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Contrats Publics – n° 128 – janvier 2013
Dossier
Sous-rubrique
Un droit de propriété intellectuelle (ci-aps PI) confère
à son titulaire une protection qui ne saurait être remise
en cause par le droit des marchés publics. Cette protec-
tion est consacrée aux articles 35-II-8° et 144-II-3° du code des
marchés publics qui prévoient en substance que « les marchés
et les accords-cadres qui ne peuvent être conés qu’à un opéra-
teur économique terminé pour des raisons techniques, artis-
tiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité » peuvent
être attribués selon une procédure gociée sans publiciet
sans mise en concurrence. Il n’en demeure pas moins que la
protection liée à la détention de droit d’exclusivité doit être
conciliée avec les principes raux de la commande publique
en ce qu’elle ne doit pas interdire de façon injustiée l’acs aux
marchés publics à une entreprise concurrente.
L’application de ces dispositions, qui permettent de sanctuariser
des prestations que le pouvoir adjudicateur estime n’être réa-
lisable que par un seul opérateur en raison de droits d’exclusi-
vi, estsere à des circonstances exceptionnelles. Dans ces
conditions, et en raison de l’atteinte portée à l’accès aux mar-
chés publics des concurrents, les modalités de mise en œuvre
de la produre négoce de gré à gré sur ce fondement sont
strictement entendues par le juge administratif et aboutissent à
mettre à la charge tant du pouvoir adjudicateur que du candidat
qui détient le droit d’exclusivité des obligations procédurales
visant à compenser l’atteinte à l’égalité des autres candidats.
I. Une procédure exceptionnelle et conditionnée
par le respect d’égale concurrence
Il appartient au pouvoir adjudicateur d’établir que deux condi-
tions cumulatives, autorisant le recours à une procédure go-
ciée sans publicité ni mise en concurrence, sont réunies : le
choix du cocontractant doit être dicté, d’une part, par des motifs
liés à une exclusivité objective reconnue et, d’autre part, par le
constat que le besoin ne peut être satisfait par un autre moyen
qui ne serait pas couvert par un droit d’exclusivi.
Les droits dexclusivité dans
le cadre des marchés exclus
de mise en concurrence
An de protéger les droits de propriété intellectuelle, les pouvoirs adjudicateurs
peuvent être tens d’attribuer les marchés grâce à la procéduregociée sans mise
en concurrence.
Cependant, le recours à cette produre nécessite launion de deux conditions
cumulatives.
En outre, lacision de recourir à une produregociée sans publicité ni mise en
concurrence ne doit pas placer un candidat en situation d’abuser d’une éventuelle
position dominante.
Auteurs
Delphine Gobert, avocate au barreau de
Marseille, docteur en droit public, et Antoine
Woimant, avocat associé, MCL Avocats,
docteur en droit public
Référence
Texte…
Mots clés
Autorité de la concurrence Droit
d’exclusivité objectif Droit moral Mise
en concurrence Position dominante
Produre gociée Substitution
POUR ALLER PLUS LOIN
Texte avec de l’italique
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Contrats Publics – n° 128 – janvier 2013
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A) L’existence d’un droit d’exclusivité objectif
Dans le cadre des articles 35-II- et 144-II- du CMP, la notion
de droits d’exclusivité renvoie à la protection des droits de PI
qui recouvrent l’ensemble des droits exclusifs accordés sur les
cations intellectuelles à l’auteur ou à l’ayant droit d’une œuvre
de l’esprit(1). Une notion large qui englobe l’ensemble des droits
de PI sous une appellation commune de droit d’exclusividoit
être privilégiée. Il ensulte que l’existence d’un droit d’exclu-
sivité, entendu comme un droit de PI, est aisée à identier.
Toutefois, la protection tenant à l’ensemble des droits de PI quel
qu’il soit, elle est doublement circonscrite. D’une part, la conclu-
sion d’un marché de prestations intellectuelles ne confère pas
au prestataire un droit d’exclusivité pour le marché suivant,
étant précisé cependant qu’un droit moral du premier pres-
tataire au respect de son œuvre existe. En d’autres termes, la
protection au titre de droits d’exclusivité est limitée à l’existant.
