DOSSIER Pathologies neuromusculaires L’évolution des connaissances Dossier coordonné par Philippe Petiot L es pathologies neuromusculaires ont connu, ces dernières années, des avancées importantes. Après le démembrement génétique des neuropathies héréditaires et des dystrophies musculaires (et qui continue bien entendu), on constate à présent à un enrichissement des connaissances dans le domaine de certaines entités cliniques, de l’immunologie et de certains syndromes encore mal connus il y a peu de temps. Nous avons donc choisi de présenter quatre sujets qui reflètent bien cette évolution. • Le premier concerne la présentation d’une démarche diagnostique électro-clinique simple des neuropathies périphériques, préalable indispen- sable à l’identification de certains syndromes et étiologies. • Le second traitera des données récentes concernant les neuropathies associées aux gammapathies monoclonales. • Le troisième abordera la description et la classification des myopathies distales. • Enfin, le dernier présentera les principales caractéristiques cliniques, électrophysiologiques et génétiques des syndromes myasthéniques congénitaux. n Philippe Petiot (Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon) 1 Les neuropathies périphériques : démarche diagnostique ������� p. 142 Philippe Petiot (Lyon) 2 Dysglobulinémie et neuropathies : comment faire le lien ? ����� p. 149 Françoise Bouhour (Lyon-Bron) 3 Les myopathies distales : un groupe hétérogène d’affections génétiques ������������������������� p. 156 Hélène Gervais-Bernard (Lyon) 4 Les syndromes myasthéniques congénitaux : un diagnostic complexe ��������������������������������������������������������������������� p. 162 Perrine Devic (Lyon) Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 1 Les neuropathies périphériques Démarche diagnostique n Dans cet article, on ne traitera pas bien sûr de l’ensemble des étiologies des neuropathies, et nous renverrons le lecteur vers des articles de synthèse référencés dans la bibliographie. L’objectif est surtout de proposer une démarche simple amenant le clinicien à définir un “cadre” reposant sur les données cliniques, électriques et parfois biologiques. Une fois cette démarche adoptée, nous proposerons les grands cadres étiologiques à connaître pour chacune de ces situations. Introduction Si le diagnostic positif d’une neuropathie périphérique ne pose habituellement pas en soi de difficultés majeures, l’orientation étiologique est souvent plus délicate. En effet, les causes sont nombreuses et le neurologue est parfois confronté à plusieurs obstacles. Si la cause est parfois évidente, elle peut non seulement en cacher une autre mais, parfois, il faudra faire une enquête approfondie reposant sur plusieurs indices, à la fois cliniques et paracliniques. Or, si l’on peut proposer de standardiser le bilan comme cela a été proposé dans diverses recommandations (1), il est hors de question de demander une liste systématique d’explorations pour des raisons économiques, bien sûr, mais aussi compte tenu de la complexité, de l’accessibilité et du caractère parfois “invasifs” de certaines d’entre elles. Ainsi, il est impératif d’abord de définir des cadres “syndromiques” dont l’objectif sera de restreindre le clinicien à ne rechercher qu’une liste limitée d’étiologies, et donc de guider *Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon 142 Philippe Petiot* au mieux les explorations complémentaires. En caricaturant un peu, il n’y a pas un “bilan de neuropathie”, mais le “bilan d’une neuropathie”. Bien sûr, tout neurologue sait que parfois, malgré de nombreuses recherches et analyses approfondies, le diagnostic étiologique reste non défini, dans le cadre des “fameuses” neuropathies dites “idiopathiques”. Or, ce groupe se réduit d’année en année, tenant compte des nouveaux concepts (permettant parfois de proposer certains traitements), mais aussi de la mise à disposition de nouveaux “outils” diagnostiques. Le diagnostic de neuropathie idiopathique reste encore possible, mais il doit répondre à des critères précis et ne pas être qu’un simple diagnostic d’exclusion. L’étape clinique En dehors de certaines situations dont nous reparlerons, le diagnostic positif de neuropathie périphérique repose sur le classique “syndrome neurogène” qui ne pose habituellement aucune difficulté au clinicien. Par contre, deux étapes vont dès à présent être déterminantes : 1. caractériser au mieux ce syndrome neurogène afin d’en définir les particularités intrinsèques ; 2. préciser le contexte général et rechercher les signes associés, constituant les caractéristiques extrinsèques qui seront des “indices d’alerte” déterminants pour aller plus loin dans la démarche diagnostique. Caractéristiques intrinsèques de la neuropathie • L’ancienneté, les modalités d’installation et d’évolution sont souvent déterminantes : - en effet, une neuropathie de survenue rapide, voire brutale, est toujours liée à une cause définie, qu’elle soit inflammatoire ou générale ; - une installation très lente et progressive peut classiquement se rencontrer dans le cadre des neuropathies idiopathiques, mais est parfois aussi la caractéristique de certaines neuropathies comme celle liée à l’anticorps anti-MAG, certaines polyradiculonévrites chroniques ou les neuropathies héréditaires par exemple ; Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 - une évolution par poussées est volontiers évocatrice d’un processus inflammatoire, mais peut aussi se rencontrer dans certaines neuropathies métaboliques (porphyries, mais aussi maladie de Fabry, maladie de Tangier) ; - enfin, axiome incontournable, une neuropathie récente et rapidement évolutive sans cause a priori, impose un bilan complet et parfois rapide, allant parfois jusqu’à la biopsie de nerf. • Si l’aréflexie est quasi constante, il est important d’en préciser l’étendue en la corrélant au déficit sensitif ou moteur constaté. En effet, une aréflexie diffuse présente d’emblée ou contrastant avec un déficit focalisé, voire uniquement distal, est un indice très important pour suspecter un processus non longueur-dépendant comme on peut l’observer dans les ganglionopathies ou les polyradiculonévrites chroniques (PRNc) par exemple. • Si la plupart des neuropathies sont sensitives et motrices, certaines ont une présentation uniquement ou quasi exclusivement sensitive ou motrice, caractéristique fondamentale dans certains cadres syndromiques voire étiologiques. Par exemple, une neuropathie symétrique motrice aiguë évoque une forme axonale motrice pure de syndrome de Guillain et Barré (avec anticorps antigangliosides de type IgG, souvent précédée d’une infection à Campylobacter jejuni), ou une porphyrie. • En cas d’installation progressive, une participation proximale symétrique “pseudomyopathique” se rencontre dans certaines PRNc, alors qu’une forme motrice pure asymétrique fait classiquement discuter une neuNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 ropathie multifocale à blocs de conduction. Inversement, une neuropathie exclusivement sensitive (2) offre au clinicien deux orientations possibles. Soit elle est symétrique et distale, et cette présentation se rencontre dans de nombreuses situations étiologiques ; par contre, une forme asymétrique ou non longueur-dépendante est un pattern très évocateur d’une neuronopathie sensitive ou ganglionopathie (8), plus rarement d’une multineuropathie sensitive. • Une neuropathie ataxiante constitue un cadre très particulier. Elle s’observe plus volontiers dans les neuropathies ayant une composante sensitive profonde prédominante, associée parfois à un tremblement. Trois diagnostics doivent être évoqués en première ligne : PRNc sensitive, ganglionopathie ou neuropathie avec antiMAG. L’électroneuromyogramme (ENMG) va alors occuper une place déterminante. Dans certains cas, l’ataxie ne sera pas sensitive mais cérébelleuse et l’association “neuropathie et syndrome cérébelleux” ouvre un champ étiologique très particulier (3). • Si le déficit sensitif touche exclusivement les petites fibres avec hypoesthésie thermoalgique isolée (4), la présentation est trompeuse car l’aréflexie est absente. Elle est de répartition plus volontiers longueur-dépendante avec troubles sensitifs quadridistaux (sauf dans la forme neuronopathique décrite par Gorson et al.) (5). Parfois, cette atteinte des petites fibres est associée à une dysautonomie qu’il faut systématiquement rechercher à l’interrogatoire : diarrhées chroniques, troubles génito-sphinctériens, fluctuations tensionelles. Si elle peut évoluer ensuite vers une atteinte plus globale des fibres sensitives, un tel début se rencontre sous nos contrées dans un cadre assez restreint d’étiologies : diabète, amylose, syndrome de Gougerot-Sjögren, maladie de Fabry… Pour cette dernière, une accentuation des symptômes sensitifs subjectifs aux changements de température est très évocatrice. • Si les douleurs sont fréquentes au cours des neuropathies, elles constituent rarement un indice diagnostique en soi. Par contre, leur absence est inhabituelle dans certains cadres étiologiques : ganglionopathies paranéoplasiques, neuropathies des petites fibres, certaines neuropathies toxiques… • Certaines neuropathies s’accompagnent d’une atteinte des nerfs crâniens. Elle est classique dans le syndrome de Guillain-Barré (paralysie faciale en particulier) et parfois rencontrée au cours de certaines PRNc. L’existence de troubles oculomoteurs est évocatrice du CANOMAD (chronic ataxic neuropathy, ophthalmoplegia, IgM paraprotein, cold agglutinins and disialosyl antibodies), des mitochondriopathies ou du syndrome de Miller-Fisher. Une dysphagie ou une dysphonie est aussi décrite dans le SANDO (sensory ataxic neuropathy with dysarthria and ophthalmoparesis) ou le CANOMAD. Enfin, une hypoesthésie faciale est parfois associée à certaines neuropathies du syndrome de Gougerot-Sjögren, mais peut aussi s’observer au cours d’une ganglionopathie. Caractéristiques extrinsèques de la neuropathie Un examen général et neurologique complet sont impératifs dans la démarche diagnostique 143 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER d’une neuropathie. Il est impossible de faire une liste exhaustive des situations parfois rencontrées au cours de l’expertise clinique d’une neuropathie, et nous ne donnerons uniquement que quelques exemples particulièrement évocateurs d’un contexte étiologique particulier. Il peut tout d’abord s’agir de signes neurologiques centraux associés. Par exemple : • l’association neuropathie motrice-mouvements anormaux et/ ou syndrome parkinsonien oriente vers une neuroanthocytose ; • un tremblement est volontiers observé au cours des neuropathies anti-MAG et des ganglionopathies ; • une surdité est fréquente dans les mitochondriopathies, la maladie de Refsum et la neuropathie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) liée à l’X ; • une épilepsie fait discuter une cytopathie mitochondriale ; • des anomalies de la substance blanche à l’IRM cérébrale se rencontrent au cours de nombreuses pathologies : mitochondriopathies, adrénoleucodystrophies, certains CMT X, de rares cas de PRNc… ; • enfin, l’association neuropathie/ myopathie évoque classiquement une myopathie inflammatoire ou une mitochondriopathie. Sur le plan général, la liste est encore plus longue mais il faut insister sur : 1. les signes cutanés rencontrés au cours des vascularites (purpura), du POEMS (polyneuropathie, organomégalie, endocrinopathie, gammapathie monoclonale et signes cutanés avec hyperpigmentation ou hypertrichose par exemple) ou de la maladie de Fabry (angiokératome) ; 144 2. des malformations osseuses (scoliose, pieds creux) évocatrices d’un CMT ; 3. des signes articulaires observés dans les connectivites ; 4. une hypertrophie nerveuse est classique dans la lèpre ou dans certaines formes de CMT ; 5. une hypertrophie de certains organes est évocatrice du POEMS ; 6. une cardiopathie est rencontrée au cours des mitochondriopathies, l’amylose ou la maladie de Fabry. L’électro­ neuromyogramme