« Essai de classification des pratiques de co-création de produits et services » Stéphane Magne Maître de Conférences à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne depuis septembre 2014. Ses activités de recherche portent sur les relations entre design, marque et innovation. Dans le cadre du marketing du design, il s’intéresse tout particulièrement à la perception esthétique des objets (à leurs dimensions visuelles, tactiles, dynamiques et interactives…) et à la sensibilité individuelle des consommateurs au design. Il oriente actuellement ses travaux vers l’expérience esthétique digitale. Il fait partie du laboratoire PRISM de l’Ecole de Management de la Sorbonne. [email protected] Jean-François Lemoine Professeur des Universités à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et à l'ESSCA École de Management. Ses recherches portent sur les facteurs d’atmosphère du point de vente physique et virtuel et plus largement sur le commerce électronique et le marketing digital. Il organise depuis 14 ans la Journée de recherche sur le marketing digital de l’Association Française du Marketing. Il dirige l’École doctorale de l’École de Management de la Sorbonne. [email protected] Résumé Aujourd’hui, les entreprises ont tendance à intégrer le consommateur dans leurs projets de développement de produits et services. Dans le processus de design, ce « consomm’acteur » est vu comme un co-créateur au même titre que les ingénieurs, les designers et les marketeurs. La problématique de cette communication porte sur comment classer et hiérarchiser les pratiques variées et disparates de co-création de produits et services (boîte à idées, concours, plateformes communautaires…) pour impliquer au mieux le consommateur dans le processus de design management. Une phase documentaire portant sur les pratiques de co-création d’entreprises dans différents secteurs et pays, nous conduira à les recenser puis à proposer un principe de classement de ces outils sur la base de leurs caractéristiques, des résultats escomptés et du degré d’engagement attendu du consommateur. Une trentaine de cas concrets recensés sur les 10 dernières années illustrera ce classement. Cette tentative de taxinomie vise in fine à établir un rapprochement entre les pratiques réellement utilisées par les entreprises et le degré d’« empowerment » créatif du consommateur. Les contributions se déclinent : Au niveau des instruments en proposant un état des lieux sur les formes actuelles de co-création au service des projets de design ; Au niveau marketing en envisageant les modalités d’intégration du consommateur dans les processus de design management ; Au niveau managérial en suggérant une hiérarchisation des pratiques de co-création qui facilitera leur choix selon le degré d’engagement co-créatif attendu de la part du consommateur. Mots-clés : co-création ; design management ; engagement co-créatif 1 « Essai de classification des pratiques de co-création de produits et services » Auparavant, dans le système transactionnel traditionnel, les sociétés choisissaient les produits et les services qu’elles fabriquaient et décidaient de ce qui avait de la valeur pour le client. Il est aujourd’hui difficile pour une entreprise de s’imposer sur un marché de plus en plus saturé dans un contexte de convergence des technologies et des industries. Pour faire face à cette réalité, la relation entre le producteur et le consommateur n’a cessé d’évoluer vers une plus grande implication du consommateur dans le processus de création. Le consommateur a changé : il est maintenant informé, relié en réseau, actif et global. Il a aujourd’hui accès à tout type d’information et peut exprimer son avis, ses impressions et ses souhaits sur le web. Alimentaire L’enseigne Starbucks a développé My Starbucks Idea, site Internet sur lequel les consommateurs peuvent laisser leurs impressions sur leurs expériences sur le lieu de consommation et/ou sur les produits. http://mystarbucksidea.force.com/ Cas 1 – Starbucks Coffee Le consommateur n’est plus un consommateur passif ; il veut être acteur de sa consommation et de ses choix. Son pouvoir s’est accru, il est devenu un « consomm’acteur » (Badot et Cova, 1992). Il est désormais vu comme un « consommateur collaborateur » par la nouvelle logique du marketing, la SDL (Service Dominant Logic) qui donne une place centrale au processus de co-création entre le fournisseur et le consommateur (Lush R. Et Vargo S., 2014). Ainsi, au triptyque désormais classique du design management (Borja de Mozota, 2002 ; Brown, 2010 ; Chaptal de Chanteloup, 2011) (cf. Figure 1) tend à se substituer un modèle à 4 pôles où le consommateur se retrouve plus ou moins engagé au cœur des projets de design. Les pratiques de co-création permettent d’impliquer ce quatrième acteur au cœur du designmanagement : le consommateur devient un co-créateur au même titre que les ingénieurs, les designers et les marketeurs. 2 Producteur : Projet de l’entreprise / Culture / Valeurs Innovation Recherche et Développement Valeur co-créée entre Producteur et Consommateurs Ingénieurs Co-création de produits/services Consommateurs Marché(s)/Marketing Scénarios de consommation Création Advanced design Marketeurs Designers Figure 1 – Nouveau rôle du consommateur dans le processus de design-management Dans ce cadre, cette recherche tente de répondre à 2 questions. La première est d’ordre théorique : comment peut-on organiser et classer l’ensemble des techniques et outils disparates de la co-création ? La deuxième question est d’ordre managérial : comment les pratiques de co-création peuvent-elles être des leviers pour solliciter un engagement co-créatif plus ou moins fort chez le consommateur ? 1. LA CO-CRÉATION AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DE PRODUITS ET SERVICES Avec l’essor de l’économie digitale et tout particulièrement le développement du web 2.0, des outils collaboratifs ont pu être développés et partagés. Des formes variées de collaborations entre consommateurs et producteurs coexistent : marketing participatif, crowdsourcing, cocréation, customer made, co-production, co-design, etc. Elles constituent autant d’outils utilisables pour impliquer le consommateur dans le processus de design management. Distribution AUCHAN En partenariat avec le programme américain Quirky, Auchan propose à ses clients de réfléchir sur des produits innovants, de les développer puis de les commercialiser dans ses magasins. Cas 2 – Auchan De nombreuses techniques plus ou moins impliquantes pour le consommateur sont utilisées. Toutes relèvent du concept fédérateur de co-création que nous allons définir en tout premier lieu. Une deuxième étape nous permettra de relever différents degrés d’investissement attendu de la part du consommateur pour chacune des familles de pratiques co-créatives. 3 1.1. LES FRONTIERES FLOUES DE LA NOTION DE CO-CREATION Quand est apparu ce terme de co-création (cf. Tableau 1) ? 1995 : Utilisation du terme de « co-création » par Schrage (1995) dans la Harvard Business Review. 2000-2004 : Prahalad & Ramaswamy (2004) utilisent officiellement le terme de « co-création » en parlant « d’expérience personnalisée avec les clients ». 