En conséquence, si l’acheteur public entend par exemple modi-
er ou adapter une œuvre protégée au titre du droit d’auteur,
l’adaptation ne sera pas conée pour autant qu’au seul déten-
teur des droits(2). C’est ce qu’a jugé récemment la cour adminis-
trative d’appel de Lyon en retenant que
« Si les dispositions de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle
ne font pas obstacle à ce qu’un fondeur bénéficie d’un droit de propriété
artistique sur la sonorité originale rendue par les cloches qu’il fabrique, la
protection ainsi reconnue se limite aux cloches elles-mêmes ; que l’adjonc-
tion de dix cloches Eijsbouts n’ayant pas pour effet d’altérer le timbre des
cloches déjà installées, la commune de Taninges n’a pas porté atteinte au
droit de propriété artistique que la Fonderies des Cloches Paccard détient sur
la sonorité de ses cloches. »(3)
Concernant les droits moraux de propriétés intellectuelles (tels
que ceux dont disposent les architectes), ils n’obligent pas le
pouvoir adjudicateur à s’adresser à la personne qui les détient
lorsqu’il souhaite réaliser des travaux sur un ouvrage existant
ou réaliser des modications sur l’œuvre rendues nécessaires
par l’int du service public.
S’agissant des marchés de prestations intellectuelles, il ressort
de la jurisprudence que lorsque ce marché a retenu l’option B
du CCAG applicable aux marchés de prestations intellectuelles,
en vertu de laquelle la personne publique ne peut utiliser les
sultats des prestations que pour les besoins précisés par le
marché, le cabinet ayant effectué les prestations intellectuelles
en cause n’a aucun droit d’exclusivi(4). D’autre part, elle est
limitée à l’utilisation et l’exploitation de l’œuvre et non à la
vente de leur support mariel qui n’est pas un attribut du droit
d’auteur. Le tribunal administratif de Versailles a ainsi consi-
déré que leur commande directe auprès des éditions Dalloz,
sans publicité ni mise en concurrence, était entachée d’illéga-
li, précisant que « les droits d’exclusivi que peut posder
l’éditeur Dalloz sur les ouvrages qu’il publie, s’ils concernent
l’utilisation et l’exploitation de l’œuvre, ne couvrent pas la vente
(1) La circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques
en matière de marchés publics ne donne pas denition des droits
d’exclusivité, qui ne sauraient être confondus avec la notion voisine de «droits
exclusifs» dénis comme «la situation dans laquelle est coné à une
personne, par un acte législatif ou réglementaire, l’exercice d’une mission
d’intérêt général», pt 3.2.
(2) Principe conrmé dans p. min. n°124800 (JOAN du 14 avril 2012,
p. 3017).
(3) CAA Lyon 5 avril 2012, Sté Fonderies des Cloches Paccard, req.
10LY02298.
(4) CE 13 juillet 2007, Synd. d’agglo. nouvelle Ouest Provence, req. n°296096.
Principe conrmé dans rép. min. n°124800, préc.
des ouvrages qu’il édite, lesquels peuvent être vendus par des
libraires »(5).
Toutefois, l’article 35-II vise des situations dans lesquelles
le choix du cocontractant est conditionné par des motifs liés à
une exclusivité objective reconnue, c’est-à-dire « lorsque l’ex-
clusivité n’a pas été cée par le pouvoir adjudicateur lui-même
en vue de la passation du marché »(6). Ces motifs doivent donc
être extérieurs au pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire s’imposer
à lui. Il ne doit pas les prendre en considération pour nir
son besoin, faire des choix techniques ou rédiger les conditions
d’exécution, étant rappelé que l’exigence d’objectivité dans la
préparation des cahiers des charges est de mise.
L’exclusivi d’un opérateur économique s’explique par l’exis-
tence de droits sur un procé de fabrication ou la mise en œuvre
d’une prestation. Mais si l’existence d’un brevet peut prouver
une exclusivi, elle ne justie pas par elle-me, l’absence de
mise en concurrence. La mise en œuvre des droits exclusifs doit
s’arer indispensable pour la réalisation du marché.
