Polynômes, algèbre linéaire

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Lycée Louis-Le-Grand, Paris
MPSI 4 – Mathématiques
A. Troesch
Samedi 21/03/2015
Devoir Surveillé 6 – Polynômes, alèbre linéaire
La présentation, la lisibilité, l’orthographe, la qualité de la rédaction, la clarté, la précision et la concision des raisonnements
entreront pour une part importante dans l’appréciation des copies.
Les candidats sont invités à encadrer dans la mesure du possible les résultats de leurs calculs.
L’usage de tout document et de tout matériel électronique est interdit. Notamment, les téléphones portables doivent être éteints
et rangés.
Problème 1 – La quadrature du cercle
Le but de ce problème est de démontrer la transcendance de π, résultat prouvé par Lindemann à la fin du 19e siècle,
et qui met fin à plusieurs siècles, voire millénaires de recherche sur la quadrature du cercle : en effet, une conséquence
de la transcendance de π est l’impossibilité de construire à la règle et au compas un carré de même aire qu’un cercle
donné.
On commence par l’étude de propriétés des nombres algébriques, le point nous intéressant plus particulièrement étant la
stabilité par produit. Ceci nous permet de nous ramener à l’étude de la transcendance de i π, qu’on étudie en remarquant
de ce nombre vérifie une équation simple ei π + 1 = 0.
On pourra admettre que si A est un anneau intègre et si P ∈ A[X1 , . . . , Xn ] est un polynôme symétrique en les Xi
(c’est-à-dire invariant par permutation des variables), de degré n, alors il peut s’écrire comme polynôme à coefficients
dans A, de degré au plus n, en les polynômes symétriques élémentaires
X
Σk =
Xi1 · · · Xik ,
16i1 <···<ik 6n
propriété démontrée dans un DM.
Partie I – Extensions algébriques
Soit K un corps. On appelle extension de K un corps L tel que K soit un sous-corps de L. Soit L une extension de
K, et α ∈ L. On dit que α est algébrique sur K s’il existe un polynôme P ∈ K[X] non nul tel que P (α) = 0.
Par exemple, dire d’un élément α de C est algébrique sur Q équivaut à dire qu’il existe un polynôme à coefficients
rationnels P 6= 0 tel que P (α) = 0. Quitte à multiplier les coefficients par le ppcm des dénominateurs des coefficients,
cela équivaut à dire qu’il existe un polynôme non nul à coefficients entiers annulant α.
Un élément α ∈ L non algébrique sur K sera dit transcendant sur K.
1. Degré d’une extension
(a) Soit L une extension de K. Montrer que L est un espace vectoriel sur K. Si L est de dimension finie sur
K, on note [L : K] sa dimension, appelée degré de l’extension L sur K.
(b) Soit L une extension de K de degré fini [L : K], et M une extension de L de degré fini [M : L]. En
considérant la famille (ai bj ), où (ai ) est une base de L sur K et (bj ) une base de M sur L, montrer que M
est une extension de K de degré fini, et qu’on a la relation :
[M : K] = [M : L][L : K].
2. Adjonction d’un élément à un corps
(a) Soit α ∈ L. On note K(α) le plus petit sous-corps de L contenant K et α. Justifier l’existence de K(α), et
justifier que c’est une algèbre sur K.
(b) On suppose dans cette question que α est algébrique.
i. Justifier l’existence d’un polynôme unitaire de degré minimal Pα tel que Pα (α) = 0, et justifier que Pα
est irréductible dans K[X].
1
ii. Soit ϕα l’unique application K-linéaire de K[X] dans K[α] telle que pour tout k ∈ N, ϕ(X k ) = αk .
Justifier que ϕ est un morphisme d’algèbre (c’est-à-dire qu’en plus d’être une application linéaire, c’est
aussi un morphisme d’anneau), et déterminer son noyau.
iii. En déduire que K(α) est isomorphe à K[X]/(Pα ), où (Pa ) désigne l’idéal engendré par Pα
iv. Soit p : K[X] 7→ K[X]/(Pα ) la projection canonique associant à un polynôme P sa classe dans le
quotient. Montrer que (p(1), · · · , p(X d−1 )) est une base du K-espace vectoriel K[X]/(Pα ), où d =
deg(Pα ).
3. Caractérisation des éléments algébriques
Montrer que α ∈ L est algébrique sur K si et seulement si l’extension K(α) sur K est de degré fini, ce qu’on
note [K(α) : K] < +∞.
4. Produit d’éléments algébriques.
On dit que l’extension L sur K est algébrique si et seulement si tout élément α ∈ L est algébrique sur K.