2004 : Publication de l’article de Vargo & Lusch (2004) (Evolving to a New Dominant Logic for Marketing) qui a largement diffusé ce terme de « co-création » au sein de la communauté marketing. Tableau 1 – Les jalons historiques de l’utilisation du terme « co-création » En substance, ces publications révèlent que les entreprises ne centrent plus leur position sur la valeur créée par la dyade « entreprise-produits » mais plutôt sur l’expérience de co-création de valeur entre l’entreprise et le consommateur. Ce principe de co-création et de coproduction de valeur repose sur un développement des compétences du consommateur (une prise de pouvoir nommé «empowerment »), et sur un apprentissage concomitant des membres de l’entreprise (marketeurs, commerciaux, designers, ergonomes, ingénieurs de la R&D…) faisant appel aux compétences du client. Pour qualifier ces collaborations producteur-consommateur(s) plusieurs champs co-existent. Leurs frontières sont ténues et supposent une clarification définitionnelle : Marketing participatif Crowdsourcing Co-création Également appelé marketing collaboratif, le marketing participatif est « une politique marketing sollicitant et encourageant la collaboration et la participation des clients, pour concevoir et réaliser une offre, communiquer ou gérer la relation clients. » (Lendrevie et al. 2009). Divard (2010) parle pour sa part d’« un ensemble de techniques marketing visant à impliquer directement le client dans la définition de l'offre de l'entreprise. » Cet anglicisme signifie littéralement « approvisionnement par la foule ». C’est un concept évoqué par Jeff Howe (2006). Il désigne « la politique ou la technique qui consiste à externaliser vers un groupe ou une communauté de volontaires des tâches habituellement accomplies par des collaborateurs ou des prestataires ». C’est une notion plus large que celle de crowdsourcing. Il s’agit d’une collaboration plus ou moins intense entre l’entreprise et les consommateurs. Cette participation se fonde sur l’échange, la créativité et est destinée à améliorer ou créer des produits ou services. C’est aussi le fait de faire appel aux consommateurs pour la conception, le développement ou la communication d’un produit/service. La co-création regroupe donc plusieurs champs dans lesquels s’ancrent des pratiques différentes. Elle comporte plusieurs niveaux créatifs qui impliquent un engagement plus ou moins fort de la part du consommateur. Tableau 2 – Du marketing participatif à la co-création 1.2. LE CADRE THEORIQUE DE LA CO-CREATION Phénomène nouveau, la co-création n’a pas encore de cadre théorique parfaitement stabilisé et accepté par tous. Cela est sûrement dû à ses frontières floues et poreuses qui supposent, pour la circonscrire, d’opter pour une triple perspective théorique (Abidi-Barthe et al., 2010). 1.2.1. Les 3 ancrages théoriques de la co-création le marketing tribal ou communautaire (Cova et Cova, 2002) : le consommateur donne du sens à la marque en co-créant sa valeur identitaire et symbolique. Ces communautés 4 ou « tribus » se veulent les porte-parole, les prescripteurs et les leaders d’opinion de la marque. En ce sens, la relation consommateur-marque se transforme car c’est la communauté tribale qui prend le pouvoir sur la marque au détriment des marketeurs ; l'innovation collaborative (Von Hippel, 1978). Ce courant insiste sur l’utilité d'intégrer les utilisateurs influents dans le processus de conception et de développement de nouveaux produits/services car ce sont des innovateurs à l’origine de nouvelles idées voire de nouveaux produits (Bejy-Bécheur et Gollety, 2007). Grâce au web 2.0. ils s’agrègent désormais en communautés de lead-users1 ou users communities et peuvent participer à des projets de développement avec les services de R&D (Parmentier et Mangematin, 2014) ; Le consumer empowerment (Shankar A., Cherrier H., Canniford R., 2006) qui prône la délégation du pouvoir aux clients dans la construction de l’offre. Certaines variables du marketing-mix peuvent lui être déléguées : définition du produit, distribution et communication. Au cœur du consumer empowerment se trouve la notion d’apprentissage collectif (Curbatov, 2006, 2010 ; Curbatov et al., 2015) qui suppose la mise en place par le producteur d'un ensemble d'outils d'aide au développement des compétences des consommateurs (tels que les séminaires, les stages, les ateliers de création dans les boutiques...). Quels sont les niveaux de co-création ? Concourent-ils à des degrés d’empowerment différenciés du consommateur ? 1.2.2. Les niveaux de co-création Selon Maillet (2009) il existe 4 niveaux dans les pratiques de co-création (cf. Figure 2) : 1. La suggestion : l’entreprise rassemble les idées, avis, opinions émis par les consommateurs 4. L’approche dédiée : l’entreprise utilise la cocréation comme un véritable processus d’innovation. Un espace dédié est ainsi mis en place pour faciliter les échanges entre consommateurs et entreprise. 2. La sollicitation : l’entreprise sollicite les consommateurs. Elle fait appel à eux pour qu’ils donnent leurs avis motivés, leurs préférences sur un produit, une campagne publicitaire… 3. La communauté : l’entreprise fait appel aux consommateurs pour qu’ils créent eux-mêmes un produit, une campagne de communication… Figure 2 : Les degrés de co-création (adapté de Maillet, 2009) 1 Pour les définir simplement ce sont des utilisateurs avant-gardistes, précoces, influents, des clients et usagers figurant parmi les premiers à adopter un produit ou un service. 5 Maillet (2009) relève une sorte d’évolution naturelle entre ces 4 stades : « plus une marque avance dans la co-création et plus elle s'adresse à une communauté définie selon une approche de plus en plus spécifique». Les pratiques de la co-création adoptant diverses formes (avis, concours, votes, boîtes à idées…) nous tenterons de les classer en niveaux de co-création. Ces niveaux supposent un engagement plus ou moins fort de la part du consommateur qui va participer au projet. Par exemple, la "customisation"/personnalisation de produits peut être considérée comme une forme basique de la co-création. En effet, lorsque les entreprises proposent aux consommateurs de personnaliser un produit, cette customisation porte sur quelques attributs prédéfinis et standardisés du produit limitant ainsi la marge de liberté créative du consommateur. Cette pratique pourra apparaître comme une des étapes les moins avancées de la co-création et suscitant un engagement co-créatif a minima. Conscient du désir d’exclusivité de ses clients, l’enseigne Repetto a ouvert dans son magasin de la rue de la Paix à Paris un Atelier Repetto dans lequel il est possible de personnaliser sa paire de chaussures. Il permet de choisir entre 250 nuances de cuir et d’y ajouter les bordures et lacets de son choix. Chaque paire est ensuite marquée d’un « R » doré incrusté dans le talon. Chaussures Cas 3 – Repetto Nous essaierons donc de déterminer quels sont ces différents degrés d’engagement du consommateur dans le processus co-créatif. 