peuvent être mis à jour. Comment expliquer ces informations ? Il est entendu que les patients signent un consentement éclairé avant d’engager une telle démarche, mais les notions abordées sont si spécifiques que l’interlocuteur qui fait face doit être formé spécialement à cela. L’avantage majeur de bénéficier d’un profil génétique dans le cadre d’un projet de recherche réside surtout dans le partage des données des sociétés savantes. Plus on a de données à analyser, plus l’échange et le croisement des données est aisé et instructif. Le pendant de risque à ce bénéfice collégial est le risque d’identification des personnes, puisque du matériel génétique est utilisé. Il en va donc de bon nombre de réflexions importantes et de nombre d’éclaircissements à donner aux patients pour qu’il puisse choisir entre confier son ADN à un programme de recherche ou bien engager une démarche privée. Et pour l’avenir ? Il est probable que les profils génétiques se feront en routine dans l’avenir et qu’ils feront partie des examens médicaux de base. Il est important de mettre en garde les praticiens des dérives possibles de l’inclusion systématiques des données au dossier médical du patient et de la nécessité d’un encadrement légal afin de protéger la vie privée et de lutter contre les n discriminations possibles. Correspondance Marie Met-Domestici Unité d’Oncogénétique médicale Centre Antoine Lacassagne 30 avenue Valombrose 06000 Nice Mots-clés : Conseil génétique, Ethique, Patient Cet article est une réflexion à partir du manuscript Advising patients about obtaining genomic profiles, de Donna T. Chen, MD, MPH, et Lois L. Shepherd, JD, paru dans la revue Neurology Clinical Practice de décembre 2011. 139 neuroagenda 11e Réunion Francophone sur la maladie d’Alzheimer et les syndromes apparentés 5th International Congress of Child and Adolescent Psychiatry 22-24 mai 2012 - Toulouse 8 octobre 2012 - Téhéran • Renseignements et inscriptions MCI France - 24 rue Chauchat - 75009 Paris Tél. : 33 (0) 1 53 85 82 82 Fax : 33 (0) 1 53 85 82 83 E-mail : [email protected] Site : www.alztoulouse2012.com • Renseignements et inscriptions Iranian Academy Of Child And Adolescent Psychiatry Roozbeh Hospital, South Kargar Ave 1333795914 Tehran - IRAN Site : http://congress.iacap.ir/index.php/cnfs/5th-1391 La sclérose en plaques dans la francophonie congrès ARSEP 1er juin 2012 - Paris 28th congress of ECTRIMS 2012 10-13 octobre 2012 - Lyon • Renseignements et inscriptions ECTRIMS 2012 - c/o Congrex Switzerland Ltd. Peter Merian-Strasse 80 - P.O. Box - 4002 Basel / Switzerland Tél. : +41 61 686 77 11 - Fax : +41 61 686 77 88 E-mail : [email protected] Site : www.ectrims.eu/conferences.htm • Renseignements et inscriptions Fondation ARSEP Parivry 14 rue Jules Vanzuppe - 94200 Ivry-sur-Seine Site : http://unisep.org 2 Versailles International Neurointensive Care Symposium nd 8th World Stroke Congress 2012 10-13 octobre 2012 - Brasilia World Stroke Organization 21 juin 2012 - Versailles • Renseignements et inscriptions Kenes International 1-3 Rue de Chantepoulet - CH-1211 Geneva 1, Switzerland Tél. : +41 22 908 0488 - Fax: +41 22 732 2850 E-mail : [email protected] - Site : www.kenes.com/stroke/ • Renseignements et inscriptions Emergence - 60 bd du Maréchal Alphonse Juin 44100 Nantes Site : http://www.e-mer-gence.fr/vincs2012/ CONGRÈS Quand soumettre vos abstracts ? z 28th congress of ECTRIMS 2012 10-13 octobre 2012, Lyon Date limite de soumission des abstracts : 23 mai 2012 Site : www.ectrims.eu/conferences.htm z 8th International Conference on Frontotemporal Dementias - FTD 2012 5-7 septembre 2012, Manchester Date limite de soumission des abstracts : 1er juin 2012 Site : www2.kenes.com/ftd2012/Pages/Home.aspx z 2nd International Congress on Neurology and Epidemiology - ICNE 8-10 nov 2012, Nice Date limite de soumission des abstracts : 30 juin 2012 Site : www.neuro-conference.com/2012/ z 11th International Congress on Alzheimer’s and Parkinson’s Disease 6-10 mars 2013, Florence Date limite de soumission des abstracts : 10 octobre 2012 Site : www2.kenes.com/adpd/Pages/Home.aspx z International Paediatric Sleep Association z 9th International Congress on Mental IPSA 2012 5-7 décembre 2012, Manchester Disorders & Other Non-Motor features in Date limite de soumission des abstracts : 11 juin 2012 Parkinson’s Disease and Related Disorders Site : www2.kenes.com/ipsa2012 z 15th World Congress on Pain Clinicians WSPC 2012 18-21 avril 2013, Séoul Date limite de soumission des abstracts : 19 novembre 2012 Site : www2.kenes.com/mdpd/pages/home.aspx 27-30 juin 2012, Grenade z 3rd World Parkinson Congress 2013 Date limite de soumission des abstracts : 13 juin 2012 Site : www2.kenes.com/wspc/Pages/home.aspx 1-4 octobre 2013, Montreal 140 Date limite de soumission des abstracts : 3 décembre 2012 Site : www.worldpdcongress.org/ Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 DOSSIER Pathologies neuromusculaires L’évolution des connaissances Dossier coordonné par Philippe Petiot L es pathologies neuromusculaires ont connu, ces dernières années, des avancées importantes. Après le démembrement génétique des neuropathies héréditaires et des dystrophies musculaires (et qui continue bien entendu), on constate à présent à un enrichissement des connaissances dans le domaine de certaines entités cliniques, de l’immunologie et de certains syndromes encore mal connus il y a peu de temps. Nous avons donc choisi de présenter quatre sujets qui reflètent bien cette évolution. • Le premier concerne la présentation d’une démarche diagnostique électro-clinique simple des neuropathies périphériques, préalable indispen- sable à l’identification de certains syndromes et étiologies. • Le second traitera des données récentes concernant les neuropathies associées aux gammapathies monoclonales. • Le troisième abordera la description et la classification des myopathies distales. • Enfin, le dernier présentera les principales caractéristiques cliniques, électrophysiologiques et génétiques des syndromes myasthéniques congénitaux. n Philippe Petiot (Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon) 1 Les neuropathies périphériques : démarche diagnostique ������� p. 142 Philippe Petiot (Lyon) 2 Dysglobulinémie et neuropathies : comment faire le lien ? ����� p. 149 Françoise Bouhour (Lyon-Bron) 3 Les myopathies distales : un groupe hétérogène d’affections génétiques ������������������������� p. 156 Hélène Gervais-Bernard (Lyon) 4 Les syndromes myasthéniques congénitaux : un diagnostic complexe ��������������������������������������������������������������������� p. 162 Perrine Devic (Lyon) Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 1 Les neuropathies périphériques Démarche diagnostique n Dans cet article, on ne traitera pas bien sûr de l’ensemble des étiologies des neuropathies, et nous renverrons le lecteur vers des articles de synthèse référencés dans la bibliographie. L’objectif est surtout de proposer une démarche simple amenant le clinicien à définir un “cadre” reposant sur les données cliniques, électriques et parfois biologiques. Une fois cette démarche adoptée, nous proposerons les grands cadres étiologiques à connaître pour chacune de ces situations. Introduction Si le diagnostic positif d’une neuropathie périphérique ne pose habituellement pas en soi de difficultés majeures, l’orientation étiologique est souvent plus délicate. En effet, les causes sont nombreuses et le neurologue est parfois confronté à plusieurs obstacles. Si la cause est parfois évidente, elle peut non seulement en cacher une autre mais, parfois, il faudra faire une enquête approfondie reposant sur plusieurs indices, à la fois cliniques et paracliniques. Or, si l’on peut proposer de standardiser le bilan comme cela a été proposé dans diverses recommandations (1), il est hors de question de demander une liste systématique d’explorations pour des raisons économiques, bien sûr, mais aussi compte tenu de la complexité, de l’accessibilité et du caractère parfois “invasifs” de certaines d’entre elles. Ainsi, il est impératif d’abord de définir des cadres “syndromiques” dont l’objectif sera de restreindre le clinicien à ne rechercher qu’une liste limitée d’étiologies, et donc de guider *Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon 142 Philippe Petiot* au mieux les explorations complémentaires. En caricaturant un peu, il n’y a pas un “bilan de neuropathie”, mais le “bilan d’une neuropathie”. Bien sûr, tout neurologue sait que parfois, malgré de nombreuses recherches et analyses approfondies, le diagnostic étiologique reste non défini, dans le cadre des “fameuses” neuropathies dites “idiopathiques”. Or, ce groupe se réduit d’année en année, tenant compte des nouveaux concepts (permettant parfois de proposer certains traitements), mais aussi de la mise à disposition de nouveaux “outils” diagnostiques. Le diagnostic de neuropathie idiopathique reste encore possible, mais il doit répondre à des critères précis et ne pas être qu’un simple diagnostic d’exclusion. L’étape clinique En dehors de certaines situations dont nous reparlerons, le diagnostic positif de neuropathie périphérique repose sur le classique “syndrome neurogène” qui ne pose habituellement aucune difficulté au clinicien. Par contre, deux étapes vont dès à présent être déterminantes : 1. caractériser au mieux ce syndrome neurogène afin d’en définir les particularités intrinsèques ; 2. préciser le contexte général et rechercher les signes associés, constituant les caractéristiques extrinsèques qui seront des “indices d’alerte” déterminants pour aller plus loin dans la démarche diagnostique. Caractéristiques intrinsèques de la neuropathie • L’ancienneté, les modalités d’installation et d’évolution sont souvent déterminantes : - en effet, une neuropathie de survenue rapide, voire brutale, est toujours liée à une cause définie, qu’elle soit inflammatoire ou générale ; - une installation très lente et progressive peut classiquement se rencontrer dans le cadre des neuropathies idiopathiques, mais est parfois aussi la caractéristique de certaines neuropathies comme celle liée à l’anticorps anti-MAG, certaines polyradiculonévrites chroniques ou les neuropathies héréditaires par exemple ; Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 - une évolution par poussées est volontiers évocatrice d’un processus inflammatoire, mais peut aussi se rencontrer dans certaines neuropathies métaboliques (porphyries, mais aussi maladie de Fabry, maladie de Tangier) ; - enfin, axiome incontournable, une neuropathie récente et rapidement évolutive sans cause a priori, impose un bilan complet et parfois rapide, allant parfois jusqu’à la biopsie de nerf. • Si l’aréflexie est quasi constante, il est important d’en préciser l’étendue en la corrélant au déficit sensitif ou moteur constaté. En effet, une aréflexie diffuse présente d’emblée ou contrastant avec un déficit focalisé, voire uniquement distal, est un indice très important pour suspecter un processus non longueur-dépendant comme on peut l’observer dans les ganglionopathies ou les polyradiculonévrites chroniques (PRNc) par exemple. • Si la plupart des neuropathies sont sensitives et motrices, certaines ont une présentation uniquement ou quasi exclusivement sensitive ou motrice, caractéristique fondamentale dans certains cadres syndromiques voire étiologiques. Par exemple, une neuropathie symétrique motrice aiguë évoque une forme axonale motrice pure de syndrome de Guillain et Barré (avec anticorps antigangliosides de type IgG, souvent précédée d’une infection à Campylobacter jejuni), ou une porphyrie. • En cas d’installation progressive, une participation proximale symétrique “pseudomyopathique” se rencontre dans certaines PRNc, alors qu’une forme motrice pure asymétrique fait classiquement discuter une neuNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 ropathie multifocale à blocs de conduction. Inversement, une neuropathie exclusivement sensitive (2) offre au clinicien deux orientations possibles. Soit elle est symétrique et distale, et cette présentation se rencontre dans de nombreuses situations étiologiques ; par contre, une forme asymétrique ou non longueur-dépendante est un pattern très évocateur d’une neuronopathie sensitive ou ganglionopathie (8), plus rarement d’une multineuropathie sensitive. • Une neuropathie ataxiante constitue un cadre très particulier. Elle s’observe plus volontiers dans les neuropathies ayant une composante sensitive profonde prédominante, associée parfois à un tremblement. Trois diagnostics doivent être évoqués en première ligne : PRNc sensitive, ganglionopathie ou neuropathie avec antiMAG. L’électroneuromyogramme (ENMG) va alors occuper une place déterminante. Dans certains cas, l’ataxie ne sera pas sensitive mais cérébelleuse et l’association “neuropathie et syndrome cérébelleux” ouvre un champ étiologique très particulier (3). • Si le déficit sensitif touche exclusivement les petites fibres avec hypoesthésie thermoalgique isolée (4), la présentation est trompeuse car l’aréflexie est absente. Elle est de répartition plus volontiers longueur-dépendante avec troubles sensitifs quadridistaux (sauf dans la forme neuronopathique décrite par Gorson et al.) (5). Parfois, cette atteinte des petites fibres est associée à une dysautonomie qu’il faut systématiquement rechercher à l’interrogatoire : diarrhées chroniques, troubles génito-sphinctériens, fluctuations tensionelles. Si elle peut évoluer ensuite vers une atteinte plus globale des fibres sensitives, un tel début se rencontre sous nos contrées dans un cadre assez restreint d’étiologies : diabète, amylose, syndrome de Gougerot-Sjögren, maladie de Fabry… Pour cette dernière, une accentuation des symptômes sensitifs subjectifs aux changements de température est très évocatrice. • Si les douleurs sont fréquentes au cours des neuropathies, elles constituent rarement un indice diagnostique en soi. Par contre, leur absence est inhabituelle dans certains cadres étiologiques : ganglionopathies paranéoplasiques, neuropathies des petites fibres, certaines neuropathies toxiques… • Certaines neuropathies s’accompagnent d’une atteinte des nerfs crâniens. Elle est classique dans le syndrome de Guillain-Barré (paralysie faciale en particulier) et parfois rencontrée au cours de certaines PRNc. L’existence de troubles oculomoteurs est évocatrice du CANOMAD (chronic ataxic neuropathy, ophthalmoplegia, IgM paraprotein, cold agglutinins and disialosyl antibodies), des mitochondriopathies ou du syndrome de Miller-Fisher. Une dysphagie ou une dysphonie est aussi décrite dans le SANDO (sensory ataxic neuropathy with dysarthria and ophthalmoparesis) ou le CANOMAD. Enfin, une hypoesthésie faciale est parfois associée à certaines neuropathies du syndrome de Gougerot-Sjögren, mais peut aussi s’observer au cours d’une ganglionopathie. Caractéristiques extrinsèques de la neuropathie Un examen général et neurologique complet sont impératifs dans la démarche diagnostique 143 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER d’une neuropathie. Il est impossible de faire une liste exhaustive des situations parfois rencontrées au cours de l’expertise clinique d’une neuropathie, et nous ne donnerons uniquement que quelques exemples particulièrement évocateurs d’un contexte étiologique particulier. Il peut tout d’abord s’agir de signes neurologiques centraux associés. Par exemple : • l’association neuropathie motrice-mouvements anormaux et/ ou syndrome parkinsonien oriente vers une neuroanthocytose ; • un tremblement est volontiers observé au cours des neuropathies anti-MAG et des ganglionopathies ; • une surdité est fréquente dans les mitochondriopathies, la maladie de Refsum et la neuropathie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) liée à l’X ; • une épilepsie fait discuter une cytopathie mitochondriale ; • des anomalies de la substance blanche à l’IRM cérébrale se rencontrent au cours de nombreuses pathologies : mitochondriopathies, adrénoleucodystrophies, certains CMT X, de rares cas de PRNc… ; • enfin, l’association neuropathie/ myopathie évoque classiquement une myopathie inflammatoire ou une mitochondriopathie. Sur le plan général, la liste est encore plus longue mais il faut insister sur : 1. les signes cutanés rencontrés au cours des vascularites (purpura), du POEMS (polyneuropathie, organomégalie, endocrinopathie, gammapathie monoclonale et signes cutanés avec hyperpigmentation ou hypertrichose par exemple) ou de la maladie de Fabry (angiokératome) ; 144 2. des malformations osseuses (scoliose, pieds creux) évocatrices d’un CMT ; 3. des signes articulaires observés dans les connectivites ; 4. une hypertrophie nerveuse est classique dans la lèpre ou dans certaines formes de CMT ; 5. une hypertrophie de certains organes est évocatrice du POEMS ; 6. une cardiopathie est rencontrée au cours des mitochondriopathies, l’amylose