Endocardites infectieuses Dr. Oana DUMITRESCU Faculté de Médecine Lyon Sud « Charles Mérieux » [email protected] Objectifs • Définition, physiopathologie, tableau clinique • Microorganismes en cause • Diagnostic bactériologique • Stratégie du diagnostic • Notions thérapeutiques et prophylactiques Endocardite infectieuse • Infection de l’endocarde – Abcès au niveau de valves cardiaques = végétations – Atteinte du cœur gauche (régime de pression élevée) >>> droit – Symptomatologie due au dysfonctionnement de l’appareil valvulaire et aux emboles • Localisation des emboles selon l’atteinte valvulaire : – aortique ou mitrale : emboles systémiques (cerveau, membres, rate...) – tricuspidienne ou pulmonaire : emboles pulmonaires • Épidémiologie – Incidence faible (2 200 cas/an en France) – Favorisée par : valvulopathie préexistante, prothèses valvulaires (60%) – Mortalité élevée (15 à 20 %) Physiopathologie • À l’occasion d’une bactériémie, des bactéries adhèrent à l’endocarde lésé et s’y multiplient – Formation de végétations : lésions constituées d’amas de fibrine, de plaquettes et de micro-organismes, susceptibles d'emboliser – Destruction valvulaire, abcès et perforations, à l'origine du risque d'insuffisance cardiaque. – Greffe secondaire au niveau : pulmonaire (EI du cœur droit), cérébral, râte, foie, reins, osseux (spondylodiscite), articulaire – Dépôt de complexes immuns circulants: râte (splénomégalie), rein (glomérulonéphrite), vaisseaux (vascularite) • Deux fromes cliniques: – EI aiguë / suraiguë : S. aureus, S. pyogenes, S. agalactiae – EI lente subaiguë (Osler) : streptocoques oraux ou digestifs, HACCEK Tableau clinique • • • • Fièvre d'allure variable résistant aux antibiotiques Altération de l’état général Apparition ou modification d'un souffle cardiaque Signes extracardiaques – « faux panaris » d'Osler = nodosités rouges ou violacées localisées à la pulpe de doigts – splénomégalie – complication inaugurale (insuffisance cardiaque, signes neurologiques) • Toute fièvre inexpliquée chez un valvulaire est une endocardite jusqu’à preuve du contraire. Microorganismes en cause Valve native Valvulopathie Streptocoques 40 20 Entérocoques 10 15 Staphylococcus aureus 30 20 Staphylocoques à 10 15 5 20 5 10 coagulase négative Autres bactéries + levures Hémocultures négatives Distribution de microorganismes: 1999 vs 2008 Microorganisms Streptococaccae 1999 survey 2008 survey 390 patients 481 patients N % N % 225 58 232 48 Oral Streptococci 68 17 87 18 Group D Streptococci 98 25 62 13 Pyogenic Streptococci 22 6 23 5 Enterococci 29 8 51 10 8 2 9 2 115 29 178 37 Staphylococcus aureus 90 23 131 27 CNS 25 6 47 10 Other microorganisms 18 5 39 8 ≥ 2 microorganisms 13 3 8 2 No microorganisms identified 19 5 24 5 Other Streptococcaceae Staphylococcaceae Autres bactéries • HACCEK : – Haemophilus, Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga canimorsus, Eikenella corrodens, Kingella kingae • Bacilles à Gram négatif : – Entérobactéries – P. aeruginosa • Germes intracellulaires – Coxiella burnetii – Tropheryma whippleii – Bartonella henselae • Germes à croissance lente – Brucella Etiologies selon la porte d’entrée Porte d’entrée Etiologie Examens Dentaire/ORL Streptocoques oraux, HACCEK Examen clinique, panoramique dentaire Cutanée Staphylocoques Examen clinique Digestive Streptocoques du groupe D Coloscopie (entérocoques, S. bovis, S. gallolyticus) (recherche de tumeur colorectale +++) Cathéter Staphylocoques, levures, bacilles à Gram négatif (BGN) Doppler Retrait et culture cathéter Uro-génitale