Cours de Théorie des groupes Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 3 16 novembre 2015 Quiz 9 Question 1. Soit G un groupe, et soit x ∈ G d’ordre m. Montrer que si n 6= 0 est un entier positif tel que xn = 1, alors m divise n. Solution. On sait qu’il existe q, r ∈ N, avec r < m, tel que n = qm + r. Alors on a 1 = xn = xqm+r = (xm )q (xr ) = xr , ce qui implique r = 0 (m est l’ordre de x et r < m). Donc n = qm, c’est-à-dire m divise n. Question 2. Est-ce qu’il existe un groupe non abélien dont tous les sous-groupes sont normaux ? Si oui, donner un exemple. Solution. Oui, le groupe des quaternions H8 (Série 4, Exercice 5.) Question 3. Soit G un groupe fini. Est-ce que les affirmations suivantes sont vraies ? (a) Si H est un sous-groupe de G, alors l’ordre de H divise l’ordre de G. (b) Si n ∈ N divise l’ordre de G, alors il existe un sous-groupe de G dont l’ordre est n. (c) Même question que (b), en supposant G abélien. Solution. (1) Vraie. En effet, ceci est le théorème de Lagrange. (2) Fausse. Le groupe A4 n’a pas de sous-groupes d’ordre 6, même si 6 divise #A4 (Série 7, Exercice 5.). (3) Vraie : supposons premierement que G soit un p-groupe d’ordre pm et on procède par récurrence sur m (le cas m = 1 est clairement vrai). On sait par un résultat du cours que G 'ϕ Z/pr1 Z × . . . Z/prn Z, avec r1 + . . . + rn = m. Soit s ≤ m un entier positif. On cherche un sous-groupe de cardinal ps . Si s ≤ r1 + . . . + rn−1 (< m), alors le groupe Z/pr1 Z × . . . Z/prn−1 Z a un sous-groupe H d’ordre ps par hyphothèse de récurrence. Donc ϕ−1 (H × {[0]prn }) est un sous-groupe de G d’ordre ps . Si r1 + . . . + rn−1 < s(≤ m), alors H = Z/pr1 Z × . . . Z/prn−1 Z × pm−s Z/prn Z 2 est un sous-groupe d’ordre ps et donc ϕ−1 (H) est un sous-groupe de G d’ordre ps . Si G n’est pas un p-groupe, on peut le décomposer comme produit direct de p-groupes et utiliser le résultat juste montré. Cours de Théorie des groupes Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 3 16 novembre 2015 Série 9 Exercice 1. Soit G un groupe. On note Sym(G) l’ensemble des bijections de G à G, muni de la composition des fonctions. Soit · : G × G → G l’action de G sur lui-même par la multiplication à gauche. On considère f : G → Sym(G) g 7→ fg où fg (x) = g · x. Montrer que fg ∈ Sym(G) et que f est un homomorphisme. Solution. Les fonctions fg et fg−1 sont bijectives puisqu’elles sont inverses l’une de l’autre. En effet, pout tout g, x ∈ G, on a fg ◦ fg−1 (x) = g · (g −1 · x) = (gg −1 ) · x = 1 · x = x et fg−1 ◦ fg (x) = g −1 · (g · x) = (g −1 g) · x = 1 · x = x Donc fg ∈ Sym(G). Pour tout g, g 0 , x ∈ G, on a fg ◦ fg0 (x) = g · (g 0 · x) = (gg 0 ) · x) = fgg0 (x). Ainsi, fg ◦ fg0 = fgg0 pour tout g, g 0 ∈ G et on a donc que f est bien un homomorphisme de groupes. Exercice 2. On considère l’action de G := GL2 (R) sur R2 par multiplication à gauche, c’est-à-dire G × R2 → R2 , (A, x) 7→ Ax. 1 Soit y := . 1 (1) Donner l’orbite orb(y) et le stabilisateur Gy de y. (2) Est-ce que cette action est transitive ? (3) Que se passe-t-il quand on a G := GL2 (Z) ? 