ou la maladie de Fabry. L’électro­ neuromyogramme L’électromyogramme (ENMG) occupe bien sûr une place fondamentale dans cette deuxième phase de la démarche diagnostique. Diagnostic positif L’ENMG permet en effet de confirmer le diagnostic de neuropathie, ce qui n’est pas là son intérêt principal, même si une neuropathie est parfois de découverte un peu inattendue au cours de certaines présentations cliniques (cytopathie mitochondriale par exemple où elle n’est souvent révélée que par l’étude des conductions). Inversement, il peut être pris à défaut dans certaines situations. La plus classique est celle des neuropathies des petites fibres qui, par définition, s’accompagnent d’un ENMG normal (car ce dernier n’explore que les fibres de gros diamètres). Le diagnostic repose alors sur les potentiels évoqués sensitifs au laser (dont il reste à définir la sensibilité) et surtout sur la biopsie cutané, avec évaluation de la densité des fibres amyéliniques dans le derme, qui est la technique de référence (mais non encore disponible dans tous les centres , 4). Les étiologies sont classiquement l’amylose (à rechercher systématiquement), le diabète, le syndrome de Gougerot-Sjögren (où elles semblent assez fréquentes), la maladie de Fabry, l’infection à VIH, certaines gammapathies monoclonales… Cependant, des formes idiopathiques ne sont pas rares. Plus exceptionnellement, certaines PRNc s’accompagnent d’un ENMG normal, dans une forme sensitive pure qui ne concerne que les racines sensitives postérieures (6). L’analyse du LCR (à la recherche d’une dissociation albumino-cytologique), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) lombaire (montrant parfois une hypertrophie et une prise de gadolinium radiculaire) et les potentiels évoqués sensitifs (objectivant des anomalies proximales des conductions nerveuses périphériques) permettent d’en porter le diagnostic et de proposer un traitement parfois efficace. Diagnostic physiopathologique L’ENMG doit toujours être interprété en fonction du contexte clinique et biologique, et il ne fait pas à lui seul le diagnostic étiologique (en dehors de quelques situations très particulières comme les NMBC par exemple). Il reste cependant déterminant pour orienter le clinicien vers certains cadres syndromiques. Nous utiliserons un arbre décisionnel simple qui permet de définir les principales catégories “électrocliniques” qui nous aiderons à restreindre et finalement à simplifier la recherche étiologique. Globalement, il existe trois grands cadres syndromiques : • neuropathie axonale ; • neuropathie démyélinisante ; • neuropathie axonomyélinique. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Nerfs latences distales (ms) Vitesses de conduction (m/s) Ondes F (ms) (amp > 1 mV) Vitesses proximales (m/s) >5 >6 < 37 < 32 > 38,4 < 40 Ulnaire: - amp > 4,8mV - amp < 4,8mV > 4,4 > 5,3 < 37 < 32 > 38,4 < 40 Fibulaire commun : - amp > 1,6mV - amp < 1,6mV > 6,5 > 7,8 < 32 < 28 > 66 < 36 Tibial postérieur : - amp > 4mV - amp < 4mV > 7,8 > 9,3 < 32 < 28 > 66 < 36 Médian : - amp > 4mV - amp < 4mV Cette simple distinction n’est pas toujours très aisée à faire en pratique, car il peut coexister une atteinte axonale secondaire à un processus initialement démyélinisant et inversement. C’est la raison pour laquelle de nombreux critères électrophysiologiques sont proposés et régulièrement mis à jour pour essayer de sortir de ce dilemme parfois difficile. Nous ne rentrerons pas dans cette discussion souvent fastidieuse et nous renvoyons le lecteur aux nombreuses revues publiées ces dernières années qui donnent lieu d’ailleurs à de régulières mises à jour (7, 8). ❚❚Les neuropathies démyélinisantes Elles sont classiquement définies par un allongement des latences distales motrices, un ralentissement des vitesses de conduction nerveuse motrice, un allongement des latences des ondes F et par la présence de blocs de conduction (cependant parfois rencontrés dans certaines neuropathies axonales aiguës comme certaines mutlinévrites) ou de dispersions des réponses motrices (allongement de la durée). Depuis près de 20 ans, de nombreuses équipes Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 ont proposé leur propre classification et il est difficile d’en faire une synthèse opérationnelle. S’inspirant de ces multiples études, un remarquable travail collaboratif français (7) a publié des critères simples utilisables en pratique quotidienne (Tab. 1). L’individualisation d’une neuropathie démyélinisante est fondamentale car une cause définie est retrouvée dans la grande majorité des cas. Il faut alors utiliser un arbre diagnostic simple permettant de s’orienter vers ces différentes étiologies qui sont majoritairement héréditaires (parfois métaboliques) ou dysimmunes. L’homogénéité des altérations des conductions doit d’abord être prise en compte. En effet, une démyélinisation homogène sur les 4 membres (ralentissement identique des vitesses de conduction aux membres supérieurs et inférieurs, à quelques m/sec près) est très évocatrice d’un CMT de type 1 (9) et il faut alors aller directement à la biologie moléculaire (gène PMP22 dans la majorité des cas). En cas de démyélinisation hétérogène, une neuropathie hé- réditaire reste possible dans le cadre des neuropathies par hypersensibilité des nerfs à la pression (délétion PMP22) car l’hétérogénéité est liée alors à de multiples ralentissements, mais alors plus prononcés dans les sites d’entrappements (canal carpien, ulnaire au coude par exemple), sur un fond de neuropathie diffuse quasi contant (10). La sémiologie clinique comporte alors une composante tronculaire sauf dans les rares formes “polynévritiques” pouvant mimer une polyradiculonévrite chronique (PRNc) et il est d’ailleurs parfois utile de vérifier la biologie moléculaire dans les formes de PRNc résistantes aux traitements immunosuppresseurs. Sinon, on entre alors le plus souvent dans le vaste cadre des neuropathies démyélinisantes dysimmunes. Il faut à ce stade revenir à la clinique et orienter le diagnostic selon le caractère symétrique ou asymétrique de la sémiologie. Dans les formes cliniquement symétriques, il faut s’intéresser à la localisation préférentielle des lésions démyélinisantes sur les données ENMG. En cas de lésions myéliniques très distales, l’index de latence terminal (distance en 145 DOSSIER Tableau 1 - Altérations de la conduction nerveuse en faveur d’une démyélinisation (7). Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER mm/VCM en m/sec x LDM en msec) est un outil précieux car il évalue le rapport proximo-distal de la démyélinisation. Dans cette situation où il est abaissé, on évoque en premier lieu l’hypothèse d’une neuropathie avec IgM antiMAG (11), même si de nombreuses formes électrocliniques ont été rapportées récemment. Il peut aussi s’agir de certaines PRNc avec démyélinisation distale prédominante appelée DADS (distal acquired demyelinating symetric neuropathy) dont certaines sont associées à une gammapathie IgM monoclonale sans activité antiMAG. Dans les formes où la démyélinisation est plus proximale, le diagnostic de PRN chronique ou aiguë est alors évoqué, volontiers soutenu par l’existence d’une dissociation albuminocytologique qui n’est toutefois par constante. Pour les caractéristiques électrocliniques des PRNc, nous renvoyons à nouveau le lecteur vers l’excellent travail du groupe français (7) et vers celui du groupe européen révisé récemment (8). Devant une présentation asymétrique, s’il s’agit d’une forme cliniquement motrice pure (16), on s’orientera alors vers une neuropathie motrice multifocale avec blocs de conduction (NMMBC), parfois associée à des anticorps antigangliosides de type IgM antiGM1 (30 à 40 % des cas). Les conductions sensitives sont le plus souvent normales ou peu altérées. S’il s’agit d’une neuropathie sensitive et motrice sur le plan électrique et clinique (12), il faudra discuter alors un syndrome de Lewis et Sumner (SLS). La distinction entre ces deux formes est fondamentale sur le plan thérapeutique car dans les NMMBC, seules les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) ont montré leur efficacité alors que dans le SLS, le traitement est identique à celui proposé pour les PRNc (IgIV, immunosuppresseurs, échanges plasmatiques). ❚❚Les neuropathies axonales Dans ce cadre, il existe deux difficultés déroutantes pour le clinicien. Les étiologies sont tout d’abord extrêmement nombreuses et inversement, il existe un nombre important de formes dites idiopathiques. Comme pour les neuropathies démyélinisantes, il faut alors essayer d’individualiser différents sous-groupes (définis également sur des critères cliniques et électrophysiologiques) qui vont constituer parfois des “pôles d’attraction” qu’il est important de connaître car associés à un nombre plus restreint d’étiologies. • Neuronopathie sensitive ou ganglionopathie Il s’agit de neuropathie cliniquement et électriquement sensitive pure dont la présentation n’est habituellement pas longueur-dépendante. Elles peuvent ainsi débuter aux membres supérieurs, voire ne toucher que les membres supérieurs, ou s’accompagner d’emblée de troubles sensitifs profonds des 4 membres, parfois asymétriques (localisées uniquement aux membres supérieurs dans certains cas) avec aréflexie diffuse. Une ataxie n’est pas rare, voire un tremblement en cas de grande déafférentation. Dans les formes subaiguës, les douleurs sont fréquentes. Un travail récent propose une échelle d’évaluation diagnostique (Tab. 2) fort utile en pratique quotidienne (13). Les PES (révélant des anomalies proximales prédominantes) ou l’IRM peuvent être aussi utiles dans certains cas (hypersi- Tableau 2 - Critères diagnostiques des neuronopathies sensitives (13). A. Pour un patient présentant une neuropathie sensitive clinique, le diagnostic de neuronopathie est possible en cas de score > 6.5Oui Points a. Ataxie des membres inférieurs ou supérieurs au début ou au cours de l’évolution q +3.1 b. Présentation asymétrique des troubles sensitifs au début ou au cours de l’évolution q +1.7 c. Déficit sensitif non restreint aux membres inférieurs au cours de l’évolution q +2.0 d. Si au moins 1 PAS absent or 3 PAS < 30 % des valeurs limites inférieurs aux membres supérieurs (sans entrappements) q +2.8 e. Moins de nerf présentant des altérations des conductions motrices aux membres inférieurs q +3.1 B. Le diagnostic de neuronopathie est probable si le score > 6,5 et si : 1. Le bilan initial n’objective pas d’anomalies biologiques ou ENMG excluant le diagnostic de neuronopathie 2. Le patient présente une des pathologies suivantes : syndrome paranéoplasique avec anticorps antineuronaux ou un cancer au cours des 5 dernières années ; traitement aux sels de platine ; syndrome de Gougerot-Sjögren 3. si l’IRM révèle des hypersignaux des cordons postérieurs de la moelle C. Le diagnostic de neuronopathie est certain s’il existe des anomalies histologiques évocatrices des ganglions rachi­ diens postérieurs (même si la biopsie des ganglions n’est pas recommandée) 146 Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 gnaux des cordons postérieurs). De présentation asymétrique, les étiologies sont alors assez restreintes : syndrome de Gougerot-Sjögren, formes paranéoplaqiues (avec anticorps anti-Hu dans la majorité des cas), cirrhose biliaire primitive. Des formes idiopathiques sont possibles, souvent considérées comme dysimmunes mais dont le traitement reste souvent difficile. En cas de forme d’emblée diffuse et symétrique, on peut citer la maladie de Friedreich, certaines cytopathies mitochondriales, ou celles en rapport avec la toxicité des sels de platine ou l’intoxication par la vitamine B6. • Neuropathie axonale et asymétrique En dehors des neuronopathies sensitives décrites précédemment, on entre dans le groupe particulier des multineuropathies avec des signes électrocliniques à la fois sensitif et moteur (avec souvent une excellente corrélation topographique entre les données cliniques et électriques). Elles sont souvent de début brutal, volontiers douloureuses et évolutives. Elles sont le plus souvent liées à une vascularite. Il s’agit d’une urgence neurologique et, en dehors d’un bilan général à la recherche d’une vascularite systémique, la biopsie de nerf doit souvent être rapidement proposée à la recherche d’anomalies histologiques évocatrices afin de proposer un traitement adapté. Parfois, cette vascularite ne concerne que le système nerveux périphérique, mais un traitement doit aussi être proposé dans cette situation (corticoïdes par exemple). • Neuropathie sensitive ou sensitivo-motrice non longueur-dépendante Dans ce cadre, l’ENMG retrouve une neuropathie axonale sensiNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 tivo-motrice associée parfois à quelques critères de démyélinisation cependant insuffisants pour affirmer le diagnostic de PRNc (8). L’existence d’une aréflexie d’emblée diffuse, d’une ataxie, d’un déficit moteur proximal, d’une présentation clinique quadri-distale simultanée ou d’une atteinte des nerfs crâniens sont autant d’arguments pour évoquer un processus non longueurdépendant (7). Parfois, il existe une évolution par poussées. Ces formes très singulières considérées autrefois comme “idiopathiques” ont donné lieu à de très nombreuses publications ces dernières années, car un grand nombre d’entre elles sont en réalité des PRNc observée au stade “axonal”, appelées encore PRNc atypiques (7, 14). Le diagnostic repose alors sur : l’existence d’une éventuelle dissociation albumino-cytologique dans le liquide céphalo-rachidien ; une hypertrophie des racines lombaires avec parfois prise de contraste à l’IRM lombaire ; des altérations évocatrices aux PES. Surtout, il peut s’agir d’une excellente indication de biopsie de nerf (15) à la recherche de signes histologiques évoquant un processus démyélinisant associé, à condition d’être réalisée dans un centre spécialisé habituée à ce type d’analyse (coupes semi-fines, technique du teasing, microscopie électronique). L’individualisation de ces formes est importante car on peut alors proposer un traitement par corticoïdes, IGIV ou échanges plasmatiques pouvant, dans certains cas, améliorer les patients. • Neuropathie cliniquement sensitive longueur-dépendante En dehors des neuropathies des petites fibres, l’ENMG révèle des altérations concernant uniquement les conductions sensitives avec microvoltage distal et isolé des potentiels évoqués sensitifs, ou peut s’accompagner d’une souffrance mixte des fibres motrices et sensitives. Les étiologies sont alors nombreuses et regroupent les grands cadres étiologiques bien connus des neuropathies périphériques (toxique, carentielle, infectieuse, dysimmunes au cours des connectivites, cryoglobuline, amylose, causes héréditaires ou métaboliques…). Le contexte clinique et les signes cliniques associés décrits précédemment sont souvent d’une aide précieuse. Si la neuropathie est sévère et/ou évolutive, seul un large bilan complémentaire systématique (pouvant aller jusqu’à la biopsie de nerf) permettra d’identifier une cause précise. Il faut isoler les formes idiopathiques du sujet âgé dont la présentation est souvent caractérisée par une dissociation électroclinique évocatrice (ENMG plus “malade” que le patient). • Neuropathie sensitivomotrice longueur-dépendante Comme dans le groupe décrit précédemment avec atteinte clinique sensitive pure, les étiologies sont nombreuses et la démarche du diagnostique étiologique est proche. Là encore, une neuropathie sévère et évolutive doit imposer la réalisation d’un bilan le plus exhaustif possible. Dans les formes chroniques et anciennes, on peut être amené à discuter une forme axonale de CMT, qualifiée alors de type 2, dont la rentabilité diagnostique de la biologie moléculaire est nettement inférieure à celle des CMT 1 vus précédemment. Dans les formes sporadiques, il a été isolé une entité particulière qualifiée de CMT-like dont le mécanisme physiopathologique reste discuté (héréditaire ? dégénératif ?) mais qui correspond à une réalité clinique. 