immunothérapie endovésicale : le bacille de calmette

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CHAPITRE XI
IMMUNOTHÉRAPIE ENDOVÉSICALE :
LE BACILLE DE CALMETTE-GUÉRIN
D. CHOPIN - F.SAINT - B. GATTEGNO
* Travaux expérimentaux réalisés grace à la Fondation de l’Avenir pour la recherche médicale. ET0274
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REFERENCES
VII. FACTEURS PRÉDICTIFS DE
LA RÉPONSE AU BCG
VI. LES EFFETS SECONDAIRES ASSO-
CIÉS AUX INSTILLATIONS DE BCG
V. RESULTATS DES INSTILLATIONS
DE BCG : ANALYSE CRITIQUE DE
LA LITTERATURE
IV. MÉCANISMES D’ACTION DU
BACILLE DE CALMETTE-GUÉRIN
(BCG)
III. PHAMACOCINÉTIQUE ET
SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES
II. HISTORIQUE DE L’IMMUNOTHÉ-
RAPIE ANTI-TUMORALE UTILISANT
LE BCG IMMUN PASTEUR®
I. HISTORIQUE DU BACILLE DE
CALMETTE-GUÉRIN
PLAN
1067
L’utilisation du BCG dans la prise en charge des
tumeurs superficielles de la vessie représente une
des rares avancées significatives dans le traitement
des tumeurs solides chez l’homme depuis l’avène-
ment de la chimiothérapie pour les tumeurs solides.
Ce traitement repose sur l’utilisation de la réponse
immune à des fins thérapeutiques telles qu’elles ont
été développée au début du siècle avec l’utilisation
des sérums immuns puis des vaccins. Curieusement
la pratique clinique s’est effectuée sur des bases
empiriques, eu égard aux expérimentations d’immu-
nothérapie chez l’animal qui ont été réalisées sur des
modèles assez éloignés. Le mode d’action, la phar-
macocinétique, reste largement inconnu, mais des
progrès réels ont été effectués qui ont des applica-
tions cliniques pratiques. La recherche dans ce
domaine est limitée à quelques équipes et n’est pas
encore intégrée dans le large mouvement de l’im-
munologie et de la biologie cellulaire et moléculaire.
Sur le plan clinique, même le schéma thérapeutique
optimal n’est pas encore défini. La réponse clinique
fait appel à de multiples variables qui font intervenir
le polymorphisme de la réponse immune de l’hôte
aux mycobactéries, les capacités de la tumeur à
échapper à la réponse immune anti-tumorale, la tolé-
rance des instillations. Ces paramètres soulignent la
difficulté de manier une thérapeutique où l’effet dose
peut être paradoxal puisque une immunisation peut
entraîner une réponse positive ou négative en fonc-
tion de la dose, du schéma d’immunisation et des
capacités de réponse de l’hôte. Le concept actuel est
de définir des groupes de patients afin d’optimiser le
schéma thérapeutique pour chaque patient
(Approche Thérapeutique Individualisée (ATI). Des
essais cliniques sont en cours pour améliorer la tolé-
rance et l’efficacité des instillations endovésicales.
L’efficacité du BCG est clairement établie en ce qui
concerne l’impact sur la récidive et de nombreux
arguments suggèrent que le BCG retarde la progres-
sion, cette action est contrebalancée par les effets
induits par la réponse inflammatoire associée, le
risque de réactions immuno-allergiques et de dissé-
mination du bacille. Une meilleure compréhension
et prise en charge des effets secondaires, l’utilisation
de paramètres urinaires, en particulier des cytokines
au premier rang desquelles se trouve l’IL-2, ont per-
mis d’optimiser le schéma classique des 6 instilla-
tions hebdomadaires de BCG.
En 1904, Nocard isolait le Mycobactérium Bovis
chez une vache atteinte de tuberculose mammaire.
Ce sont Calmette et Guérin qui dès 1908 cultivèrent,
à l’Institut Pasteur de Lille, cette bactérie sur bile de
bœuf afin d’obtenir des cultures homogènes avec
une meilleure dispersion des bacilles. Après 231
passages pendant 13 ans, à la fin de la première guer-
re mondiale, Calmette et Guérin (1918) ont fait l’ob-
servation que cette mycobactérie avait perdu sa
grande “virulence” pour devenir une mycobactérie
“atténuée”, le Bacille de Calmette-Guérin était né.
C’est en 1921 que, pour la première fois, un enfant
était vacciné contre la tuberculose en utilisant cette
mycobactérie atténuée. A cette époque cette souche
bactérienne ne pouvait être utilisée qu’à partir de
cultures fraîches de mycobactérie. C’est pourquoi,
différentes souches furent développées à partir de la
souche française et distribuées à travers le monde,
(Tableau 1). Les conditions de culture et la propaga-
tion des souches à travers le monde expliquent la
dérive génétique des différents “BCG”.