L’électromyogramme (ENMG) occupe bien sûr une place fondamentale dans cette deuxième phase de la démarche diagnostique. Diagnostic positif L’ENMG permet en effet de confirmer le diagnostic de neuropathie, ce qui n’est pas là son intérêt principal, même si une neuropathie est parfois de découverte un peu inattendue au cours de certaines présentations cliniques (cytopathie mitochondriale par exemple où elle n’est souvent révélée que par l’étude des conductions). Inversement, il peut être pris à défaut dans certaines situations. La plus classique est celle des neuropathies des petites fibres qui, par définition, s’accompagnent d’un ENMG normal (car ce dernier n’explore que les fibres de gros diamètres). Le diagnostic repose alors sur les potentiels évoqués sensitifs au laser (dont il reste à définir la sensibilité) et surtout sur la biopsie cutané, avec évaluation de la densité des fibres amyéliniques dans le derme, qui est la technique de référence (mais non encore disponible dans tous les centres , 4). Les étiologies sont classiquement l’amylose (à rechercher systématiquement), le diabète, le syndrome de Gougerot-Sjögren (où elles semblent assez fréquentes), la maladie de Fabry, l’infection à VIH, certaines gammapathies monoclonales… Cependant, des formes idiopathiques ne sont pas rares. Plus exceptionnellement, certaines PRNc s’accompagnent d’un ENMG normal, dans une forme sensitive pure qui ne concerne que les racines sensitives postérieures (6). L’analyse du LCR (à la recherche d’une dissociation albumino-cytologique), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) lombaire (montrant parfois une hypertrophie et une prise de gadolinium radiculaire) et les potentiels évoqués sensitifs (objectivant des anomalies proximales des conductions nerveuses périphériques) permettent d’en porter le diagnostic et de proposer un traitement parfois efficace. Diagnostic physiopathologique L’ENMG doit toujours être interprété en fonction du contexte clinique et biologique, et il ne fait pas à lui seul le diagnostic étiologique (en dehors de quelques situations très particulières comme les NMBC par exemple). Il reste cependant déterminant pour orienter le clinicien vers certains cadres syndromiques. Nous utiliserons un arbre décisionnel simple qui permet de définir les principales catégories “électrocliniques” qui nous aiderons à restreindre et finalement à simplifier la recherche étiologique. Globalement, il existe trois grands cadres syndromiques : • neuropathie axonale ; • neuropathie démyélinisante ; • neuropathie axonomyélinique. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Nerfs latences distales (ms) Vitesses de conduction (m/s) Ondes F (ms) (amp > 1 mV) Vitesses proximales (m/s) >5 >6 < 37 < 32 > 38,4 < 40 Ulnaire: - amp > 4,8mV - amp < 4,8mV > 4,4 > 5,3 < 37 < 32 > 38,4 < 40 Fibulaire commun : - amp > 1,6mV - amp < 1,6mV > 6,5 > 7,8 < 32 < 28 > 66 < 36 Tibial postérieur : - amp > 4mV - amp < 4mV > 7,8 > 9,3 < 32 < 28 > 66 < 36 Médian : - amp > 4mV - amp < 4mV Cette simple distinction n’est pas toujours très aisée à faire en pratique, car il peut coexister une atteinte axonale secondaire à un processus initialement démyélinisant et inversement. C’est la raison pour laquelle de nombreux critères électrophysiologiques sont proposés et régulièrement mis à jour pour essayer de sortir de ce dilemme parfois difficile. Nous ne rentrerons pas dans cette discussion souvent fastidieuse et nous renvoyons le lecteur aux nombreuses revues publiées ces dernières années qui donnent lieu d’ailleurs à de régulières mises à jour (7, 8). ❚❚Les neuropathies démyélinisantes Elles sont classiquement définies par un allongement des latences distales motrices, un ralentissement des vitesses de conduction nerveuse motrice, un allongement des latences des ondes F et par la présence de blocs de conduction (cependant parfois rencontrés dans certaines neuropathies axonales aiguës comme certaines mutlinévrites) ou de dispersions des réponses motrices (allongement de la durée). Depuis près de 20 ans, de nombreuses équipes Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 ont proposé leur propre classification et il est difficile d’en faire une synthèse opérationnelle. S’inspirant de ces multiples études, un remarquable travail collaboratif français (7) a publié des critères simples utilisables en pratique quotidienne (Tab. 1). L’individualisation d’une neuropathie démyélinisante est fondamentale car une cause définie est retrouvée dans la grande majorité des cas. Il faut alors utiliser un arbre diagnostic simple permettant de s’orienter vers ces différentes étiologies qui sont majoritairement héréditaires (parfois métaboliques) ou dysimmunes. L’homogénéité des altérations des conductions doit d’abord être prise en compte. En effet, une démyélinisation homogène sur les 4 membres (ralentissement identique des vitesses de conduction aux membres supérieurs et inférieurs, à quelques m/sec près) est très évocatrice d’un CMT de type 1 (9) et il faut alors aller directement à la biologie moléculaire (gène PMP22 dans la majorité des cas). En cas de démyélinisation hétérogène, une neuropathie hé- réditaire reste possible dans le cadre des neuropathies par hypersensibilité des nerfs à la pression (délétion PMP22) car l’hétérogénéité est liée alors à de multiples ralentissements, mais alors plus prononcés dans les sites d’entrappements (canal carpien, ulnaire au coude par exemple), sur un fond de neuropathie diffuse quasi contant (10). La sémiologie clinique comporte alors une composante tronculaire sauf dans les rares formes “polynévritiques” pouvant mimer une polyradiculonévrite chronique (PRNc) et il est d’ailleurs parfois utile de vérifier la biologie moléculaire dans les formes de PRNc résistantes aux traitements immunosuppresseurs. Sinon, on entre alors le plus souvent dans le vaste cadre des neuropathies démyélinisantes dysimmunes. Il faut à ce stade revenir à la clinique et orienter le diagnostic selon le caractère symétrique ou asymétrique de la sémiologie. Dans les formes cliniquement symétriques, il faut s’intéresser à la localisation préférentielle des lésions démyélinisantes sur les données ENMG. En cas de lésions myéliniques très distales, l’index de latence terminal (distance en 145 DOSSIER Tableau 1 - Altérations de la conduction nerveuse en faveur d’une démyélinisation (7). Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER mm/VCM en m/sec x LDM en msec) est un outil précieux car il évalue le rapport proximo-distal de la démyélinisation. Dans cette situation où il est abaissé, on évoque en premier lieu l’hypothèse d’une neuropathie avec IgM antiMAG (11), même si de nombreuses formes électrocliniques ont été rapportées récemment. Il peut aussi s’agir de certaines PRNc avec démyélinisation distale prédominante appelée DADS (distal acquired demyelinating symetric neuropathy) dont certaines sont associées à une gammapathie IgM monoclonale sans activité antiMAG. Dans les formes où la démyélinisation est plus proximale, le diagnostic de PRN chronique ou aiguë est alors évoqué, volontiers soutenu par l’existence d’une dissociation albuminocytologique qui n’est toutefois par constante. Pour les caractéristiques électrocliniques des PRNc, nous renvoyons à nouveau le lecteur vers l’excellent travail du groupe français (7) et vers celui du groupe européen révisé récemment (8). Devant une présentation asymétrique, s’il s’agit d’une forme cliniquement motrice pure (16), on s’orientera alors vers une neuropathie motrice multifocale avec blocs de conduction (NMMBC), parfois associée à des anticorps antigangliosides de type IgM antiGM1 (30 à 40 % des cas). Les conductions sensitives sont le plus souvent normales ou peu altérées. S’il s’agit d’une neuropathie sensitive et motrice sur le plan électrique et clinique (12), il faudra discuter alors un syndrome de Lewis et Sumner (SLS). La distinction entre ces deux formes est fondamentale sur le plan thérapeutique car dans les NMMBC, seules les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) ont montré leur efficacité alors que dans le SLS, le traitement est identique à celui proposé pour les PRNc (IgIV, immunosuppresseurs, échanges plasmatiques). ❚❚Les neuropathies axonales Dans ce cadre, il existe deux difficultés déroutantes pour le clinicien. Les étiologies sont tout d’abord extrêmement nombreuses et inversement, il existe un nombre important de formes dites idiopathiques. Comme pour les neuropathies démyélinisantes, il faut alors essayer d’individualiser différents sous-groupes (définis également sur des critères cliniques et électrophysiologiques) qui vont constituer parfois des “pôles d’attraction” qu’il est important de connaître car associés à un nombre plus restreint d’étiologies. • Neuronopathie sensitive ou ganglionopathie Il s’agit de neuropathie cliniquement et électriquement sensitive pure dont la présentation n’est habituellement pas longueur-dépendante. Elles peuvent ainsi débuter aux membres supérieurs, voire ne toucher que les membres supérieurs, ou s’accompagner d’emblée de troubles sensitifs profonds des 4 membres, parfois asymétriques (localisées uniquement aux membres supérieurs dans certains cas) avec aréflexie diffuse. Une ataxie n’est pas rare, voire un tremblement en cas de grande déafférentation. Dans les formes subaiguës, les douleurs sont fréquentes. Un travail récent propose une échelle d’évaluation diagnostique (Tab. 2) fort utile en pratique quotidienne (13). Les PES (révélant des anomalies proximales prédominantes) ou l’IRM peuvent être aussi utiles dans certains cas (hypersi- Tableau 2 - Critères diagnostiques des neuronopathies sensitives (13). A. Pour un patient présentant une neuropathie sensitive clinique, le diagnostic de neuronopathie est possible en cas de score > 6.5Oui Points a. Ataxie des membres inférieurs ou supérieurs au début ou au cours de l’évolution q +3.1 b. Présentation asymétrique des troubles sensitifs au début ou au cours de l’évolution q +1.7 c. Déficit sensitif non restreint aux membres inférieurs au cours de l’évolution q +2.0 d. Si au moins 1 PAS absent or 3 PAS < 30 % des valeurs limites inférieurs aux membres supérieurs (sans entrappements) q +2.8 e. Moins de nerf présentant des altérations des conductions motrices aux membres inférieurs q +3.1 B. Le diagnostic de neuronopathie est probable si le score > 6,5 et si : 1. Le bilan initial n’objective pas d’anomalies biologiques ou ENMG excluant le diagnostic de neuronopathie 2. Le patient présente une des pathologies suivantes : syndrome paranéoplasique avec anticorps antineuronaux ou un cancer au cours des 5 dernières années ; traitement aux sels de platine ; syndrome de Gougerot-Sjögren 3. si l’IRM révèle des hypersignaux des cordons postérieurs de la moelle C. Le diagnostic de neuronopathie est certain s’il existe des anomalies histologiques évocatrices des ganglions rachi­ diens postérieurs (même si la biopsie des ganglions n’est pas recommandée) 146 Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 gnaux des cordons postérieurs). De présentation asymétrique, les étiologies sont alors assez restreintes : syndrome de Gougerot-Sjögren, formes paranéoplaqiues (avec anticorps anti-Hu dans la majorité des cas), cirrhose biliaire primitive. Des formes idiopathiques sont possibles, souvent considérées comme dysimmunes mais dont le traitement reste souvent difficile. En cas de forme d’emblée diffuse et symétrique, on peut citer la maladie de Friedreich, certaines cytopathies mitochondriales, ou celles en rapport avec la toxicité des sels de platine ou l’intoxication par la vitamine B6. • Neuropathie axonale et asymétrique En dehors des neuronopathies sensitives décrites précédemment, on entre dans le groupe particulier des multineuropathies avec des signes électrocliniques à la fois sensitif et moteur (avec souvent une excellente corrélation topographique entre les données cliniques et électriques). Elles sont souvent de début brutal, volontiers douloureuses et évolutives. Elles sont le plus souvent liées à une vascularite. Il