1.2.3. Les niveaux d’investissement du consommateur Du côté des principales dimensions de co-création envisageables on relève : la customisation /personnalisation, la co-conception, la co-communication, la co-production, le crowdsourcing. Dans ce cadre général, les pratiques sont variées mais aucun principe de classement ne permet encore de les hiérarchiser pour les utiliser de manière différenciée dans le processus de design management. La valeur d’un consommateur dans ce processus de coopération créatif varie selon son niveau de motivation, d’expertise, d’engagement et de créativité (Stappers et Sanders, 2008). Bon nombre de recherches actuelles s’ancrent d’ailleurs sur cette quête du profil idéal du cocréateur. Tous les utilisateurs peuvent être créatifs, tous ne peuvent pas être des co-designers ou être partie prenante d’un processus co-créatif. Stappers et Sanders (2008) distinguent 4 niveaux d’implication des consommateurs : « faire », « adapter », « fabriquer » et « créer ». Nous proposons d’enrichir les niveaux comme suit (cf. Tableau 2) : 6 Niveau Type 1 Personnaliser (customiser) 2 Préparer (co-produire) 3 Fabriquer 4 Inventer Définition Différencier simplement un produit ou service sur la base d’un éventail d’options standards proposées et prédéfinies par le producteur Assembler les éléments dissociés d’un produit existant issus du même producteur selon un plan de montage ou de préparation fourni par l’entreprise Agencer des composants existants souvent issus de producteurs distincts, les combiner pour reproduire une création déjà connue Proposer une création personnelle innovante Repenser le produit d’une manière originale Exprimer sa créativité librement pour répondre à un ou des besoins insatisfaits Exemples Individualiser son modèle de véhicule sur la base d’un jeu d’options Changer l’arrière-plan de son écran de smartphone Re-paramétrer un ordinateur pour un usage personnalisé Monter un meuble à assembler proposé en kit Mélanger des ingrédients pour finaliser un plat préparé. Fabriquer une étagère standard Créer un tee-shirt avec une photographie issue de son album personnel Proposer une configuration avancée et inédite d’un produit Repenser/modifier les fonctions ou usages d’un produit existant Proposer un nouveau concept de produit ou service sur une plateforme collaborative Tableau 3 - Les degrés d’investissement co-créatif du consommateur (à partir de Stappers et Sanders, 2008) Quelles sont les pratiques permettant aux entreprises d’impliquer le consommateur dans les champs de la co-création ? 2. ÉTAT DES LIEUX DES CHAMPS ET PRATIQUES DE LA CO-CRÉATION Aujourd’hui, à travers les différentes pratiques de co-création, le consommateur peut être sollicité par l'entreprise tout au long des 5 phases classiques du processus de développement de nouveaux produits (Urban et Hauser, 1993 ; Ulrich et Eppinger, 2003): (1) la génération d'idées (Chesbrough, 2003), (2) le filtrage et la sélection d’idées, (3) le développement du concept, (4) les tests et validations du concept, (5) le lancement et la commercialisation du concept (Cooper, 1994 et 1995). Si l’on se situe dans une perspective de design management, le consommateur peut être sollicité tout au long du processus du projet : en phase de recherche d’idées, d’analyse des propositions, de conception de prototypes et d’exécution/finalisation des projets (Cautela et al., 2011). Pour simplifier, il est possible de faire intervenir le consommateur à chacun des 3 stades majeurs de développement d’un produit/service : stade 1 - Recherche d’idées, stade 2 Amélioration et modifications du produit/service et stade 3 – Distribution du produit/service. 2.1.VARIETE DES OBJECTIFS ET DES CHAMPS D’ACTION DE LA CO-CREATION La collaboration entre le consommateur et le producteur vise à recueillir des insights (axes 7 créatifs), à améliorer, à innover et au fond à renforcer la proximité de la marque selon un principe simple : impliquer le consommateur qui deviendra ainsi le meilleur ambassadeur de la marque. Voici différents champs d’action de co-création envisageables : Champs d’action de la co-création Figure 3 : Champs d’action de la co-création Champs d’action de la co-création Description La customisation/ personnalisation La customisation/personnalisation fait partie des grands axes de co-création. L’entreprise invite le consommateur à choisir un certain nombre de caractéristiques du produit au sein d’un éventail de possibilités préexistantes. La co-création est ici « limitée ». L’entreprise propose une base commune de références « produits » et y intègre des systèmes de personnalisation de masse. Alimentaire M&M’s donne l’occasion de personnaliser les petits bonbons par une inscription choisie par l’internaute. http://www.mymms.fr/ Cas 4 – M&M’s Maroquinerie Longchamp, via son site web, permet la personnalisation d’un sac en 4 étapes : choix du modèle, des poignées, des couleurs et enfin des options. http://www.longchamp.com/fr/sur-mesure-fr-562.html Cas 5 – Longchamp La co-conception La co-conception intervient lors de l’élaboration de l’offre d’une entreprise ou lors de l’amélioration d’un produit/service au cours de son cycle de vie. Le client est coconcepteur pour permettre à l’entreprise de réaliser une offre conforme à ses attentes, ce qui conduit à une forte interaction entre l’entreprise et le consommateur. La co-conception peut se dérouler tout au long du cycle de vie du produit/service. L’entreprise peut décider de faire intervenir les consommateurs via des blogs ou sites dédiés sur Internet ou de les convier à des focus groups afin de créer un échange propice à la génération d’idées. 8 - A toutes les étapes du cycle de vie du produit : - Phase d’introduction : le co-créateur peut faire un retour sur les imperfections ou sur les évolutions souhaitées du produit - Phase de croissance : le consommateur peut aider à explorer et découvrir de nouveaux usages possibles et aider à l’amélioration des fonctions - Phase de maturité : la co-conception peut permettre de raviver l’intérêt pour un produit - Phase de déclin : la co-conception permet au moyen de méthodes d’analyse de la valeur de ne conserver que les fonctions essentielles et donc de diminuer les coûts voire de donner une impulsion nouvelle permettant de relancer le produit. La co-conception (suite) - Au niveau du marketing-mix : - Produit : le co-créateur intervient dans l’élaboration des caractéristiques physiques du produit, de son design, de son packaging - Prix : le co-créateur peut définir une fourchette de prix qu’il serait prêt à payer pour obtenir un produit/service. Ceci a permis l'émergence de plusieurs concepts récents : le Pay What you Want, les contre-enchères ou encore les achats groupés. - Communication : en imaginant une façon de s’adresser au public via un spot télévisé, une campagne de communication presse ou encore une bannière web. - Distribution : il peut intervenir dans les circuits de distribution en donnant son avis sur des bornes digitales dans le point de vente L’aéronautique est un domaine qui a beaucoup progressé grâce aux concours co-créatifs. Par exemple, en 2004, 124 000 personnes dans le monde ont participé au « Boeing’s World Design Team », un forum Internet qui accueillait leurs réactions tout au long du processus d’innovation du futur appareil. AÉRONAUTIQUE Cas 6 - Boeing La co-production AMEUBLEMENT La co-production renvoie au dernier moment de participation du client à la création d’un produit/service. La conception du produit/service a lieu en amont. La tâche exécutée par le consommateur va permettre de produire définitivement l’offre. Cette dimension de cocréation est sujette à de nombreuses polémiques sur ce qui peut être assimilé à de la cocréation et sur ce qui ne l’est pas. La co-production est très répandue dans le secteur des services. IKEA Ikea vend le mobilier en kit accompagné de la notice de montage. Le client agence chez lui les différents composants du produit. Il co-produit le bien après achat. Cas 7 - Ikea La cocommunication WEB Les co-créateurs participent à la production de publicité, soit en figurant eux-mêmes en tant qu’acteurs de la publicité, soit en imaginant un spot (on est alors plutôt en phase de coconception dans ce cas). En 2007, eBay a été parmi les premiers à proposer une campagne de communication co-créée avec le consommateur. Cette campagne est plus connue sous le nom de « Spots aux enchères ». Le concept consistait à mettre aux enchères 10 espaces publicitaires sur son site web via un système d’enchères (dans la mode féminine, la mode enfant, le high-tech, l’informatique, l’automobile eBay etc.