B) Impossibilité de satisfaire le besoin par un autre moyen
Conformément à la théorie économique des biens non subs-
tituables(7), les juridictions administratives et européennes
rappellent expressément que le pouvoir adjudicateur doit
démontrer que le candidat titulaire du droit d’exclusiviest
le seul à pouvoir répondre à ses besoins. Prise en ce sens, l’ab-
sence de substitut adéquat constitue un autre aspect de la situa-
tion d’exclusivité objective(8). En d’autres termes, l’attributaire
pressenti du marché doit être le seul en mesure de aliser la
prestation et le pouvoir adjudicateur doit démontrer que ses
besoins ne peuvent pas être satisfaits par une équivalence au
droit d’exclusivité en cause(9).
S’il apparaît que d’autres candidats peuvent, par d’autres pro-
s exclusifs, pondre dans les mêmes conditions aux besoins
de l’acheteur, les conditions requises par les dispositions des
articles 35-II-et 144-II, 2 du CMP ne seront pas unies et,
partant, l’acheteur ne pourrait légalement recourir à la pro-
cédure du marché négocié. Cette condition fait l’objet, pour
chaque espèce, d’une analyse détaillée et circonstanciée par
les juridictions administratives qui vont jusqu’à comparer les
différentes options de pros offerts à l’acheteur public. Elles
se substituent à son jugement en faisant toujours prévaloir le
principe de concurrence. Le Conseil d’État a ainsi juque :
« La prestation, objet du marché, portant sur l’étude de la gestion dépar-
tementale du conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, pouvait être
alisée par des procédés différents de ceux proposés par le cabinet B. et ne
cessitait nullement la mise en œuvre de droits exclusifs dont le cabinet dis-
pose, en raison dut qu’il a effectué, en application de la loi du 14 juillet
1909, de modèles de pictogrammes, diagrammes et fiches diverses. »(10)
(5) TA Versailles 22octobre 2010, Sté Doolittle, req. n°10-06118. Le tribunal
écarte le moyen ti de l’absence de droit d’exclusivi après avoir constaté
que d’autres critères que le prix, tels que leslais de traitement des
commandeset de livraison, le service après-vente, la quali du suivi de la
commande et de la facturation pouvaient être pris en considération.
(6) Prop. de directive du Parlement européen et du conseil sur la passation
des marchés publics,2011/0438, cons. 18.
(7) Le concept de substituabilité vise un bien pouvant remplacer ou être
remplacé par un autre bien pour répondre à un même besoin.
(8) Prop. de directive du Parlement européen et du conseil sur la passation
des marchés publics, préc., cons. 18.
(9) CE 14 janvier 1987, Commissaire de la République de la Meuse, req.
58557.
(10) CE 29 novembre 1996, Dpt des Alpes-de-Haute-Provence, req.102165.
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De même, la cour administrative d’appel de Bordeaux a consi-
que :
« Les circonstances invoquées tirées de ce que la Siage travaille depuis près
de quinze ans avec le département de l’Hérault, que des investissements
importants ont été réalisés pour l’informatisation des services du dépar-
tement, que dans le cadre de cette collaboration la Siage a développé des
applications informatiques spécifiques sur lesquelles elle détient des droits
exclusifs et a acquis une expérience professionnelle et un savoir-faire, ne
suffisent pas à établir que la Siage était la seule entreprise à laquelle le
partement de l’Hérault pouvait confier la gestion et le veloppement de
l’informatique. »(11)
Il en est deme des :
« Circonstances que la société OTVD aurait protégé par brevet le procédé
d’extraction automatique du plastique particulièrement utile pour le projet
concerné et que la sociéTNEE serait le seul constructeur à avoir développé,
mis en œuvre, adopté et perfectionné sur le marc français la technologie
de fours à rouleaux, n’établissent pas que d’autres entreprises n’auraient pas
été à même de pouvoir réaliser les prestations souhaitées tant au moyen des
brevets mentionnés qu’en mettant en œuvre des techniques différentes. »(12)
Il en résulte manifestement que les juridictions administratives
font prévaloir le principe d’égale concurrence entre les candi-
dats en favorisant les substituts aux prestations protégées par
un droit d’exclusivi. Au vu de ces jurisprudences, l’hypothèse
où le caractère non substituable et objectif du besoin est retenue
est celle résultant de la seule la protection tie des droits d’au-
teur et du droit à l’image. À cet égard, la cour administrative de
Versailles a jugé légale la passation d’un marc sans publici
ni mise en concurrence relatif à une cession de droits d’exploi-
tation d’un spectacle au motif que :
« Toute mise en concurrence et tout avis de publicité étaient manifestement
rendus inutiles ou impossibles par le fait que ce marché ne pouvait être
confié qu’à la société TS3 en tant qu’elle détenait les droits de production du
spectacle de l’artiste Raphaël. »(13)
Cette jurisprudence n’est qu’une application pratique d’un
principe expopréalablement dans une réponse ministérielle
qui retenait que :
« Un marché négocié sans mise en concurrence préalable peut être passé
lorsqu’une collectivité envisage de contracter avec une société détentrice de
façon exclusive du droit à l’image d’un sportif terminé, d’un acteur déter-
miné ou d’une autre personnalité déterminée, dans le but d’obtenir la parti-
cipation de ce seul sportif, de ce seul acteur ou de cette seule personnalité.