147 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER • Neuronopathie ou neuropathie motrice pure Il s’agit d’une atteinte cliniquement et électriquement motrice pure. Dans certains cas, elles sont de présentation longueur-dépendante, prédominant aux membres inférieurs, alors que d’autres peuvent débuter aux membres supérieurs. D’un point de vue physiopathologique, il peut s’agir d’une souffrance du motoneurone mais parfois d’une axonopathie motrice isolée. Certaines sont héréditaires (17) dans le cadre des amyotrophies spinales distales (ou dHMN pour distal hereditary motor neuropathy). D’autres peuvent être acquises, comme dans la forme motrice axonale de syndrome de Guillain-barré associée à l’infection à Campylobacter jejuni. Existe-t-il des formes dysimmunes chroniques ? Cela reste débattu car un certains nombres d’observations rapportées seraient en réalité des NMMBC (pour lesquelles les blocs de conduction ne pourraient être mis en évidence) et pourraient alors bénéficier d’un traitement par immunoglobulines intraveineuses (18). ❚❚Les neuropathies axono-myéliniques Une telle conclusion apparaît souvent dans les comptes-rendus d’ENMG, en raison des difficultés souvent rencontrées pour identifier le caractère primitivement axonal ou démyélinisant de la neuropathie. Pourtant, il faut éviter le plus possible une telle conclusion et réserver cette appellation à un cadre assez restreint d’étiologies. En effet, une telle présentation est rencontrée essentiellement au cours du diabète, de l’insuffisance rénale chronique, du POEMS, de certaines neuropathies paranéoplasiques (avec anticorps anti-CV2) ou dans certaines neuropathies métaboliques (adrénoleucodystrophie par exemple). Conclusion Si l’ensemble des étiologies rencontrées au cours des neuropathies ne s’intègre pas toujours dans cette démarche diagnostique, cette dernière permet souvent de limiter les explorations inutiles. Avec ces arbres diagnostiques simples, le clinicien ou l’électrophysiologiste pourront, dans la majorité des cas, adopter une prise en charge adaptée et proposer, dans certains cas, un traitement n approprié. Correspondance Dr Philippe Petiot Service de neurologie Hôpital de la Croix-Rousse 103, Grande rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon E-mail : [email protected] Remerciements Au Dr Thierry Maisonobe qui a beaucoup inspiré ce travail. Mots-clés : Neuropathie périphérique, Diagnostic, Clinique, Electrophysiologie, ENMG, Neuropa­ thie axonale, Neuropathie démyéli­ nisante, Neuropathie axonomyéli­ nique, Syndrome de Guillain-Barré, CANOMAD, Mitochondriopathies, Syndrome de Miller-Fisher, SANDO, Syndrome de Gougerot-Sjögren, Ganglionopathie, Neuroanthocytose, Neuropathies anti-MAG, Maladie de Refsum, Neuropathie de CharcotMarie-Tooth, POEMS, Maladie de Fabry, Vascularites, Connectivites Bibliographie 1. England JD, Gronseth GS, Franklin G et al. Practice parameter: the evaluation of distal symmetric polyneuropathy: the role of laboratory and genetic testing (an evidence-based review). Report of the American Academy of Neurology, the American Association of Neuromuscular and Electrodiagnostic Medicine, and the American Academy of Physical Medicine and Rehabilitation. Neurology 2009 ; 1 : 5-13. 2. Botez SA, Herrmann DN. Sensory neuropathies, from symptoms to treatment. Curr Opin Neurol 2010 ; 23 : 502-8. 3. 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Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 2 Dysglobulinémie et neuropathies Comment faire le lien ? n La gammapathie monoclonale est le point commun d’un groupe hétérogène d’affections. Elle se caractérise par la prolifération et le dépôt d’immunoglobulines constitués par un seul type de chaîne lourde (M, G ou A) et une seule chaîne légère (kappa ou lambda). Il est clairement établi qu’il existe un lien entre neuropathie périphérique et dysglobulinémie monoclonale. L a gammapathie monoclonale est le point commun d’un groupe hétérogène d’affections allant de la gammapathie monoclonale bénigne (MGUS) aux hémopathies et à certaines affections systémiques comme l’amylose AL ou la cryoglobulinémie. Par opposition aux gammapathies polyclonales secondaires à tout processus inflammatoire, la gammapathie monoclonale se caractérise par la prolifération et le dépôt d’immunoglobulines constitués par un seul type de chaîne lourde (M, G ou A) et une seule chaîne légère (kappa ou lambda). Une MGUS est rencontrée chez 1 % de la population de plus de 25 ans, le plus souvent de type IgG (75 %). Sa prévalence augmente avec l’âge, étant de 3 % chez les sujets de plus de 70 ans. Il est clairement établi qu’il existe un lien entre neuropathie périphérique et dysglobulinémie moService d’ENMG-Pathologies neuro-musculaires, Hôpital Neurologique, Lyon-Bron Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Françoise Bouhour* noclonale : • la prévalence d’une gammapathie monoclonale chez des patients souffrant d’une neuropathie périphérique dite idiopathique est de 5 à 10 % ; le plus souvent il s’agit d’un gammapathie IgM (50 % des cas) (1) ; • chez les patients suivis pour une dysglobulinémie monoclonale, la prévalence d’une neuropathie est élevée : 1/3 des patients suivis pour myélome multiple, 5 à 10 % des patients connus pour une maladie de Waldenström ; enfin, 17 % des sujets suivis pour une amylose systémique ont une neuropathie périphérique (2). Etablir ce lien est parfois difficile et nécessite souvent un faisceau d’arguments tant cliniques qu’électrophysiologiques, voire histologiques (3, 4). On distingue : 1. les neuropathies de mécanisme dysimmunitaire ; 2. la cryoglobulinémie ; 3. l’amylose primitive ; 4. l’infiltration du nerf par des cellules malignes : 5. les neuropathies “hors classes”. 1. Les neuropathies de mécanisme dysimmunitaire La neuropathie anti-MAG (Myelin associated protein) Liée à une dysglobulinémie IgM La MAG est une glycoprotéine membranaire ayant pour rôle, le maintien de l’intégrité de la structure de la myéline. La présence d’anticorps anti-MAG entraîne une “décompaction” des lamelles de myéline mais aussi une perturbation du transport axonal (Fig. 1). Elle représente 50 % des neuropathies en lien avec une dysglobulinémie IgM, le plus souvent bénigne, de type IgM kappa (5). L’âge de début se situe entre 40 et 75 ans, avec une large prédominance masculine (80 %). Le tableau clinique est dominé par une ataxie sensorielle responsable d’un handicap ambulatoire important avec chutes ; elle s’accompagne de paresthésies quadridistales prédominant aux membres inférieurs avec hypoesthésie en chaussette. Les douleurs neuropathiques sont rares. L’atteinte sensitive aux membres 149 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER supérieurs peut être responsable d’un tremblement postural. L’aréflexie est diffuse. Il n’y a pas d’atteinte des nerfs crâniens ni de dysautonomie (6). L’évolution est lente et progressive avec aggravation de l’ataxie et apparition d’un déficit moteur distal des membres inférieurs (7). L’ENMG met en évidence une neuropathie myélinique à prédominance distale, caractéristique de cette affection. Les vitesses de conduction motrice sont ralenties mais de façon non homogène ; la conduction motrice distale, dont les latences distales motrices sont le reflet, est plus ralentie que la vitesse proximale (calcul de l’Index de Latence Terminale, ou ITL). Il n’existe habituellement pas de bloc de conduction ou de dispersion de la réponse motrice. Les réponses sensitives sont souvent abolies (8). L’ENMG permet de différencier la neuropathie antiMAG “classique” d’une polyradiculonévrite chronique associée à une dysglobulinémie, ce qui a un intérêt essentiellement thérapeutique (Fig. 1). Le diagnostic repose donc sur l’électrophysiologie, sur la mise en évidence du pic IgM en immunofixation dans le sérum du patient et sur le dosage par technique Elisa des anticorps anti-MAG. La biopsie de nerf n’est réalisée qu’exceptionnellement. Le traitement est guidé par le bilan hématologique. Si la sécrétion d’IgM est en lien avec une maladie de Waldenström ou un lymphome, le traitement sera celui de l’hémopathie. Si la gammapathie est bénigne, la décision de traitement dépend de la sévérité clinique car peu de traitements ont prouvé leur efficacité (9) ; le rituximab peut être proposé 150 Figure 1 - Neuropathie anti-MAG. Les anticorps anti-MAG entraînent une décompaction des lamelles de myéline. mais les résultats des essais sont mitigés (10). Le syndrome CANOMAD (Chronic Ataxic Neuropathy, Ophtalmoplegia, IgM-protein and Disialosyl antibodies) Lié à une dysglobulinémie IgM Le tableau clinique est dominé, dès le début, par une ataxie sensorielle associée à des paresthésies et douleurs neuropathiques des membres inférieurs (11). L’évolution se fait vers la majoration des troubles de l’équilibre, auxquels s’associe un déficit moteur modéré, une hypoesthésie, une aréflexie diffuse et des troubles oculobulbaires (90 % des cas). Dans certains cas, le tableau se rapproche de celui de polyradiculonévrite chronique sévère (tétraparésie avec atteinte bulbaire et défaillance respiratoire). L’évolution est lentement progressive, rémittente dans 30 % des cas. Les anomalies électrophysiologiques sont variables puisque, dans 50 % des cas, le tableau ENMG est celui d’une atteinte myélinique diffuse et homogène aboutissant au diagnostic de polyradiculonévrite chronique ; dans 30 % des cas, les anomalies ne portent que sur les vitesses de conduction sensitives, avec une réduction des réponses sensitives évoquant donc une neuropathie axonale sensitive. Enfin, chez 10 % des patients, l’ENMG est normal. L’étude du LCR met en évidence une dissociation albumino-cytologique dans 80 % des cas. Par ailleurs, l’activité agglutinines froides caractérisée par la propriété du sérum à agglutiner des globules rouges normaux à basse température (4 °C) et dépistée par un test de Combs direct est présente chez 50 % des patients. Cette activité est le plus souvent asymptomatique. Le diagnostic repose sur : 1. la mise en évidence du pic d’IgM en immunofixation (mais il peut parfois être trop faible pour être dépisté par cette technique) ; 2. et la positivité des anticorps anti-­gangliosides disyalilés. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances De façon similaire aux PRNC, le traitement repose sur les immunoglobulines intraveineuses et échanges plasmatiques parfois associés à un traitement immunosuppresseur. A l’heure actuelle, dans les formes sévères, le rituximab est proposé en première intention (12). PRNC associé à une dysglobulinémie IgG Neuropathie anti-MAG DOSSIER La gammapathie monoclonale est le plus souvent bénigne (80 % des cas). Bloc de conduction Latence distale Désynchronisation du PGAM Les polyradiculonévrites chroniques (PRNC) Liées à une dysglobulinémie IgM/IgG/IgA Les PRNC associées à une dysglobulinémie ne sont pas différentes des PRNC idiopathiques si ce n’est sur le plan clinique où l’atteinte sensitive et ataxique est plus marquée et l’atteinte des nerfs crâniens moindre (13). Dans la majorité des cas, le début est subaigu ou chronique, les troubles sensitifs initialement quadridistaux ont une évolution ascendante, bilatérale et symétrique, s’accompagnant dans un second temps d‘une atteinte motrice tant distale que proximale. L’aréflexie est diffuse. Sur le plan électrophysiologique (Fig. 2), la neuropathie est myélinique de distribution homogène, bilatérale avec une atteinte sensitive souvent plus marquée aux membres supérieurs. La dissociation albumino-cytologique dans le LCR est notée dans 70 % des cas. L’évolution est soit progressive soit rémittente. Ces PRNC associées à un pic monoclonal répondent aux traitements “immunologiques” dans 80 % des cas (échanges plasmatiques, IgIV ou corticoïdes) (14). Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Latence distale = 2.65 ms (normale <3.4 ms) Ralentissement Vitesse conduction motrice = 40m/s Bloc de conduction poignet/coude = 40% Désynchronisation des réponses proximales Latence distale = 8.3 ms (normale < 4 ms) ITL = 0.20 (ralentissement distal si < 0.25) Ralentissement Vitesse conduction motrice = 33 m/s Absence de bloc et de désynchronisation Figure 2 - Caractéristiques électrophysiologiques distinguant la polyradiculonévrite chronique et la neuropathie anti-MAG. Le syndrome POEMS linique associée à une dégénérescence axonale sévère, sensitive et motrice, diffuse mais prédominant aux membres inférieurs. Il s’agit d’une affection rare, au potentiel évolutif élevé, dont les critères diagnostiques majeurs comportent une neuropathie sensitivo-motrice sévère et une gammapathie monoclonale le plus souvent IgG λ ou IgA λ. Cette dysglobulinémie est en en lien avec, soit un plasmocytome, soit un myélome multiple, soit une MGUS (15). La neuropathie peut précéder l’atteinte hématologique de plusieurs mois. Elle correspond à une polyradiculonévrite subaiguë et sévère ; l’atteinte sensitive et motrice est longueur-dépendante, mais d’évolution rapidement ascendante avec un handicap ambulatoire marqué (perte de la marche) chez la majorité des patients (16). Devant cette neuropathie, le diagnostic de POEMS sera confirmé par : • la présence d’une dysglobulinémie IgG ou IgA ; • la découverte de lésions osseuses sclérotiques (radiographies ou IRM du squelette) et/ou d’une hyperplasie ganglionnaire angiofolliculaire (scanner TAP) ; • l’élévation du taux sérique du vascular endothelial growth factor (> 700 pg/ml) (17). (Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, M component protein, Skin changes) L’ENMG apporte des arguments en faveur d’une neuropathie myé- Le traitement de la neuropathie dépend en partie de l’affection hématologique sous-jacente. On propose un traitement par Melphalan intensif et autogreffe de cellules souches périphériques, protocole permettant une amélioration clinique dans 80 % des cas. En cas de contre-indication, la thalidomide peut être une alternative intéressante (18). 151 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances 2. La cryoglobulinémie DOSSIER Les cryoglobulines sont des immunoglobulines circulantes qui précipitent à 4 °C et se dissolvent à 37 °C. Elles peuvent être de type IgM, IgG ou IgA. Elles sont classées en 3 sousgroupes : • type 1, monoclonal le plus souvent IgM en lien avec un processus lymphoprolifératif (Waldenström ou myélome) ; • les cryoglobulinémies mixtes : - type 2 composée d’une IgM monoclonale dirigée contre une IgG polyclonale compliquant le plus souvent les infections à VHC ; - type 3 : IgM et IgG polyclonales survenant au cours de certaines pathologies inflammatoires chroniques) (19). La physiopathologie de l’atteinte neuropathique est liée soit à l’activité anticorps anti-MAG ou anti-glycolipide portée par la cryoglobuline (type 1 surtout), soit aux dépôts de complexes immuns circulants générant une vascularite touchant les vaisseaux de petits et moyens calibres (multinévrite, neuropathie sensitive longueurdépendante ou neuropathie des petites fibres, atteinte rénale, purpura vasculaire), soit, enfin, à la précipitation intravasculaire de cryoglobuline (thrombi dans vaisseaux de petit calibre) (20). Dans ce chapitre, la cryoglobulinémie est de type 1 et sa responsabilité dans le mécanisme lésionnel de la neuropathie est difficile à affirmer en l’absence de lésions de vascularite. L’atteinte neurogène périphérique est le plus souvent en lien avec une cryoglobulinémie mixte (21). 3. L’amylose primitive ou AL Elle est rare (500 cas/an en France) et se caractérise par le dépôt extracellulaire de fragments de chaînes légères monoclonales d’immunoglobulines adoptant une configuration β plissée. Le plus souvent, la production de substance amyloïde se fait dans le cadre d’un myélome ou d’une MGUS. Figure 3 - Biopsie des glandes salivaires accessoires avec dépôt d’amylose (coloration rouge congo). 152 Les amyloses AL peuvent être localisées ou disséminées, les organes cibles étant le cœur et le rein, asymptomatiques ou au contraire de pronostic redoutable (médiane de survie de 18 mois). Certains aspects cliniques sont quasi pathognomoniques tels la macroglossie (10 % des patients) et le pupura périorbitaire spontané. L’atteinte cardiaque est présente chez 40 % des sujets à la phase initiale, symptomatique chez 20 % sous la forme d’une cardiomyopathie restrictive engageant le pronostic vital chez la moitié des patients. L’atteinte rénale, la plus commune, se caractérise par une protéinurie abondante responsable d’un syndrome néphrotique dans la moitié des cas. La neuropathie complique le tableau clinique dans 20 % des cas. Elle peut être inaugurale et isolée ; dans ce cas précis, le retard diagnostique est fréquent (12 à 18 mois), expliquant le pronostic plus sombre de ces formes (22). Le tableau initial est celui d’une neuropathie sensitive et douloureuse (50 % des cas) par atteinte des petites fibres amyéliniques. L’ENMG est alors normal. L’évolution se fait vers une neuropathie sensitivo-motrice, diffuse, souvent longueur-dépendante. A l’ENMG, l’atteinte est axonale à prédominance sensitive (souvent abolition des réponses sensitives). Face à cette neuropathie, quelques éléments doivent alerter le clinicien : la fréquence d’un canal carpien associé (25 % des cas) et l’association à une dysautonomie se manifestant par une hypotension orthostatique, des troubles du transit, des troubles vésicosphinctériens et sexuels (23). La pathogénie de la neuropathie est complexe, mais fait intervenir la contrainte mécanique des dépôts de substance amyloïde, des Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 phénomènes ischémiques liés à la localisation périvasculaire de certains dépôts et peut être une toxicité directe sur le nerf. Le diagnostic repose sur : 1. la mise en évidence d’une protéine monoclonale sérique et/ou urinaire (80 % des cas) : il s’agit par ordre de fréquence d’une IgG puis IgA, rarement une IgM ; les chaînes légères libres trouvées dans les urines sont de type lambda : 2. l’obtention d’une preuve histologique d’amylose (Fig. 3) ; en cas de neuropathie, la biopsie de nerf a une rentabilité diagnostique de 85 % ; cependant le prélèvement de tissu autre, telles la graisse sous-cutanée, la peau et les glandes salivaires accessoires (moins agressif ), garde une bonne sensibilité de l’ordre de 50 à 70 % ; (M-Dex) permettant une réponse clinique chez la moitié des patients, résultats meilleurs que ceux de l’autogreffe de cellules souches proposée donc en seconde intention (médiane de survie 57 mois versus 22 mois) (24). Dans certains cas, l’association “agent alkylant-corticoïdes-thalidomide ou bortezomid” a été proposée (25). 