I. HISTORIQUE DU BACILLE DE
CALMETTE-GUÉRIN
CHAPITRE X
Immunothérapie endovésicale :
Le Bacille de Calmette-Guérin
D. CHOPIN - F. SAINT - B. GATTEGNO
Progrès en Urologie (2001), 11, N°5, 1065-1115
Sous la directive de l’OMS, afin de limiter la dérive
des souches, les préparations de bacilles sont actuel-
lement lyophilisées à partir de stocks issus de la
souche mère. Par ailleurs il a été clairement démon-
tré que seuls les bacilles vivants ont la possibilité
d’induire une réponse immune anti-tumorale. Ainsi,
les bacilles auto-clavés, dans un modèle murin, sont
complètement inefficaces [103]. En France seule la
souche Connaught est à ce jour commercialisée
(Immucyst®, Aventis Pasteur®). La durée de vie de
cette préparation est de 2 ans comparée aux 4 mois de
validité du BCG frais immun Pasteur®. Le nombre
de bacilles vivants obtenus à partir dune préparation
lyophilisée peut varier en fonction de sa date de fabri-
cation et du respect de la chaîne du froid (1 à 4). Cette
variabilité est toutefois nettement inférieure à celle
du BCG frais immun Pasteur® (1 à 20). Ces consi-
dérations de stabilité, des restructurations indus-
trielles et des impératifs économiques ont amené à
l’abandon du BCG frais immun Pasteur® qui a é
utilisé en France jusquau milieu des années 90.
L’ e ffet antitumoral lié aux mycobactéries a été
observé pour la première fois par Pearl en 1929, qui
lors de l’analyse d’une série nécropsique, notait que
les patients atteints de tuberculose développaient
moins de tumeurs malignes que la population géné-
rale [168]. En 1953, un chirurgien Américain après
avoir constaté la régression d’un lymphosarcome
chez un patient atteint d’un érysipèle, introduisit
l’utilisation d’extraits bactériens comme traitement
adjuvant du traitement des tumeurs [39]. En 1966
Coe a démontré que la vessie pouvait être le site de
réactions d’hypersensibilité retardée au même titre
que la peau [37]. En 1969, Mathé a utilisé pour la
première fois le BCG en thérapeutique humaine anti-
tumorale dans le cadre de leucémies aiguës [140].
Dès les années 1970, le BCG a été utilisé dans le
traitement des mélanomes métastatiques [68]. En
1974, c’est Zbar qui a démontré l’effet antitumoral
du BCG administré localement sur l’hépatocarcino-
me du cobaye [216]. Il définissait alors les premières
règles de l’immunothérapie locale : capacité de
développement d’une réponse antitumorale ; nombre
suffisant de bacilles vivants ; contact entre le BCG et
la tumeur ; volume tumoral relativement faible. En
1975, Bloomberg a démontré la bonne tolérance des
instillations endovésicales de BCG chez le chien
[16]. En 1975 deKernion a rapporté le premier trai-
tement d’une tumeur vésicale métastatique d’un
mélanome malin par BCG-thérapie locale [55].
L’ensemble de ces observations, ont conduit Morales
puis Martinez-Pineiro, à utiliser, dès 1976, le BCG
en instillations locales dans le traitement prophylac-
tique des tumeurs superficielles de vessie [148, 137].
La pharmacocinétique des instillations endovési-
cales de BCG, reste actuellement encore mal
connue. Si les instillations endovésicales de BCG
sont le plus souvent associées à des phénomènes
vésicaux locaux comme la pollakiurie ou les brû-
lures mictionnelles, des passages systémiques ont
été rapportés aux cours d’instillations traumatiques
avec colonisation du foie et des poumons comme
sites privilégiés [73, 195, 119]. Des études chez
l’homme [57] et chez l’animal [50] n’ont cependant
pas démontré de passages systémiques lors de la réa-
lisation dinstillations non-traumatiques. L’ é l i m i -
nation du Bacille de Calmette-Guérin dans les urines
semble, de plus, maximale quatre heures après l’ins-
tillation [57]. Deux jours après l’instillation, 60%
des patients n’éliminent plus de Mycobactéries, et
plus de 80% lors d’études réalisées 4 jours après
l’instillation de 81 mg de BCG Connaught® [57].