…) Les gagnants furent ceux qui acceptèrent d’enchérir la plus grosse somme pour l’espace publicitaire. Ils se sont alors rendus à Paris avec leur objet à vendre pour tourner une vidéo de 30 secondes vantant leur vente organisée en temps réel sur le site. Les 10 spots sont de véritables films publicitaires, co-écrits par les créatifs, les réalisateurs et les vendeurs, avec une mise en scène imaginée sur place et adaptée à la personnalité de chacun. Cas 8 – E-Bay 9 L’institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES), a demandé aux internautes européens de créer la nouvelle campagne européenne de communication contre le tabagisme. Santé Cas 9 – Inpes Le crowdsourcing Technique qui consiste à externaliser vers un groupe ou une communauté de participants volontaires des tâches habituellement réalisées en interne par des collaborateurs ou par des prestataires externes. Le crowdsourcing apparaît comme une forme de co-création des plus avancées ce qui tend parfois à le différencier de la co-création élémentaire. Logiciels Gracieusement mis à disposition sur Internet en 1991 par son inventeur, le système d’exploitation Linux a été perfectionné par des milliers d’utilisateurs et/ou programmeurs. Grâce à leurs efforts constants, Linux est maintenant capable de rivaliser avec les systèmes d’exploitation les plus connus. Cas 10 - Linux Dans un processus de co-création, différentes pratiques peuvent être sollicitées par les entreprises pour recueillir les informations dont elles ont besoin pour créer ou améliorer leurs produits ou services. 2.2.LES PRATIQUES DE LA CO-CREATION Les boîtes à idées – Le recueil classique d’avis des clients ou partenaires Ces boîtes à idées sont déposées par les entreprises dans leurs magasins, leurs agences ou sur leurs sites web. Les participants peuvent y déposer des idées pour créer ou améliorer un produit ou un service. Informatique L’entreprise Dell a mis à disposition un site sur lequel les consommateurs peuvent partager leurs idées, voter pour des produits, valider ou invalider une idée émanant de Dell ou encore voir le résultat final d’un produit auquel ils ont participé. http://www.ideastorm.com/ Cas 11 - Dell C’est aussi le cas de la compagnie aérienne KLM qui a mis à disposition une plateforme appelée BlueLab où les agents de voyages peuvent exprimer leurs souhaits et leurs idées pour améliorer les services du transporteur. La customisation en boutique Les clients ont la possibilité de personnaliser leurs produits sur le point de vente au moment de l’achat. La customisation sur borne digitale in store est accessible dans certaines boutiques physiques mais cela reste encore marginal. La customisation est beaucoup plus répandue sur internet, dans les boutiques en ligne. Ces produits sont généralement plus chers que les « standards ». CyclesRoues Mavic a créé un site Internet permanent dédié à la personnalisation de l’offre. Les clients peuvent customiser leurs roues de vélos, choisir les différentes pièces techniques adaptées à leur pratique et même choisir le design des produits. www.maviclab.com Cas 12 – Mavic Les forums – blogs - réseaux sociaux - plateformes communautaires autonomes Les supports tels que les forums, les blogs et les sites communautaires sur internet permettent aux marques de proposer des thématiques et de recueillir les attentes ou de nouveaux concepts issus des internautes qui peuvent alors échanger des idées et réagir collectivement. Les communautés internet peuvent avoir un poids dans la création ou l’amélioration d’un produit ou d’un service car une idée qui revient de façon récurrente peut pousser l’entreprise à agir en ce sens. 10 Converse a créé un blog sur lequel les consommateurs peuvent faire part de leurs idées et voir les modèles qu’ils ont imaginés. Les meilleurs modèles seront commercialisés. En outre, le consommateur peut laisser libre cours à son imagination sur plus de 40 modèles et faire inscrire son nom ou un mot sur sa chaussure. http://www.converse.com/#/products/shoes/converseOne/scratch/all Chaussure Cas 13 – Converse Le risque majeur relatif aux pratiques de co-création sur le web est la non-maîtrise des échanges. JEUX MONOPOLY En 2007, la société de jeux Hasbro lance sur le web un concours participatif pour la création du Monopoly des villes de France. Les internautes étaient invités à choisir le nom de la ville qui remplacerait la célèbre Rue de la Paix dans le nouveau jeu. Des internautes facétieux ont organisé un vote sur la ville de Montcuq qui obtint 53000 voix en un mois devenant la ville la plus populaire. In fine, Hasbro choisira Dunkerque (30000 voix) mais sera forcé par les internautes et les médias de créer un plateau de jeu dédié à Montcuq. Cas 14 - Hasbro Les sites web des entreprises, les plateformes collaboratives de l’entreprise Les sites web des entreprises sont aussi des supports de recueil d’informations. Soit par le biais de la partie « contact » ou « votre avis nous intéresse » : les personnes peuvent y laisser librement leurs idées, leurs propositions ou leurs récriminations. L’entreprise peut entrer dans un logique plus engageante en offrant l’accès à une plateforme collaborative en propre, en animant et stimulant le processus co-créatif. Chaussures Reebok propose aux internautes de soumettre de nouveaux concepts de produits. L’entreprise a demandé à une communauté d’imaginer et de concevoir ce qu’elle pourrait proposer de nouveau aux femmes de 18 à 25 ans, autres que des chaussures de sport, vêtements, accessoires, équipements… Plus de 700 concepts ont été suggérés. Cas 15 – Reebok Finance La société de gestion de portefeuilles financiers Japonica Partners possède sur son site Web un forum de discussion réservé aux investisseurs institutionnels. En limitant l’accès à ce service, la société garantit la qualité des intervenants et peut donc tirer parti de ces informations pour prendre des positions. Cas 16 – Japonica Partners Les jeux-concours Les entreprises utilisent aussi les jeux-concours offrant des prix pour recueillir des idées des participants. Ces concours sont souvent décomposés en plusieurs phases avec une sélection des participants au fil des étapes et une remise de lots à chaque palier de sélection. Ce mode de recueil d’information permet aux entreprises d’inciter les gens à réfléchir sur un sujet, à exprimer leurs attentes et à proposer des idées novatrices. Un grand nombre de personnes peuvent participer à des jeux-concours car ils sont initiés par des entreprises de domaines très variés : musique, gastronomie, automobile, ski, mobilier, etc... mais ils font souvent appel à des profils spécifiques comme des artistes, des designers, des personnes créatives. Automobile En 2005, Ferrari a lancé un concours de design faisant appel à de jeunes designers du monde entier. Le but était de dessiner la Ferrari du futur. 4 écoles de design parmi les meilleures au monde ont été sélectionnées. Une quarantaine de modèles ont ainsi vu le jour. Un jury de spécialistes (le président de Ferrari, Luca Di Montezemolo ou encore le designer Andrea Pininfarina…), ont élu les 4 modèles préférés. 