Entérocoques, streptocoques B, BGN Echographie ± TDM Examens para-cliniques majeurs • Echographie cardiaque transœsofagienne ETO – – – – Végétation État valves cardiaques Fonction ventriculaire gauche HTAP • Hémocultures – – – – 3 paires (3 flacons aérobies + 3 flacons anaérobies) Prélevées au même moment Prélevées par ponction veineuse périphérique unique Incubation prolongée (15 jours au lieu de 5) Les 5 groupes d’EI à selon le résultat des hémocultures • EI à hémoculture habituellement positives (80%) • EI à hémocultures négativées par les antibiotiques • EI à hémocultures souvent négatives – Germes exigeants et/ou déficients • EI à hémocultures toujours négatives – Bactéries intracellulaires • EI sans diagnostic étiologique EI à hémocultures négativées par l’antibiothérapie (décapitée) • Contexte habituel d’EI subaiguë de type streptococcique • Prescription de ß-lactamines orales pour syndrome fébrile suivi d’une rechute à l’arrêt du traitement et motivant l’hospitalisation • 50% des causes de négativité des hémocultures conventionnelles EI à hémocultures souvent négatives • Microorganismes à croissance lente ou difficile (2 à 4% des cas) : – HACCEK, Brucella, Champignons • Souvent grosses végétations • Diagnostic amélioré par : – information du biologiste (prélever kit EI) – durée d’incubation jusqu’à 3 semaines, hémocultures fongiques Brucellose • Anthropo-zoonoze – Facteur de risque : contact avec animaux ferme – Maladie à DO, maladie professionnelle • Brucella melitensis, Brucella abortus et Brucella suis – Petit bacille à Gram négatif – Culture fastidieuses – Niveau de biosécurité 3 (risque cutanéomuqueux et digestif), agent potentiel de bioterrorisme • Formes cliniques – EI, spondylodiscite • Diagnostic – Hémocultures – Sérologie (sérodiagnostic de Wright, test au rose Bengale) EI à hémocultures toujours négatives • Bactéries à tropisme intracellulaire: – monocyte-macrophage : Coxiella (2 à 5% des cas) – érythrocytes : Bartonella (2 à 3%) – histiocytes : Tropheryma whipplei (< 1%) • Eléments du diagnostic: – cultures cellulaires – sérologies (Coxiella) – PCR (sur tissu valvulaire) Fièvre Q • Coxiella burnetii – Intracellulaire stricte (dans les macrophages) • Anthropo-zoonoze • Infection par voie respiratoire – Sd. pseudogrippal, pneumopathie, évolution chronique vers EI • Diagnostic – PCR sur valve cardiaque – Culture cellulaire – Sérologie Titres élevés d’anticorps Maladie anti-Phase II (LPS tronqué) infection récente ou aigue anti-Phase I (LPS complet) + anti-Phase II (LPS tronqué) évolution chronique de la maladie EI sans diagnostic étiologique • Absence d’antibiothérapie préalable • Bilan précédent négatif • Gravité : – multiples antibiothérapies – remplacements valvulaires itératifs – mortalité significativement plus élevée • Diagnostic potentiellement amélioré par – amplification génique universelle à partir du tissu valvulaire • 5% des cas Hôpital Louis Pradel : EI à hémocultures négatives Evolution du taux d'EI à hémocultures négatives et sans germe identifié 30 27,72 25,33 Taux (%) 25 18,83 20 18,53 15 12,57 12,5 10 5 27,72 25,33 18,83 11,42 15,12 6,98 0 1970-74 1975-79 1980-84 EI à hémocultures négatives 1985-89 1990-94 EI sans germe identifié 1995-99 Diversité des approches et des méthodes • Echantillons – – – – sang sérum plasma tissus (i.e. valve) • Méthodes – – – – bactériologie conventionnelle cultures cellulaires sérologies techniques moléculaires Parmi les outils du diagnostic microbiologique quels sont les plus contributifs ? • Hémocultures • Sérologies