PHYSIOLOGIE DE LA JONCTION NEUROMUSCULAIRE G. ROUX Anesthésie Neurochirurgie CHU Bordeaux INTRODUCTION La jonction neuromusculaire: permet la transformation d’une stimulation nerveuse (influx électrique) en une activité mécanique (contraction musculaire) Terminaison nerveuse Espace synaptique Plaque motrice Transmission neuromusculaire : libération d’acétylcholine (Ach) => propagation du potentiel d’action => contraction musculaire RAPPELS ANATOMIQUES Le nerf Motoneurone issu du SNC (corne antérieure de la moelle épinière ou cerveau) : corps cellulaire : noyau, centre d’activité métabolique et chimique dendrites : permettent de recevoir l’information axone : assure la liaison avec les fibres musculaires (gaine de myéline issue des cellules de Schwann et nœuds de Ranvier permettent une transmission plus rapide de l’influx) Synapse: située au niveau terminal de l’axone unité motrice = axone + fibres musculaires RAPPELS ANATOMIQUES La jonction neuromusculaire Absence de gaine de myéline Plaque motrice: portion de la fibre musculaire associée à une synapse Fente synaptique: espace situé entre nerf et cellule musculaire Présence de vésicules synaptiques: acétylcholine (glycine, GABA, sérotonine) Transmission neuromusculaire sous la dépendance des récepteurs cholinergiques BASES ELECTROPHYSIOLOGIQUES Le potentiel de repos Neurones: membranes excitables Potentiel de repos de -70 à -90 mV Milieu intracellulaire riche en K+, pauvre en Na+ Milieu extracellulaire riche en Na+ et pauvre en K+ Au repos, perméabilité relative au K+ Pompe Na/K ATPase BASES ELECTROPHYSIOLOGIQUES Le potentiel d’action Dépolarisation membranaire sous l’effet d’un neurotransmetteur ou d’un courant électrique Propagation à l’ensemble de la cellule par contiguïté, « principe du tout ou rien » Augmentation de la perméabilité au Na+ par ouverture de canaux spécifiques Retour au potentiel de repos par inactivation des canaux sodiques et sortie de K+ Période réfractaire: phase d’hyperpolarisation BASES ELECTROPHYSIOLOGIQUES Propagation du potentiel d’action LES DIFFERENTS ELEMENTS DE LA TRANSMISSION NEUROMUSCULAIRE L’acétylcholine L’espace synaptique Les récepteurs cholinergiques à l’acétylcholine: post-synaptique et pré-synaptique La cellule musculaire L’acétylcholine Neurotransmetteur de la jonction neuromusculaire Fabriqué dans la terminaison des nerfs moteurs. L’acétylcholine Le stockage de l’Ach se fait dans les terminaisons neuronales sous 2 formes L’Ach « immédiatement disponible », petite partie du stock, conservée dans les vésicules groupées juste en face des plis de la plaque motrice. La plus grande partie, dite de « stock fonctionnel », se trouve dans les vésicules situées plus profondément, mobilisable en cas d’épuisement du stock immédiatement disponible. L’acétylcholine L’Ach se lie aux 2 sous-unités α du récepteur cholinergique et l’active La fixation de 2 molécules entraîne un changement de conformation du récepteur et l’ouverture du canal ionique Passage des ions sodium, potassium et calcium dans le sens du gradient de concentration Le canal ionique L’espace synaptique Entre le nerf et le muscle 50 nm de largeur Riche en acétylcholine (Ach) Il contient également l’enzyme dégradant l’Ach : l’acétylcholinestérase L’acétylcholinestérase Hydrolyse l’Ach en choline et acide acétique Activité enzymatique très rapide : 50% de l’Ach est dégradée dans la fente synaptique Gène codant situé sur le chromosome 7q22 L’intoxication par les organo-phosphorés qui inhibent l’acétylcholinestérase provoque une exposition prolongée de la plaque motrice à l’ACh avec pour conséquence sa désensibilisation et un bloc dépolarisant prolongé. Le syndrome des vétérans de la guerre du golfe comporte une fatigue musculaire chronique qui a été attribuée à l’exposition aux anticholinestérasiques (Sapolsky RM. Nature 1998 ; 393 : 308-9). Récepteur cholinergique post-synaptique Récepteur de type nicotinique Appartient à une famille de récepteurs comprenant aussi les récepteurs à la sérotonine, la glycine et au GABA Directement activé par la fixation de l’agoniste sur un site spécifique Récepteur cholinergique post-synaptique 5 sous unités protéiques (pentamère) avec un pore au centre correspondant au canal ionique Deux sous-unités α identiques, autres sous-unités : β, δ et ε (récepteur mature) ou γ (récepteur immature) Récepteur fermé au repos et ouvert après stimulation Récepteur cholinergique post-synaptique R. mature R. immature Récepteur cholinergique post-synaptique immature Sous-unité γ Nombreux chez le fœtus Sensibilité accrue à l’Ach et la succinylcholine Moindre affinité pour les curares non dépolarisants Le récepteur cholinergique pré-synaptique Une partie de l’Ach se fixe sur ces récepteurs Permet la mobilisation de l’Ach et sa libération depuis les zones de réserve en cas de stimulation répétée Rétrocontrôle positif Le récepteur cholinergique pré-synaptique Le venin de l’araignée veuve noire, l’α latrotoxine, agit le récepteur spécifique de la membrane présynaptique, produisant la libération massive d’ACh dans la fente synaptique. Après déplétion des stocks d’ACH, la toxine empêche le remplissage des vésicules et leur arrimage avec la syntaxine aux zones actives de la membrane présynaptique. Le venin