11 En 2006, Fiat lança un concours de design afin de générer de nouvelles idées pour le développement des modèles de Fiat, Lancia et Alfa Roméo. Ce concours fut ouvert aux plus grandes écoles de design. Par ailleurs, lorsque Fiat décida de tester le nouveau design de la Punto, le Groupe invita ses clients potentiels à consulter son site Web et à faire leur choix parmi différentes options. Plus de 3000 personnes ont répondu à l’appel. Le constructeur, a ainsi pu collecter de précieuses informations sur les préférences des consommateurs, et tester à moindre frais, différents concepts, créant ainsi un modèle au plus près des attentes des consommateurs potentiels. Plus récemment, lorsque Fiat a produit la Mito, l’entreprise a organisé un concours pour choisir le nom et le logo. Les Internautes pouvaient se connecter sur www.alfanaming.it et donner leurs avis. Cas 17 – Groupe Fiat Les laboratoires Les entreprises mettent des laboratoires à disposition pour permettre à leurs salariés, à leurs clients, à leurs partenaires de développer des idées, de s’exprimer, d’échanger ou de tester les produits/services. Dans ces laboratoires, les entreprises peuvent faire appel à des réunions de groupes, des tests de produits, des jeux de rôles, des mises en situations filmées pour recueillir des informations de la part de ceux qui y participent et parfaire ensuite leurs produits ou services. Informatique Google permet à ses employés de développer les outils du web de demain en les laissant libres 20% de leur temps de travail. Il offre aux utilisateurs la possibilité de commenter les recherches du GoogleLab. Ces pratiques témoignent de la puissance de la co-création comme moyen d’innovation alternatif aux laboratoires fermés. Cas 18 - Google Skis Salomon réalise des tests des produits en situation d’usage avec les athlètes, les consommateurs, les détaillants afin de récupérer les feedbacks et d’améliorer les produits. Cas 19 – Salomon Parmi les nombreuses pratiques de co-création entre producteur et consommateurs figurent en bonne place les nouveaux outils de co-création fortement orientés 2.0 car la co-création peut désormais être mise en œuvre via le web. Réseaux sociaux, plateformes collaboratives ou participatives, sont autant de solutions pour permettre à l’entreprise d’impliquer à distance le consommateur dans le design-management (Jeppesen et Frederiksen, 2006). Face à cet éventail de champs et pratiques, il semble nécessaire d’opérer une classification car toutes ces pratiques ne sollicitent pas le même degré d’engagement de la part du consommateur. Ces pratiques seront donc recensées et classées selon leur capacité à impliquer le consommateur dans le processus co-créatif. 3. VERS UNE CLASSIFICATION DES PRATIQUES DE CO-CREATION Suite à un essai de taxinomie opéré sur la base des différentes pratiques disparates de cocréation (telles que la personnalisation du produit, les questionnaires, les concours, les 12 plateformes créatives…), nous proposons de les classer en degrés > niveaux > intensités selon le degré d’engagement co-créatif du consommateur. 3.1. LES 3 DEGRES D’ENGAGEMENT CO-CREATIF DU CONSOMMATEUR Les degrés (de force 1 à 3) indiquent le degré d’engagement du consommateur dans le processus de co-création. Ainsi, une action de simple configuration d’un smartphone relève du degré 1 (“bricoler”) et suppose un investissement moindre du consommateur que la participation à un focus group en laboratoire (degré 2) ou une proposition créative sur logiciel d’un nouveau logotype (degré 3). Stade 1 Génération d'idées, de concepts Stade 2 Amélioration et modifications des produits Stade 3 Distribution du produit/service • Degré 3 - co-innover • Degré 2 - collaborer • Degré 1 - “bricoler” (Tinkering) Figure 4 : Degrés d’investissement du consommateur à différentes étapes du développement du produit/service La participation du consommateur peut être sollicitée plus ou moins fortement aux stades (1), (2) ou (3). Chaque degré d’engagement co-créatif peut se subdiviser en niveaux d’intensité plus ou moins forte. La figure ci-après propose un parallèle entre les degrés d’engagement et le type de recrutement des consommateurs-participants à l’action co-créative. Nous l’appellerons le "triangle de la co-création". 13 + Engagement de degré 3 : il suppose un degré d’expertise élevé et des compétences techniques chez le consommateur (degré expert) Engagement de degré 2 : les consommateurs co-créateurs sont sélectionnés sur la base de critères d’éligibilité classiques : sexe, âge, PCS… (degré sélectif) Engagement de degré 1 : Base mobilisable de consommateurs importante sans toutefois concerner l’ensemble des clients. (degré ouvert) E n g a g e m e n t - Degré 3: Co-innovation Co-innover en participant à la démarche d'innovation Degré 2: Collaboration Collaborer à la création, à l'amélioration du produit/service Degré 1: Tinkering "Bricoler" le produit/service déjà créé Figure 5 : Le triangle de la co-création du produit/service Nous avons choisi de représenter cet ensemble sous l’aspect d’un triangle car le “triangle de la co-création” exprime par sa forme le crescendo des 3 degrés mais aussi la base participante de consommateurs mobilisables. La cible susceptible de bricoler le produit (par exemple : le montage d’une étagère chez soi) est plus large que celle qui possède l’expertise nécessaire à proposer des solutions graphiques ou techniques de degré 3 (par exemple : un nouveau prototype de packaging à créer sous logiciel graphique). Cas 20 – Calvin Klein 3.2. LE DEGRE 1 : BRICOLER SON PRODUIT Au degré 1, le degré le plus basique et d’accès le plus aisé, figurent les techniques de type "bricolage" (Tinkering). Une fois le produit créé par l’entreprise, il est possible que le client intervienne pendant ou après l’achat avec 2 niveaux d’engagement : niveau 1 – la personnalisation/customisation et niveau 2 – le « Do It Yourself ». Le niveau 1 étant plus simple d’accès que le niveau 2. 14 Figure 6 : Les formes de « Tinkering » 3.2.1. Le niveau 1 : la personnalisation/customisation La personnalisation des objets est un moyen de s’approprier le design d’un produit commercialisé en transformant son apparence ou ses fonctions, de le singulariser sur le mode des petites variations marginales voire de co-construire le sens de l’objet (allant parfois jusqu’à le détourner de son utilité première). Ce phénomène fait partie de la co-création puisque le consommateur final utilise son potentiel créatif pour modifier son produit. Il existe plusieurs intensités de personnalisation du produit/service. Intensité 3 Personnalisation interactive Intensité 2 Personnalisation active Intensité 1 Personnalisation passive ’entreprise délivre un prod i e re puis le consommateur apprend l a o-de i er ou à le repro ra er au mo en d autres services ou produits que propose la m me entreprise. (télép one Samsung alax partir d un prod i a dard le consommateur va odi ier l ie l a pec ou les caractéristiques de l ob et pour l’adapter au mieux à ses préférences. (c aussures i e L e repri e a adap er o prod i i i elo le choi op io el de ses clients (voiture S de Citro n Figure 7 : Les intensités de personnalisation du produit/service par le consommateur Concernant la « personnalisation passive », l’entreprise va ajuster son produit fini en fonction des options préfinies par le producteur et retenues par le consommateur final. Par exemple, Mini-BMW produit ses modèles sur la base des multiples options choisies par le client chez le 15 concessionnaire (couleurs, stickers, jeu d’options). Le client est accompagné par le vendeur qui liste ses souhaits. Pour la catégorie « personnalisation active », l’utilisateur va, à partir d’un produit standard, modifier lui-même l’apparence ou les caractéristiques de l’objet pour mieux l’adapter à ses préférences. Le fabricant américain de lunettes Oakley permet à l’Internaute de paramétrer en ligne une dizaine de modèles de lunettes en fonction de ses goûts. Sont concernées la couleur de la monture, la teinte des verres, les branches et la sacoche de protection. http://en-fr.oakley.com/custom#/sunglasses Accessoires Cas 21 - Oakley Nike, via son site NikeID, une application smartphone ou une borne digitale in store, permet aux