bactériennes et fongiques • Cultures cellulaires • Amplification génique sur valve • Avertir le microbiologiste Cultures cellulaires • Grande valeur confirmative pour tous les intracellulaires exigeants – Coxiella – Bartonella – Tropheryma – A prélever dès la suspicion d’EI, avant ATB Avertir le microbiologiste • Élément clé du diagnostic car permet – Prolongation durée d’incubation des hémocultures – Repiquages milieux spéciaux – Sérologies orientées Stratégie du diagnostic bactériologique Bilan er EI à Bilan initial (1 jour) hémocultures - Réaliser 3 hémocultures/24 heures positives - ( Prévenir le microbiologiste Principales étiologies 85% des cas : - streptocoques viridans - Streptococcus bovis - Prolonger la durée d'incubation des - entérocoques hémocultures - Staphylococcus aureus - Identifier complètement la bactérie - Staphylococcus lugdunensis responsable (genre et espèce) - staphylocoques coagulase nég - Faire un antibiogramme - Faire les CMI pour adapter la durée du traitement Bilan EI à hémocultures Pratiquer les examens suivants : toujours négatives - Sérodiagnostics - Coxiella burnetii - Bartonella - Brucella* - Candida, Aspergillus - Cultures sur milieux cellulaires : - Prélever un tube de 10 ml de sang hépariné pour la culture de bactéries intra-cellulaires, et un tube sec de 5 ml. - Adresser les tubes à température ambiante dans les 48 heures par courrier rapide au CNR des Rickettsies de Marseille Etiologies 6% des cas : - Coxiella burnetii - Bartonella - Tropheryma whipplei Kits diagnostics • Kit de prélèvement contenant la totalité des tubes et échantillons nécessaire au diagnostic de 95% des étiologies • Fiche de transmission avertir le microbiologiste – Prolongation de la durée d’incubation des hémocultures – Gestion appropriée de la stratégie des examens microbio Notions de thérapeutiques • Antibiothérapie : – Longue (4 à 8 semaines) – Association d’antibiotiques bactéricides – Administration iv au moins 2 à 4 semaines • Chirurgie : – – – – EI sur prothèse Taille végétation +++ Complications emboliques Insuffisance cardiaque mal tolérée Antibiothérapie Microorganisme 1ère Intention 2ème Intention Streptocoques Amoxicilline 100 mg/kg/j+ Vancomycine 2g/j+ Gentamicine 3 mg/kg/j Gentamicine 3 mg/kg/j Staphylocoques Oxacilline 150 à 200 mg/kg/j + Vancomycine 2g/j+ métiS Gentamicine 3 mg/kg/j Staphylocoques Vancomycine 2g/j+ métiR Gentamicine 3 mg/kg/j Bacilles à Gram Céphalosporine 3ème Pipéracilline + négatif génération + aminoside aminoside Hémoculture Idem Streptocoques négative Gentamicine 3 mg/kg/j Prophylaxie • Cardiopathies à risque nécessitant antibiophylaxie: – Porteur de valve prothétique, ATCD d’EI – Cardiopathies cyanogènes (non-corrigées chirurgicalement ou insuffisamment corrigées) • Gestes à risque – Soins dentaires impliquant un traitement de la gencive, région apicodentaire, perforations de la muqueuse buccale Dose unique 30 min avant le geste Adulte Enfant Pas d’allergie aux pénicillines Amoxicilline ou Ampicilline 2 g po, iv 50 mg/kg po, iv Allergie aux pénicilline Clindamycine 600 mg po, iv 20 mg/kg po, iv • Rechercher et traiter la porte d’entrée – Panoramique dentaire dans les EI à Streptocoques oraux – Exploration coloscopique dans les EI à S. gallolyticus Conclusion • Les hémocultures restent la clé du diagnostic microbiologique de l’EI • Importance de la communication entre cliniciens, microbiologistes et anatomopathologiste • La nature de la bactérie isolée oriente vers la porte d’entrée de l’infection et permet la prévention des récidives