4. Infiltration du nerf par des cellules malignes Compliquant les lymphomes malins non hodgkiniens, l’infiltration nerveuse peut être soit satellite d’une infiltration méningée soit isolée. Dans les 2 cas, l’atteinte est volontiers pluri-radiculaire aux membres inférieurs, accompagnée de douleurs rebelles. Le diagnostic Devant toute neuropathie associée à une dysglobulinémie, il est primordial d’identifier le processus physiopathologique liant les deux affections entre elles, car de cette démarche, découle toutes les modalités de prise en charge. l’anatomopathologiste doit être informé de la suspicion d’amylose afin d’orienter la technique (utilisation des colorations adéquates - rouge Congo - pour révéler les dépôts de substance amyloïde) et d’étudier tout le tissu biopsié. Il est important de préciser le type d’amylose et en cas de doute, une recherche d’amylose héréditaire devra être proposée (16) ; 3. la recherche et l’évaluation systématique d’une hémopathie B. Le traitement cible le clone plasmocytaire (myélome) ou lymphoplasmocytaire à l’origine de la protéine pathogène ; le protocole privilégié en France est l’association melphalan-dexaméthasone Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 repose alors sur l’étude du LCR, l’imagerie par IRM des racines lombosacrées, voire sur la biopsie chirurgicale “radioguidée”. 5. Les neuropathies “hors classes” En dehors des cadres nosologiques précédemment décrits, il est parfois difficile d’établir un lien de causalité formelle entre la dysglobulinémie et la neuropathie ; on se pose même la question d’une association fortuite étant donné la fréquence de la dysglobulinémie, notamment IgG chez le sujet agé. La neuropathie est alors sensitive, longueur-dépendante, à dé- but distal et progressif, l’ataxie est discrète et le déficit moteur est inconstant. L’atteinte sensitive des membres supérieurs serait plus marquée et plus fréquente que dans la neuropathie idiopathique du sujet âgé (26). L’ENMG est celui d’une neuropathie axonale sensitivo-motrice sans autre élément discriminatif ; l’étude du LCR est normale (13). Le plus souvent, l’évolution est lente et aucune thérapeutique (notamment ciblant la dysglobulinémie) n’est alors proposée. Dans de rares cas de formes sévères, un traitement immunologique a permis une rémission clinique, renvoyant à un diagnostic probable de polyradiculonévrite chronique. Dans ce chapitre, doivent être mentionnées les neuropathies iatrogènes, les traitements recommandés dans les dysglobulinémies étant volontiers neurotoxiques (thalidomide, bortezomid, vincristine en particulier) (27). n Correspondance Dr Françoise Bouhour Service d’ENMG-Pathologies neuro-musculaires Hôpital Neurologique 59 boulevard Pinel 69677 BRON cedex E-mail : [email protected] Mots-clés : Neuropathie périphérique, Dysglobulinémie monoclonale, Gammapathie monoclonale, Diagnostic, ENMG, Neuropathie anti-MAG, CANOMAD, Polyradiculonévrites chroniques, POEMS, Cryoglobulinémie, Amylose primitive, Lymphome 153 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Bibliographie DOSSIER 1. Kelly JJ, Kyle RA, Dyck PJ et al. Prevalence of monoclonal protein in peripheral neuropathy. Neurology 1981 ; 31 : 1480-3. 2. Ramchandren S, Lewis RA. Monoclonal gammapathy and neuropathy. Curr Opin Neurol 2009 ; 22 : 480-5. 3. 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Bulletin d’abonnement à Neurologies • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected] 4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 65 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro) q Institutions 70 E TTC q Etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant) Frais de port (étranger et DOM TOM) NEURO 147 q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE Application ­Neurologies pour iphone q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... 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Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Expire le :Cryptogramme : (bloc de 3 chiffre au dos de votre carte) Signature obligatoire e 154 L’abonnement à la revue Neurologies vous permet deNeurologies bénéficier • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 d’un accès illimité et gratuit à l’intégralité des sites d’Expressions Santé : neurologies.fr diabeteetobesite.org geriatries.org cardinale.fr onko.fr rhumatos.fr ophtalmologies.org Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 3 Les myopathies distales Un groupe hétérogène d’affections génétiques n Les myopathies se manifestent classiquement par un déficit moteur pur, proximal, touchant les ceintures pelviennes et scapulaires. Le concept de myopathies distales, touchant initialement et préférentiellement les extrémités, est apparu en 1902 (1). Il correspond à un groupe hétérogène d’affections génétiques, caractérisées par un déficit moteur pur, débutant ou prédominant en distal, associé à des anomalies histologiques musculaires, confirmant le processus myopathique. O n exclut classiquement de ce cadre nosologique, les myopathies suivantes, dont le déficit moteur est volontiers distal, mais associé à un phénotype souvent plus riche qui permet d’en évoquer le diagnostic facilement : • dystrophie myotonique de type I ou maladie de Steinert : associant un déficit moteur distal des mains et des loges antéro-externes de jambes, une myotonie électrique ou électroclinique et une atteinte pluri-systémique (cardiopathie, diabète, cataracte…) ; • dystrophie musculaire facioscapulo-humérale, comprenant volontiers une atteinte de la loge antéro-externe de jambe mais associée à une atteinte scapulaire constante (phénotype scapulo-­ péronier) et une atteinte faciale fréquente qui permettent d’en évoquer le diagnostic ; • myosite sporadique à inclusion, touchant le sujet de plus de 50 ans, associant une atteinte volontiers proximale des membres inférieurs et distale des membres supérieurs, prédominant sur les muscles fléchisseurs ; *Service de neurologie, Hôpital Pierre Wertheimer, Lyon 156 Hélène Gervais-Bernard* • myopathie oculo-pharyngo-­ distale, autosomique dominante ou récessive, d’âge de début variable (7-50 ans), se manifestant initialement par un ptosis, un déficit des muscles faciaux et bulbaires, et dans les 5 ans qui suivent un déficit distal des 4 membres. Les CPK sont modérément augmentées (1 à 8 fois la normale) ; l’électromyogramme révèle volontiers des averses myotoniques, et la biopsie musculaire montre des vacuoles bordées. Orientation diagnostique devant un déficit distal moteur pur Les principaux diagnostics différentiels des myopathies distales sont les atteintes neurogènes périphériques, génétiques, à présentation motrice, soit : • la forme spinale de CharcotMarie-Tooth ; • les amyotrophies spinales distales. Evoquer un processus myopathique devant un déficit moteur pur reposera donc sur : Une analyse clinique rigoureuse : • absence de pieds creux, de troubles sensitifs ou d’abolition précoce des réflexes (qui orienteraient vers une atteinte neuropathique) ; • sélectivité de l’atteinte motrice (ex. : déficit de la loge antéro-externe et préservation du muscle pédieux “signe du trop beau pédieux” ; atteintes associées faciale ou scapulaire…) ; • antécédents personnels (ex. : cardiopathie, volontiers associée à certaines myopathies). Un dosage élevé de CPK (non spécifique), qui peut manquer. L’électromyogramme, avec mise en évidence de tracés trop riches, microvoltés. Cependant dans certaines myopathies (ex. : myopathie de Nonaka), les tracés sont volontiers trompeurs, pseudoneurogènes. Enfin, la biopsie musculaire confirmant le processus myopathique, et pouvant mettre en évidence, dans certains cas, des lésions spécifiques qui orienteront l’enquête étiologique (vacuoles bordées, lésions myofibrillaires, immunomarquages et western blot révélant une déficit protéique…). Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Age de début Welander Atteinte mains Enfant à Adulte jeune AD/Spor Ant > Post Post Adolescence jusqu’à 40 ans AD/Spor AR/Spor Ant > Post mixte Post Ant > Post mixte AR/Spor Ant > Post Tardif AD/Spor Post Atteinte des mains MYH7 19p13 DNM2 nébuline Desmine eβcristalline victoria Flamine C 19p13 MPD3 dysferline GNE AR/Spor Ant > Post Post > Ant Atteinte des mains Pas d’atteinte des mains Welander MATR3 VCP ZASP 19pf13 Titine VCR Post Miyoshi like Myotiline ZASP Figure 1 - Arbre décisionnel en fonction de l’âge de début, du mode de transmission et de la sélectivité de l’atteinte. D’après Udd et al. (2). AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; spor : sporadique ; ant : antérieur ; post : postérieur. Orientation étiologique devant une myopathie distale Jusqu’au début des années 2000, ce groupe d’affection était relativement restreint, comprenant 5 formes principales : la myopathie de Nonaka et les dysferlinopathies pour les formes récessives, les myopathies de Laing, Udd et Welander pour les formes dominantes. Depuis 10 ans, avec les avancées de la biologie moléculaire, ce cadre clinique s’est élargi, avec mise en évidence de plus d’une dizaine de gènes en cause (2). L’enquête étiologique devant une myopathie distale, va s’orienter en fonction des éléments suivants : • mode de transmission autosomique dominant ou récessif ; • âge de début précoce ou tardif ; • sélectivité de l’atteinte musNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 culaire : début aux membres inférieurs ou supérieurs ; loges musculaires les plus touchées (antérieures ou postérieures) ou au contraire épargnées. On s’aidera volontiers de l’imagerie musculaire (IRM musculaire ou à défaut scanner musculaire) pour préciser cette sélectivité ; • les données histologiques de la biopsie musculaire : présence ou non de vacuoles bordées, d’une désorganisation du réseau intermyofibrillaire ; on complètera l’analyse par un immunomarquage et un western blot des protéines musculaires, voire une analyse en microscopie électronique. En combinant ces différents critères, des algorithmes ont été proposés pour guider l’enquête étiologique devant un tableau de myopathie distale (2) (Fig. 1 et 2). Les myopathies distales autosomiques récessives Myopathie de Nonaka ou myopathie par mutation GNE Cette entité a été individualisée au Japon en 1981 (3), puis dans la population iranienne (4) ; elle est ubiquitaire. Elle débute dans la deuxième décennie, par une faiblesse des muscles de la loge antéro-externe de jambe, se manifestant par un steppage. L’évolution se fait vers une atteinte de la loge postérieure de jambe et des muscles proximaux avec une épargne durable, à la fois clinique et radiologique du muscle quadriceps. Les CPK sont modérément augmentées, à 3 à 4 fois la normale. L’électromyogramme (EMG) est 157 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER Vacuoles bordées Oui Myopathie myofribillaire Ant > Post Desmine eβcristalline Mixte Flamine C Post > Ant Myotiline Zasp Flamine C Non Pas de myopathie myofribillaire Ant GNE Titine MATR 3 VCP Mixte Ant/post Welander MPD3 19p13 Ant MVH7 Nébuline FSH DM1 Mixte Dysferline Post Dysferline Victoria DNM2 Myoshi-like Figure 2 - Arbre décisionnel en fonction des lésions anatomopathologiques. D’après Udd et al. (2). AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; spor : sporadique ; ant : antérieur ; post : postérieur. d’interprétation difficile, avec des tracés volontiers “neurogènes”. La biopsie musculaire révèle des vacuoles bordées. Le gène en cause est le gène GNE (5), situé en 9p1-q1, codant pour une protéine intervenant dans la synthèse de l’acide sialique. Myopathie de Miyoshi, ou dysferlinopathie Décrite au Japon (6), sa répartition géographique est ubiquitaire. Elle débute vers 20 ans par une faiblesse et une atrophie des mollets, parfois asymétrique, responsable d’une difficulté à courir, à sauter ou à se mettre sur la pointe des pieds. Elle respecte les muscles intrinsèques du pied ; l’évolution se fait vers une atteinte proximale (la loge postérieure de cuisse étant plus atteinte que la loge antérieure), et des membres supérieurs avec atrophie fréquente de la portion inférieure du biceps brachial et respect des muscles fixateurs de l’omoplate. 158 Les CPK sont souvent très élevées (10 à 150 fois la normale). L’EMG montre des tracés myogènes avec une importante activité de fibrillation. La biopsie musculaire révèle des lésions de type dystrophique et volontiers d’importants infiltrats inflammatoires, qui peuvent conduire à poser à tort le diagnostic de polymyosite. L’analyse en immunohistochimie et western blot permet de mettre en évidence le déficit en dysferline (NB : le western blot met aussi en évidence, dans la moitié des cas, un déficit dit “secondaire” en calpaïne). La dysferline est une protéine membranaire, de fonction inconnue, dont le déficit est aussi responsable d’un phénotype de myopathie des ceintures (LGMD2B) ; les deux phénotypes peuvent coexister au sein d’une même famille. Nébulinopathie La nébuline est une protéine du sarcomère, habituellement res- ponsable d’un tableau de myopathie congénitale, avec atteinte initiale proximale, caractérisée histologiquement par la présence de bâtonnets. Un phénotype distal a été récemment individualisé chez 7 patients issus de 4 familles finlandaises distinctes (7), touchant la loge antéro-externe des jambes, les extenseurs des doigts et les fléchisseurs de nuque. L’âge de début est variable : coexistence de formes infantiles et adultes. Les bâtonnets ne sont pas présents sur la biopsie musculaire, qui montre des anomalies non spécifiques. L’analyse moléculaire révèle 2 mutations faux-sens à l’état homozygote. Myopathie par mutation de l’anoctamin-5 L’anoctamin-5 est une protéine transmembranaire, de rôle incomplètement connu, porteuse d’une probable fonction canalaire Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 chlore. Un déficit en anoctamin-5 a récemment été associé avec un tableau de myopathie des ceintures (LGMD2L) et un tableau de myopathie distale (8) appelé MMD3, pour Miyoshi muscular dystrophy-3, compte tenu de la présentation clinique similaire à la myopathie de Miyoshi : soit un déficit touchant préférentiellement la loge postérieure de jambe, volontiers asymétrique. Les CPK étaient constamment augmentées de façon importante (5-75 fois la normale). Les myopathies distales autosomiques dominantes Myopathie de Welander Il s’agit de la première myopathie distale individualisée (9), présente exclusivement dans les pays nordiques. Le gène en cause, non encore identifié, est situé en 2p13. Le début est tardif, après 40 ans, et se caractérise par une atteinte distale des membres supérieurs, touchant préférentiellement les muscles extenseurs des doigts responsable d’une difficulté pour les gestes fins. L’évolution, lente, se fait vers une atteinte de la loge antéro-externe de jambe, responsable d’un steppage. Les CPK sont normales à modérément augmentées (1 à 3 N), la biopsie musculaire est non spécifique mais peut montrer à un stade tardif des vacuoles bordées. Myopathie de UddMarkesbery-Griggs, ou dystrophie musculaire tibiale, ou titinopathie Individualisée par Udd en 1993 (10), elle est liée à une mutation du gène codant pour la titine, protéine du sarcomère. Elle est fréNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 quente dans les pays nordiques (Finlande), mais a été décrite aussi en France, en Angleterre et en Espagne (2, 11). Les mutations décrites (mutation finlandaise, française A et B, et espagnoles) touchent le dernier exon (363) ; une mutation, responsable d’un phénotype plus sévère, a été décrite en France, sur l’exon 362. A l’état homozygote, la mutation est responsable d’un phénotype plus sévère avec atteinte des ceintures, LGMD2J. Le début est tardif, après 35 ans. Le déficit touche initialement le muscle tibial antérieur de façon très sélective (d’où son nom de dystrophie musculaire tibiale), et peut évoluer vers une atteinte des muscles extenseurs des orteils. Les muscles intrinsèques du pied sont respectés (signe du “trop beau pédieux” qui devant cette atteinte