consommateurs de personnaliser ses baskets. Le client utilise un logiciel de design assisté qui lui permet de concevoir virtuellement la chaussure qu’il souhaite. http://store.nike.com/fr/fr_fr/ Chaussures Cas 22 – Nike Enfin, la troisième catégorie de personnalisation, qui fait actuellement partie de la stratégie co-créative de nombreuses entreprises, est la « personnalisation interactive ». Le principe en est simple. Un produit est livré neutre puis le consommateur apprend à l’auto-designer ou à le reprogrammer au moyen d’autres services (applications à télécharger, programmes informatiques…) ou produits que propose la même entreprise. Cette méthode de configuration interactive issue du design numérique est utilisée par les jeux vidéo où l’utilisateur peut créer ou modifier un personnage, apporter une modification plus radicale dans les scenarios grâce aux outils de conception fournis par le fabricant. Les smartphones et plus généralement tous les supports numériques sont reprogrammables et modifiables selon une modularité relativement intuitive. Mode Levi’s a ouvert un Levi’s Tailor Shop à San Francisco, dans lequel des couturiers sont à la disposition des clients pour personnaliser leurs jeans. Il s’agit d’une personnalisation “à la carte”, non prédéfinie. Cas 23 – Levi’s 3.2.2. Le « Do It Yourself »/co-construction Bon nombre d’entreprises font participer le consommateur à la dernière étape du processus. Faire participer le client au processus de construction du produit ou à celui de servuction permet de réduire les coûts. Le meilleur exemple est celui d’Ikea. Le consommateur n’achète que les composants d’un meuble qu’il co-produira une fois arrivé chez lui. Même si dans cette méthode le consommateur apparaît comme étant faiblement impliqué dans le « co-design » du produit/service, elle constitue tout de même un moyen d’impliquer le client à la fin du processus de distribution. Cette technique est aussi largement utilisée dans le domaine des 16 services (par exemple : l’enregistrement sur un vol aérien sur son application de smartphone.) Le consommateur effectue lui-même une partie de l’acte de conception. 3.3.LE DEGRE 2 : COLLABORER SUR LE PRODUIT Selon Stappers et Sanders (2008), les collaborations sont de 2 ordres que nous pouvons hiérarchiser comme suit : Figure 8 : Classification des niveaux de collaboration avec le consommateur 3.3.1. Collaboration passive des consommateurs : la simple suggestion Lors de ce type d’études (classiques en marketing), le consommateur tient des propos qui sont ensuite collectés et analysés par un chercheur ou chargé(e) d’études. Il peut aussi faire l’objet d’observation en situation d’utilisation du produit ou service. Le chargé d’études est alors l’intermédiaire, le traducteur/interprète des déclarations (ou actes) entre l’individu (objet de l’étude) et le designer (ou le team travaillant sur le projet). Ces pratiques permettent de connaître l’opinion du consommateur, de répertorier ses besoins, d’analyser ses actes. Cette collaboration passive peut prendre différentes formes : table ronde, interview individuelle, enquête de satisfaction, suggestions directement issues des communautés d’internautes. Alimentaire En 2003, Findus avait convié 200 familles à tester plusieurs produits afin de déterminer lesquels avaient le plus de chances d’être vendus. Cas 24 - Findus 3.3.2. Collaboration active : vers la sollicitation-action du consommateur La collaboration active regroupe l’ensemble des pratiques qui visent à faire participer “en toute connaissance de cause” le consommateur à la conception d’un produit (Stappers et Sanders, 2008). Ici, le projet est clairement défini par l’entreprise. Le consommateur sait à quel projet il participe et en voit la concrétisation directe en groupe de travail avec les designers ou d’autres protagonistes du projet. Les idées du consommateur sont le plus souvent 17 mises en forme en direct par un designer qui interagit avec l’individu objet de l’étude. Le consommateur est acteur du projet et participe directement par ses idées et son expertise à la conception du produit ou service. Plusieurs intensités de participation sont à distinguer cependant. Figure 9 : Les intensités de collaboration active avec le consommateur Intensité 1 : demander un avis-action L’entreprise demande l’avis de ses consommateurs avant de lancer un produit sur son marché. Cet avis est simultanément traduit en actions. Carrefour a proposé à ses clients de voter pour le design de sac de courses préféré et de partager ce choix en direct sur les réseaux sociaux. Le consommateur connaît l’objectif et voit le résultat en quasi-simultanéité. Alimentaire Danette interroge chaque année ses consommateurs avant de choisir le prochain parfum à commercialiser. En 2007, plus d’un million d’internautes a répondu au vote pour déterminer le parfum à conserver . « Chocolat blanc » a gagné avec 400000 votes. www.nouvelledanette.com Cas 25 – Danone Alimentaire Ben&Jerry a lancé un jeu-concours mondial visant à proposer un nouveau parfum pour ses crèmes glacées. Après un séjour en République Dominicaine pour les quinze finalistes, la récompense ultime fut l’affichage du visage de l’heureux gagnant aux côtés de celle de Ben et de Jerry sur chaque pot de ce parfum. Cas 26 – Ben & Jerry’s Les jeux-concours mettent en avant l’aspect ludique de la co-création et proposent souvent de diffuser une photo du co-créateur. 18 Intensité 2 : repenser à partir de l’existant Sur son site Legofactory, Lego offre la possibilité de réaliser virtuellement des constructions en briquettes. Les internautes ont la possibilité de proposer de nouveaux kits conçus à partir des pièces existantes sur la page « Design by me » du site web principal de la marque. Ce niveau de collaboration active s’adresse à des publics maîtrisant le produit. En utilisant strictement les éléments existants, ils reconfigurent de manière créative le produit pour proposer « leur » version qui pourra être commercialisée par le producteur. Intensité 3 : fédérer les contributions externes par le crowdsourcing L’objectif est ici d’intégrer et d’agréger des connaissances extérieures issues de multiples sources. Le crowdsourcing est une pratique permettant de fédérer les contributions externes. Howe (2006) le définit comme le fait d’externaliser (outsourcing) le travail d’un agent et de le donner à un groupe de personnes (crowd) (Chua, Roth et Lemoine, 2015). Les exemples les plus connus du « crowdsourcing » sont Wikipédia, YouTube, etc. JOUET Lego a mis à disposition sur son site Internet, un espace dédié appelé Lego ID qui permet aux enfants et à toute personne qui visite le site de concevoir des modèles (via un logiciel facile à utiliser et téléchargeable gratuitement) et de participer à des concours. Certains modèles peuvent alors voir le jour ce qui contribue à alimenter la gamme de produits du fabricant. http://www.lego.com/en-us/createandshare/default.aspx Cas 27 – Lego Cet exemple Lego peut aller au-delà l’intensité 2 car le logiciel laisse ici toute marge de liberté et ne contraint pas sur l’utilisation des éléments existants. Il fédère les contributions multiples et les fait entrer en lice sur la plateforme créative. L’entreprise pourra commercialiser ces kits élaborés par des internautes ingénieux et offrir une participation au co-créateur (la rémunération équivaut à un pourcentage du prix du produit vendu). BOISSONS La marque de bière Desperados a lancé cette année sur son site communautaire la création de bouteilles personnalisées. Après inscription, l’internaute peut concevoir sa propre étiquette grâce à une large palette de couleurs et de motifs, puis inviter des amis à compléter son décor et à commander ses propres réalisations. http://www.imagine-desperados.fr Cas 28 – Desperados 19 MUSIQUE Zikpot Zikpot, un blog musical, a lancé, début 2010, un concours de co-création musicale pour inciter des artistes (compositeur, musicien, chanteur, parolier…) à s’associer en vue de créer un morceau commun. Les 5 meilleurs titres ont été diffusés en tête de liste sur iTunes, Deezer, Virgin. Cas 29 – Zikpot Dans ce cadre, il est important de souligner que chaque contributeur participe à l’édification d’un projet commun. Le degré 3 porte sur des projets spécifiques et inédits. 