4 Solution. z (1) Soit z := 1 ∈ R2 − {0}. On a z2 z1 − a a 1 z = 1 . z2 − b b 1 z2 | {z } :=A(a,b) Si z1 6= z2 , alors A(1, 1) ∈ G, tandis que si z1 = z2 (6= 0) on a A(0, 1) ∈ G. En plus, on vérifie facilement que ce n’existe pas A ∈ G tel que Ay = 0 : en effet, si Ay = 0, alors y = A−1 0 = 0, ce qui donne une contradiction. Donc on a orb(y) = R2 − {0}. Un calcul facile nous donne que, pour A ∈ G, on a Ay = y si et seulement si 1 − a a a, b ∈ R, a 6= b =: X. A∈ 1−b b Donc Gy = X. (2) Non, parce que 0 6∈ orb(y). (3) Si G := GL2 (Z) on a clairement orb(y) ⊆ Z2 . z1 a b 2 En plus, si z := ∈ Z − {0} et A(a, b, c, d) := ∈ M2 (Z), on a z2 c d A(a, b, c, d)y = z ⇔ a = z1 − b et c = z2 − d. En plus, A(z1 − b, b, z2 − d, d) ∈ G si et seulement si det(A(z1 − b, b, z2 − d, d)) = dz1 − bz2 = ±1 (Série 4, Exercice 3). Par l’identité de Bezout, on a donc que il existe une matrice A ∈ G tel que Ay = z si et seulement si (z1 , z2 ) = 1, ce qui implique que z1 2 orb(y) = ∈ Z (z1 , z2 ) = 1 . z2 En ce qui concerne le stabilisateur, on a clairement Gy = GL2 (Z)y ⊆ GL2 (R)y = X. Alors on obtient facilement que 1−a a Gy = a∈Z . 1 − (a ± 1) a ± 1 Finalement, l’action n’est pas transitive (0 6∈ orb(y)). 5 Exercice 3. (Les résultats de cet exercice sont à retenir). On note P(R2 ) l’ensemble des parties de R2 . Soient n ≥ 3 un entier, et Pn le polygône de sommets 2πk 2πk Ak := cos , sin . n n (1) Montrer que • : GL(R2 ) × P(R2 ) → P(R2 ), (f, E) 7→ f (E) est une action de groupes. (2) Calculer le stabilisateur de Pn pour cette action. Définition. Ce stabilisateur est appelé groupe diédral. On le note D2n . (3) Montrer que D2n est isomorphe à un sous-groupe de Sn et que D6 ' S3 . (4) Montrer qu’un groupe G est isomorphe à D2n si et seulement il est engendré par {R, S} avec R ∈ G d’ordre n et S d’ordre 2 tels que SRS = R−1 . Solution. (1) On a bien Id(E) = E pour tout E ∈ P(R2 ), et (f ◦ g)(E) = f (g(E)) pour tous f, g ∈ GL(R2 ) et tout E ∈ P(R2 ). Ainsi • est bien une action de groupe. (2) Le polygone Pn est conservé par • la rotation R de centre O et d’angle 2π/n ; • la symétrie axiale S d’axe la droite (OA1 ) passant par O et A1 . Nous allons montrer que les applications linéaires conservant Pn sont de la forme Rk ou Rk S avec k ∈ {0, . . . , n − 1}. Pour cela on remarque que Id est la seule application linéaire qui fixe deux points de R2 non colinéaires. Étant donné f ∈ D2n , soit 1 ≤ j ≤ n tel que f (A1 ) = Aj . Comme (Rj )−1 (Aj ) = A1 , la composition g = (Rj )−1 f ∈ D2n fixe A1 . Par conséquent, g envoie le côté A1 A2 sur un côté de Pn contenant A1 , c’est-à-dire A1 A2 ou An A1 . Ainsi : • soit g(A2 ) = A2 , d’où g = Id. On en conclut que f = Rj . • soit g(A2 ) = An ; dans ce cas, Sg est un élément de D2n tel que Sg(A1 ) = S(A1 ) = A1 Sg(A2 ) = S(An ) = A2 , d’où Sg = Id comme au point (1). Ainsi, f = Rj S. Finalement, montrons que les Rk , Rk S sont tous distincts pour 0 ≤ k < n. Nous aurons ainsi démontré qu’il existe exactement 2n isométries conservant Pn . Comme R a ordre n, il est clair que les Rk (0 ≤ k < n) sont tous distincts. Par conséquent, les Rk S (0 ≤ k < n) 6 sont tous distincts. Finalement, si Rk = Rl S pour 0 ≤ k, l < n, alors on obtient que R|k−l| = S (en notant que S = S −1 ). Comme les points fixes de S forment une droite alors que toute puissance de R fixe un seul point ou le plan entier, cette égalité est impossible. Nous avons ainsi montré que D2n est