En effet, dans ce cas, conformément à l’article 104-II du Code des marchés
publics, la prestation ne peut être réalisée que par un entrepreneur ou un
fournisseur déterminé tenteur d’un droit exclusif à l’image de ce sportif, de
cet acteur ou de cette personnalité. »(14)
À la lumière de ces jurisprudences, le recours à une procédure
gociée sans publicité ni mise en concurrence justiée par la
protection des droits d’exclusivité présente un risque conten-
tieux certain, le juge contrôlant étroitement la seconde condi-
tion. Ainsi, le pouvoir adjudicateur comme la société candidate
(11) CAA Bordeaux 17 mars 1997, Dpt de l’Hérault, req.96BX02342. La
solution qui consiste à ne tenir compte que du droit d’exclusivité en lui-même
et non des autres facteurs qui lui sont extérieurs est constante. Voir également
en ce sens : CE 2 novembre 1988, Commissaire de la république des Hauts-de-
Seine, req. n°64954.
(12) CE 11 octobre 1999, M. Avrillier, req.165510.
(13) CAA Versailles 23 septembre 2008, Sté TS3, req.07VE02324.
(14) Rép. min. n°34891(JOAN du 5 juin 2000, p.3449). Dans cette hypotse,
nous sommes à la frontière de l’exception visée également par les dispositions
précies tenant aux « raisons artistiques ».
titulaire d’un tel droit doivent prendre certaines précautions
an de sécuriser la produre de passation du marché négocié
et let de leur offre.
II. Un équilibrelicat entre exigence
de concurrence et respect des droits
d’exclusivi
Quelles précautions doivent être prises pour éviter que la pas-
sation d’un marc public soit entachée d’illégalité lorsque l’on
est en psence de droits d’exclusivité pouvant justier la mise
en œuvre d’une procédure négociée sans mise en concurrence
préalable ? Pour le pouvoir adjudicateur, la principale précau-
tion à prendre side essentiellement dans l’obligation de veiller
au respect des droits de PI. Toutefois, la décision de recourir
à une procédure négociée sans publicité ni mise en concur-
rence ne doit pas placer un candidat en situation d’abuser d’une
éventuelle position dominante. Quant à l’entreprise candidate
titulaire d’un droit d’exclusivi, elle est tenue de communiquer
aux autres candidats certaines données protées par un droit
d’exclusivité.
A) L’obligation de ne pas placer un candidat en situation
d’abuser d’une éventuelle position dominante
Le choix de recourir à une procédure négociée sans publicini
mise en concurrence est une faculté pour le pouvoir adjudica-
teur(15): il n’a donc aucune obligation d’attribuer un marc à un
candidat qui se prévaut d’un droit d’exclusivité. Ce dernier ne
cie pas alors de « droit exclusif » à l’attribution du marché.
Ainsi, dans le cadre du précontractuel, le moyen tiré de la
connaissance des droits de PI ne constitue pas un manque-
ment aux obligations de publiciet de mise en concurrence ni
à l’égali entre les candidats si l’acheteur public retient l’offre
d’un concurrent au détriment des droits de PI invoqués par un
autre(16).
Le pouvoir adjudicateur est anmoins tenu de veiller au res-
pect des droits de PI(17). Simple dans son énoncé, le principe
po par la jurisprudence s’are délicat dans sa mise en œuvre
au regard de l’obligation pesant sur le pouvoir adjudicateur de
ne pas placer un candidat en situation d’abuser d’une éven-
tuelle position dominante lorsqu’il décide de recourir à une pro-
dure négociée sans publici ni mise en concurrence. À cet
égard, la pratiquecisionnelle de l’Autorité de la concurrence
fait prévaloir de façon manifeste le principe de concurrence au
triment parfois de la protection tirée des droits de PI.