3.4. LE DEGRE 3 : CO-INNOVER A ce stade, il s’agit de contributions techniques, expertes et abouties. Les consommateurs communiquent directement des idées créatives, innovantes et inédites, abouties voire finalisées. Cette degré de co-création se différencie des formes traditionnelles de sollicitation passive ou active du consommateur (par focus group, enquête, etc.) tant par le degré d’efforts nécessaires pour le co-créateur que par la nature quasi-professionnelle de la contribution que les clients fournissent à l’entreprise. Le consommateur réalise une prestation de consultant externe. Des professionnels du champ peuvent aussi être appelés à participer. Entre 2007 et 2008, Procter&Gamble a augmenté la productivité de son service Recherche et Développement de presque 60%. En effet, le Groupe a lancé plus de 100 nouveaux produits pour lesquels au moins un aspect du développement est venu de l’extérieur de l’entreprise. (lingettes Swiffer, produits de soins anti-âge de Olay Regenerist …) Lessives Cosmétiques Cas 30 – Procter et Gamble En 2005, Nespresso lance son propre concours de design. Celui-ci avait pour but d’imaginer le futur de la consommation de café afin de créer une machine plus « pratique ». Nespresso Incar et Nespresso Chipcard virent le jour. La première permet à ses possesseurs de préparer un café en voiture. La deuxième stocke les préférences individuelles de café dans la machine. Alimentaire Cas 31 – Nespresso Automobile Peugeot En 2008, lors de son 5ème concours de design, Peugeot international a offert comme premier lot un chèque de 10 000 euros et une console de jeu Xbox aux jeunes designers gagnants. 29 autres projets ont également été récompensés. L’événement a attiré plus de 600 000 visiteurs sur son site internet et de nombreuses interactions sur les blogs et les forums du monde entier. Cas 32 – Peugeot A ce stade, l’entreprise recherche de nouvelles idées pour innover en se fondant sur les apports inédits des clients, leurs détournements de produits existants ou encore leurs propositions motivées et argumentées. Les processus de co-innovation font généralement intervenir le consommateur très en amont de la chaîne de valeur. Sport Reebok Reebok propose aux internautes de soumettre de nouveaux concepts de produits. L’entreprise a demandé à une communauté d’imaginer et de concevoir ce qu’elle pourrait proposer de nouveau aux femmes de 18 à 25 ans, autres que des chaussures de sport, vêtements, accessoires, équipements etc. Plus de 700 concepts ont été suggérés. Cas 33 – Reebok 20 Dans cette phase du processus, le consommateur est le co-créateur expert du produit. Il peut être un lead-user (Bejy-Bécheur et Gollety, 2007) ou user-design à l'origine de nouveaux concepts. Cas 34 – My Major Company Pour l’entreprise, le contributeur adopte une position d’expert : il est à rattacher au département de Recherche et Développement ou au pôle de design management. Il peut même être le principal contributeur. On se situe dans un format d’innovation collaborative. La cocréation développe dans ce cas des contacts directs et récurrents entre consommateurs, designers et ingénieurs/développeurs. En 2007, Élan a mis en place un concours de design de ski. Par l’intermédiaire de son studio de design, Wstudio, Élan a proposé aux graphistes de créer une paire de skis. Puis, Élan a « stylisé » ses skis. Une gamme de skis pour femmes a vu le jour. Sport Cas 35 - Elan Cette co-conception permet de faciliter la traduction directe des besoins des clients en spécifications produits et par là même permet au consommateur de participer de manière experte au processus de design-management. D’autre part, cela facilite les choix entre les différentes alternatives possibles puisque s’opère une mise en adéquation immédiate de l’offre et de la demande. Les tests de nouveaux concepts sont réalisés à moindre coût. Les coûts de développement et de design de produits s’en trouvent réduits. Cette forme de co-innovation est la forme la plus exigeante et la plus impliquante de la co-création. Téléphonie Nokia Le Nokia Concept Lounge2 a été développé en 2005. L’idée était de convier des designers à un salon dans le but d’imaginer le prochain téléphone « tendance » de la marque. Ces designers étaient considérés comme des innovateurs spécialistes du design mais aussi comme des consommateurs dans le sens où ils n’étaient pas des designers spécialistes de la téléphonie. Le gagnant Tamer Nakisci a conçu le Nokia 888. 2 Haddad A., Customer-made, co-création & Global Brain, 2006, enviedentreprendre.com/2006/10/customermade_co.html 21 Cas 36 – Nokia En plus de ces initiatives orchestrées par les entreprises, des solutions peuvent être également négociées avec des partenaires externes. Par exemple, Innocentive3 est un agent qui met en relation les entreprises qui cherchent des solutions à des problèmes scientifiques complexes avec un réseau de milliers de scientifiques qui officient à titre individuel sur des projets ponctuels. Les entreprises exposent de façon anonyme leurs problématiques sur le site web d'Innocentive. Par la suite, des spécialistes hautement qualifiés du monde entier peuvent proposer des solutions. Les spécialistes qui aboutissent à une solution reçoivent une compensation financière qui peut aller jusqu’à plusieurs dizaines voire centaines de milliers de dollars US. Leurs contributions ont souvent conduit à des percées novatrices pour bon nombre de grandes entreprises, notamment Procter et Gamble, Boeing, et Du Pont. Le tableau ci-après reprend en synthèse les principaux éléments vus précédemment : 3 INNOCENTIVE, Ce que nous faisons, [http://www.innocentive.com/about-innocentive] 22 Degré de co-création Niveau d’engagement co-créatif attendu du consommateur Niveau 1 : Personnalisation/ Customisation Degré 1 « Bricoler » le consommateur intervient pendant ou après l’achat au stade de la distribution L’utilisateur modifie selon des formats pré-conçus l’apparence ou les caractéristiques de l’objet (produit / service) pour l’adapter à son utilisation Niveau 2 : Co-production/ Do It Yourself Le client final participe au processus de production du produit/service. Il co-produit après achat Intensité de l’action Intensité 1 Personnalisation passive Intensité 2 Personnalisation active Intensité 3 Personnalisation interactive Pratiques à privilégier PERSONNALISER La customisation en boutique physique La personnalisation en ligne L’atelier sur mesure CO-PRODUIRE * Les ateliers de montage Les stages de mise en œuvre SUGGÉRER Les boîtes à idées Niveau 1 : Collaboration passive L’utilisateur est l’objet inactif de l’étude. Il n’est pas forcément informé du projet * Les forums Les blogs Degré 2 « Collaborer » le consommateur participe à l’amélioration/ modification du produit ou service Degré 3 « Co-innover » le consommateur participe à la démarche d’innovation de l’entreprise Le recueil d’avis de consommateurs Les réseaux sociaux Niveau 2 : Collaboration active Le consommateur participe à la conception du