Chapitre 2
Probabilité conditionnelle et
indépendance
Dans tout le chapitre, (Ω,A,P)désigne un espace probabilisé.
2.1 Probabilité conditionnelle
Sur l’espace (Ω,A,P), comment peut-on calculer la probabilité d’un évènement lorsque
l’on ajoute une information supplémentaire ?
Exemple 2.1.1. On lance un dé. On travaille donc dans ({1,...,6},P({1,...,6}),P)avec
P=1
6P6
k=1 δk. Supposons que l’on sache que le résultat du lancer est un nombre pair,
alors clairement la probabilité d’obtenir 1,3ou 5est nulle et celle d’obtenir 2devient 1
3. La
nouvelle probabilité, notée Q, qui tient compte de la connaissance de l’évènement B=“le
résultat est pair” est donc Q=1
3(δ2+δ4+δ6). On l’a obtenu en faisant Q({ω}) = P({ω} ∩ B)
P(B).
Définition 2.1.2. Soit B∈ A un évènement de probabilité strictement positive. Pour tout
évènement A∈ A, la probabilité conditionnelle de Asachant Best définie par
P(A|B) = P(AB)
P(B).
P(A|B)est la mesure de la proportion que représente l’ensemble Adans B. Attention,
A|Bne désigne pas un nouvel ensemble et n’a aucun sens en dehors de la notation
P(A|B). Le “|B” est attaché à Pet non à A.
Proposition 2.1.3. La fonction d’ensemble
P(· | B) : A → [0,1]
A7→ P(A|B)
est une nouvelle mesure de probabilité sur (Ω,A). En particulier toutes les propriétés des
propositions 1.5.1 et 1.5.3 restent vraies en remplaçant P(·)par P(· | B).
Démonstration. On a P(Ω |B) = P(Ω B)
P(B)=P(B)
P(B)= 1, puis pour tout (Ai)iN A 2 à 2
disjoints, on a P(iNAi|B) = P(iN(AiB))
P(B)=X
iN
P(AiB)
P(B)=X
iN
P(Ai|B).
CHAPITRE 2. PROBABILITÉ CONDITIONNELLE ET INDÉPENDANCE
2.2 Formule des probabilités totales
Proposition 2.2.1. Si Best un évènement tel que P(B)6= 0 et P(Bc)6= 0, alors pour tout
A∈ A, on a la décomposition
P(A) = P(A|B)P(B) + P(A|Bc)P(Bc)
Démonstration. Les ensembles ABet ABcétant disjoints et de réunion égale à A, on a
P(A) = P((AB)(ABc)) = P(AB) + P(ABc) = P(A|B)P(B) + P(A|Bc)P(Bc).
Exemple 2.2.2. Une urne contient 3 boules blanches et une boule rouge. On tire succes-
sivement, sans remise, deux boules et on note A=“la première boule est rouge”, B=“la
deuxième boule est blanche”. Il est clair que P(A) = 1
4,P(Ac) = 1 P(A) = 3
4,P(B|A) = 1
et P(B|Ac) = 2
3. On a donc
P(B) = P(B|A)P(A) + P(B|Ac)P(Ac) = 1 ·1
4+2
3·3
4=3
4.
On va généraliser ce résultat.
Définition 2.2.3. Soit (Bi)iI⊂ A une famille finie ou dénombrable d’évènements. On dit
que cette famille forme une partition (ou un système complet d’évènements) si :
i) iIBi= Ω,
ii) BiBj=pour tout i6=j.
Proposition 2.2.4 (Formule des probabilités totales). Soit (Bi)iIun système complet
d’évènements (fini ou dénombrable) tel que P(Bi)6= 0 pour tout iI. Alors, pour tout
A∈ A,
P(A) = X
iI
P(A|Bi)P(Bi).
Démonstration. (exercice)
Exemple 2.2.5. Une urne contient 3 boules blanches. On lance un dé à 6 faces numérotées
de 1 à 6, puis on ajoute dans l’urne autant de boules rouges que le nombre obtenu. On tire
ensuite une boule dans l’urne. Quelle est la probabilité qu’elle soit blanche ?
En notant Dil’évènement “le dé donne le nombre i” et Al’évènement “on tire une boule
blanche”, la formule des probabilités totales donne
P(A) =
6
X
i=1
P(A|Di)P(Di) = 1
6
6
X
i=1
3
3 + i'0,4978.
Exercice 2.2.6. Avec le même protocole que dans l’exemple précédent, on tire cette fois,
successivement et sans remise, 2 boules. Quelle est la probabilité que la deuxième boule
tirée soit blanche ?