s’agit d’une urgence neurologique et, en dehors d’un bilan général à la recherche d’une vascularite systémique, la biopsie de nerf doit souvent être rapidement proposée à la recherche d’anomalies histologiques évocatrices afin de proposer un traitement adapté. Parfois, cette vascularite ne concerne que le système nerveux périphérique, mais un traitement doit aussi être proposé dans cette situation (corticoïdes par exemple). • Neuropathie sensitive ou sensitivo-motrice non longueur-dépendante Dans ce cadre, l’ENMG retrouve une neuropathie axonale sensiNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 tivo-motrice associée parfois à quelques critères de démyélinisation cependant insuffisants pour affirmer le diagnostic de PRNc (8). L’existence d’une aréflexie d’emblée diffuse, d’une ataxie, d’un déficit moteur proximal, d’une présentation clinique quadri-distale simultanée ou d’une atteinte des nerfs crâniens sont autant d’arguments pour évoquer un processus non longueurdépendant (7). Parfois, il existe une évolution par poussées. Ces formes très singulières considérées autrefois comme “idiopathiques” ont donné lieu à de très nombreuses publications ces dernières années, car un grand nombre d’entre elles sont en réalité des PRNc observée au stade “axonal”, appelées encore PRNc atypiques (7, 14). Le diagnostic repose alors sur : l’existence d’une éventuelle dissociation albumino-cytologique dans le liquide céphalo-rachidien ; une hypertrophie des racines lombaires avec parfois prise de contraste à l’IRM lombaire ; des altérations évocatrices aux PES. Surtout, il peut s’agir d’une excellente indication de biopsie de nerf (15) à la recherche de signes histologiques évoquant un processus démyélinisant associé, à condition d’être réalisée dans un centre spécialisé habituée à ce type d’analyse (coupes semi-fines, technique du teasing, microscopie électronique). L’individualisation de ces formes est importante car on peut alors proposer un traitement par corticoïdes, IGIV ou échanges plasmatiques pouvant, dans certains cas, améliorer les patients. • Neuropathie cliniquement sensitive longueur-dépendante En dehors des neuropathies des petites fibres, l’ENMG révèle des altérations concernant uniquement les conductions sensitives avec microvoltage distal et isolé des potentiels évoqués sensitifs, ou peut s’accompagner d’une souffrance mixte des fibres motrices et sensitives. Les étiologies sont alors nombreuses et regroupent les grands cadres étiologiques bien connus des neuropathies périphériques (toxique, carentielle, infectieuse, dysimmunes au cours des connectivites, cryoglobuline, amylose, causes héréditaires ou métaboliques…). Le contexte clinique et les signes cliniques associés décrits précédemment sont souvent d’une aide précieuse. Si la neuropathie est sévère et/ou évolutive, seul un large bilan complémentaire systématique (pouvant aller jusqu’à la biopsie de nerf) permettra d’identifier une cause précise. Il faut isoler les formes idiopathiques du sujet âgé dont la présentation est souvent caractérisée par une dissociation électroclinique évocatrice (ENMG plus “malade” que le patient). • Neuropathie sensitivomotrice longueur-dépendante Comme dans le groupe décrit précédemment avec atteinte clinique sensitive pure, les étiologies sont nombreuses et la démarche du diagnostique étiologique est proche. Là encore, une neuropathie sévère et évolutive doit imposer la réalisation d’un bilan le plus exhaustif possible. Dans les formes chroniques et anciennes, on peut être amené à discuter une forme axonale de CMT, qualifiée alors de type 2, dont la rentabilité diagnostique de la biologie moléculaire est nettement inférieure à celle des CMT 1 vus précédemment. Dans les formes sporadiques, il a été isolé une entité particulière qualifiée de CMT-like dont le mécanisme physiopathologique reste discuté (héréditaire ? dégénératif ?) mais qui correspond à une réalité clinique. 147 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER • Neuronopathie ou neuropathie motrice pure Il s’agit d’une atteinte cliniquement et électriquement motrice pure. Dans certains cas, elles sont de présentation longueur-dépendante, prédominant aux membres inférieurs, alors que d’autres peuvent débuter aux membres supérieurs. D’un point de vue physiopathologique, il peut s’agir d’une souffrance du motoneurone mais parfois d’une axonopathie motrice isolée. Certaines sont héréditaires (17) dans le cadre des amyotrophies spinales distales (ou dHMN pour distal hereditary motor neuropathy). D’autres peuvent être acquises, comme dans la forme motrice axonale de syndrome de Guillain-barré associée à l’infection à Campylobacter jejuni. Existe-t-il des formes dysimmunes chroniques ? Cela reste débattu car un certains nombres d’observations rapportées seraient en réalité des NMMBC (pour lesquelles les blocs de conduction ne pourraient être mis en évidence) et pourraient alors bénéficier d’un traitement par immunoglobulines intraveineuses (18). ❚❚Les neuropathies axono-myéliniques Une telle conclusion apparaît souvent dans les comptes-rendus d’ENMG, en raison des difficultés souvent rencontrées pour identifier le caractère primitivement axonal ou démyélinisant de la neuropathie. Pourtant, il faut éviter le plus possible une telle conclusion et réserver cette appellation à un cadre assez restreint d’étiologies. En effet, une telle présentation est rencontrée essentiellement au cours du diabète, de l’insuffisance rénale chronique, du POEMS, de certaines neuropathies paranéoplasiques (avec anticorps anti-CV2) ou dans certaines neuropathies métaboliques (adrénoleucodystrophie par exemple). Conclusion Si l’ensemble des étiologies rencontrées au cours des neuropathies ne s’intègre pas toujours dans cette démarche diagnostique, cette dernière permet souvent de limiter les explorations inutiles. Avec ces arbres diagnostiques simples, le clinicien ou l’électrophysiologiste pourront, dans la majorité des cas, adopter une prise en charge adaptée et proposer, dans certains cas, un traitement n approprié. Correspondance Dr Philippe Petiot Service de neurologie Hôpital de la Croix-Rousse 103, Grande rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon E-mail : [email protected] Remerciements Au Dr Thierry Maisonobe qui a beaucoup inspiré ce travail. Mots-clés : Neuropathie périphérique, Diagnostic, Clinique, Electrophysiologie, ENMG, Neuropa­ thie axonale, Neuropathie démyéli­ nisante, Neuropathie axonomyéli­ nique, Syndrome de Guillain-Barré, CANOMAD, Mitochondriopathies, Syndrome de Miller-Fisher, SANDO, Syndrome de Gougerot-Sjögren, Ganglionopathie, Neuroanthocytose, Neuropathies anti-MAG, Maladie de Refsum, Neuropathie de CharcotMarie-Tooth, POEMS, Maladie de Fabry, Vascularites, Connectivites Bibliographie 1. England JD, Gronseth GS, Franklin G et al. Practice parameter: the evaluation of distal symmetric polyneuropathy: the role of laboratory and genetic testing (an evidence-based review). Report of the American Academy of Neurology, the American Association of Neuromuscular and Electrodiagnostic Medicine, and the American Academy of Physical Medicine and Rehabilitation. Neurology 2009 ; 1 : 5-13. 2. Botez SA, Herrmann DN. Sensory neuropathies, from symptoms to treatment. Curr Opin Neurol 2010 ; 23 : 502-8. 3. 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Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 2 Dysglobulinémie et neuropathies Comment faire le lien ? n La gammapathie monoclonale est le point commun d’un groupe hétérogène d’affections. Elle se caractérise par la prolifération et le dépôt d’immunoglobulines constitués par un seul type de chaîne lourde (M, G ou A) et une seule chaîne légère (kappa ou lambda). Il est clairement établi qu’il existe un lien entre neuropathie périphérique et dysglobulinémie monoclonale. L a gammapathie monoclonale est le point commun d’un groupe hétérogène d’affections allant de la gammapathie monoclonale bénigne (MGUS) aux hémopathies et à certaines affections systémiques comme l’amylose AL ou la cryoglobulinémie. Par opposition aux gammapathies polyclonales secondaires à tout processus inflammatoire, la gammapathie monoclonale se caractérise par la prolifération et le dépôt d’immunoglobulines constitués par un seul type de chaîne lourde (M, G ou A) et une seule chaîne légère (kappa ou lambda). Une MGUS est rencontrée chez 1 % de la population de plus de 25 ans, le plus souvent de type IgG (75 %). Sa prévalence augmente avec l’âge, étant de 3 % chez les sujets de plus de 70 ans. Il est clairement établi qu’il existe un lien entre neuropathie périphérique et dysglobulinémie moService d’ENMG-Pathologies neuro-musculaires, Hôpital Neurologique, Lyon-Bron Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Françoise Bouhour* noclonale : • la prévalence d’une gammapathie monoclonale chez des patients souffrant d’une neuropathie périphérique dite idiopathique est de 5 à 10 % ; le plus souvent il s’agit d’un gammapathie IgM (50 % des cas) (1) ; • chez les patients suivis pour une dysglobulinémie monoclonale, la prévalence d’une neuropathie est élevée : 1/3 des patients suivis pour myélome multiple, 5 à 10 % des patients connus pour une maladie de Waldenström ; enfin, 17 % des sujets suivis pour une amylose systémique ont une neuropathie périphérique (2). Etablir ce lien est parfois difficile et nécessite souvent un faisceau d’arguments tant cliniques qu’électrophysiologiques, voire histologiques (3, 4). On distingue : 1. les neuropathies de mécanisme dysimmunitaire ; 2. la cryoglobulinémie ; 3. l’amylose primitive ; 4. l’infiltration du nerf par des cellules malignes : 5. les neuropathies “hors classes”. 1. Les neuropathies de mécanisme dysimmunitaire La neuropathie anti-MAG (Myelin associated protein) Liée à une dysglobulinémie IgM La MAG est une glycoprotéine membranaire ayant pour rôle, le maintien de l’intégrité de la structure de la myéline. La présence d’anticorps anti-MAG entraîne une “décompaction” des lamelles de myéline mais aussi une perturbation du transport axonal (Fig. 1). Elle représente 50 % des neuropathies en lien avec une dysglobulinémie IgM, le plus souvent bénigne, de type IgM kappa (5). L’âge de début se situe entre 40 et 75 ans, avec une large prédominance masculine (80 %). Le tableau clinique est dominé par une ataxie sensorielle responsable d’un handicap ambulatoire important avec chutes ; elle s’accompagne de paresthésies quadridistales prédominant aux membres inférieurs avec hypoesthésie en chaussette. Les douleurs neuropathiques sont rares. L’atteinte sensitive aux membres 149 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER supérieurs peut être responsable d’un tremblement postural. L’aréflexie est diffuse. Il n’y a pas d’atteinte des nerfs crâniens ni de dysautonomie (6). L’évolution est lente et progressive avec aggravation de l’ataxie et apparition d’un déficit moteur distal des membres inférieurs (7). L’ENMG met en évidence une neuropathie myélinique à prédominance distale, caractéristique de cette affection. Les vitesses de conduction motrice sont ralenties mais de façon non homogène ; la conduction motrice distale, dont les latences distales motrices sont le reflet, est plus ralentie que la vitesse proximale (calcul de l’Index de Latence Terminale, ou ITL). Il n’existe habituellement pas de bloc de conduction ou de dispersion de la réponse motrice. Les réponses sensitives sont souvent abolies (8). L’ENMG permet de différencier la neuropathie antiMAG “classique” d’une polyradiculonévrite chronique associée à une dysglobulinémie, ce qui a un intérêt essentiellement thérapeutique (Fig. 1). Le diagnostic repose donc sur l’électrophysiologie, sur la mise en évidence du pic IgM en immunofixation dans le sérum du patient et sur le dosage par technique Elisa des anticorps anti-MAG. La biopsie de nerf n’est réalisée qu’exceptionnellement. Le traitement est guidé par le bilan hématologique. Si la sécrétion d’IgM est en lien avec une maladie de Waldenström ou un lymphome, le traitement sera celui de l’hémopathie. Si