distale oriente vers un processus myogène et non neurogène), de même les muscles proximaux des membres inférieurs. Les CPK sont normales à modérément augmentées. Les tracés EMG sont myogènes ; il existe volontiers une activité de fibrillation importante dans le muscle tibial antérieur. L’imagerie musculaire révèle l’atteinte sélective du tibial antérieur. La biopsie musculaire (dans le tibial antérieur) met en évidence des anomalies non spécifiques ; quelques vacuoles bordées peuvent être observées chez la moitié des patients. Myopathie de Laing ou myopathie distale à début infantile Décrite par Laing, en Australie, en 1995 (12), elle est liée à une mutation du gène MYH7, qui code pour la chaîne lourde de la myosine. Les néo-mutations sont fréquentes, et l’histoire familiale peut donc manquer. Elle débute dans l’enfance entre 4 et 20 ans, par une atteinte sélective des extenseurs des orteils (signe du “gros orteil tombant”) (13). L’évolution est très lente, vers une atteinte des extenseurs des chevilles, doigts, poignets, et fléchisseurs du cou dans la troisième décennie. L’atteinte proximale survient après 40 ans. Les CPK sont peu augmentées (1 à 3 N). Les tracés EMG sont de nature myogène. L’imagerie musculaire, confirme la sélectivité de l’atteinte aux muscles de la loge antéro-externe de jambe. La biopsie musculaire est non spécifique, sans vacuoles bordées. Myopathies myofibrillaires (MMF) Il s’agit d’un groupe de myopathies, dont le concept date de 1996, caractérisées par des anomalies histologiques communes (14, 15) : une désorganisation des myofibrilles autour de la strie Z, et une accumulation sarcoplasmique anormale de protéines. Il s’agit donc d’un diagnostic anatomopathologique. Ce groupe comprend aujourd’hui 6 gènes codant pour des protéines impliquées dans la strie Z : desmine, aβ cristalline, filamine C, myotiline, ZASP et BAG3. De transmission autosomique dominante, elles ont un phénotype clinique assez homogène : associant un début souvent tardif après 40 ans, un déficit initial touchant plus volontiers les membres inférieurs de topographie variable (soit distal, soit proximal, soit proximo-distal) (16). Quelques particularités cliniques permettent d’orienter vers la protéine en cause : • la présence d’une cardiopathie est plus fréquemment associée à la desmine, mais peut se voir avec toutes les MMF ; 159 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER • une dysphonie laryngée associée à une neuropathie est plutôt évocatrice de myotilinopathie • une cataracte orientera vers une aβ cristalline ; • une neuropathie peut se rencontrer dans toutes les MMF à l’exception des desminopathies ; elle est particulièrement fréquente dans les myotilinopathies. Il existe une sélectivité de l’atteinte musculaire, mise en évidence par l’imagerie qui guide l’analyse moléculaire de ces myopathies (17). Les CPK sont normales à modérément augmentées, elles peuvent être augmentées jusqu’à 15 fois la normale pour les mutations BAG3 (16). L’ENMG peut montrer une réduction des vitesses de conduction nerveuse, et volontiers des tracés mixtes neurogènes et myogènes ; des décharges myotoniques sont décrites (16). Filaminopathies distales Les mutations du gène codant pour la filamine, à l’origine d’une myopathie myofibrillaire sont situées dans la région C-terminale du gène. En 2011, ont été individualisées des filaminopathies, non myofibrillaires par mutations de la région N-terminale du gène (18). La maladie débute dans la 3e décennie par une atteinte des muscles thénariens responsable d’une diminution de la force de préhension, puis évolue vers la 4e décennie par une atteinte de la loge postérieure de jambe entraînant des difficultés à courir et à sauter, et vers la 5e décennie par une atteinte proximale, conduisant à l’utilisation d’une canne. Les CPK sont modérément augmentées (1.5 à 2.5 N). La biopsie musculaire n’est pas de type myofibrillaire et met en évidence des anomalies non spécifiques. 160 Myosite à inclusion héréditaire par mutation vcP Il s’agit d’une affection génétique, autosomique dominante, par mutation du gène VCP (codant pour la valosin-containing protein) associant une myopathie à inclusion, une maladie de Paget et une démence frontotemporale. Le syndrome peut être incomplet. Le début survient après 35 ans, par un déficit qui peut être soit proximal, soit distal (19). Les CPK sont normales à modérément augmentées. La biopsie musculaire oriente l’enquête étiologique en mettant en évidence des vacuoles bordées. Myopathie distale avec atteinte pharyngée et des cordes vocales Affection autosomique dominante, individualisée en 1998 (20), elle est due à une mutation du gène MATR3 (21) codant pour une protéine de la matrice nucléaire. Elle débute vers l’âge de 45 ans, par une atteinte distale touchant initialement les membres inférieurs, puis les membres supérieurs. Dans la plupart des cas s’y associe une atteinte des cordes vocales et des troubles de déglutition. Les CPK sont normales à modérément augmentées. L’EMG est myogène. La biopsie musculaire met en évidence des vacuoles bordées. Myopathie distale à début précoce par mutation KLHL9 Individualisée en 2010 dans une seule large famille allemande (22), elle débute par un déficit amyotrophiant du muscle tibial antérieur survenant précocement entre 8 et 16 ans. La progression est très lente, permettant la préservation de la marche jusqu’à la 7e décennie. Les CPK sont normales à significativement augmentées (9N). L’EMG peut monter quelques latences distales motrices allongées. Myopathies centronucléaires autosomiques dominantes par mutation DNM2 Différentes des formes liées à l’X ou récessives, elles se caractérisent par un début plus tardif et distal. La biopsie musculaire oriente le diagnostique en révélant des centralisations nucléaires multiples et des cores centraux. Conclusion La mise en évidence, dans la dernière décennie, de nouvelles entités et leur caractérisation moléculaire ont complexifié le diagnostic étiologique des myopathies distales. L’enquête étiologique repose sur l’analyse du mode de transmission, de l’âge de début, de la sélectivité de l’atteinte musculaire et la présence de lésions histologiques spécifiques sur la biopsie musculaire n Correspondance Dr Hélène Gervais-Bernard Service de neurologie Hôpital Pierre Wertheimer 59, boulevard Pinel 69003 Lyon E-mail : [email protected] Mots-clés : Myopathies distales, Myopathie de Nonaka, Myopathie de Miyoshi, Dysferlinopathies, Nébulinopathie, Anoctamin-5, Myopathie de Welander, Myopathie de Udd-Markesbery-Griggs, Myopathie de Laing, Myopathies myofibrillaires, Filaminopathies distales, Myosite à inclusion héréditaire par mutation VCP, Electromyogramme, Biopsie musculaire, Génétique Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances 12. Laing NG, Laing BA, Meredith C et al. Autosomal dominant distal myopathy: linkage to chromosome 14. Am J Hum Genet 1995 ; 56 : 422-7. 13. Penisson-Besnier I. Distal myopathies. Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 211-6. 14. Nakano S, Engel AG, Waclawik AJ et al. Myofibrillar myopathy with abnormal foci of desmin positivity: I. Light and electron microscopy analysis of 10 Cases. J Neuropathol Exp Neurol 1996 ; 55 : 549-62. 15. De BleeCker JL, Engel AG, Ertl BB. Myofibrillar myopathy with abnormal foci of desmin positivity: II. Immunohistochemical analysis reveals accumulation of multiple other proteins. J Neuropathol Exp Neurol 1996 ; 55 : 563-77. 16. Selcen D. Myofibrillar myopathies. Neuromuscul Disord 2011 ; 21 : 161-71. 17. Fischer D, Kley RA, Strach et al. Distinct muscle imaging patterns in myofibrillar myopathies. Neurology 2008 ; 71 : 758-65. 18. Duff RM, Tay V, Hackman P et al. Mutations in the N-terminal actin-binding domain of filamin C cause a distal myopathy. Am J Hum Genet 2011 ; 88 : 729-40. 19. Palmio J, Sandell S, Suominen T et al. Distinct distal myopathy phenotype caused by VCP gene mutation in a Finnish family. 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L’objectif est de soutenir des initiatives favorisant : • la promotion des bonnes pratiques de prise en charge de la douleur physique et des stratégies de soins centrées sur le patient, ainsi que leur évaluation ; • l’évaluation et une prise en charge adaptée de la douleur physique en santé mentale pour les populations vulnérables ou dyscommunicantes. Il peut s’agir d’initiatives conduisant à : une meilleure compréhension, une meilleure évaluation et un meilleur traitement de la douleur physique ; une réponse thérapeutique rapide et efficace pour soulager la douleur ; une application systématique des protocoles analgésiques reflétant l’état actuel des connaissances ; une évolution des pratiques en matière d’amélioration de la prise en charge de la douleur en santé mentale. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Appel à projets est destiné à : Equipes médicales et associations soucieuses d’améliorer la prise en charge de la douleur. Dossiers de candidature • Disponibles sur : http://www.cnp.fr • ou par courriel à : [email protected] Envoi des dossiers • 1 exemplaire par courrier à : Fondation CNP Assurances - 4, place Raoul Dautry 75716 PARIS Cedex 15 • 1 exemplaire par courrier électronique (version non protégée en format Word) à :[email protected] Les dossiers de candidature devront être déposés avant le 30 juin 2012. Pour en savoir plus : Fondation CNP Assurances Fax : 01 42 18 92 85 - E-mail : [email protected] 161 DOSSIER Bibliographie 1. Gowers WR. A Lecture on myopathy and a distal form: delivered at the National Hospital for the Paralysed and Epileptic. Br Med J 1902 ; 2 : 89-92. 2. Udd B. 165th ENMC International Workshop: distal myopathies. 6-8th February 2009 Naarden, The Netherlands. Neuromuscul Disord 2009 ; 19 : 429-38. 3. Nonaka I, Sunohara N, Ishiura S et al. Familial distal myopathy with rimmed vacuole and lamellar (myeloid) body formation. J Neurol Sci 1981 ; 51 : 141-55. 4. Argov Z, Yarom R. “Rimmed vacuole myopathy” sparing the quadriceps. A unique disorder in Iranian Jews. J Neurol Sci 1984 ; 64 : 33-43. 5. Kayashima T, Matsuo H, Satoh A et al. Nonaka myopathy Is caused by mutations in the UDP-N-acetylglucosamine-2-epimerase/N-acetylmannosamine kinase gene (GNE). J Hum Genet 2002 ; 47 : 77-9. 6. Miyoshi K, Kawai H, Iwasa et al. Autosomal recessive distal muscular dystrophy as a new type of progressive muscular dystrophy. Seventeen cases in eight families including an autopsied case. Brain 1986 ; 109 (Pt 1) : 31-54. 7. Wallgren-Pettersson C, Lehtokari VL, Kalimo H et al. Distal myopathy caused by homozygous missense mutations in the Nebulin gene. Brain 2007 ; 130 (Pt 6) : 1465-76. 8. Bolduc V, Marlow G, Boycott KM et al. Recessive mutations in the putative calcium-activated chloride channel anoctamin 5 cause proximal LGMD2L and distal MMD3 muscular dystrophies. Am J Hum Genet 2010 ; 86 : 213-21. 9. Welander L. Myopathia distalis tarda hereditaria. 249 examined cases in 72 pedigrees. Acta Med Scand 1951 ; 265 (Suppl) : 1-124. 10. Udd B, Partanen J, Halonen P et al. Tibial muscular dystrophy. Late adult-onset distal myopathy in 66 Finnish patients. Arch Neurol 1993 ; 50 : 604-8. 11. Saperstein DS, Amato AA, Barohn RJ. Clinical and genetic aspects of distal myopathies. Muscle Nerve 2001 ; 24 : 1440-50. Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 4 Les syndromes myasthéniques congénitaux Un diagnostic complexe n Les syndromes myasthéniques congénitaux constituent une entité nosologique hétérogène en pleine expansion. Il est important de les rechercher en cas d’antécédents familiaux, néonataux (hypotonie, détresse respiratoire…), de syndrome myasthénique séronégatif associé à une sémiologie évocatrice et/ou résistant au traitement immunosuppresseur, de tableau de myopathie des ceintures fluctuante, ou en cas d’obtention d’un double potentiel global d’action musculaire lors de l’étude des conductions nerveuses (en absence de surdosage en anticholinestérasiques). L es syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) sont caractérisés par un dysfonctionnement de la jonction neuromusculaire (JNM), non lié à des auto-anticorps comme on l’observe dans la myasthénie autoimmune, mais secondaire à un gain ou une perte de fonction d’une protéine de la machinerie jonctionelle. Ils forment une entité nosologique hétérogène en pleine expansion et, à ce jour, 14 gènes ont été identifiés et codent pour des protéines impliquées dans la synthèse (ChAT), la dégradation (COLQ) et le récepteur de l’acétylcholine, ainsi que pour d’autres protéines post-synaptiques, parmi lesquelles la rapsyne, Dok7 et Musk (1-3). Il est proposé de les classer selon le mécanisme de dysfonction de la JNM : • pré-synaptique ; • de la fente synaptique ; • ou post-synaptique. *Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon 162 Perrine Devic* Tableau 1 - Drapeaux rouges cliniques et paracliniques orientant vers un syndrome myasthénique congénital. Clinique - Antécédents familiaux - Antécédents néonataux (hypotonie, détresse respiratoire…) - Myopathie des ceintures fluctuante - Réflexe pupillaire photomoteur ralenti, myosis, rétinopatie, maculopathie - Absence de réponse aux immunosuppresseurs Paraclinique - Double PGAM - Anti-RACH et anti-Musk négatifs La prévalence des SMC est estimée à 1/500 000 habitants en Europe et la plupart des cas sont post-synaptiques (1-3). Sémiologie et “drapeaux rouges” Bien que la majorité des cas débutent dès la petite enfance, de plus en plus de cas débutant à l’âge adulte sont rapportés. La présentation clinique (Tab. 1) peut être celle d’un authentique syndrome myasthénique. L’atteinte oculomotrice est fréquente (ptosis, diplopie), parfois associée à une sémiologie bulbaire avec dysphonie, dysphagie et troubles de la mastication. Une participation des muscles proximaux peut également se rencontrer. La sensibilité aux anticholinestérasiques est fréquente mais ces derniers peuvent, dans certaines formes, aggraver la sémiologie. Par contre, si ces symptômes sont communs à la forme autoimmune, ils ne sont pas sensibles aux immunosuppresseurs et s’ils peuvent être fluctuants, leur variabilité s’observe non pas sur la journée mais sur plusieurs Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Figure 1 - Bloc de la jonction neuromusculaire : décrément supérieur à 10 % lors des Figure 2 - Double potentiel global stimulations répétitives à 3Hz. d’action musculaire (COLQ ou canal lent) semaines, plusieurs mois voire plusieurs années. Dans certains cas, il peut s’agir d’un tableau pseudo-myopathique avec déficit musculaire des ceintures prédominant. Une fluctuation sur une longue période peut aussi s’observer. L’existence de signes oculomoteurs, même minimes comme un ptosis, est alors évocatrice. Des formes très précoces avec hypotonie néonatale ont été rapportées, évoluant parfois de façon favorable ultérieurement et il est donc important de rechercher les antécédents de la période néonatale en cas de suspicion de SMC. Une arthrogrypose est également possible. Enfin, des accès récurrents de détresse respiratoire souvent favorisés par le stress, les infections, la fièvre, les vomissements, les efforts ou le froid ont été décrits. Quelle que soit la forme clinique, la présence d’antécédents familiaux, que l’on recherchera systématiquement, facilitera le diagnostic même s’ils peuvent faire défaut dans les formes sporadiques fréquentes en raison d’une Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 transmission toujours autosomique récessive sauf dans le syndrome du canal lent. Sur le plan paraclinique Le bloc de la jonction neuromusculaire est le plus souvent objectivé par l’existence d’un décrément anormal (Fig. 1) aux stimulations répétitives (supérieur à 10 % entre la première et la cinquième stimulation lors d’un train de 10 stimulations à 3 Hz) et/ou la présence d’un jitter en fibre unique. Ces anomalies sont donc identiques à celles décrites dans la myasthénie autoimmune. Il est important de multiplier les couples nerfsmuscles étudiés et de privilégier les territoires bulbaires ou faciaux qui sont parfois les seuls à être le siège d’un décrément. Outre la séronégativité, certains signes électromyographiques tels qu’un double potentiel global d’action musculaire (PGAM) doivent orienter le clinicien vers la recherche d’un SMC (Fig. 2). Diagnostics différentiels Parmi les diagnostics différentiels, on discutera bien sûr une myasthénie autoimmune séronégative pour les anticorps anti-RACH et anti-Musk. La non-réponse aux traitements immunosuppresseurs et la recherche d’anti-RACH de faible affinité et d’anti-LRP4 seront déterminants (ENS Lyon). Devant une présentation plus myopathique, il faut insister sur la nécessité de faire une recherche systématique de bloc de la jonction neuromusculaire à toute maladie musculaire pour laquelle l’histologie n’est pas contributive, en précisant que la mise en évidence