(a) Montrer que si [L : K] est fini, alors L est algébrique sur K.
(b) Soit L une extension du corps K et M une extension du corps L. Montrer que si α ∈ M est algébrique sur
K, alors il est algébrique sur L.
(c) En déduire que si L est une extension de K, et si deux éléments α et β de L sont algébriques, alors K(α)(β)
(corps obtenu en ajoignant β au corps obtenu en adjoignant α à K) est algébrique sur K.
(d) En déduire que le produit de deux nombres algébriques est algébrique.
Partie II – Transcendance de π
Dans cette partie, on dira simplement que α ∈ C est « transcendant » ou « algébrique », à la place de « transcendant
sur Q » ou « algébrique sur Q ».
On démontre la transcendance de π par l’absurde. Pour cela, on suppose que π est algébrique. On admettra que π n’est
pas rationnel, propriété qu’on prouvera en exercice au courant de l’année.
1. Montrer que sous la supposition faite i π est algébrique.
2. Soit P un polynôme minimal unitaire annulant i π, et soit n son degré.
(a) Soit K un corps et L une extension de K. Soit Q et R deux polynômes de K[X]. Montrer que Q et R sont
premier entre eux dans K[X] si et seulement si ils sont premiers entre eux dans L[X].
(b) Justifier que P est irréductible dans Q[X], et que toutes ses racines dans C sont simples. On les note
α1 , . . . , αn , en adoptant une numérotation de ces racines de sorte que α1 = i π. Pourquoi peut-on affirmer
que n > 1 ?
3. On définit le polynôme Q0 ∈ Z[X, X1 , . . . , Xn ] = Z[X][X1 , . . . , Xn ] par


n
Y
Y

Q0 = X
(X − Xi1 − · · · − Xik ) =
k=1
16i1 <···<ik 6n
Y
I⊂[[1,n]]
X−
X
i∈I
Xi
!
.
(a) Montrer qu’en tant que polynôme des indéterminées X1 , . . . , Xn à coefficients dans Z[X], Q0 est symétrique
en X1 , . . . , Xn .
(b) On définit le polynôme Q1 ∈ C[X] par :
Q1 (X) = Q0 (X, α1 , . . . , αn ).
On note γ0 , · · · , γs les racines non nécessairement distinctes de Q1 , pouvant donc s’exprimer facilement en
fonction des αi . On adopte une numérotation de ces racines de sorte que γ0 = 0.
Justifier que Q1 ∈ Q[X].
Il existe donc un polynôme Q2 à coefficients entiers, dont les γi sont les racines, obtenu en multipliant
Q1 par un certain entier. On se donne un tel polynôme Q2 dans la suite du problème.
2
(c) En considérant le produit
n
Y
(eαi + 1), justifier que l’on a :
i=1
eγ0 + · · · + eγs = 0.
Quitte à regrouper les exponentielles égales à 1 et à réindexer les γi , on peut supposer qu’on a une relation
eγ1 + · · · + eγr + m = 0,
où les γi sont cette fois tous non nuls nuls, et m est un entier strictement positif. Ainsi, 0 est racine de
multiplicité m de Q2 . On définit Q ∈ Z[X] par Q2 = X m Q. Ainsi, les racines de Q sont exactement les γi ,
i ∈ [[1, r]].
4. Soit c le coefficient dominant de Q et p un nombre premier. L’entier r est comme ci-dessus. On définit :
f (X) =
crp−1
X p−1 (Q(X))p
(p − 1)!
F (X) = f (X) + f ′ (X) + · · · + f (rp+p−1) (X).
et
(a) Soit g la fonction définie sur R par :
g(x) = e−x F (x).
Exprimer g ′ en fonction de f .
(b) En déduire que pour tout x ∈ R,
x
F (x) − e F (0) = −x
1
Z
e(1−λ)x f (λx)dλ,
0
puis que
r
X
F (γj ) + mF (0) = −
r
X
γj
j=1
j=1
Z
1
e(1−λ)γj f (λγj )dλ.
0
(c) Montrer que pour tout k ∈ [[1, p − 1]], f (k) (γj ) = 0.
r
r
X
X
F (γj ), montrer que
F (γj ) est un entier divisible
(d) En utilisant la symétrie en les γj de l’expression
j=1
par p.
k=1
(e) En déduire que
r
X
F (γj ) + mF (0) ≡ mcrp−1 cp0 [p],
j=1
où c0 est le coefficient constant de Q.
