Anesthésie en ophtalmologie
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2. Physiologie de la pression intraoculaire (PIO)
La PIO est la pression exercée par le contenu du globe sur sa paroi quasi inextensible, la sclère. Sa
valeur normale est de 16 + 5 mmHg. Une valeur supérieure à 25 mmHg est considérée comme
pathologique. Une élévation importante peut annuler la pression de perfusion à l'intérieur du bulbe
et menacer la vascularisation rétinienne. La notion de PIO n’a de sens qu’à globe fermé : lors de
l'ouverture d’un des segments, la pression s'y équilibre avec la pression atmosphérique, et il n’est
plus possible de définir une pression oculaire globale [1].
Les enveloppes du globe sont inextensibles donc la PIO dépend essentiellement du volume des trois
compartiments intraoculaires liquidiens, l’humeur aqueuse (HA), le volume sanguin choroïdien, et le
corps vitré. Elle est également sensible à la compression extrinsèque.
2.1. Structures liquidiennes de l’œil et physiopathologie de la PIO
Le volume d'humeur aqueuse est déterminé par un équilibre dynamique entre production et
drainage. L'HA est sécrétée dans la chambre postérieure par les procès ciliaires, et dépend de
l’anhydrase carbonique. L'HA gagne ensuite la chambre antérieure où elle est filtrée par le
trabéculum scléral pour atteindre le canal de Schlemm, puis le réseau veineux. Les glaucomes sont
des élévations de la PIO dus à un déséquilibre entre production et réabsorption d’HA. Le glaucome
aigu est le fait de l’obstruction mécanique de l’angle iridocornéen par la racine de l’iris ; favorisé par
une chambre antérieure étroite ou certains types de cataractes, il peut être déclenché par la
mydriase, qui a tendance à refouler l’iris vers l’avant. Dans le glaucome chronique à angle ouvert
c’est le trabéculum qui n’assure plus correctement sa fonction de réabsorption. Plusieurs classes
pharmacologiques existent pour traiter ces situations. Les agents parasympatomimétiques
(myotiques), « ouvrent les mailles » du trabéculum, et contribuent à diminuer la PIO (les agents
mydriatiques ont l'effet inverse). Les bêtabloquants en collyre diminuent la PIO via une action sur les
vaisseaux des procès ciliaires et sur le muscle ciliaire. L’acétazolamide (Diamox®, voie générale) et le
dorzolamide (Trusopt®, collyre) inhibent la production d’HA par blocage de l’anhydrase carbonique.
La prostaglandine F2-alpha (Latanoprost®) agit en favorisant la résorption uvéo-sclérale.
Le volume sanguin choroïdien peut être à l’origine de variations brutales de la PIO. Le débit sanguin
choroïdien est pourvu d'une autorégulation similaire à l'autorégulation cérébrale. Dans les limites
physiologiques, les variations de PA n'entraînent pas de variations de la PIO. Le volume sanguin
choroïdien, et donc la PIO, sont par contre linéairement dépendants de la pression veineuse centrale
(PVC). Un effort de toux ou de vomissement peut ainsi augmenter la PIO de 40 mmHg. Une
augmentation de la PaCO2 provoque une augmentation linéaire de PIO par vasodilatation
choroïdienne. Dans les limites physiologiques, la PIO n'est pas influencée par les variations de PaO2. Il
faut souligner la fragilité particulière des vaisseaux choroïdiens. Une hémorragie artérielle peut ainsi
survenir en cas d’augmentation soudaine du gradient de pression à travers leur paroi. Ceci peut se
rencontrer lors de la baisse brutale de la PIO induite par l’ouverture du bulbe en contexte
d’hypertonie, ou lors d’une poussée hypertensive à bulbe ouvert. En l’absence de contre-pression
intraoculaire, il peut en résulter une hémorragie expulsive, avec décollement de la totalité de la
rétine et perte de l’œil.
Le volume du corps vitré peut être réduit par déshydratation pharmacologique : le mannitol
intraveineux hypertonique (250 mL à 20 % en 30 à 60 mn) est l’hypotonisant oculaire de référence. Le
remplacement du vitré par un gaz expansif (SF
6
, C
2
F
6
, C
3
3F
8
) peut produire des augmentations de PIO
secondaires.
2.2. Facteurs de compression extrinsèque
De nombreuses causes de compression extrinsèque peuvent augmenter la PIO dans des proportions
variables : la musculature extrinsèque de l’œil et celle des paupières (un clignement forcé des
paupières suffit à augmenter la PIO de 50 mm Hg), une tumeur, un hématome ou une injection intra-
orbitaire, la simple manipulation du bulbe, le cerclage ou l’indentation pour décollement de rétine,
le masque facial d’anesthésie mal positionné.