la gammapathie est bénigne, la décision de traitement dépend de la sévérité clinique car peu de traitements ont prouvé leur efficacité (9) ; le rituximab peut être proposé 150 Figure 1 - Neuropathie anti-MAG. Les anticorps anti-MAG entraînent une décompaction des lamelles de myéline. mais les résultats des essais sont mitigés (10). Le syndrome CANOMAD (Chronic Ataxic Neuropathy, Ophtalmoplegia, IgM-protein and Disialosyl antibodies) Lié à une dysglobulinémie IgM Le tableau clinique est dominé, dès le début, par une ataxie sensorielle associée à des paresthésies et douleurs neuropathiques des membres inférieurs (11). L’évolution se fait vers la majoration des troubles de l’équilibre, auxquels s’associe un déficit moteur modéré, une hypoesthésie, une aréflexie diffuse et des troubles oculobulbaires (90 % des cas). Dans certains cas, le tableau se rapproche de celui de polyradiculonévrite chronique sévère (tétraparésie avec atteinte bulbaire et défaillance respiratoire). L’évolution est lentement progressive, rémittente dans 30 % des cas. Les anomalies électrophysiologiques sont variables puisque, dans 50 % des cas, le tableau ENMG est celui d’une atteinte myélinique diffuse et homogène aboutissant au diagnostic de polyradiculonévrite chronique ; dans 30 % des cas, les anomalies ne portent que sur les vitesses de conduction sensitives, avec une réduction des réponses sensitives évoquant donc une neuropathie axonale sensitive. Enfin, chez 10 % des patients, l’ENMG est normal. L’étude du LCR met en évidence une dissociation albumino-cytologique dans 80 % des cas. Par ailleurs, l’activité agglutinines froides caractérisée par la propriété du sérum à agglutiner des globules rouges normaux à basse température (4 °C) et dépistée par un test de Combs direct est présente chez 50 % des patients. Cette activité est le plus souvent asymptomatique. Le diagnostic repose sur : 1. la mise en évidence du pic d’IgM en immunofixation (mais il peut parfois être trop faible pour être dépisté par cette technique) ; 2. et la positivité des anticorps anti-­gangliosides disyalilés. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances De façon similaire aux PRNC, le traitement repose sur les immunoglobulines intraveineuses et échanges plasmatiques parfois associés à un traitement immunosuppresseur. A l’heure actuelle, dans les formes sévères, le rituximab est proposé en première intention (12). PRNC associé à une dysglobulinémie IgG Neuropathie anti-MAG DOSSIER La gammapathie monoclonale est le plus souvent bénigne (80 % des cas). Bloc de conduction Latence distale Désynchronisation du PGAM Les polyradiculonévrites chroniques (PRNC) Liées à une dysglobulinémie IgM/IgG/IgA Les PRNC associées à une dysglobulinémie ne sont pas différentes des PRNC idiopathiques si ce n’est sur le plan clinique où l’atteinte sensitive et ataxique est plus marquée et l’atteinte des nerfs crâniens moindre (13). Dans la majorité des cas, le début est subaigu ou chronique, les troubles sensitifs initialement quadridistaux ont une évolution ascendante, bilatérale et symétrique, s’accompagnant dans un second temps d‘une atteinte motrice tant distale que proximale. L’aréflexie est diffuse. Sur le plan électrophysiologique (Fig. 2), la neuropathie est myélinique de distribution homogène, bilatérale avec une atteinte sensitive souvent plus marquée aux membres supérieurs. La dissociation albumino-cytologique dans le LCR est notée dans 70 % des cas. L’évolution est soit progressive soit rémittente. Ces PRNC associées à un pic monoclonal répondent aux traitements “immunologiques” dans 80 % des cas (échanges plasmatiques, IgIV ou corticoïdes) (14). Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Latence distale = 2.65 ms (normale <3.4 ms) Ralentissement Vitesse conduction motrice = 40m/s Bloc de conduction poignet/coude = 40% Désynchronisation des réponses proximales Latence distale = 8.3 ms (normale < 4 ms) ITL = 0.20 (ralentissement distal si < 0.25) Ralentissement Vitesse conduction motrice = 33 m/s Absence de bloc et de désynchronisation Figure 2 - Caractéristiques électrophysiologiques distinguant la polyradiculonévrite chronique et la neuropathie anti-MAG. Le syndrome POEMS linique associée à une dégénérescence axonale sévère, sensitive et motrice, diffuse mais prédominant aux membres inférieurs. Il s’agit d’une affection rare, au potentiel évolutif élevé, dont les critères diagnostiques majeurs comportent une neuropathie sensitivo-motrice sévère et une gammapathie monoclonale le plus souvent IgG λ ou IgA λ. Cette dysglobulinémie est en en lien avec, soit un plasmocytome, soit un myélome multiple, soit une MGUS (15). La neuropathie peut précéder l’atteinte hématologique de plusieurs mois. Elle correspond à une polyradiculonévrite subaiguë et sévère ; l’atteinte sensitive et motrice est longueur-dépendante, mais d’évolution rapidement ascendante avec un handicap ambulatoire marqué (perte de la marche) chez la majorité des patients (16). Devant cette neuropathie, le diagnostic de POEMS sera confirmé par : • la présence d’une dysglobulinémie IgG ou IgA ; • la découverte de lésions osseuses sclérotiques (radiographies ou IRM du squelette) et/ou d’une hyperplasie ganglionnaire angiofolliculaire (scanner TAP) ; • l’élévation du taux sérique du vascular endothelial growth factor (> 700 pg/ml) (17). (Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, M component protein, Skin changes) L’ENMG apporte des arguments en faveur d’une neuropathie myé- Le traitement de la neuropathie dépend en partie de l’affection hématologique sous-jacente. On propose un traitement par Melphalan intensif et autogreffe de cellules souches périphériques, protocole permettant une amélioration clinique dans 80 % des cas. En cas de contre-indication, la thalidomide peut être une alternative intéressante (18). 151 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances 2. La cryoglobulinémie DOSSIER Les cryoglobulines sont des immunoglobulines circulantes qui précipitent à 4 °C et se dissolvent à 37 °C. Elles peuvent être de type IgM, IgG ou IgA. Elles sont classées en 3 sousgroupes : • type 1, monoclonal le plus souvent IgM en lien avec un processus lymphoprolifératif (Waldenström ou myélome) ; • les cryoglobulinémies mixtes : - type 2 composée d’une IgM monoclonale dirigée contre une IgG polyclonale compliquant le plus souvent les infections à VHC ; - type 3 : IgM et IgG polyclonales survenant au cours de certaines pathologies inflammatoires chroniques) (19). La physiopathologie de l’atteinte neuropathique est liée soit à l’activité anticorps anti-MAG ou anti-glycolipide portée par la cryoglobuline (type 1 surtout), soit aux dépôts de complexes immuns circulants générant une vascularite touchant les vaisseaux de petits et moyens calibres (multinévrite, neuropathie sensitive longueurdépendante ou neuropathie des petites fibres, atteinte rénale, purpura vasculaire), soit, enfin, à la précipitation intravasculaire de cryoglobuline (thrombi dans vaisseaux de petit calibre) (20). Dans ce chapitre, la cryoglobulinémie est de type 1 et sa responsabilité dans le mécanisme lésionnel de la neuropathie est difficile à affirmer en l’absence de lésions de vascularite. L’atteinte neurogène périphérique est le plus souvent en lien avec une cryoglobulinémie mixte (21). 3. L’amylose primitive ou AL Elle est rare (500 cas/an en France) et se caractérise par le dépôt extracellulaire de fragments de chaînes légères monoclonales d’immunoglobulines adoptant une configuration β plissée. Le plus souvent, la production de substance amyloïde se fait dans le cadre d’un myélome ou d’une MGUS. Figure 3 - Biopsie des glandes salivaires accessoires avec dépôt d’amylose (coloration rouge congo). 152 Les amyloses AL peuvent être localisées ou disséminées, les organes cibles étant le cœur et le rein, asymptomatiques ou au contraire de pronostic redoutable (médiane de survie de 18 mois). Certains aspects cliniques sont quasi pathognomoniques tels la macroglossie (10 % des patients) et le pupura périorbitaire spontané. L’atteinte cardiaque est présente chez 40 % des sujets à la phase initiale, symptomatique chez 20 % sous la forme d’une cardiomyopathie restrictive engageant le pronostic vital chez la moitié des patients. L’atteinte rénale, la plus commune, se caractérise par une protéinurie abondante responsable d’un syndrome néphrotique dans la moitié des cas. La neuropathie complique le tableau clinique dans 20 % des cas. Elle peut être inaugurale et isolée ; dans ce cas précis, le retard diagnostique est fréquent (12 à 18 mois), expliquant le pronostic plus sombre de ces formes (22). Le tableau initial est celui d’une neuropathie sensitive et douloureuse (50 % des cas) par atteinte des petites fibres amyéliniques. L’ENMG est alors normal. L’évolution se fait vers une neuropathie sensitivo-motrice, diffuse, souvent longueur-dépendante. A l’ENMG, l’atteinte est axonale à prédominance sensitive (souvent abolition des réponses sensitives). Face à cette neuropathie, quelques éléments doivent alerter le clinicien : la fréquence d’un canal carpien associé (25 % des cas) et l’association à une dysautonomie se manifestant par une hypotension orthostatique, des troubles du transit, des troubles vésicosphinctériens et sexuels (23). La pathogénie de la neuropathie est complexe, mais fait intervenir la contrainte mécanique des dépôts de substance amyloïde, des Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 phénomènes ischémiques liés à la localisation périvasculaire de certains dépôts et peut être une toxicité directe sur le nerf. Le diagnostic repose sur : 1. la mise en évidence d’une protéine monoclonale sérique et/ou urinaire (80 % des cas) : il s’agit par ordre de fréquence d’une IgG puis IgA, rarement une IgM ; les chaînes légères libres trouvées dans les urines sont de type lambda : 2. l’obtention d’une preuve histologique d’amylose (Fig. 3) ; en cas de neuropathie, la biopsie de nerf a une rentabilité diagnostique de 85 % ; cependant le prélèvement de tissu autre, telles la graisse sous-cutanée, la peau et les glandes salivaires accessoires (moins agressif ), garde une bonne sensibilité de l’ordre de 50 à 70 % ; (M-Dex) permettant une réponse clinique chez la moitié des patients, résultats meilleurs que ceux de l’autogreffe de cellules souches proposée donc en seconde intention (médiane de survie 57 mois versus 22 mois) (24). Dans certains cas, l’association “agent alkylant-corticoïdes-thalidomide ou bortezomid” a été proposée (25). 4. Infiltration du nerf par des cellules malignes Compliquant les lymphomes malins non hodgkiniens, l’infiltration nerveuse peut être soit satellite d’une infiltration méningée soit isolée. Dans les 2 cas, l’atteinte est volontiers pluri-radiculaire aux membres inférieurs, accompagnée de douleurs rebelles. Le diagnostic Devant toute neuropathie associée à une dysglobulinémie, il est primordial d’identifier le processus physiopathologique liant les deux affections entre elles, car de cette démarche, découle toutes les modalités de prise en charge. l’anatomopathologiste doit être informé de la suspicion d’amylose afin d’orienter la technique (utilisation des colorations adéquates - rouge Congo - pour révéler les dépôts de substance amyloïde) et d’étudier tout le tissu biopsié. Il est important de préciser le type d’amylose et en cas de doute, une recherche d’amylose héréditaire devra être proposée (16) ; 3. la recherche et l’évaluation systématique d’une hémopathie B. Le traitement cible le clone plasmocytaire (myélome) ou lymphoplasmocytaire à l’origine de la protéine pathogène ; le protocole privilégié en France est l’association melphalan-dexaméthasone Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 repose alors sur l’étude du LCR, l’imagerie par IRM des racines lombosacrées, voire sur la biopsie chirurgicale “radioguidée”. 