(f) En déduire que pour tout p premier suffisamment grand,
r
X
F (γj ) + mF (0) est un entier non nul.
j=1
5. Montrer que π est transcendant.
Problème 2 – (Extrait de X-ENS 2013) – Opérateurs quantiques modulaires
Dans tout le problème, tous les espaces vectoriels ont pour corps de base C. On note CZ l’espace vectoriel des fonctions
de Z dans C. Si f est une fonction de Z dans C, on appelle support de f , et on note Supp(f ), l’ensemble des k ∈ Z
tels que f (k) 6= 0. Dans tout le problème, V désigne l’ensemble des fonctions de Z dans C dont le support est un
ensemble fini.
Partie I – Opérateurs sur les fonctions à support fini
1. (a) Montrer que V est un sous-espace vectoriel de CZ .
(b) Étant donné f ∈ CZ , on définit E(f ) ∈ CZ par E(f )(k) = f (k + 1).
Montrer que E ∈ L(CZ ), et que V est stable par E.
On note encore E l’endomorphisme induit par E sur V .
(c) Montrer que E ∈ GL(V ).
3
2. Pour tout i ∈ Z, on pose vi ∈ CZ définie pour tout k ∈ Z par vi (k) = δi,k , où δi,k est le symbole de Kronecker,
égal à 1 si i = k, et nul sinon.
(a) Montrer que la famille (vi )i∈Z est une base de V .
(b) Calculer E(vi ).
Partie II – Opérateurs quantiques
Soit ℓ un entier impair supérieur ou égal à 3. Soit q une racine primitive ℓ-ième de 1 dans C, c’est-à-dire une racine
de 1 engendrant multiplicativement le groupe des racines ℓ-ièmes de l’unité.
Soient λ et µ dans CZ . On définit F et H dans L(V ) par :
H(vi ) = λ(i)vi
et
F (vi ) = µ(i)vi+1 .
1. Montrer que H ◦ E = q 2 E ◦ H si et seulement si pour tout i ∈ Z, λ(i) = λ(0)q −2i .
Dans la suite du problème, on suppose cette condition satisfaite. On suppose de plus que λ(0) 6= 0.
2. Montrer que H ∈ GL(V ).
3. Montrer que E ◦ F = F ◦ E + H − H −1 si et seulement si pour tout i ∈ Z,
µ(i) = µ(i − 1) + λ(0)q −2i − λ(0)−1 q 2i .
Dans la suite du problème, on suppose cette condition satisfaite.
4. Montrer que λ et µ sont ℓ-périodiques (on ne demande pas de justifier que ℓ est la période minimale)
5. Soit C = (q − q −1 )E ◦ F + q −1 H + qH −1 .
(a) Montrer que C = (q − q −1 )F ◦ E + qH + q −1 H −1 .
(b) Montrer que C est une homothétie de V . On note k son rapport.
Partie III – Opérateurs quantiques modulaires
On pose Wℓ =
ℓ−1
M
Cvi = Vect(v0 , . . . , vℓ−1 ).
k=0
Soit a ∈ C∗ . On définit Pa de V dans V par :
Pa (vi ) = ap vr ,
où pour i ∈ Z, on définit r et p respectivement comme le reste et le quotient de la division euclidienne de i par ℓ.
Autrement dit, i = pℓ + r, où 0 6 r < ℓ et p ∈ Z.
1. Montrer que Pa est un projecteur, d’image Wℓ .
On dit qu’un élément ϕ de L(V ) est compatible avec Pa si Pa ◦ ϕ ◦ Pa = Pa ◦ ϕ.
2. (a) Montrer que si ϕ ∈ L(V ) commute avec Pa , alors ϕ est compatible avec Pa .
(b) Montrer que H et H −1 sont compatibles avec Pa .
Soit Uq l’ensemble des endomorphismes ϕ ∈ L(E) compatibles avec Pa .
3. Montrer que Uq est une sous-algèbre de L(V ).
4. Montrer que E ∈ Uq et F ∈ Uq .
5. (a) Montrer qu’il existe un unique morphisme d’algèbre Ψa : Uq → L(Wℓ ), tel que
∀ϕ ∈ Uq , Ψa (ϕ) ◦ Pa = Pa ◦ ϕ.
(b) Montrer que ϕ ∈ Uq est contenu dans le noyau de Ψa si et seulement si l’image de ϕ est dans le sous-espace
de V engendré par les vecteurs vi − ap vr , i ∈ Z, où i = pℓ + r est la division euclidienne de i par ℓ.
6. Donner une condition nécessaire et suffisante sur k (défini dans la partie II) pour que Ψa (F ) soit nilpotent.
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