d’un bloc de la JNM à l’EMG peut aussi se rencontrer au cours des myopathies, notamment centronucléaires ou des cytopathies mitochondriales (4). Physiologie de la jonction neuromusculaire (Fig. 3) L’arrivée du potentiel d’action neuronal entraîne l’afflux intracellulaire de calcium, puis l’exocytose de quantas d’acétylcholine. L’acétylcholine libérée par la terminaison axonale pré-synaptique se fixe ensuite sur les RACH post-synaptiques et entraîne un afflux de cations (sodium et à un moindre degré calcium) intracellulaire, ce qui génère des potentiels de plaque miniatures. Si le potentiel de plaque (sommation des potentiels de plaque miniatures de la plaque motrice) est supérieur au seuil, un potentiel de fibre musculaire sera 163 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER généré par l’ouverture des canaux sodiques voltage dépendant de façon à propager le potentiel à l’ensemble de la fibre musculaire, qui peut alors se contracter. Il existe, chez le sujet sain, une marge de sécurité de la JNM qui se définit par la différence entre le potentiel de plaque et celui nécessaire à la contraction de la fibre musculaire. L’acétylcholine sera ensuite dégradée en choline et acétate par l’acétylcholinestérase et la choline recaptée par la terminaison pré-synaptique (transport sodium dépendant) pour former de nouvelles vésicules d’acétylcholine grâce, entre autres, à l’action de la choline acétyl-transférase. ! La genèse d’un potentiel miniature de plaque est dépendante de la bonne organisation de la membrane post synaptique, comportant notamment l’organisation des RACH en clusters. Figure 3 - Organisation de la jonction neuromusculaire. D’après Gomez et al, Autoim- L’agrégation des RACH en clusters pour former un bouton synaptique est conditionnée par plusieurs protéines dont les mutations sont associées à des SMC. Musk, une protéine kinase spécifique du muscle, est fondamentale dans la bonne organisation post-synaptique de la membrane par son rôle central dans la voie agrine-lrp4-musk-rapsyne (5, 6). Musk peut être activée soit “de l’intérieur” par dok-7, une protéine cytosolique, soit “de l’extérieur” par lrp4. La fixation de lrp4 sur musk est favorisée par l’agrine et permet en retour la phosphorylation de dok7 (5, 6). Dok-7 intervient donc à la fois comme ligand et comme substrat de musk (7). L’agrine est une protéine libérée par le neurone moteur et sous-tend donc un contrôle neuronal de la différentiation post synaptique. L’activation de Musk entraîne : 1. l’organisation en clusters des 164 munity 2010. RACH via l’activation de la rapsyne ; 2. l’expression des protéines spécifiques post-synaptiques ; 3. la génération de signaux rétrogrades régulant la différentiation pré-synaptique. Enfin, la différentiation post-synaptique nécessite un fonctionnement correct du cytosquelette (actine) et du métabolisme (mitochondries) de la fibre musculaire. SMC pré-synaptiques Impliquées dans moins de 10 % des SMC, les altérations pré-synaptiques sont de transmission autosomique récessive et comprennent les mutations du gène CHAT (8) et des phénotypes très rares (moins de 5 cas index) pour lesquels aucune mutation n’a encore pu être déterminée, tel que le SMC Lambert-Eaton-like (3, 9). Le phénotype CHAT habituel comporte un début néonatal ou dans la petite enfance et associe : • un syndrome myasthéniforme oculobulbaire sensible aux anticholinestérasiques ; • à des décompensations respiratoires brutales graves et récurrentes (episodic apnea) favorisée par le stress, les infections, la fièvre, les vomissements, les efforts et le froid (8). Bien que les stimulations répétitives (SR) à 3 Hz soient souvent normales, à la différence de l’étude en fibre unique, un décrément persiste 5 à 10 minutes après des trains de 5 minutes de SR à 10 Hz ou un effort (8). Le gène impliqué code pour l’acétylcholine transférase, une enzyme catalysant la synthèse d’acétylcholine à partir de la choline. SMC de la fente synaptique Impliquées dans environ 15 % des SMC et de transmission exclusivement autosomique récessive, les altérations du fonctionnement de Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER la fente synaptique sont à ce jour en grande partie liées aux mutations de la queue collagénique de l’acétylcholine estérase (COLQ) responsables d’un déficit d’acétylcholine estérase grevé d’un pronostic sévère (10, 11). Mutation du gène COLQ Le tableau est celui d’une myopathie des ceintures comportant souvent une atteinte faciale (ptosis) et débutant dans la première décennie, le plus souvent avant l’âge de un an (11). L’évolution est progressive chez 50 % des patients et peut être sévère (perte de la marche, scoliose, hypoventilation liée à un syndrome restrictif ). On recherchera des antécédents d’episodic apnea et un ralentissement du réflexe pupillaire photomoteur, présents respectivement chez la moitié et le quart des patients (11). L’élément clinique prépondérant est l’absence de réponse, voire l’aggravation des symptômes avec la prise d’anticholinestérasiques. Sur le plan électrophysiologique, l’obtention d’un PGAM dédoublé après stimulation unique du nerf (Fig. 2) est très évocatrice, peut être facilitée par l’administration de Tensilon ou de 3,4 DAP, et doit faire discuter un syndrome du canal lent ou un surdosage en anticholinestérasiques. Le défaut de fonction de l’acétylcholine estérase entraîne en effet une exposition prolongée de la fente synaptique à l’ACH qui persiste alors après la période réfractaire de la plaque et déclenche un second PGAM pour une même stimulation du nerf. S’ensuit également une désensibilisation et down régulation des ACHR, assortie d’une dégénérescence de la plaque motrice et de la fibre musculaire Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Figure 4 - Jonction neuromusculaire morcelée d’une fibre musculaire humaine. Microscopie optique*40 ; IF bleue : chromatine ; verte : RACH ; rouge : axone. pouvant se traduire par des stigmates électriques “myopathiques” (11). Malheureusement, l’arsenal thérapeutique reste très limité puisque seules l’éphédrine (15 à 90 mg/j en deux à trois prises), et à un moindre degré la 3,4 DAP, permet une amélioration inconstante des symptômes (11). Mutation du gène de la glutamine-fructose-6phosphate transaminase 1 (GFPT1) Décrite en 2011, il s’agit d’une mutation probablement fréquente parmi les patients présentant un tableau de myopathie des ceintures fluctuante, sensible aux anticholinestérasiques (12). L’atteinte faciale et respiratoire est rare. Les premiers symptômes apparaissent le plus souvent dans la première décennie mais des cas de début plus tardif sont décrits, l’évolution est ensuite peu progressive et la majorité des patients restent ambulatoires. La présence d’agrégats tubulaires sur la biopsie musculaire est très évocatrice (12). SMC post-synaptiques Mutations des sous-unités du RACH On distingue les mutations aboutissant à une altération qualitative des RACH (20 % des SMC, canal lent ou rapide) et quantitative des RACH (40 % des SMC, déficit en RACH) (1-3). ❚❚Canal lent Le terme de canal lent fait référence à l’ouverture prolongée du RACH lié soit à la fermeture 165 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER retardée soit à l’ouverture trop facile des RACH, responsable d’un courant synaptique (afflux de cations) lent à décroître. En découlent deux conséquences : • la présence d’un PGAM répété pour une stimulation unique (le courant synaptique est plus long que la période réfractaire de la fibre musculaire) ; • et la dégénérescence musculaire sous synaptique liée à la toxicité de l’influx excessif de calcium intracellulaire et entraînant une diminution du nombre de RACH, ce qui compromet le fonctionnement de la jonction neuromusculaire (13, 14). Comme la présence d’un PGAM dédoublé, l’absence de réponse aux anticholinestérasiques peut en imposer pour une mutation COLQ. C’est le seul SMC de transmission autosomique dominante. Sur le plan clinique, le début est parfois tardif à l’âge adulte et il existe une atteinte prépondérante des muscles cervicaux et extenseurs distaux du membre supérieur (13, 14). Un traitement par quinidine et fluoxétine est proposé, permettant de bloquer les RACH dont l’ouverture est prolongée (15). ❚❚Canal rapide Le mécanisme physiopathologique est inverse : il s’agit de l’ouverture anormalement brève des RACH en réponse à la fixation d’acétylcholine résultant, soit d’une faible probabilité d’ouverture, soit d’une fermeture trop précoce du récepteur. La transmission des mutations est récessive, mais un effet “dominant négatif” a été décrit (l’allèle accompagnant l’allèle muté étant nul, c’est l’allèle muté qui s’exprime) (16, 17). 166 ❚❚Déficit en RACH Il s’agit de la cause la plus fréquente des SMC (1-3). Transmises selon le mode autosomique récessif, les mutations CHRNE affectent la sousunité ε des RACH. Il s’agit le plus souvent d’un syndrome myasthéniforme, parfois pseudo-myopathique, dont l’atteinte oculaire est prédominante, faisant discuter une mutation MUSK ou une autre cause d’ophtalmoparésie progressive (mitochondriopathies…). S’installant en règle dès la première décennie, les symptômes sont souvent peu évolutifs et l’atteinte respiratoire rare. L’efficacité des anticholinestérasiques peut être renforcée par l’adjonction de 3,4DAP (18, 19). Mutations du gène DOK7 La présentation habituelle est soit celle de “myasthénie des ceintures” associée à une faiblesse des muscles d’innervation bulbaire respectant le plus souvent les muscles oculomoteurs, soit celle de pseudo-myopathie des ceintures associant atrophie, déficit moteur progressif, scoliose, élévation faible de la créatine kinase (20-22). Les mutations du gène DOK7 sont transmises sur le mode autosomique récessif. Les symptômes débutent généralement après l’acquisition de la marche, voire à l’âge adulte. Si les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase sont inefficaces ou délétères, l’éphédrine (15 à 90 mg/j en deux à trois prises), l’albutérol et, à un moindre degré, la 3,4 DAP permettent en revanche une amélioration progressive et retardée (évaluée après 6 mois) de la sémiologie (20-22). L’ENMG en SR et en fibre unique montre un décrément et/ou des signes myogènes, mais jamais de PGAM dédoublés contrairement aux mutations de COLQ. La biopsie musculaire peut révéler des aspects myopathiques non spécifiques en montrant une atrophie des fibres II, une prédominance des fibres I, une nécrose des fibres musculaires, une diminution de l’activité des enzymes oxydatives, et/ou une lipidose (22). Il n’est pas observé d’agrégats tubulaires à la différence d’autres formes de “myasthénies des ceintures” en partie liées à GFPT1 (12). Mutations du gène de la rapsyne (RAPSN) Bien que les symptômes débutent habituellement avant l’âge de 2 ans, un début tardif est possible (23, 24). La transmission est autosomique récessive. Le phénotype peut être celui d’une hypotonie néonatale, parfois accompagnée d’athrogrypose et d’episodic apnea, ou d’un syndrome myasthénique séronégatif avec ptôsis volontiers asymétrique. La classique absence d’atteinte oculomotrice initialement décrite a récemment été remise en question par l’équipe de la Mayo Clinic qui décrit une ophtalmoparésie constante ou intermittente chez près du quart de ses patients (24). Une forme d’évolution bénigne affectant les Juifs originaires du Proche-Orient a été décrite et comporte une dysmorphie évocatrice avec prognathisme, palais ogival et visage allongé (25). L’ENMG peut être pris en défaut, mais la prise de 3,4DAP ou la réalisation d’un train à 10 Hz pendant 5 minutes peuvent le sensibiliser. Il est important de différencier ce décrément non spécifique de celui observé dans les mutations CHAT Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 qui persiste 5 à 10 minutes après la stimulation. L’évolution est lente et les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase bénéfiques dans la majorité des cas (23-25). Autres mutations Le pattern de transmission est exclusivement autosomique récessif. ❚❚Gène de la protéine Musk (MUSK) Le tableau clinique est celui soit d’un ptosis associé à une ophtalmoparésie progressive et à un déficit des ceintures, soit d’une hypotonie néonatale avec insuffisance respiratoire et/ou episodic apnea nécessitant souvent une trachéotomie et évoluant vers un déficit musculaire sévère atrophique avec scoliose (26, 27). Similairement aux mutations DOK7, la biopsie musculaire retrouve des signes myopathiques aspécifiques. Les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase seuls ou en association avec la 3,4DAP et l’albutérol sont faiblement efficaces à la différence de l’éphédrine dont l’effet semble nul (26, 27). ❚❚Gène de l’agrine (AGRN) Récemment décrite et peu fréquente (2 cas), les mutations du gène de l’agrine sont responsables d’une fatigabilité proximale fluctuante installée dès la petite enfance, assortie d’un ptôsis, sans atteinte oculomotrice (28). ❚❚Gène du canal sodique voltagedépendant SCN4 Seul un cas est référencé (29). Il s’agit d’une patiente présentant dès la naissance des episodic apnea, une fatigabilité et une faiblesse bulbaire, puis une atteinte oculomotrice et un ptôsis bilatéral peu fluctuant. Les SR à 3 Hz ne retrouvent pas de décrément à la différence des SR à 50 Hz pendant 2 s. On retient surtout la normalité apparente du Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 muscle et de la jonction neuromusculaire en microscopie au repos, alors que la stimulation de la fibre musculaire à -40mV n’engendre pas de potentiel d’action. Sur le plan thérapeutique les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase associés à l’acétazolamide sont efficaces. ❚❚Plectinopathie L’association d’un syndrome myasthéniforme à une épidermolyse bulleuse et/ou une dystrophie musculaire progressive doit orienter la recherche génétique vers une mutation de la plectine, protéine cytosolique nécessaire au maintien de l’architecture cellulaire et particulièrement exprimée sous la plaque (30, 31). L’étude histologique conforte la suspicion en montrant, outre des anomalies structurales des noyaux, des organelles et de la jonction neuromusculaire, l’absence de plectine dans la fibre musculaire en immunohistochimie. ❚❚LAMB2 Seule une patiente est décrite dans la littérature et présente un tableau sévère de myopathie des ceintures débutant dès la petite enfance, associée à un syndrome de Pierson (néphropathie et atteinte oculaire avec myosis) (32). Conclusion Les SMC représentent une entité hétérogène au sein desquels on peut cependant définir les caractéristiques suivantes : 1. début dans la première décennie ; 2. évolution très lentement progressive ; 3. contexte familial et mode de transmission récessif ou “sporadique” ; 4. faiblesse fluctuante des muscles proximaux et ptôsis, pouvant évoluer sur un mode chronique pseudomyopathique ; 5. séronégativité RACH et Musk. Les investigations en biologie moléculaire seront guidées par la clinique. Ainsi, un début à l’âge adulte orientera vers une mutation des gènes DOK7, RAPSN et canal lent, un mode de transmission autosomique dominant vers un canal lent (ou une mitochondriopathie), un tableau de myopathie des ceintures de l’adulte vers DOK-7 ou GFPT1, une atteinte des extenseurs des poignets et doigts vers un canal lent, une atteinte oculaire vers LAMB2 (myosis), COLQ (réflexe photomoteur) et GPT1 (dégénérescence maculaire, rétinite pigmentaire), un double PGAM vers COLQ ou un canal lent, et une inefficacité ou aggravation avec les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase vers CPLQ ou DOK7. Les mutations les plus prévalentes sont celles de CHRNE et de RAPSN et leur recherche est recommandée en première intention, en absence d’orientation évidente, par le consensus international réalisé en 2004 (33). Le diagnostic reste donc complexe, mais l’enjeu est cependant de taille pour le patient auquel on évitera une thymectomie et une immunosuppression prolongée inutile. n Correspondance Dr Perrine Devic Service de neurologie Hôpital de la Croix-Rousse 103 Grande rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon E-mail : [email protected] Mots-clés : Syndromes myasthéniques congénitaux, Jonction neuromusculaire, Fente synaptique, Génétique, Electromyographie, Atteinte oculomotrice, Détresse respiratoire, Myopathie des ceintures, Anticholinestérasiques, RACH, MUSK 167 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Bibliographie DOSSIER 1. Engel AG. Congenital myasthenic syndromes in 2012. Curr Neurol Neurosci Rep. 2011, epub ahead of print. 2. Engel AG, Ohno K, Sine SM. Congenital myasthenic syndromes:progress over the past decade. Muscle Nerve 2003 ; 7 : 4-25. 3. Engel AG, Sine SM. 