5. Les neuropathies “hors classes” En dehors des cadres nosologiques précédemment décrits, il est parfois difficile d’établir un lien de causalité formelle entre la dysglobulinémie et la neuropathie ; on se pose même la question d’une association fortuite étant donné la fréquence de la dysglobulinémie, notamment IgG chez le sujet agé. La neuropathie est alors sensitive, longueur-dépendante, à dé- but distal et progressif, l’ataxie est discrète et le déficit moteur est inconstant. L’atteinte sensitive des membres supérieurs serait plus marquée et plus fréquente que dans la neuropathie idiopathique du sujet âgé (26). L’ENMG est celui d’une neuropathie axonale sensitivo-motrice sans autre élément discriminatif ; l’étude du LCR est normale (13). Le plus souvent, l’évolution est lente et aucune thérapeutique (notamment ciblant la dysglobulinémie) n’est alors proposée. Dans de rares cas de formes sévères, un traitement immunologique a permis une rémission clinique, renvoyant à un diagnostic probable de polyradiculonévrite chronique. Dans ce chapitre, doivent être mentionnées les neuropathies iatrogènes, les traitements recommandés dans les dysglobulinémies étant volontiers neurotoxiques (thalidomide, bortezomid, vincristine en particulier) (27). n Correspondance Dr Françoise Bouhour Service d’ENMG-Pathologies neuro-musculaires Hôpital Neurologique 59 boulevard Pinel 69677 BRON cedex E-mail : [email protected] Mots-clés : Neuropathie périphérique, Dysglobulinémie monoclonale, Gammapathie monoclonale, Diagnostic, ENMG, Neuropathie anti-MAG, CANOMAD, Polyradiculonévrites chroniques, POEMS, Cryoglobulinémie, Amylose primitive, Lymphome 153 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Bibliographie DOSSIER 1. Kelly JJ, Kyle RA, Dyck PJ et al. Prevalence of monoclonal protein in peripheral neuropathy. Neurology 1981 ; 31 : 1480-3. 2. Ramchandren S, Lewis RA. Monoclonal gammapathy and neuropathy. Curr Opin Neurol 2009 ; 22 : 480-5. 3. 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Bulletin d’abonnement à Neurologies • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected] 4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 65 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro) q Institutions 70 E TTC q Etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant) Frais de port (étranger et DOM TOM) NEURO 147 q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE Application ­Neurologies pour iphone q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... 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Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Expire le :Cryptogramme : (bloc de 3 chiffre au dos de votre carte) Signature obligatoire e 154 L’abonnement à la revue Neurologies vous permet deNeurologies bénéficier • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 d’un accès illimité et gratuit à l’intégralité des sites d’Expressions Santé : neurologies.fr diabeteetobesite.org geriatries.org cardinale.fr onko.fr rhumatos.fr ophtalmologies.org Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 3 Les myopathies distales Un groupe hétérogène d’affections génétiques n Les myopathies se manifestent classiquement par un déficit moteur pur, proximal, touchant les ceintures pelviennes et scapulaires. Le concept de myopathies distales, touchant initialement et préférentiellement les extrémités, est apparu en 1902 (1). Il correspond à un groupe hétérogène d’affections génétiques, caractérisées par un déficit moteur pur, débutant ou prédominant en distal, associé à des anomalies histologiques musculaires, confirmant le processus myopathique. O n exclut classiquement de ce cadre nosologique, les myopathies suivantes, dont le déficit moteur est volontiers distal, mais associé à un phénotype souvent plus riche qui permet d’en évoquer le diagnostic facilement : • dystrophie myotonique de type I ou maladie de Steinert : associant un déficit moteur distal des mains et des loges antéro-externes de jambes, une myotonie électrique ou électroclinique et une atteinte pluri-systémique (cardiopathie, diabète, cataracte…) ; • dystrophie musculaire facioscapulo-humérale, comprenant volontiers une atteinte de la loge antéro-externe de jambe mais associée à une atteinte scapulaire constante (phénotype scapulo-­ péronier) et une atteinte faciale fréquente qui permettent d’en évoquer le diagnostic ; • myosite sporadique à inclusion, touchant le sujet de plus de 50 ans, associant une atteinte volontiers proximale des membres inférieurs et distale des membres supérieurs, prédominant sur les muscles fléchisseurs ; *Service de neurologie, Hôpital Pierre Wertheimer, Lyon 156 Hélène Gervais-Bernard* • myopathie oculo-pharyngo-­ distale, autosomique dominante ou récessive, d’âge de début variable (7-50 ans), se manifestant initialement par un ptosis, un déficit des muscles faciaux et bulbaires, et dans les 5 ans qui suivent un déficit distal des 4 membres. Les CPK sont modérément augmentées (1 à 8 fois la normale) ; l’électromyogramme révèle volontiers des averses myotoniques, et la biopsie musculaire montre des vacuoles bordées. Orientation diagnostique devant un déficit distal moteur pur Les principaux diagnostics différentiels des myopathies distales sont les atteintes neurogènes périphériques, génétiques, à présentation motrice, soit : • la forme spinale de CharcotMarie-Tooth ; • les amyotrophies spinales distales. Evoquer un processus myopathique devant un déficit moteur pur reposera donc sur : Une analyse clinique rigoureuse : • absence de pieds creux, de troubles sensitifs ou d’abolition précoce des réflexes (qui orienteraient vers une atteinte neuropathique) ; • sélectivité de l’atteinte motrice (ex. : déficit de la loge antéro-externe et préservation du muscle pédieux “signe du trop beau pédieux” ; atteintes associées faciale ou scapulaire…) ; • antécédents personnels (ex. : cardiopathie, volontiers associée à certaines myopathies). Un dosage élevé de CPK (non spécifique), qui peut manquer. L’électromyogramme, avec mise en évidence de tracés trop riches, microvoltés. Cependant dans certaines myopathies (ex. : myopathie de Nonaka), les tracés sont volontiers trompeurs, pseudoneurogènes. Enfin, la biopsie musculaire confirmant le processus myopathique, et pouvant mettre en évidence, dans certains cas, des lésions spécifiques qui orienteront l’enquête étiologique (vacuoles bordées, lésions myofibrillaires, immunomarquages et western blot révélant une déficit protéique…). Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Age de début Welander Atteinte mains Enfant à Adulte jeune AD/Spor Ant > Post Post Adolescence jusqu’à 40 ans AD/Spor AR/Spor Ant > Post mixte Post Ant > Post mixte AR/Spor Ant > Post Tardif AD/Spor Post Atteinte des mains MYH7 19p13 DNM2 nébuline Desmine eβcristalline victoria Flamine C 19p13 MPD3 dysferline GNE AR/Spor Ant > Post Post > Ant Atteinte des mains Pas d’atteinte des mains Welander MATR3 VCP ZASP 19pf13 Titine VCR Post Miyoshi like Myotiline ZASP Figure 1 - Arbre décisionnel en fonction de l’âge de début, du mode de transmission et de la sélectivité de l’atteinte. D’après Udd et al. (2). AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; spor : sporadique ; ant : antérieur ; post : postérieur. Orientation étiologique devant une myopathie distale Jusqu’au début des années 2000, ce groupe d’affection était relativement restreint, comprenant 5 formes principales : la myopathie de Nonaka et les dysferlinopathies pour les formes récessives, les myopathies de Laing, Udd et Welander pour les formes dominantes. Depuis 10 ans, avec les avancées de la biologie moléculaire, ce cadre clinique s’est élargi, avec mise en évidence de plus d’une dizaine de gènes en cause (2). L’enquête étiologique devant une myopathie distale, va s’orienter en fonction des éléments suivants : • mode de transmission autosomique dominant ou récessif ; • âge de début précoce ou tardif ; • sélectivité de l’atteinte musNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 culaire : début aux membres inférieurs ou supérieurs ; loges musculaires les plus touchées (antérieures ou postérieures) ou au contraire épargnées. On s’aidera volontiers de l’imagerie musculaire (IRM musculaire ou à défaut scanner musculaire) pour préciser cette sélectivité ; • les données histologiques de la biopsie musculaire : présence ou non de vacuoles bordées, d’une désorganisation du réseau intermyofibrillaire ; on complètera l’analyse par un immunomarquage et un western blot des protéines musculaires, voire une analyse en microscopie électronique. En combinant ces différents critères, des algorithmes ont été proposés pour guider l’enquête étiologique devant un tableau de myopathie distale (2) (Fig. 1 et 2). Les myopathies distales autosomiques récessives Myopathie de Nonaka ou myopathie par mutation GNE Cette entité a été individualisée au Japon en 1981 (3), puis dans la population iranienne (4) ; elle est ubiquitaire. Elle débute dans la deuxième décennie, par une faiblesse des muscles de la loge antéro-externe de jambe, se manifestant par un steppage. L’évolution se fait vers une atteinte de la loge postérieure de jambe et des muscles proximaux avec une épargne durable, à la fois clinique et radiologique du muscle quadriceps. Les CPK sont modérément augmentées, à 3 à 4 fois la normale. L’électromyogramme (EMG) est 157 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER Vacuoles bordées Oui Myopathie myofribillaire Ant > Post Desmine eβcristalline Mixte Flamine C Post > Ant Myotiline Zasp Flamine C Non Pas de myopathie myofribillaire Ant GNE Titine MATR 3 VCP Mixte Ant/post Welander MPD3 19p13 Ant MVH7 Nébuline FSH DM1 Mixte Dysferline Post Dysferline Victoria DNM2 Myoshi-like Figure 2 - Arbre décisionnel en fonction des lésions anatomopathologiques. D’après Udd et al. (2). AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; spor : sporadique ; ant : antérieur ; post : postérieur. d’interprétation difficile, avec des tracés volontiers “neurogènes”. La biopsie musculaire révèle des vacuoles bordées. Le gène en cause est le gène GNE (5), situé en 9p1-q1, codant pour une protéine intervenant dans la synthèse de l’acide sialique. Myopathie de Miyoshi, ou dysferlinopathie Décrite au Japon (6), sa répartition géographique est ubiquitaire. Elle débute vers 20 ans par une faiblesse et une atrophie des mollets, parfois asymétrique, responsable d’une difficulté à courir, à sauter ou à se mettre sur la pointe des pieds. Elle respecte les muscles intrinsèques du pied ; l’évolution se fait vers une atteinte proximale (la loge postérieure de cuisse étant plus atteinte que la loge antérieure), et des membres supérieurs avec atrophie fréquente de la portion inférieure du biceps brachial et respect des muscles fixateurs de l’omoplate. 