produit ou du service, dans le cadre d’un projet clairement exposé par l’entreprise. Il peut être assisté par des designers qui mettent en forme ses idées. Il est assisté par des professionnels dans un cadre formalisé. Les contributions peuvent s’agréger dans un projet commun. Elles ne sont pas forcément inédites. Intensité 1 Demander un avis-action Intensité 2 Repenser l’existant Intensité 3 Fédérer les contributions externes (crowdsourcing) Les jeux-concours Les plateformes communautaires Les groupes de travail (consommateur + team créatif) INVENTER Sollicitation pour une contribution experte auprès de clients aux compétences reconnues Le consommateur devient un acteur de l’innovation de l’entreprise, au même titre que les services internes de l’entreprise. Son statut est celui d’un expert « quasi-professionnel » ou d’un consultant professionnel FABRIQUER Les sites web des entreprises * Les plateformes collaboratives de l’entreprise Les concours de design Les laboratoires internes ouverts ou fermés Tableau 4 – Mise œuvre des niveaux de « co-création » selon les profils 23 Ces recommandations pourront être utilisées dans le choix des pratiques de co-création par les responsables de R&D ou par des design managers soucieux d’intégrer le consommateur dans leur démarche d’innovation par le design. Mais cette réflexion, encore embryonnaire, pourrait s’enrichir de nouveaux critères de classement qui permettraient d’affiner ce qui n’est, à ce stade, qu’un essai de classification des pratiques de co-création. On pourrait y associer aussi l’éventail des ouitls propres au champ du design et aux processus de design management (des matrices de créativité, des cartes d’expérience, des techniques de prototypage rapide, mock-up etc.) Ce travail est en cours et permettra d’enrichir les points d’ancrage entre marketing et design. De nombreuses questions restent encore en suspens pour mesurer l’engagement co-créatif du consommateur et les multiples influences qui peuvent affecter ce processus d’investissement co-créatif. Au cœur de cette réflexion figurent des modélisations futures que des terrains qualitatifs et quantitatifs en cours permettront peut-être de corroborer. 24 CONCLUSION : VERS UNE MODÉLISATION DE L’ENGAGEMENT CO-CRÉATIF DU CONSOMMATEUR ? Le consommateur au cœur des projets de design management La mutation des rapports entre le producteur et le consommateur dote le client de nouveaux pouvoirs (consumer empowerment). Ce dernier n’est plus passif dans son expérience de consommation mais bien un « consomm’acteur ». Il veut participer à la création de l’offre qu’on lui destine. L'identité du consommateur impliqué évolue. On parle dorénavant de "prosumer", c'est-à-dire d’un consommateur à la fois producteur et consommateur. Ce consommateur actif intervient à plusieurs niveaux. On fait appel à lui quel que soit son niveau d'expertise, qu'il soit expert (lead-user) ou simple amateur, tous les avis comptent. Le développement de l’économie digitale a facilité l'apparition de communautés de consommateurs pour lesquels Internet est devenu une plateforme d'expression et d'influence sur le producteur. Ces communautés impliquées semblent être les cibles privilégiées à intégrer aux processus de co-création (Franke et al., 2008 ; Leroy J., 2008). Co-créer est une démarche qui permet au consommateur-utilisateur de participer activement à la génération d’idées, à la conception, au design du produit/service qu’il achètera peut-être. Pour l’entreprise c’est aussi une opportunité pour dialoguer avec ses clients, pour externaliser les contributions, pour tester des idées grâce aux opinions des clients et, par la suite, pour modifier l’approche qu’elle peut avoir de son marché, s’y adapter. Le consommateur est alors au cœur du projet de l’entreprise. La co-création : une stratégie et un ensemble de pratiques et outils En ce sens, la co-création apparaît comme une stratégie multifacettes visant à stimuler et à exploiter la créativité des consommateurs de manière à créer de la valeur pour le consommateur et l’entreprise. La co-création renvoie à une palette d’actions, de pratiquesoutils dont la plupart est utilisée à chaque stade de développement du produit ou service. Cet ensemble de pratiques offre plusieurs niveaux d’engagement du consommateur : "bricoler", collaborer et co-innover. Chacun de ces niveaux peut être décliné en degrés et intensités différentes. Une fois mise en place, la co-création fournit un vivier d'informations stratégiques pour les entreprises ; ensemble d’informations qui agit directement sur les projets développés par le producteur. La co-création permet d'orienter la stratégie marketing, la capacité innovante des ingénieurs/développeurs mais aussi la créativité des designers. À ce titre, elle s’inscrit dans le cadre du design-management. 25 Le futur de la co-création dans le design Au tryptique classique rassemblant marketeurs, designers et ingénieurs au sein du projet vient s’imbriquer un nouveau pôle : le consommateur en tant que co-créateur. Les nouveaux champs du design tels que le design sensoriel, le design numérique et interactif, l’experience design… sont déjà en phase d’intégration d’un consommateur qui s’approprie toujours plus les nouvelles technologies innovantes. L’enjeu majeur de la co-création dans le designmanagement va sûrement consister à trouver des langages communs simples, accessibles, intuitifs pour intégrer le consommateur au sein des projets, non plus comme un simple objet d’étude mais comme un des pôles co-créateurs. L’impact de la co-création sur la chaîne de valeur se traduit essentiellement par un échange mutuel de connaissances et de pratiques qui permet de diminuer les risques et les coûts du producteur tout en accentuant la valeur co-créée (Ramírez R.,1999) (cf. Figure 10). Producteur : Projet de l’entreprise / Culture / Valeurs Innovation Recherche et Développement Ingénieurs/développeurs Co-création des Consommateurs Valeur co-créée entre Producteur et Consommateurs Marché(s)/Marketing Scénarios de consommation Création Advanced design Marketeurs Designers Figure 10 – La co-création dans le processus de design-management 26 Mais en confiant à un consommateur inexpérimenté une partie du projet, les entreprises ne font-elles pas courir le risque d’un appauvrissement de ces mêmes projets (Cova et al., 2010) ? Comment le consommateur saura-t-il intégrer les valeurs de la marque à son action de co-création ? Quelles formes de reconnaissance pourront souhaiter les forts contributeurs qui co-créeront à l’égal des salariés ? Quelles devront être les conditions de mise en œuvre de ces outils ? Le client peut se sentir « traqué » et opposer une franche résistance au processus de co-création qu’il considèrera comme un procédé trop intrusif dans ses besoins individuels. Enfin, au plan juridique, les conséquences de la co-création vue comme une tâche externalisée et non-rémunérée n’ont pas encore toutes été clairement prises en compte par le législateur. Quoiqu’il en soit, l’apparition du Web 3.0 peut laisser présager un recours croissant à la cocréation par les entreprises car cette nouvelle génération de consommateurs, plus interactive et sécurisée, saura susciter davantage d’échanges et rapprocher plus encore consommateurs et producteurs dans des groupes de projet. Les instruments de la co-création semblent donc ouvrir la voie à une création riche, interactive et partagée. RÉFÉRENCES Abidi-Barthe A. Et S. Kaabachi (2010), La Co-Création D'expériences De Consommation Par Le Web2.0, Journal Of Internet Banking And Commerce, Vol. 15, N°2, August. 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