III. PHAMACOCINÉTIQUE ET
SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES
II. HISTORIQUE DE L’IMMUNOTHÉ-
RAPIE ANTI-TUMORALE UTILISANT
LE BCG IMMUN PASTEUR®
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Tableau 1 : Origine, développement et évolution des différentes
souches de BCG vivant à travers le monde [214,45]
Cependant un petit nombre de patients peut encore
éliminer plus tardivement des Bacilles de Calmette-
Guérin. Les techniques de PCR sur les biopsies vési-
cales réalisées après traitement ont permis de détec-
ter de l’ADN de BCG jusqu’à deux ans après la der-
nière instillation [57]. La sensibilité du BCG aux dif-
férents antibiotiques a été testée in vitroet est claire-
ment difrente du Mycobacterium Tu b e r c u l o s i s
[58]. Ainsi le BCG est résistant au pyrazinamide, à
la cyclosérine et est sensible à l’ofloxacine, qui est
bactéricide aux dosages habituels chez l’homme
(400 mg/jour) [58]. Le BCG est de plus sensible à
l’INH et à la rifampicine, même si le premier de ces
antibiotiques ne semble pas diminuer la fréquence
des effets secondaires du BCG, lorsqu’il est admi-
nistré sysmatiquement associé aux instillations
endovésicales [207]. De plus cette activité bactérici-
de serait peut-être associée à une diminution de l’ac-
tivité antitumorale lors d’une administration prophy-
lactique au cours de l’instillation, comme l’a rappor-
té De Boer dans un modèle animal [49]. En cas d’uti-
lisation prolongée de ces antituberculeux, il est
recommandé de les utiliser en association compte
tenu du risque d’induction de résistance. L’intérêt de
l’ofloxacine réside dans sa cinétique qui est de 2
heures pour avoir une activité bactéricide sur les
cellules cibles alors qu’elle est de 4 jours pour les
antituberculeux classiques (INH, Rifampicine)
[58]. De plus l’utilisation d’antibiotiques au cours
des instillations endovésicales de BCG, pour traiter
une infection urinaire ou tout autre problème infec-
tieux, devra se limiter à la famille des nitrofuranes et
au triméthoprime, antibiotiques sans action sur le
BCG. Les autres antibiotiques devront être discutés
du fait de leur pouvoir bactéricide vis-à-vis du BCG
et donc de leur interaction potentielle avec son acti-
vité antitumorale [58].
La connaissance de l’immunité anti-tumorale et
des mécanismes permettant à la tumeur de s’af -
franchir de la surveillance immunitaire de l’hôte, a
permis de progresser dans la compréhension des
mécanismes daction du Bacille de Calmette-
Guérin (BCG). En effet, la réponse immunitaire
locale endovésicale est intimement liée à l’interac -
tion de trois systèmes : l’hôte (le malade), le BCG
(les Mycobactéries) et la tumeur. De cette interac -
tion va naître une cascade d’évènements immuno -
logiques, dont certains seront indispensables à
l’action protectrice du BCG contre la récidive et la
progression tumorale. On considère actuellement
qu’il existe trois phases dans la réponse immuni -
taire au BCG. Tout d’abord, le BCG adhère à l’uro -
thélium puis est phagocyté par des cellules présen -
tatrices d’antigènes. A cette phase correspond la
libération précoce de cytokines dites inflamma -
toires (l’IL-1, l’IL-6, l’IL-8). Ces cytokines pour -
raient être en cause dans certains effets indési -
rables mais elles pourraient également participer
aux phénomènes cytotoxiques. La deuxième phase
est la reconnaissance des antigènes bactériens par
des lymphocytes auxillaires CD4, qui libèrent prin -
cipalement de l’IL-2 et de l’IFN- (réponse Th1).
Cette activation cellulaire va aboutir à la troisième
phase qui est l’amplification de populations cyto -
toxiques capables de tuer les cellules tumorales :
CD8, lymphocytes , macrophages, lymphocytes
NK, LAK, BAK. Toutes ces cellules produisent elles
aussi des cytokines qui participent à la régulation
de la réponse immunitaire. A partir de la 4ème ins -
tillation suivra une contre réponse Th2, comme en
témoigne la détection dIL10 dans les urines
(Figure 10). La compréhension de ces mécanismes
d’action, le dosage des cytokines urinaires, une
meilleure définition des cellules cytotoxiques et de
leur rôle, l’évaluation moléculaire de la tumeur et
probablement certaines caractéristiques génétiques
de l’hôte permettront de proposer des protocoles
d’immunisation plus efficaces en définissant une
approche thérapeutique individualisée (ATI).
1. LA REPONSE IMMUNE LOCALE ENDOVESICALE
APRES BCG
a) Le rôle de l’hôte
La réponse immunitaire aux infections par des
germes intracellulaires tels que les salmonelles, les
leishmanioses ou les Mycobactéries, et donc le
BCG, est variable et sans doute liée à l’hôte [192]
(Figure 1). Chez la souris, un gène de résistance à la
vaccination par le BCG a été identifié. Ce gène
Nramp-1 (Natural resistance associated macrophage
protéine) est impliqué dans la réponse T à la vacci-
nation par les mycobactéries [122]. Le produit de ce
gène exprimé par les macrophages joue un rôle dans
IV. MÉCANISMES D’ACTION DU
BACILLE DE CALMETTE-GUÉRIN
(BCG)
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