158 Les CPK sont souvent très élevées (10 à 150 fois la normale). L’EMG montre des tracés myogènes avec une importante activité de fibrillation. La biopsie musculaire révèle des lésions de type dystrophique et volontiers d’importants infiltrats inflammatoires, qui peuvent conduire à poser à tort le diagnostic de polymyosite. L’analyse en immunohistochimie et western blot permet de mettre en évidence le déficit en dysferline (NB : le western blot met aussi en évidence, dans la moitié des cas, un déficit dit “secondaire” en calpaïne). La dysferline est une protéine membranaire, de fonction inconnue, dont le déficit est aussi responsable d’un phénotype de myopathie des ceintures (LGMD2B) ; les deux phénotypes peuvent coexister au sein d’une même famille. Nébulinopathie La nébuline est une protéine du sarcomère, habituellement res- ponsable d’un tableau de myopathie congénitale, avec atteinte initiale proximale, caractérisée histologiquement par la présence de bâtonnets. Un phénotype distal a été récemment individualisé chez 7 patients issus de 4 familles finlandaises distinctes (7), touchant la loge antéro-externe des jambes, les extenseurs des doigts et les fléchisseurs de nuque. L’âge de début est variable : coexistence de formes infantiles et adultes. Les bâtonnets ne sont pas présents sur la biopsie musculaire, qui montre des anomalies non spécifiques. L’analyse moléculaire révèle 2 mutations faux-sens à l’état homozygote. Myopathie par mutation de l’anoctamin-5 L’anoctamin-5 est une protéine transmembranaire, de rôle incomplètement connu, porteuse d’une probable fonction canalaire Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 chlore. Un déficit en anoctamin-5 a récemment été associé avec un tableau de myopathie des ceintures (LGMD2L) et un tableau de myopathie distale (8) appelé MMD3, pour Miyoshi muscular dystrophy-3, compte tenu de la présentation clinique similaire à la myopathie de Miyoshi : soit un déficit touchant préférentiellement la loge postérieure de jambe, volontiers asymétrique. Les CPK étaient constamment augmentées de façon importante (5-75 fois la normale). Les myopathies distales autosomiques dominantes Myopathie de Welander Il s’agit de la première myopathie distale individualisée (9), présente exclusivement dans les pays nordiques. Le gène en cause, non encore identifié, est situé en 2p13. Le début est tardif, après 40 ans, et se caractérise par une atteinte distale des membres supérieurs, touchant préférentiellement les muscles extenseurs des doigts responsable d’une difficulté pour les gestes fins. L’évolution, lente, se fait vers une atteinte de la loge antéro-externe de jambe, responsable d’un steppage. Les CPK sont normales à modérément augmentées (1 à 3 N), la biopsie musculaire est non spécifique mais peut montrer à un stade tardif des vacuoles bordées. Myopathie de UddMarkesbery-Griggs, ou dystrophie musculaire tibiale, ou titinopathie Individualisée par Udd en 1993 (10), elle est liée à une mutation du gène codant pour la titine, protéine du sarcomère. Elle est fréNeurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 quente dans les pays nordiques (Finlande), mais a été décrite aussi en France, en Angleterre et en Espagne (2, 11). Les mutations décrites (mutation finlandaise, française A et B, et espagnoles) touchent le dernier exon (363) ; une mutation, responsable d’un phénotype plus sévère, a été décrite en France, sur l’exon 362. A l’état homozygote, la mutation est responsable d’un phénotype plus sévère avec atteinte des ceintures, LGMD2J. Le début est tardif, après 35 ans. Le déficit touche initialement le muscle tibial antérieur de façon très sélective (d’où son nom de dystrophie musculaire tibiale), et peut évoluer vers une atteinte des muscles extenseurs des orteils. Les muscles intrinsèques du pied sont respectés (signe du “trop beau pédieux” qui devant cette atteinte distale oriente vers un processus myogène et non neurogène), de même les muscles proximaux des membres inférieurs. Les CPK sont normales à modérément augmentées. Les tracés EMG sont myogènes ; il existe volontiers une activité de fibrillation importante dans le muscle tibial antérieur. L’imagerie musculaire révèle l’atteinte sélective du tibial antérieur. La biopsie musculaire (dans le tibial antérieur) met en évidence des anomalies non spécifiques ; quelques vacuoles bordées peuvent être observées chez la moitié des patients. Myopathie de Laing ou myopathie distale à début infantile Décrite par Laing, en Australie, en 1995 (12), elle est liée à une mutation du gène MYH7, qui code pour la chaîne lourde de la myosine. Les néo-mutations sont fréquentes, et l’histoire familiale peut donc manquer. Elle débute dans l’enfance entre 4 et 20 ans, par une atteinte sélective des extenseurs des orteils (signe du “gros orteil tombant”) (13). L’évolution est très lente, vers une atteinte des extenseurs des chevilles, doigts, poignets, et fléchisseurs du cou dans la troisième décennie. L’atteinte proximale survient après 40 ans. Les CPK sont peu augmentées (1 à 3 N). Les tracés EMG sont de nature myogène. L’imagerie musculaire, confirme la sélectivité de l’atteinte aux muscles de la loge antéro-externe de jambe. La biopsie musculaire est non spécifique, sans vacuoles bordées. Myopathies myofibrillaires (MMF) Il s’agit d’un groupe de myopathies, dont le concept date de 1996, caractérisées par des anomalies histologiques communes (14, 15) : une désorganisation des myofibrilles autour de la strie Z, et une accumulation sarcoplasmique anormale de protéines. Il s’agit donc d’un diagnostic anatomopathologique. Ce groupe comprend aujourd’hui 6 gènes codant pour des protéines impliquées dans la strie Z : desmine, aβ cristalline, filamine C, myotiline, ZASP et BAG3. De transmission autosomique dominante, elles ont un phénotype clinique assez homogène : associant un début souvent tardif après 40 ans, un déficit initial touchant plus volontiers les membres inférieurs de topographie variable (soit distal, soit proximal, soit proximo-distal) (16). Quelques particularités cliniques permettent d’orienter vers la protéine en cause : • la présence d’une cardiopathie est plus fréquemment associée à la desmine, mais peut se voir avec toutes les MMF ; 159 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER • une dysphonie laryngée associée à une neuropathie est plutôt évocatrice de myotilinopathie • une cataracte orientera vers une aβ cristalline ; • une neuropathie peut se rencontrer dans toutes les MMF à l’exception des desminopathies ; elle est particulièrement fréquente dans les myotilinopathies. Il existe une sélectivité de l’atteinte musculaire, mise en évidence par l’imagerie qui guide l’analyse moléculaire de ces myopathies (17). Les CPK sont normales à modérément augmentées, elles peuvent être augmentées jusqu’à 15 fois la normale pour les mutations BAG3 (16). L’ENMG peut montrer une réduction des vitesses de conduction nerveuse, et volontiers des tracés mixtes neurogènes et myogènes ; des décharges myotoniques sont décrites (16). Filaminopathies distales Les mutations du gène codant pour la filamine, à l’origine d’une myopathie myofibrillaire sont situées dans la région C-terminale du gène. En 2011, ont été individualisées des filaminopathies, non myofibrillaires par mutations de la région N-terminale du gène (18). La maladie débute dans la 3e décennie par une atteinte des muscles thénariens responsable d’une diminution de la force de préhension, puis évolue vers la 4e décennie par une atteinte de la loge postérieure de jambe entraînant des difficultés à courir et à sauter, et vers la 5e décennie par une atteinte proximale, conduisant à l’utilisation d’une canne. Les CPK sont modérément augmentées (1.5 à 2.5 N). La biopsie musculaire n’est pas de type myofibrillaire et met en évidence des anomalies non spécifiques. 160 Myosite à inclusion héréditaire par mutation vcP Il s’agit d’une affection génétique, autosomique dominante, par mutation du gène VCP (codant pour la valosin-containing protein) associant une myopathie à inclusion, une maladie de Paget et une démence frontotemporale. Le syndrome peut être incomplet. Le début survient après 35 ans, par un déficit qui peut être soit proximal, soit distal (19). Les CPK sont normales à modérément augmentées. La biopsie musculaire oriente l’enquête étiologique en mettant en évidence des vacuoles bordées. Myopathie distale avec atteinte pharyngée et des cordes vocales Affection autosomique dominante, individualisée en 1998 (20), elle est due à une mutation du gène MATR3 (21) codant pour une protéine de la matrice nucléaire. Elle débute vers l’âge de 45 ans, par une atteinte distale touchant initialement les membres inférieurs, puis les membres supérieurs. Dans la plupart des cas s’y associe une atteinte des cordes vocales et des troubles de déglutition. Les CPK sont normales à modérément augmentées. L’EMG est myogène. La biopsie musculaire met en évidence des vacuoles bordées. Myopathie distale à début précoce par mutation KLHL9 Individualisée en 2010 dans une seule large famille allemande (22), elle débute par un déficit amyotrophiant du muscle tibial antérieur survenant précocement entre 8 et 16 ans. La progression est très lente, permettant la préservation de la marche jusqu’à la 7e décennie. Les CPK sont normales à significativement augmentées (9N). L’EMG peut monter quelques latences distales motrices allongées. Myopathies centronucléaires autosomiques dominantes par mutation DNM2 Différentes des formes liées à l’X ou récessives, elles se caractérisent par un début plus tardif et distal. La biopsie musculaire oriente le diagnostique en révélant des centralisations nucléaires multiples et des cores centraux. Conclusion La mise en évidence, dans la dernière décennie, de nouvelles entités et leur caractérisation moléculaire ont complexifié le diagnostic étiologique des myopathies distales. L’enquête étiologique repose sur l’analyse du mode de transmission, de l’âge de début, de la sélectivité de l’atteinte musculaire et la présence de lésions histologiques spécifiques sur la biopsie musculaire n Correspondance Dr Hélène Gervais-Bernard Service de neurologie Hôpital Pierre Wertheimer 59, boulevard Pinel 69003 Lyon E-mail : [email protected] Mots-clés : Myopathies distales, Myopathie de Nonaka, Myopathie de Miyoshi, Dysferlinopathies, Nébulinopathie, Anoctamin-5, Myopathie de Welander, Myopathie de Udd-Markesbery-Griggs, Myopathie de Laing, Myopathies myofibrillaires, Filaminopathies distales, Myosite à inclusion héréditaire par mutation VCP, Electromyogramme, Biopsie musculaire, Génétique Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances 12. Laing NG, Laing BA, Meredith C et al. Autosomal dominant distal myopathy: linkage to chromosome 14. Am J Hum Genet 1995 ; 56 : 422-7. 13. Penisson-Besnier I. Distal myopathies. Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 211-6. 14. Nakano S, Engel AG, Waclawik AJ et al. Myofibrillar myopathy with abnormal foci of desmin positivity: I. Light and electron microscopy analysis of 10 Cases. J Neuropathol Exp Neurol 1996 ; 55 : 549-62. 15. De BleeCker JL, Engel AG, Ertl BB. Myofibrillar myopathy with abnormal foci of desmin positivity: II. Immunohistochemical analysis reveals accumulation of multiple other proteins. J Neuropathol Exp Neurol 1996 ; 55 : 563-77. 16. Selcen D. Myofibrillar myopathies. Neuromuscul Disord 2011 ; 21 : 161-71. 17. Fischer D, Kley RA, Strach et al. Distinct muscle imaging patterns in myofibrillar myopathies. Neurology 2008 ; 71 : 758-65. 18. Duff RM, Tay V, Hackman P et al. Mutations in the N-terminal actin-binding domain of filamin C cause a distal myopathy. Am J Hum Genet 2011 ; 88 : 729-40. 19. Palmio J, Sandell S, Suominen T et al. Distinct distal myopathy phenotype caused by VCP gene mutation in a Finnish family. 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L’objectif est de soutenir des initiatives favorisant : • la promotion des bonnes pratiques de prise en charge de la douleur physique et des stratégies de soins centrées sur le patient, ainsi que leur évaluation ; • l’évaluation et une prise en charge adaptée de la douleur physique en santé mentale pour les populations vulnérables ou dyscommunicantes. Il peut s’agir d’initiatives conduisant à : une meilleure compréhension, une meilleure évaluation et un meilleur traitement de la douleur physique ; une réponse thérapeutique rapide et efficace pour soulager la douleur ; une application systématique des protocoles analgésiques reflétant l’état actuel des connaissances ; une évolution des pratiques en matière d’amélioration de la prise en charge de la douleur en santé mentale. Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Appel à projets est destiné à : Equipes médicales et associations soucieuses d’améliorer la prise en charge de la douleur. Dossiers de candidature • Disponibles sur : http://www.cnp.fr • ou par courriel à : [email protected] Envoi des dossiers • 1 exemplaire par courrier à : Fondation CNP Assurances - 4, place Raoul Dautry 75716 PARIS Cedex 15 • 1 exemplaire par courrier électronique (version non protégée en format Word) à :[email protected] Les dossiers de candidature devront être déposés avant le 30 juin 2012. Pour en savoir plus : Fondation CNP Assurances Fax : 01 42 18 92 85 - E-mail : [email protected] 161 DOSSIER Bibliographie 1. Gowers WR. A Lecture on myopathy and a distal form: delivered at the National Hospital for the Paralysed and Epileptic. Br Med J 1902 ; 2 : 89-92. 