provoque des spasmes musculaires et une tachycardie suivis de paralysies musculaires avec défaillance respiratoire. Le muscle Plaque motrice Riche en récepteurs post-synaptiques Récepteur cholinergique nicotinique Contraction par glissement de l’actine/myosine (raccoursissement de la fibre), sous la dépendance du Calcium Aspects fonctionnels De la transmission du signal neuronal à la contraction musculaire Physiologie La cellule nerveuse synthétise et stocke l’Ach dans des vésicules Ces vésicules sont situées près de la fente synaptique au niveau des replis de la plaque motrice Chaque vésicule contient 10 000 molécules d’Ach (ou 1 quantum) A l’arrivée de l’influx nerveux, l’Ach est libérée dans l’espace synaptique et vient se fixer sur les récepteurs post-synaptiques Physiologie Modification de la conformation des récepteurs Ouverture d’un canal ionique qui entraîne une dépolarisation Lorsque la dépolarisation atteint un certain seuil, elle induit une contraction musculaire. Destruction de l’Ach par l’acétylcholinestérase dans la fente synaptique Electrophysiologie La dépolarisation de l’extrémité nerveuse libère l’Ach par paquets de 10.000 molécules d’Ach environ, ou quanta. Au repos, il existe une libération de quanta à faible fréquence qui est responsable d’une variation spontanée de potentiel de plaque ou potentiel de plaque miniature. L’apparition du potentiel de plaque correspond à la libération simultanée de 200 à 300 quanta EPP> Seuil => potentiel d’action qui se propage à toute la membrane musculaire => contraction musculaire La contraction musculaire Fibres musculaires composées d’actine et myosine stabilisées par la troponine Présence de canaux sodiques et calciques Propagation du potentiel d’action à partir de la plaque motrice Flux entrant calcique inhibant l’action de la troponine Interaction actine/myosine=> contraction Physiopathologie Myasthénie Maladie auto-immune (1/50 000) Age moyen 20 ans, 2ème pic à 40 ans, prédominance féminine Associé au thymome, HLA B8 Ac anti-récepteurs Ach Diminution du nombre de récepteurs post-synaptiques Clinique : fatigabilité des muscles distaux à l’effort Physiopathologie de la myasthénie Normal Myasthénie Vésicules Rc Ach Muscle La morphologie de la membrane post-synaptique est perturbée (lyse) La concentration des récepteurs de l’ACH est diminuée. Les potentiels miniatures post-synaptiques (MEPP) et les potentiels postsynaptiques (EPP) sont diminués. Physiopathologie Syndrome pseudo-myasthénique de Lambert-Eaton Bloc présynaptique Diminution de la libération d’Ach Ac anti-canaux calciques Syndrome paranéoplasique (K pulmonaire, gastrique….) Clinique : fatigabilité proximale diminuant à l’effort soutenu Physiopathologie Les myopathies Atteinte musculaire primitive d’origine génétique Atteinte respiratoire et cardiaque Risque d’hyperthermie maligne ( => CI à la succinylcholine) Décurarisation plus lente (curares non dépolarisants) Physiopathologie Atteinte du motoneurone Origine centrale AVC Traumatisme médullaire Hémiplégie, paraplégie, tétraplégie, immobilisation prolongée Origine périphérique Section nerveuse Polyneuropathie Brûlures étendues Utilisation prolongée des curares non dépolarisants Physiopathologie Atteinte du motoneurone Augmentation du nombre de récepteurs cholinergiques post-synaptiques Récepteurs immatures Sensibilité aux curares non dépolarisants diminuée CI à la succinylcholine: ACR par hyperkaliémie massive et brutale MODE D’ACTION DES CURARES Introduction Curarisation: interruption pharmacologique temporaire de la transmission neuromusculaire Composés ammonium quaternaire qui se rapprochent structurellement de l’Ach La structure du pont définit les différentes familles de curares Introduction Deux familles de curares : curares dépolarisants (ou leptocurares) curares non dépolarisants (ou pachycurares) Curares dépolarisants La Succinylcholine (Célocurine®) Synthétisée par Hunt et De Taveau en 1906 Curare de choix pour l’induction d’un patient à estomac plein La succinylcholine Deux molécules d’acétylcholine unies par leurs radicaux quaternaires La Succinylcholine Mode d’action Dépolarisation prolongée de la membrane post-synaptique Reproduit l’action de l’Ach: fixation sur le récepteur cholinergique et dépolarisation de la plaque motrice Réaction de façon répétée avec les récepteurs cholinergiques => les maintient ouverts Inactivation des canaux Na+ périjonctionnels Curares non dépolarisants Les dérivés stéroïdiens ⇒ Chef de file : pancuronium Les benzylisoquinolines ⇒ Chef de file : atracurium Curares non dépolarisants Mode d’action Inhibition compétitive et spécifique de l’Ach au niveau des récepteurs nicotiniques post-synaptiques de la plaque motrice: absence de changement de conformation du récepteur et d’ouverture du canal ionique Affinité préférentielle pour l’une des 2 sous-unité α du récepteur Ach Impossibilité d’apparition du potentiel de plaque Curares non dépolarisants Mode d’action Effet pré-synaptique : inhibition des récepteurs présynaptiques et du rétrocontrôle positif de l’Ach => diminution de la quantité d’Ach utilisable lors des stimulations à haute fréquence => phénomène d’épuisement musculaire lors des stimulations répétées Obstruction du canal ionique en position ouverte