un groupe de cardinal 2n dont les éléments sont exactement les applications linéaires de la forme Rk ou Rk S avec k ∈ {0, . . . , n − 1}. (3) Tout f ∈ D2n induit une permutation des sommets de Pn , c’est-à-dire un élément σf ∈ Sn défini par f (Ai ) = Aσf (i) pour i = 1, . . . , n. Soit l’application Φ : D2n → Sn définie par Φ(f ) = σf . Il s’agit d’un homomorphisme de groupes puisque si f, g ∈ D2n , alors (f ◦ g)(Pi ) = f (Aσg (i) ) = Aσf (σg (i)) pour tout 1 ≤ i ≤ n, d’où σf ◦ σg = σf ◦g . Cet homomorphisme est injectif puisque toute élément de D2n fixant deux des sommets est égal à l’identité. Par conséquent, D2n est isomorphe à l’image de Φ, qui est un sous-groupe de Sn . Par la question précédente, le groupe D2n a ordre 2n, donc #D6 = 6 = #S3 . Ainsi D2n est isomorphe à un sous-groupe de S3 d’ordre 6, c’est-à -dire S3 tout entier. (4) D’après la question (2), on sait que D2n est engendré par une rotation R d’ordre n et une symétrie S (d’ordre 2). On va montrer que SRS −1 = R−1 . Comme toute rotation ou symétrie du plan fixant l’origine est déterminée par l’image de deux points non-colinéaires avec l’origine, il suffit de vérifier que l’on a SRS −1 (Ai ) = R−1 (Ai ) pour i = 1 et i = n : SRS −1 (A1 ) = SR(A1 ) = S(An ) = A2 = R−1 (A1 ) SRS −1 (An ) = SR(A2 ) = S(A1 ) = A1 = R−1 (An ). Soit maintenant G un groupe engendré par {ρ, σ} avec ρ ∈ G d’ordre n et σ ∈ G d’ordre 2 tels que σρσ = ρ−1 . On peut vérifier que { ρk σ l : k ∈ {0, . . . , n − 1}, l ∈ {0, 1} } est un sous-groupe de G. Ce sous-groupe contient la partie génératrice {ρ, σ} de G. On a donc G = { ρk σ l : k ∈ {0, . . . , n − 1}, l ∈ {0, 1} }. Si ρk σ = ρl alors on a σ = ρl−k . Dans ce cas on a σρσ −1 = ρl−k ρρk−l = ρ, et donc ρ−1 = ρ. Ce n’est pas possible car ρ est d’ordre n ≥ 3. L’élément ρ étant d’ordre n, on en déduit, comme dans notre réponse à la question 7 (2), que les ρk σ l avec k ∈ {0, . . . , n − 1} et l ∈ {0, 1} sont distincts deux à deux. En particulier, G est d’ordre 2n, et nous venons de montrer que l’application f : G −→ D2n , ρk σ l 7−→ Rk S l . est bien définie. Cette fonction f est surjective d’après notre réponse à la question (2). Comme #G = #D2n , f est même bijective. On peut vérifier que f est un homomorphisme de groupe. Ainsi f est un isomorphisme de groupe. Exercice 4. Calculer le centre {g ∈ D2n : ∀h ∈ D2n , gh = hg} de D2n . Solution. On montre que ( {Id} Z(D2n ) = {Id, Rn/2 } si n est impair, si n est pair. Par la question (2), Exercice 4., le groupe D2n est engendré par R et S. Dès lors, on a que f ∈ Z(D2n ) si et seulement si f commute avec R et S. En premier lieu, montrons que Rk S n’appartient jamais à Z(D2n ), pour 1 ≤ k < n. En effet, R(Rk S) = Rk+1 S, alors que (Rk S)R = Rk−1 S. Par conséquent, Rk S commute avec R si et seulement si Rk−1 = Rk+1 , c’est-à-dire si k − 1 ≡ k + 1 (mod n). Comme n > 2, ceci est impossible. D’autre part, pour 0 ≤ k < n, l’élément Rk commute avec R, et commute avec S si et seulement si SRk = Rk S, ce qui est équivalent à R−k = Rk . De manière équivalente, Rk commute avec S et seulement si −k ≡ k (mod n), c’est-à-dire si 2k ≡ 0 (mod n). Ainsi, si n est impair, Rk n’appartient jamais au centre. Si n est pair, Rk appartient au centre si et seulement si k = n/2.