2. Udd B. 165th ENMC International Workshop: distal myopathies. 6-8th February 2009 Naarden, The Netherlands. Neuromuscul Disord 2009 ; 19 : 429-38. 3. Nonaka I, Sunohara N, Ishiura S et al. Familial distal myopathy with rimmed vacuole and lamellar (myeloid) body formation. J Neurol Sci 1981 ; 51 : 141-55. 4. Argov Z, Yarom R. “Rimmed vacuole myopathy” sparing the quadriceps. A unique disorder in Iranian Jews. J Neurol Sci 1984 ; 64 : 33-43. 5. Kayashima T, Matsuo H, Satoh A et al. Nonaka myopathy Is caused by mutations in the UDP-N-acetylglucosamine-2-epimerase/N-acetylmannosamine kinase gene (GNE). J Hum Genet 2002 ; 47 : 77-9. 6. Miyoshi K, Kawai H, Iwasa et al. Autosomal recessive distal muscular dystrophy as a new type of progressive muscular dystrophy. Seventeen cases in eight families including an autopsied case. Brain 1986 ; 109 (Pt 1) : 31-54. 7. Wallgren-Pettersson C, Lehtokari VL, Kalimo H et al. Distal myopathy caused by homozygous missense mutations in the Nebulin gene. Brain 2007 ; 130 (Pt 6) : 1465-76. 8. Bolduc V, Marlow G, Boycott KM et al. Recessive mutations in the putative calcium-activated chloride channel anoctamin 5 cause proximal LGMD2L and distal MMD3 muscular dystrophies. Am J Hum Genet 2010 ; 86 : 213-21. 9. Welander L. Myopathia distalis tarda hereditaria. 249 examined cases in 72 pedigrees. Acta Med Scand 1951 ; 265 (Suppl) : 1-124. 10. Udd B, Partanen J, Halonen P et al. Tibial muscular dystrophy. Late adult-onset distal myopathy in 66 Finnish patients. Arch Neurol 1993 ; 50 : 604-8. 11. Saperstein DS, Amato AA, Barohn RJ. Clinical and genetic aspects of distal myopathies. Muscle Nerve 2001 ; 24 : 1440-50. Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER 4 Les syndromes myasthéniques congénitaux Un diagnostic complexe n Les syndromes myasthéniques congénitaux constituent une entité nosologique hétérogène en pleine expansion. Il est important de les rechercher en cas d’antécédents familiaux, néonataux (hypotonie, détresse respiratoire…), de syndrome myasthénique séronégatif associé à une sémiologie évocatrice et/ou résistant au traitement immunosuppresseur, de tableau de myopathie des ceintures fluctuante, ou en cas d’obtention d’un double potentiel global d’action musculaire lors de l’étude des conductions nerveuses (en absence de surdosage en anticholinestérasiques). L es syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) sont caractérisés par un dysfonctionnement de la jonction neuromusculaire (JNM), non lié à des auto-anticorps comme on l’observe dans la myasthénie autoimmune, mais secondaire à un gain ou une perte de fonction d’une protéine de la machinerie jonctionelle. Ils forment une entité nosologique hétérogène en pleine expansion et, à ce jour, 14 gènes ont été identifiés et codent pour des protéines impliquées dans la synthèse (ChAT), la dégradation (COLQ) et le récepteur de l’acétylcholine, ainsi que pour d’autres protéines post-synaptiques, parmi lesquelles la rapsyne, Dok7 et Musk (1-3). Il est proposé de les classer selon le mécanisme de dysfonction de la JNM : • pré-synaptique ; • de la fente synaptique ; • ou post-synaptique. *Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon 162 Perrine Devic* Tableau 1 - Drapeaux rouges cliniques et paracliniques orientant vers un syndrome myasthénique congénital. Clinique - Antécédents familiaux - Antécédents néonataux (hypotonie, détresse respiratoire…) - Myopathie des ceintures fluctuante - Réflexe pupillaire photomoteur ralenti, myosis, rétinopatie, maculopathie - Absence de réponse aux immunosuppresseurs Paraclinique - Double PGAM - Anti-RACH et anti-Musk négatifs La prévalence des SMC est estimée à 1/500 000 habitants en Europe et la plupart des cas sont post-synaptiques (1-3). Sémiologie et “drapeaux rouges” Bien que la majorité des cas débutent dès la petite enfance, de plus en plus de cas débutant à l’âge adulte sont rapportés. La présentation clinique (Tab. 1) peut être celle d’un authentique syndrome myasthénique. L’atteinte oculomotrice est fréquente (ptosis, diplopie), parfois associée à une sémiologie bulbaire avec dysphonie, dysphagie et troubles de la mastication. Une participation des muscles proximaux peut également se rencontrer. La sensibilité aux anticholinestérasiques est fréquente mais ces derniers peuvent, dans certaines formes, aggraver la sémiologie. Par contre, si ces symptômes sont communs à la forme autoimmune, ils ne sont pas sensibles aux immunosuppresseurs et s’ils peuvent être fluctuants, leur variabilité s’observe non pas sur la journée mais sur plusieurs Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Figure 1 - Bloc de la jonction neuromusculaire : décrément supérieur à 10 % lors des Figure 2 - Double potentiel global stimulations répétitives à 3Hz. d’action musculaire (COLQ ou canal lent) semaines, plusieurs mois voire plusieurs années. Dans certains cas, il peut s’agir d’un tableau pseudo-myopathique avec déficit musculaire des ceintures prédominant. Une fluctuation sur une longue période peut aussi s’observer. L’existence de signes oculomoteurs, même minimes comme un ptosis, est alors évocatrice. Des formes très précoces avec hypotonie néonatale ont été rapportées, évoluant parfois de façon favorable ultérieurement et il est donc important de rechercher les antécédents de la période néonatale en cas de suspicion de SMC. Une arthrogrypose est également possible. Enfin, des accès récurrents de détresse respiratoire souvent favorisés par le stress, les infections, la fièvre, les vomissements, les efforts ou le froid ont été décrits. Quelle que soit la forme clinique, la présence d’antécédents familiaux, que l’on recherchera systématiquement, facilitera le diagnostic même s’ils peuvent faire défaut dans les formes sporadiques fréquentes en raison d’une Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 transmission toujours autosomique récessive sauf dans le syndrome du canal lent. Sur le plan paraclinique Le bloc de la jonction neuromusculaire est le plus souvent objectivé par l’existence d’un décrément anormal (Fig. 1) aux stimulations répétitives (supérieur à 10 % entre la première et la cinquième stimulation lors d’un train de 10 stimulations à 3 Hz) et/ou la présence d’un jitter en fibre unique. Ces anomalies sont donc identiques à celles décrites dans la myasthénie autoimmune. Il est important de multiplier les couples nerfsmuscles étudiés et de privilégier les territoires bulbaires ou faciaux qui sont parfois les seuls à être le siège d’un décrément. Outre la séronégativité, certains signes électromyographiques tels qu’un double potentiel global d’action musculaire (PGAM) doivent orienter le clinicien vers la recherche d’un SMC (Fig. 2). Diagnostics différentiels Parmi les diagnostics différentiels, on discutera bien sûr une myasthénie autoimmune séronégative pour les anticorps anti-RACH et anti-Musk. La non-réponse aux traitements immunosuppresseurs et la recherche d’anti-RACH de faible affinité et d’anti-LRP4 seront déterminants (ENS Lyon). Devant une présentation plus myopathique, il faut insister sur la nécessité de faire une recherche systématique de bloc de la jonction neuromusculaire à toute maladie musculaire pour laquelle l’histologie n’est pas contributive, en précisant que la mise en évidence d’un bloc de la JNM à l’EMG peut aussi se rencontrer au cours des myopathies, notamment centronucléaires ou des cytopathies mitochondriales (4). Physiologie de la jonction neuromusculaire (Fig. 3) L’arrivée du potentiel d’action neuronal entraîne l’afflux intracellulaire de calcium, puis l’exocytose de quantas d’acétylcholine. L’acétylcholine libérée par la terminaison axonale pré-synaptique se fixe ensuite sur les RACH post-synaptiques et entraîne un afflux de cations (sodium et à un moindre degré calcium) intracellulaire, ce qui génère des potentiels de plaque miniatures. Si le potentiel de plaque (sommation des potentiels de plaque miniatures de la plaque motrice) est supérieur au seuil, un potentiel de fibre musculaire sera 163 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER généré par l’ouverture des canaux sodiques voltage dépendant de façon à propager le potentiel à l’ensemble de la fibre musculaire, qui peut alors se contracter. Il existe, chez le sujet sain, une marge de sécurité de la JNM qui se définit par la différence entre le potentiel de plaque et celui nécessaire à la contraction de la fibre musculaire. L’acétylcholine sera ensuite dégradée en choline et acétate par l’acétylcholinestérase et la choline recaptée par la terminaison pré-synaptique (transport sodium dépendant) pour former de nouvelles vésicules d’acétylcholine grâce, entre autres, à l’action de la choline acétyl-transférase. ! La genèse d’un potentiel miniature de plaque est dépendante de la bonne organisation de la membrane post synaptique, comportant notamment l’organisation des RACH en clusters. Figure 3 - Organisation de la jonction neuromusculaire. D’après Gomez et al, Autoim- L’agrégation des RACH en clusters pour former un bouton synaptique est conditionnée par plusieurs protéines dont les mutations sont associées à des SMC. Musk, une protéine kinase spécifique du muscle, est fondamentale dans la bonne organisation post-synaptique de la membrane par son rôle central dans la voie agrine-lrp4-musk-rapsyne (5, 6). Musk peut être activée soit “de l’intérieur” par dok-7, une protéine cytosolique, soit “de l’extérieur” par lrp4. La fixation de lrp4 sur musk est favorisée par l’agrine et permet en retour la phosphorylation de dok7 (5, 6). Dok-7 intervient donc à la fois comme ligand et comme substrat de musk (7). L’agrine est une protéine libérée par le neurone moteur et sous-tend donc un contrôle neuronal de la différentiation post synaptique. L’activation de Musk entraîne : 1. l’organisation en clusters des 164 munity 2010. RACH via l’activation de la rapsyne ; 2. l’expression des protéines spécifiques post-synaptiques ; 3. la génération de signaux rétrogrades régulant la différentiation pré-synaptique. Enfin, la différentiation post-synaptique nécessite un fonctionnement correct du cytosquelette (actine) et du métabolisme (mitochondries) de la fibre musculaire. SMC pré-synaptiques Impliquées dans moins de 10 % des SMC, les altérations pré-synaptiques sont de transmission autosomique récessive et comprennent les mutations du gène CHAT (8) et des phénotypes très rares (moins de 5 cas index) pour lesquels aucune mutation n’a encore pu être déterminée, tel que le SMC Lambert-Eaton-like (3, 9). Le phénotype CHAT habituel comporte un début néonatal ou dans la petite enfance et associe : • un syndrome myasthéniforme oculobulbaire sensible aux anticholinestérasiques ; • à des décompensations respiratoires brutales graves et récurrentes (episodic apnea) favorisée par le stress, les infections, la fièvre, les vomissements, les efforts et le froid (8). Bien que les stimulations répétitives (SR) à 3 Hz soient souvent normales, à la différence de l’étude en fibre unique, un décrément persiste 5 à 10 minutes après des trains de 5 minutes de SR à 10 Hz ou un effort (8). Le gène impliqué code pour l’acétylcholine transférase, une enzyme catalysant la synthèse d’acétylcholine à partir de la choline. SMC de la fente synaptique Impliquées dans environ 15 % des SMC et de transmission exclusivement autosomique récessive, les altérations du fonctionnement de Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER la fente synaptique sont à ce jour en grande partie liées aux mutations de la queue collagénique de l’acétylcholine estérase (COLQ) responsables d’un déficit d’acétylcholine estérase grevé d’un pronostic sévère (10, 11). Mutation du gène COLQ Le tableau est celui d’une myopathie des ceintures comportant souvent une atteinte faciale (ptosis) et débutant dans la première décennie, le plus souvent avant l’âge de un an (11). L’évolution est progressive chez 50 % des patients et peut être sévère (perte de la marche, scoliose, hypoventilation liée à un syndrome restrictif ). On recherchera des antécédents d’episodic apnea et un ralentissement