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Néanmoins, le diagnostic est souvent retardé de plusieurs années du fait d’une banalisation des symptômes par l’entourage et le sujet âgé souffrant de démence, parfois même par les soignants. Le diagnostic de maladie d’Alzheimer en pratique courante est établi grâce à la confrontation d’éléments cliniques (histoire de la maladie, antécédents, comorbidités, traitements, tests neuropsychologiques) et des marqueurs d’imagerie cérébrale (imagerie par résonnance magnétique, ou scanner en cas de contre-indication). A ces critères peuvent s’ajouter des critères biologiques qui, en dehors de la recherche clinique, sont réservés aux sujets avec suspicion de diagnostic de maladie d’Alzheimer atypique et aux sujets jeunes âgés de moins de 60 ans (1). Ces *CHU Dupuytren, Pôle Personnes âgées et Soins à domicile, Limoges Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146 Isabelle Saulnier, Florent Lachal et Thierry Dantoine* marqueurs de neurodégénérescence (protéines tau, tau phosphorylée et peptide Aβ1-42) sont dosés dans le liquide céphalorachidien prélevé par ponction lombaire. Cet acte est invasif, parfois difficile techniquement et difficilement accepté par les malades. Une technique de dosage des marqueurs dans le sang serait donc plus accessible pour tous les patients. Actuellement, de nombreuses équipes travaillent au développement de techniques fiables et reproductibles de dosages plasmatiques des marqueurs de la maladie d’Alzheimer. La revue de la littérature par S. Schraen (2) sur les biomarqueurs sanguins a montré un nombre important de tests sanguins en cours d’étude, tels que le dosage des peptides amyloïdes A-β40 et A-β42, le dosage simultané de plusieurs protéines de signalisation (interleukines, chimiokines, facteurs de croissance dont l’interleukine 1α et le Tumor Necrosis Factor α) et l’étude du transcriptome. Dans cet article, nous proposons de décrire l’état de l’art concernant de nouveaux tests sanguins basés sur les altérations de l’expression des ARN messagers et/ ou de l’épissage, biomarqueurs potentiels de la maladie d’Alzheimer et utilisant un système de biopuce. Actuellement, deux tests sont disponibles : • AclarusDx® (mis au point par Exonhit) ; • et ADtect® (mis à disposition par DiaGenic). Le test AclarusDx® AclarusDx® est une signature moléculaire sanguine permettant d’identifier la maladie d’Alzheimer de manière simple et non traumatique. L’analyse du transcriptome des leucocytes circulants peut révéler des évènements moléculaires survenant à distance du système nerveux central (3, 4). 169 diagnostic Le transcriptome et épissage alternatif Le transcriptome est l’ensemble des ARN messagers présents au sein d’une cellule ou d’un tissu à l’origine de la synthèse de multiples protéines. Cette synthèse protéique issue d’un même gène est régulée par l’épissage constitutif et alternatif. L’expression de la majorité des gènes de l’ADN (60 à 100 %) est régulée par l’épissage alternatif, variable selon la cellule ou le tissu (5-7). L’épissage alternatif conduit à la maturation d’un ARN originel par élimination des séquences nucléotidiques afin d’aboutir à un ARN mature qui sera traduit ensuite en une protéine (Fig. I). Les biopuces et la technologie Genome-Wide SpliceArray™ : épissage alternatif ❚❚Principe de la technique de biopuce Le transcriptome peut être analysé par une technique de microarrays ou de biopuce à ADN. C’est un ensemble de sondes spécifiques, capable de s’hybrider avec les ADNc (ADN complémentaires) marqués à la biotine et préalablement synthétisés à partir des ARN totaux extraits du sang. Ici, est utilisé le SpliceArray™ avec une biopuce de type GWSA (Genome-Wide SpliceArray®) d’Exonhit. Elle permet de cibler 21 000 gènes (8) en ajoutant une analyse des évènements d’épissage alternatif sur toute la longueur du transcrit. ❚❚Identification d’une signature transcriptomique sur 177 sujets (9) Une étude multicentrique visant à identifier la signature transcriptomique de la maladie d’Alzheimer 170 Figure 1 - Schéma récapitulatif de l’épissage alternatif. a été réalisée grâce à une cohorte (étude EHTAD/002 et CRO) à partir de 177 échantillons issus de 90 patients souffrant de maladie d’Alzheimer (MA) selon les critères du DSMIV-TR et de NINCDS-ADRDA et de 87 sujets “contrôles” asymptomatiques. L’âge moyen était de 78,08 ± 6,67 ans avec des âges extrêmes de 58 et 95 ans dans le groupe MA contre 69,71 ± 6,53 ans avec des âges de 56 et 86 ans dans le groupe “contrôles”. Le MMSE moyen était de 17,16 ± 6,04 ans dans le groupe MA contre 29,31 ± 0,97 dans le groupe “contrôles”. Deux tiers des prélèvements des malades ont servi à développer le modèle mathématique par analyse numérique et procédés itératifs tandis que le tiers restant a servi à valider les modèles ainsi créés. Le choix de la signature optimale est basé sur la performance globale. Une analyse par composante principale permet de visualiser les performances de la signature sélectionnée en différenciant significativement les deux populations étudiées. Les mesures d’expression sont obtenues sur plus de deux millions de groupes de sondes. Cent trente-six gènes sont associés à la signature. Parmi eux, certains sont impliqués dans la physiopathologie inflammatoire et immunitaire de la MA, tels que Rock1, Bcl2A1, JAK2 (10-12). Cette technologie a été réalisée chez des sujets porteurs d’autres types de démences que la MA mais les résultats ne sont pas connus actuellement. Validation en aveugle de la signature sur une cohorte additionnelle indépendante pour établir une zone grise : étude EHTAD/002 (13) L’étude EHTAD/002 est une étude multicentrique transversale destinée à établir la performance d’AclarusDx®, en aveugle sur une cohorte indépendante de 111 sujets atteints de MA et 98 sujets “contrôles” asymptomatiques en y Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Identification de patients atteints de la maladie d’Alzheimer ajoutant une zone d’indétermination dite grey zone ou “zone grise”. AclarusDx® a montré une sensibilité supérieure à 80 % et une spécificité proche de 70 % en excluant les échantillons situés dans la zone grise. Utilisations actuelles Cette technique d’identification n’est pas encore utilisée en pratique courante. Elle est disponible uniquement sur le marché français depuis le 15 mars 2011 dans les Centres Mémoire de Ressource et de Recherche (CMRR) et les Centres Mémoire (CM) pour le diagnostic in vitro en association avec les évaluations usuelles dans le cadre de la démarche diagnostique de la MA. Il existe également 4 études cliniques en cours utilisant le test AclarusDx® : • l’étude française BIO-MAPT (Multidomain Alzheimer Preventive Trial) dont l’objectif est d’identifier une population de sujets âgés fragiles à risque de MA et/ ou de déclin cognitif rapide ; • l’étude française BALTAZAR (Biomarker of AmyLoïd pepTide and AlZheimer’s diseAse Risk) : évaluation de la relation entre des biomarqueurs plasmatiques amyloïdes pour la maladie d’Alzheimer (Aβ40, Aβ42, sAPPα) et : - le risque de conversion vers la MA chez des patients MCI ; - et la vitesse de progression de la MA ; • une étude observationnelle française longitudinale dont l’objectif est d’estimer la prévalence de positivité d’AclarusDx® chez les patients souffrant de MA dans la population de primo-consultants vus en CMMR ou Centre Mémoire ; • et une étude pilote américaine dont l’objectif principal est d’évaluer la capacité d’AclarusDx® à Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 identifier une MA chez des patients américains primo-consultants référés dans un centre mémoire. Le test ADTect® (2, 14) Le test ADtect® mesure l’expression de gènes identifiés à partir de l’analyse de profils d’expression génique sur un support biopuce. l’expression est spécifique de la MA, ce qui permet notamment de réduire les coûts de ce test et de le rendre plus accessible technologiquement. Il s’agit d’un test sanguin. Après extraction des ARN totaux des leucocytes, les échantillons sont concentrés puis un brin d’ADNc est synthétisé et marqué à la digoxigénine. C’est ce même brin qui s’hybridera ou non avec les sondes présentes sur la biopuce (AB 1700 Whole Genome Survey). Il s’agit donc des mêmes techniques de biologie moléculaire que pour la méthode AclarusDx®, seul le marquage de l’ADNc change, ainsi que la biopuce elle-même. Les résultats préliminaires de performance de ce test, issus d’une étude multicentrique scandinave et ayant porté sur 103 patients atteints de MA et 105 sujets “contrôles”, ont mis en évidence que la signature AD-Tect® associée à la MA permettrait de diagnostiquer la maladie avec une sensibilité de 72 % et une spécificité de 72 % (15). Cependant, même si ce test possède une bonne sensibilité, le modèle créé n’a pas été validé avec des sujets contrôles atteints d’autres démences comme la démence fronto-temporale ou la démence vasculaire. La discrimination de ce test entre MA et une démence d’autre étiologie reste à démontrer. Résultats Utilisations actuelles Principe de la technique En partant de 32 878 sondes d’oligonucléotides (60 bases), un modèle mathématique a été construit à partir de 94 personnes atteintes de MA et de 94 témoins et 1 239 sondes spécifiques ont été identifiées. 67 patients en aveugle (31 patients atteints de MA, 25 contrôles appariés sur l’âge, 7 contrôles “jeunes” puis sur 27 patients atteints de maladie de Parkinson et 10 patients Mild Cognitive Impairment) ont permis de valider le test avec une sensibilité de 84 ± 13 % (IC à 95 %) et une spécificité de 91 ± 10 % (IC à 95 %). Cette signature moléculaire a ensuite été adaptée sur une plateforme RT-PCR (Reverse Transcriptase, Réaction de Polymérisation en Chaînes ; cela correspond à “l’inverse” d’une réaction de transcription de l’ADN en ARN). En isolant 96 gènes dont Ce test n’est pas utilisé en pratique courante en France, bien que disponible dans plusieurs pays européens (Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Grande-Bretagne, Grèce, Finlande, Irlande, Norvège, Suède, Suisse et Turquie) sur le site www.diagenic.com. En conclusion Cette technique d’analyse transcriptomique représente la première génération de tests sanguin de diagnostic de MA. Malheureusement, leur sensibilité et leur spécificité ne permettent actuellement qu’une aide au diagnostic et n’est utilisée qu’en recherche. En France, seule la technique AclarusDx® est disponible et pour l’instant seulement pour le diagnostic de MA. En ce qui concerne le test 171 diagnostic ADtect®, il n’est pas sur le marché en France et une seule étude est à notre disposition sur un faible nombre de sujets atteints de MA. n Conflits d’intérêt : Oui, participation à l’étude Exonhit Diagnostic 002. Correspondance : Pr Thierry Dantoine CHU Dupuytren Pôle Personnes âgées et Soins à domicile 2, Avenue Martin Luther King 87042 Limoges Cedex E-mail : [email protected] Mots-clés : Maladie d’Alzheimer, MCI, Mild Cognitive Impairment, Diagnostic, Biopuces, Marqueurs sanguins, Transcriptome Bibliographie 1. HAS. Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées [Internet]. 2008 mars [cité 2011 juin 8]. Available from : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2008-06/ maladie_dalzheimer_-_recommandations.pdf 2. Schraen S, Bombois S, Vercruysse O et al. Biomarqueurs sanguins - Perspectives actuelles pour l’aide au diagnostic et pronostic de la maladie d’Alzheimer. Neurologies 2011 ; 14 (137) : 2-10. 3. Rezai-Zadeh K, Gate D, Szekely CA et al. Can peripheral leukocytes be used as Alzheimer’s disease biomarkers ? Expert Rev Neurother 2009 ; 9 : 1623-33. 4. Bell RD, Zlokovic BV. 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Available from : http://www.diagenic.com/filestore/Scientific_Literature/ AD/ADHonoluluICADJuly10Postervs12.pdf à lire Neurologie Jean Cambier, Maurice Masson, Catherine Masson et Henri Dehen Editions Masson, Collection Abrégés 2012, 560 pages www.elsevier-masson.fr Treizième édition, totalement actualisée, de ce classique des ouvrages de neurologie. 172 Alzheimer et communication non verbale Cécile Delamarre Préface de Didier Armaingaud Editions Dunod, Collection Action sociale Avec le soutien du groupe Medica 2011, 214 pages - www.dunod.com Un décryptage des gestes et attitudes qui permettent au malade Alzheimer de communiquer avec son milieu. En complément, un logiciel téléchargeable : Sémacorps®. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Le point sur… Les troubles du contrôle des impulsions Prévenir et dépister précocement n Des troubles du comportement, à type de comportements compulsifs et répétitifs, tels que le jeu pathologique, les achats compulsifs et une hypersexualité, ont été rapportés avec la lévodopa et les agonistes dopaminergiques, principalement chez les patients traités pour une maladie de Parkinson (1). Ces troubles du contrôle des impulsions (TCI) ont fait l’objet d’une attention particulière au cours des dernières années en raison de leurs conséquences familiale, sociale et professionnelle parfois dramatiques. Leur fréquence, les facteurs favorisants et l’influence des différents traitements antiparkinsoniens sont désormais établis (2, 3). Les principaux troubles du contrôle des impulsions Les principaux TCI rapportés chez les patients atteints de la maladie de Parkinson sont : • le jeu pathologique (dépendance aux jeux notamment de hasard et d’argent) ; • une hypersexualité (augmentation de la libido, exhibitionnisme) ; • des achats compulsifs (non indispensables et parfois inadaptés au budget) ; • et des troubles du comportement alimentaire (boulimie/grignotage, appétence pour les sucreries). D’autres troubles du comportement, tels que l’hypomanie, des troubles obsessionnels compulsifs, une anxiété pathologique ou le punding (4) sont également associés aux traitements dopaminergiques. *Département de Neurologie, Centre Hospitalo-Universitaire de Rouen, Charles Nicolle Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Dans les formes sévères, l’association de plusieurs troubles du comportement peut conduire à un syndrome de dysrégulation dopaminergique (5). Le jeu pathologique La pratique du jeu devient pathologique lorsqu’elle répond aux critères du DSM-IV (encadré). En pratique, elle concerne le plus souvent des jeux à gratter ou en ligne, la fréquentation des salles de jeu (casinos) ou les courses de chevaux. Les conséquences peuvent être dramatiques sur le plan financier, familial et professionnel. L’hypersexualité Plus fréquente chez les patients masculins, elle se manifeste souvent par une simple augmentation de la libido qui peut conduire à un harcèlement incessant de la conjointe. Dans les cas plus sévères, elle peut se traduire par des phénomènes d’exhibitionnisme, de violences sexuelles, un attrait David Maltête* exacerbé envers tout ce qui touche au monde du sexe (sex shops, sites pornographiques, prostituées). Le punding Il s’agit d’un comportement moteur stéréotypé, non productif, sans but, caractérisé par le besoin d’examiner, manipuler, collectionner, monter et démonter des objets (4). Il doit être différencié des troubles obsessionnels compulsifs (absence d’idée obsédante) et des états hypomaniaques (absence d’excitation caractéristique). L’activité répétitive est souvent en rapport avec l’activité professionnelle antérieure du patient. Ainsi, les hommes s’orienteront vers le bricolage, la mécanique, les activités de jardinage, alors que les femmes seront davantage attirées par les activités artistiques (peinture, sculpture). Le patient est conscient de l’absence de finalité des actes, mais recommence tous les jours de la même manière. Le caractère permanent des troubles a un impact sur la qualité de vie des patients. 