Remarquons que lorsque Aet Bsont deux évènements de probabilités non nulles, on a
P(B|A) = P(BA)
P(A)=P(A|B)P(B)
P(A).
2.3. INDÉPENDANCE
En y ajoutant la formule des probabilités totales, on obtient la formule de Bayes : si
(Bi)iIest un système complet d’évènements (fini ou dénombrable) tel que P(Bi)6= 0 pour
tout iI, alors, pour tout A∈ A et tout iI,
P(Bi|A) = P(A|Bi)P(Bi)
PjIP(A|Bj)P(Bj).
Exercice 2.2.7. On reprend l’exemple 2.2.5. On a tiré une boule blanche, quelle est la
probabilité pour que le dé ait donné un 6?
2.3 Indépendance
Lorsque le conditionnement par l’évènement Bne modifie pas la probabilité de l’évène-
ment A, c-à-d lorsque P(A|B) = P(A), on dit que les évènements Aet Bsont indépendants
(nb : on a alors P(B|A) = P(B)).
Définition 2.3.1. Deux évènements Aet Bsont dits indépendants si
P(AB) = P(A)P(B),
ou de façon équivalente, lorsque P(B)6= 0,P(A|B) = P(A).
Remarque 2.3.2. 1. Si Aet Bsont indépendants, alors Aet Bcsont indépendants.
2. Aest indépendant de lui-même ssi P(A)=0ou 1.
3. Attention, l’indépendance n’est pas transitive. [Aet Bindépendants et Bet Cindé-
pendants n’entraîne pas Aet Cindépendants.]
Exemple 2.3.3. On joue à Pile ou Face sur deux lancers. On modélise l’expérience par
Ω = {P, F }2,A=P(Ω) et Pla probabilité uniforme. Les évènements A=“un lancer exacte-
ment donne Pile” et B=“le premier lancer donne Face” sont indépendants (à vérifier). En
revanche, les évènements C=“un lancer au moins donne Pile” et D=“un lancer au moins
donne Face” ne le sont pas (à vérifier).
Exemple 2.3.4. On lance deux dés discernables (écrire l’espace probabilisé correspon-
dant) et l’on considère les évènements A=“le premier dé donne un numéro pair”, B=“le
deuxième dé donne un numéro impair”, C=“les deux numéros ont même parité”. On a
alors P(A) = P(B) = P(C) = 1
2et
P(AB) = 1
4=P(A)P(B),
P(AC) = 1
4=P(A)P(C),
P(BC) = 1
4=P(B)P(C).
Les évènements A,B,Csont donc deux à deux indépendants. En revanche, P(A|BC) =
06=P(A). L’information donnée par la réalisation à la fois de Bet Cmodifie l’information
sur l’évènement A.
L’exemple précédent montre que la notion d’indépendance deux à deux n’est pas satis-
faisante pour définir l’indépendance de trois (ou plusieurs) évènements.
CHAPITRE 2. PROBABILITÉ CONDITIONNELLE ET INDÉPENDANCE
Définition 2.3.5. Soit Iun ensemble fini ou dénombrable. On dit que les évènements
Ai∈ A,iI, sont indépendants (ou mutuellement indépendants) si pour tout kN,
pour tout i1, . . . , ikIdistincts,
P(Ai1. . . Aik) = P(Ai1)···P(Aik).
Remarquons que l’indépendance entraîne l’indépendance deux à deux, mais que la ré-
ciproque est fausse. Un contre-exemple est donné par les évènements de l’exemple 2.3.4.
Exemple 2.3.6. On lance successivement ndés à 6 faces et on modélise l’expérience en
prenant une probabilité uniforme sur Ω = {1,...,6}n. Les évènements Ai=“le i-ème dé
donne un nombre pair”, i= 1, . . . , n, sont mutuellement indépendants. En effet, pour tout
choix de i1, . . . , ik∈ {1, . . . , n}distincts,
P(Ai1. . . Aik) = 3k6nk
6n=1
2k=P(Ai1)···P(Aik).
Remarque 2.3.7. Si la famille Ai∈ A,iI, est une famille d’évènements indépendants,
alors elle l’est encore si l’on remplace l’un (ou plusieurs) des Aipar son complémentaire.
Pour finir, on peut aussi définir l’indépendance entre deux (ou plusieurs) sous-tribu de
A. On dira que deux sous-tribus Fet Gde Asont indépendantes si pour tout F∈ F et tout
G∈ G,Fet Gsont indépendants.
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