du réflexe pupillaire photomoteur, présents respectivement chez la moitié et le quart des patients (11). L’élément clinique prépondérant est l’absence de réponse, voire l’aggravation des symptômes avec la prise d’anticholinestérasiques. Sur le plan électrophysiologique, l’obtention d’un PGAM dédoublé après stimulation unique du nerf (Fig. 2) est très évocatrice, peut être facilitée par l’administration de Tensilon ou de 3,4 DAP, et doit faire discuter un syndrome du canal lent ou un surdosage en anticholinestérasiques. Le défaut de fonction de l’acétylcholine estérase entraîne en effet une exposition prolongée de la fente synaptique à l’ACH qui persiste alors après la période réfractaire de la plaque et déclenche un second PGAM pour une même stimulation du nerf. S’ensuit également une désensibilisation et down régulation des ACHR, assortie d’une dégénérescence de la plaque motrice et de la fibre musculaire Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 Figure 4 - Jonction neuromusculaire morcelée d’une fibre musculaire humaine. Microscopie optique*40 ; IF bleue : chromatine ; verte : RACH ; rouge : axone. pouvant se traduire par des stigmates électriques “myopathiques” (11). Malheureusement, l’arsenal thérapeutique reste très limité puisque seules l’éphédrine (15 à 90 mg/j en deux à trois prises), et à un moindre degré la 3,4 DAP, permet une amélioration inconstante des symptômes (11). Mutation du gène de la glutamine-fructose-6phosphate transaminase 1 (GFPT1) Décrite en 2011, il s’agit d’une mutation probablement fréquente parmi les patients présentant un tableau de myopathie des ceintures fluctuante, sensible aux anticholinestérasiques (12). L’atteinte faciale et respiratoire est rare. Les premiers symptômes apparaissent le plus souvent dans la première décennie mais des cas de début plus tardif sont décrits, l’évolution est ensuite peu progressive et la majorité des patients restent ambulatoires. La présence d’agrégats tubulaires sur la biopsie musculaire est très évocatrice (12). SMC post-synaptiques Mutations des sous-unités du RACH On distingue les mutations aboutissant à une altération qualitative des RACH (20 % des SMC, canal lent ou rapide) et quantitative des RACH (40 % des SMC, déficit en RACH) (1-3). ❚❚Canal lent Le terme de canal lent fait référence à l’ouverture prolongée du RACH lié soit à la fermeture 165 Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances DOSSIER retardée soit à l’ouverture trop facile des RACH, responsable d’un courant synaptique (afflux de cations) lent à décroître. En découlent deux conséquences : • la présence d’un PGAM répété pour une stimulation unique (le courant synaptique est plus long que la période réfractaire de la fibre musculaire) ; • et la dégénérescence musculaire sous synaptique liée à la toxicité de l’influx excessif de calcium intracellulaire et entraînant une diminution du nombre de RACH, ce qui compromet le fonctionnement de la jonction neuromusculaire (13, 14). Comme la présence d’un PGAM dédoublé, l’absence de réponse aux anticholinestérasiques peut en imposer pour une mutation COLQ. C’est le seul SMC de transmission autosomique dominante. Sur le plan clinique, le début est parfois tardif à l’âge adulte et il existe une atteinte prépondérante des muscles cervicaux et extenseurs distaux du membre supérieur (13, 14). Un traitement par quinidine et fluoxétine est proposé, permettant de bloquer les RACH dont l’ouverture est prolongée (15). ❚❚Canal rapide Le mécanisme physiopathologique est inverse : il s’agit de l’ouverture anormalement brève des RACH en réponse à la fixation d’acétylcholine résultant, soit d’une faible probabilité d’ouverture, soit d’une fermeture trop précoce du récepteur. La transmission des mutations est récessive, mais un effet “dominant négatif” a été décrit (l’allèle accompagnant l’allèle muté étant nul, c’est l’allèle muté qui s’exprime) (16, 17). 166 ❚❚Déficit en RACH Il s’agit de la cause la plus fréquente des SMC (1-3). Transmises selon le mode autosomique récessif, les mutations CHRNE affectent la sousunité ε des RACH. Il s’agit le plus souvent d’un syndrome myasthéniforme, parfois pseudo-myopathique, dont l’atteinte oculaire est prédominante, faisant discuter une mutation MUSK ou une autre cause d’ophtalmoparésie progressive (mitochondriopathies…). S’installant en règle dès la première décennie, les symptômes sont souvent peu évolutifs et l’atteinte respiratoire rare. L’efficacité des anticholinestérasiques peut être renforcée par l’adjonction de 3,4DAP (18, 19). Mutations du gène DOK7 La présentation habituelle est soit celle de “myasthénie des ceintures” associée à une faiblesse des muscles d’innervation bulbaire respectant le plus souvent les muscles oculomoteurs, soit celle de pseudo-myopathie des ceintures associant atrophie, déficit moteur progressif, scoliose, élévation faible de la créatine kinase (20-22). Les mutations du gène DOK7 sont transmises sur le mode autosomique récessif. Les symptômes débutent généralement après l’acquisition de la marche, voire à l’âge adulte. Si les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase sont inefficaces ou délétères, l’éphédrine (15 à 90 mg/j en deux à trois prises), l’albutérol et, à un moindre degré, la 3,4 DAP permettent en revanche une amélioration progressive et retardée (évaluée après 6 mois) de la sémiologie (20-22). L’ENMG en SR et en fibre unique montre un décrément et/ou des signes myogènes, mais jamais de PGAM dédoublés contrairement aux mutations de COLQ. La biopsie musculaire peut révéler des aspects myopathiques non spécifiques en montrant une atrophie des fibres II, une prédominance des fibres I, une nécrose des fibres musculaires, une diminution de l’activité des enzymes oxydatives, et/ou une lipidose (22). Il n’est pas observé d’agrégats tubulaires à la différence d’autres formes de “myasthénies des ceintures” en partie liées à GFPT1 (12). Mutations du gène de la rapsyne (RAPSN) Bien que les symptômes débutent habituellement avant l’âge de 2 ans, un début tardif est possible (23, 24). La transmission est autosomique récessive. Le phénotype peut être celui d’une hypotonie néonatale, parfois accompagnée d’athrogrypose et d’episodic apnea, ou d’un syndrome myasthénique séronégatif avec ptôsis volontiers asymétrique. La classique absence d’atteinte oculomotrice initialement décrite a récemment été remise en question par l’équipe de la Mayo Clinic qui décrit une ophtalmoparésie constante ou intermittente chez près du quart de ses patients (24). Une forme d’évolution bénigne affectant les Juifs originaires du Proche-Orient a été décrite et comporte une dysmorphie évocatrice avec prognathisme, palais ogival et visage allongé (25). L’ENMG peut être pris en défaut, mais la prise de 3,4DAP ou la réalisation d’un train à 10 Hz pendant 5 minutes peuvent le sensibiliser. Il est important de différencier ce décrément non spécifique de celui observé dans les mutations CHAT Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 qui persiste 5 à 10 minutes après la stimulation. L’évolution est lente et les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase bénéfiques dans la majorité des cas (23-25). Autres mutations Le pattern de transmission est exclusivement autosomique récessif. ❚❚Gène de la protéine Musk (MUSK) Le tableau clinique est celui soit d’un ptosis associé à une ophtalmoparésie progressive et à un déficit des ceintures, soit d’une hypotonie néonatale avec insuffisance respiratoire et/ou episodic apnea nécessitant souvent une trachéotomie et évoluant vers un déficit musculaire sévère atrophique avec scoliose (26, 27). Similairement aux mutations DOK7, la biopsie musculaire retrouve des signes myopathiques aspécifiques. Les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase seuls ou en association avec la 3,4DAP et l’albutérol sont faiblement efficaces à la différence de l’éphédrine dont l’effet semble nul (26, 27). ❚❚Gène de l’agrine (AGRN) Récemment décrite et peu fréquente (2 cas), les mutations du gène de l’agrine sont responsables d’une fatigabilité proximale fluctuante installée dès la petite enfance, assortie d’un ptôsis, sans atteinte oculomotrice (28). ❚❚Gène du canal sodique voltagedépendant SCN4 Seul un cas est référencé (29). Il s’agit d’une patiente présentant dès la naissance des episodic apnea, une fatigabilité et une faiblesse bulbaire, puis une atteinte oculomotrice et un ptôsis bilatéral peu fluctuant. Les SR à 3 Hz ne retrouvent pas de décrément à la différence des SR à 50 Hz pendant 2 s. On retient surtout la normalité apparente du Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 muscle et de la jonction neuromusculaire en microscopie au repos, alors que la stimulation de la fibre musculaire à -40mV n’engendre pas de potentiel d’action. Sur le plan thérapeutique les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase associés à l’acétazolamide sont efficaces. ❚❚Plectinopathie L’association d’un syndrome myasthéniforme à une épidermolyse bulleuse et/ou une dystrophie musculaire progressive doit orienter la recherche génétique vers une mutation de la plectine, protéine cytosolique nécessaire au maintien de l’architecture cellulaire et particulièrement exprimée sous la plaque (30, 31). L’étude histologique conforte la suspicion en montrant, outre des anomalies structurales des noyaux, des organelles et de la jonction neuromusculaire, l’absence de plectine dans la fibre musculaire en immunohistochimie. ❚❚LAMB2 Seule une patiente est décrite dans la littérature et présente un tableau sévère de myopathie des ceintures débutant dès la petite enfance, associée à un syndrome de Pierson (néphropathie et atteinte oculaire avec myosis) (32). Conclusion Les SMC représentent une entité hétérogène au sein desquels on peut cependant définir les caractéristiques suivantes : 1. début dans la première décennie ; 2. évolution très lentement progressive ; 3. contexte familial et mode de transmission récessif ou “sporadique” ; 4. faiblesse fluctuante des muscles proximaux et ptôsis, pouvant évoluer sur un mode chronique pseudomyopathique ; 5. séronégativité RACH et Musk. Les investigations en biologie moléculaire seront guidées par la clinique. Ainsi, un début à l’âge adulte orientera vers une mutation des gènes DOK7, RAPSN et canal lent, un mode de transmission autosomique dominant vers un canal lent (ou une mitochondriopathie), un tableau de myopathie des ceintures de l’adulte vers DOK-7 ou GFPT1, une atteinte des extenseurs des poignets et doigts vers un canal lent, une atteinte oculaire vers LAMB2 (myosis), COLQ (réflexe photomoteur) et GPT1 (dégénérescence maculaire, rétinite pigmentaire), un double PGAM vers COLQ ou un canal lent, et une inefficacité ou aggravation avec les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase vers CPLQ ou DOK7. Les mutations les plus prévalentes sont celles de CHRNE et de RAPSN et leur recherche est recommandée en première intention, en absence d’orientation évidente, par le consensus international réalisé en 2004 (33). Le diagnostic reste donc complexe, mais l’enjeu est cependant de taille pour le patient auquel on évitera une thymectomie et une immunosuppression prolongée inutile. n Correspondance Dr Perrine Devic Service de neurologie Hôpital de la Croix-Rousse 103 Grande rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon E-mail : [email protected] Mots-clés : Syndromes myasthéniques congénitaux, Jonction neuromusculaire, Fente synaptique, Génétique, Electromyographie, Atteinte oculomotrice, Détresse respiratoire, Myopathie des ceintures, Anticholinestérasiques, RACH, MUSK 167 DOSSIER Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Pathologies neuromusculaires - L’évolution des connaissances Bibliographie DOSSIER 1. Engel AG. Congenital myasthenic syndromes in 2012. Curr Neurol Neurosci Rep. 2011, epub ahead of print. 2. Engel AG, Ohno K, Sine SM. Congenital myasthenic syndromes:progress over the past decade. Muscle Nerve 2003 ; 7 : 4-25. 3. Engel AG, Sine SM. 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