173 Le point sur… Le syndrome de dysrégulation dopaminergique Le syndrome de dysrégulation dopaminergique (Hedonistic Homeostatic Dysregulation) est un tableau sévère caractérisé par l’association des signes suivants (5) : • un comportement maniaque ou hypomaniaque : le patient alterne entre des états euphoriques avec sentiment d’invulnérabilité, enthousiasme (en période ON) et des états dysphoriques avec apathie, dépression, isolement (en période OFF) ; • des troubles du contrôle des impulsions multiples, comme le jeu pathologique, l’hypersexualité ou les achats compulsifs ; • un punding ; • des errances pathologiques : dans les périodes ON, le patient éprouve le besoin de déambuler et va parfois parcourir de grandes distances sans but précis avec une perception erronée du temps ; • une addiction aux thérapies antiparkinsoniennes souvent compliquée de dyskinésies sévères. Quelle prévalence ? Au cours des dernières années, plusieurs études transversales ont évalué la prévalence et les facteurs favorisant les principaux TCI. En outre, une large étude multicentrique (2) réalisée aux Etats-Unis et au Canada sur 3 090 patients parkinsoniens révèle que 13,6 % des patients présentent au moins un TCI actif : 5 % présentent un jeu pathologique, 3,5 % une hypersexualité, 5,7 % des achats compulsifs et 4,3 % des accès boulimiques. La distribution des TCI varie en fonction du sexe : la prévalence de l’hypersexualité étant plus élevée chez les hommes alors que les achats compulsifs et les accès bou174 Définition du jeu pathologique, selon le DSM-IV A. Pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu, comme en témoignent au moins 5 des manifestations suivantes : - préoccupation par le jeu (remémoration d’expériences de jeu passées ou prévisions de tentatives prochaines, ou moyens de se procurer de l’argent pour jouer) ; - besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour atteindre l’état d’excitation désiré ; - efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter ; - agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d’arrêt ; - joue pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique ; - après avoir perdu de l’argent au jeu, retourne souvent jouer un autre jour pour recouvrer ses pertes ; - ment à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour dissimuler l’ampleur réelle de ses habitudes de jeu ; - commet des actes illégaux, tels que des falsifications, fraudes, vols ou détournement d’argent pour financer la pratique du jeu ; - met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à cause du jeu ; - compte sur les autres pour obtenir de l’argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu. B. La pratique du jeu n’est pas mieux expliquée par un épisode maniaque. limiques sont plus fréquents chez les femmes. Enfin, la présence de 2 TCI ou plus est observée chez 3,9 % des patients. Le syndrome de dysrégulation dopaminergique toucherait environ 4 % des patients parkinsoniens traités. Toutefois, cette prévalence est probablement sous-estimée en raison de l’absence d’outil de mesures spécifique. Les facteurs favorisants Les principaux facteurs favorisants identifiés sont les traitements pharmacologiques et la personnalité prémorbide du patient (3). Ainsi, il a été montré que le risque de développer un TCI était multiplié par 2 à 3 chez les patients traités par agonistes dopaminergiques. Le risque est accru avec l’augmentation de la posologie. En revanche, il n’existe pas de différence significative entre les principaux agonistes (ropinirole, pramipexole) suggérant un effet de classe. Par ailleurs, l’association d’un agoniste à la L-dopa majore le risque de survenue d’un TCI. Enfin, il faut souligner que les TCI peuvent être observés chez des patients traités en monothérapie par L-dopa avec une fréquence moindre (7 %). L’âge < 65 ans, le célibat, le tabagisme et les antécédents familiaux de jeu pathologique ou d’addiction sont des facteurs prédisposant à la survenue d’un TCI chez les patients parkinsoniens traités par agonistes dopaminergiques. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Les troubles du contrôle des impulsions De plus, l’existence d’un syndrome anxiodépressif ou de troubles obsessionnels compulsifs, les traits de personnalité en faveur d’une impulsivité, ou d’une extravagance sont retrouvés plus fréquemment chez les patients traités ayant développé un TCI (4). La physiopathologie Les principaux symptômes moteurs de la maladie de Parkinson (rigidité, akinésie, tremblement) sont le reflet de la dénervation dopaminergique striatale. Cette dénervation obéit à un gradient, avec une atteinte précoce de la portion dorsale du striatum, dévolue à la motricité et plus tardive de la portion ventrale impliquée dans les boucles cortico-sous-corticales associatives et limbiques. Ainsi, dans les formes légères à modérées, la prescription d’agonistes dopaminergiques non ergotés de seconde génération avec une affinité particulière pour les récepteurs D3, abondants dans le striatum ventral, pourrait favoriser une sur-stimulation de la voie ventrale intacte. Il en résulterait une perturbation des boucles impliquées dans la récompense, la motivation et le contrôle des impulsions. Plusieurs études d’imagerie corroborent l’hypothèse d’une implication de la voie ventrale du striatum dans le syndrome de dysrégulation dopaminergique et le jeu pathologique associés à la maladie de Parkinson (6, 7). La prise en charge La prise en charge des TCI passe par les trois actions suivantes : • informer, • diagnostiquer, • et traiter. En France, les TCI ont fait l’objet d’une Lettre aux professionnels Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Lettre de l’Afssaps aux professionnels de santé «• Il est important d’informer les patients et leur entourage de ce risque de troubles du comportement et de la nécessité de consulter un professionnel de santé en cas de survenue. • Il est important d’être attentif à toute modification du comportement chez les patients traités par un ou plusieurs médicaments dopaminergiques, surtout en cas de traitement à des posologies élevées, et/ou après une augmentation récente des posologies. • En cas de survenue de troubles du comportement ayant un impact sur la qualité de vie du patient et/ou des conséquences familiales, sociales ou professionnelles, une modification du traitement dopaminergique utilisé devra être envisagée. » de santé de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en 2009 (encadré) et sont inclus dans les mentions légales des agents dopaminergiques. En pratique d Une information claire et détaillée devra être délivrée au patient et si possible à l’aidant principal, dès l’initiation du traitement dopaminergique. Cette information devra être relayée auprès du médecin traitant, assurant ainsi sa traçabilité. La recherche des modifications comportementales devra ensuite être systématique à chaque consultation de suivi, à l’aide d’un interrogatoire ciblé, en présence de l’aidant principal. d Chez les sujets à risque (âge jeune et antécédents d’addiction), l’initiation d’un traitement par agoniste dopaminergique et/ou l’ajustement d’un traitement antiparkinsonien (augmentation de dose) devront être réalisés prudemment en évaluant le rapport bénéfice/risque. d Dans l’idéal, les patients et l’aidant principal pourront être inclus dans un projet d’éducation thérapeutique. Le traitement La prise en charge est d’autant plus aisée que le dépistage a été précoce. Lorsqu’un TCI est identifié et qu’il retentit de manière significative sur la qualité de vie du patient, un ajustement du traitement doit être systématiquement envisagé. L’arrêt de l’agoniste dopaminergique demeure la prise en charge la plus efficace puisqu’elle s’accompagne d’une disparition des TCI dans 90 % des cas. Afin de compenser ce sevrage qui peut être source d’une aggravation motrice, les doses de L-dopa sont généralement augmentées avec une dose totale d’équivalent-dopa stable (8, 9). Dans certains cas, la réduction de l’agoniste dopaminergique ou le switch par un autre agoniste sont proposés avec des résultats inconstants et globalement décevants. En effet, une étude prospective récente réalisée chez 35 patients présentant un TCI révèle que le switch avec un autre agoniste est efficace chez 1/3 des patients alors que la réduction est satisfaisante dans seulement 10 % des cas (10). Des mesures de protection (curatelle, retrait de la carte bancaire, interdiction de casino) seront parfois 175 Le point sur… indispensables dans les cas de jeux pathologiques ou de dépenses excessives incontrôlées. L’intérêt de prescrire d’autres thérapeutiques susceptibles de réduire les TCI est parfois discuté. Toutefois, les données concernant l’amantadine (11) demeurent controversées et les inhibiteurs de recapture de la sérotonine n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Le recours aux neuroleptiques atypiques (risperdal, quétiapine, olanzapine) a parfois été proposé (12), mais il est discutable car aucun bénéfice n’est confirmé dans la seule étude contrôlée (13). Récemment, l’efficacité du valproate a été rapportée chez trois patients présentant différents TCI (14). Dans certains cas, un effet bénéfique de la cyprotérone (Androcur®) est souligné chez les hommes présentant une hypersexualité. Place de la stimulation cérébrale profonde L’existence de TCI ne constitue pas, per se, une indication à la stimulation cérébrale profonde. Cependant, l’âge jeune des patients et la coexistence de complications motrices, telles que les dyskinésies associées fréquemment au syndrome de dysrégulation dopaminergique, conduisent naturellement certains patients vers la chirurgie (15). Les résultats d’une revue récente de la littérature soulignent, néanmoins, la variabilité de l’effet de la stimulation bilatérale du noyau sous-thalamique sur les TCI (16). Dans certains cas, il est noté une amélioration (réduction ou disparition complète) qui est généralement attribuée à la réduction concomitante des agonistes dopaminergiques. Les autres mécanismes évoqués sont la réduction de la stimulation dopaminergique pulsatile (en particulier dans le syndrome de dysrégulation dopaminergique) ou un effet direct sur les projections limbiques du NST. A l’inverse, certains patients vont développer des troubles du comportement ou aggraver des TCI préexistants après l’intervention chirurgicale. Dans ce cas, l’hypothèse d’une diffusion du courant électrique à la portion limbique (plot ventral) du noyau sous-thalamique est discutée. Un ajustement des paramètres de stimulation (plot dorsal) peut permettre une résolution des troubles. complication majeure des traitements dopaminergiques dans la maladie de Parkinson. Leur prise en charge est avant tout préventive et soumise à la diffusion d’une information claire au patient et à l’aidant principal. La prescription des agonistes doit être particulièrement surveillée, sans distinction entre les différentes molécules (effet de classe), y compris dans les autres indications (syndrome des jambes sans repos, atrophie multisystématisée). n Correspondance Dr David Maltête Département de Neurologie, Centre Hospitalo-Universitaire de Rouen, Charles Nicolle 1 rue de Germont 76031 Rouen Cedex Tél. : 02 32 88 87 40 E-mail: [email protected] Mots-clés : Troubles du contrôle des impulsions, Jeu pathologique, Achats compulsifs, Hypersexualité, Troubles du comportement alimentaire, Hypomanie, Troubles obsessionnels compulsifs, Anxiété pathologique, Punding, Lévodopa, Agonistes dopa- Conclusion minergiques, Maladie de Parkinson, Les troubles du contrôle des impulsions peuvent constituer une Dysrégulation dopaminergique, Stimulation cérébrale profonde Bibliographie 1. Ceravolo R, Frosini D, Rossi C, Bonucelli U. 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Impulse control disorders: clinical characteristics and pharmacological management. Ann Clin Psychiatry 2004 ; 16 : 27-34. Review. 14. Hicks CW, Pandya MM, Itin I, Fernandez HH. Valproate for the treatment of medication-induced impulse-control disorders in three patients with Parkinson’s disease Parkinsonism Relat Disord 2011 ; 17 : 379-81. 15. Witjas T, Baunez C, Henry JM et al Addiction in Parkinson’s disease: impact of subthalamic nucleus deep brain stimulation. Mov Disord 2008 ; 20 : 1052-5. 16. Broen M, Duits A, Visser-Vandewalle V et al. Impulse control and related disorders in Parkinson’s disease patients treated with bilateral subthalamic nucleus stimulation: a review. Parkinsonism Relat Disord 2011 ; 17 : Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 413-7. rendez-vous de l’industrie Maladie de parkinson Sclérose en plaques Le laboratoire Teva crée le programme AGIR-PARK Novartis prépare “SEP en Scène” A près le succès, depuis 6 ans, du programme AGIR-SEP, le laboratoire Teva a lancé, à l’occasion de la Journée Mondiale de la maladie de Parkinson, le programme AGIR-PARK (Agir en Groupes d’Initiatives Régionales dans la lutte contre la maladie de Parkinson), destiné aux professionnels de santé impliqués dans la maladie de Parkinson. Les programmes AGIR-SEP et AGIR-PARK sont des programmes de soutien financier et d’accompagnement logistique à destination de spécialistes, pour développer des projets de leur choix, répondant à des préoccupations régionales, autour de quatre axes majeurs incluant : • l’amélioration des outils de prise en charge des patients ; • la création d’outils de formation et d’information pour les professionnels permettant d’optimiser la prise en charge des patients ; • l’apport de moyens logistiques pour soutenir la recherche ; • le développement d’actions pluridisciplinaires permettant d’enrichir le dialogue avec tous les acteurs impliqués dans la prise en charge et le suivi des patients. A travers AGIR-PARK, Teva apporte une aide financière annuelle à des équipes hospitalières constituées en “groupes” animés par un neurologue référent. Répartis dans toute la France, ces groupes proposent des actions, qui une fois validées, sont mises en œuvre de manière pratique par une plateforme logistique qui est entièrement financée par le laboratoire. n Sclérose en plaques Biogen Idec : 2e édition de la Maison de la SEP A l’occasion de la Journée Mondiale de la Sclérose En Plaques (le 30 mai 2012) et de la semaine nationale de sensibilisation à la SEP (du 23 au 30 mai 2012), Biogen Idec France, en partenariat avec les réseaux de santé dédiés à la maladie et les associations de patients AFSEP, la Ligue Française contre la SEP et “Notre Sclérose”, ouvre pour la deuxième année consécutive, dans 7 villes de France, la Maison de la SEP (1er juin 2012 à Toulouse ; 1er et 2 juin 2012 à Clermont-Ferrand, Lyon, Nantes et Paris ; 2 juin 2012 à Lille ; 8 et 9 juin 2012 à Marseille). Pendant deux jours, les patients atteints de SEP, leur famille et leur entourage pourront s’informer sur la maladie, rencontrer et échanger avec des professionnels de santé, des psychologues, des assistants sociaux, des associations de patients et d’autres patients. Des ateliers sur l’intérêt de la sophrologie dans la SEP seront animés par des professeurs de la Fédération Française de Sophrologie (FFS). L’accès à la Maison de la SEP est libre et ne nécessite pas d’inscription préalable. n Pour en savoir plus : http://www.lamaisondelasep.fr Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 N ovartis, en partenariat avec l’AFSEP et la LFSEP, prépare une campagne nationale d’information et de sensibilisation du grand public, “SEP en Scène”, réalisée avec les différents acteurs impliqués dans la SEP : patients, neurologues et associations de patients. Au cours de soirées pédagogiques d’information, seront présentées en public des scènes de vie issues d’ateliers d’expression de patients et conçues avec Isabelle Janier (ancienne pensionnaire de la Comédie Française et atteinte elle-même), autour de trois thématiques : l’annonce du diagnostic et le partage avec l’entourage ; le vécu d’une prise en charge pluridisciplinaire avec ses contraintes et espoirs ; le retentissement de la SEP sur la vie conjugale, familiale, professionnelle, sociale. Trois comédiens interprèteront tour à tour patients, aidants, familles, médecins, voisins, collègues… La première soirée d’information se déroulera à Paris le 29 mai. Elle sera ensuite reproduite à l’identique à Toulouse et Lyon. Un film sera également diffusé et commenté dans plusieurs antennes régionales des associations de patients. Le site www.sepenscene.com, lancé en avril, permettra de suivre la campagne en ligne. n Epilepsie Eisai lance l’antiépileptique Zebinix® E ISAI lance un nouvel antiépileptique, Zebinix® (acétate d’eslicarbazépine, boite de 30 comprimés sécables dosés à 800 mg) sous la licence du laboratoire Bial. Zebinix® est indiqué en association dans le traitement de l’épilepsie partielle de l’adulte avec ou sans généralisation secondaire, à la posologie d’un comprimé par jour. L’efficacité et la tolérance de Zebinix® ont été démontrées dans trois études randomisées et contrôlées contre placebo, chez 1 049 patients atteints de crises partielles réfractaires, ainsi que dans une étude à long terme. n Neurovasculaire Prévention des AVC et FA : le Registre GLORIA™-AF B oehringer Ingelheim a annoncé le lancement du Registre GLORIA™-AF, le plus vaste au monde visant à évaluer l’utilisation au long cours d’un antithrombotique oral dans la prévention des AVC chez les patients atteints de fibrillation auriculaire non valvulaire, dans la vie réelle. 56 000 patients seront recrutés dans 2 200 centres de 50 pays (cabinets de médecine générale, de spécialistes, hôpitaux communautaires, hôpitaux universitaires, centres de soins ambulatoires et cliniques d’anticoagulants). L’objectif est d’étudier les protocoles thérapeutiques disponibles dans cette indication, et de recueillir des données sur la tolérance et l’efficacité des traitements antithrombotiques, dont la warfarine, l’acide acétylsalicylique, et d’autres anticoagulants oraux, tels que le dabigatran etexilate (Pradaxa®).D’ici fin 2012, le Registre GLORIA™-AF aura débuté dans toutes les régions du monde, dont les USA, l’UE, l’Amérique Latine et l’Asie. D’autres pays seront amenés à participer par la suite au Registre qui devrait s’achever d’ici à 2020. n 177