Il n’appartient pas à l’Autorité de la concurrence de se pronon-
cer sur la liité des actes par lesquels une personne publique
organise les appels d’offres préalables à l’attribution de mar-
chés publics. Ces derniers revent toutefois de la compétence
de la juridiction administrative.
Or, dans le cadre de son contrôle, le juge administratif doit s’as-
surer que la cision prise par le pouvoir adjudicateur ne place
pas une société candidate en situation d’abuser d’une éven-
tuelle position dominante(18). C’est en ce sens que l’Autorité de
(15) CAA Lyon 5 avril 2012, Sté Fonderies des Cloches Paccard, req.
10LY02298.
(16) TA Paris 17novembre 2009, Sté AAIR Lichens, req.09-17164.
(17) TA Paris, 17novembre 2009, Sté AAIR Lichens, req.09-17164.
(18) CE 3 novembre 1997, Sté Million et Marais, req. n°169907.
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la concurrence, saisie pour avis dans le contexte de préparation
du marché des rames de la 3e phase du seau bordelais par la
communauté urbaine de Bordeaux, a fait des préconisations
« pour favoriser l’intensité concurrentielle lors du marc initial
et des marchés ulrieurs »(19). Bien que cet avis soit circonscrit
au contexte économique et technique dans lequel il s’inscrit, les
principes gagés conservent toute leur pertinence pour appré-
cier la galité d’une décision prise par un pouvoir adjudicateur
de recourir à une procédure négociée sans mise en concurrence
se fondant sur les droits d’exclusivitétenus par un candidat.
Au stade du marché initial, l’Autorité de la concurrence recom-
mande ainsi de prévoir « un appel d’offres le plus ouvert pos-
sible quant aux solutions techniques proposées pour éviter tout
ciblage a priori de la technologie de l’un des soumissionnaires
potentiels »(20). En effet, « dans la chronologie des marchés, c’est
bien au stade de l’investissement initial que se prend la cision
essentielle en matière de technologie […]. C’est à ce stade que la
concurrence doit être la plus intense »(21). En outre, les pouvoirs
adjudicateurs doivent organiser le découplage de leurs appels
d’offres an de favoriser la multiplicité des réponses technolo-
giques et « l’intensité concurrentielle »(22).
Au stade des marchés ultérieurs (notamment de renouvelle-
ment, d’extension de capacités mais aussi de maintenance),
l’Autorité de la concurrence considère qu’un droit de PI tenu
par le candidat sortant est susceptible de fonder une position
dominante dès lors que le pouvoir adjudicateur « n’est plus en
situation d’arbitrer entre différentes technologies »(23). Aussi,
elle préconise que les pouvoirs adjudicateurs doivent être en
mesure « de fournir aux soumissionnaires potentiels les don-
es techniques permettant d’assurer l’interopérabilité »(24) ou
en d’autres termes les éments de substituabilité des procédés
mis en œuvre.
En conséquence, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de favo-
riser par tout moyen juridique l’accès aux données protégées
par un droit exclusif et partant renforcer la compétition entre
les différents procédés et brevets déposés. Il en sulte ces-
sairement que la validité d’une procédure de passation, dont
l’un des soumissionnaires est tenteur d’un droit d’exclusivi
indispensable à la bonne exécution des prestations, est subor-
donnée à la complète information des candidats sur l’existence
et les données techniques de ce droit. Il appartient donc à la
personne publique de dénir les documents qu’elle communi-
quera à l’ensemble des autres soumissionnaires an de réta-
blir l’égalité d’information. Une contrainte analogue pèse sur le
candidat tenteur du droit exclusif en cause ce qui n’est pas
protecteur.
B) L’obligation de communication de données protégées
par un droit d’exclusivité
La PI détenue par un candidat concurrent est susceptible de
fonder une position dominante car elle limite les choix tech-
nologiques. Corollairement à l’attitude de l’acheteur public qui
(19) Avis 10-A-22 du 19 novembre 2010 relatif au projet de lancement par
la communauté Urbaine de Bordeaux d’un marché de rames de tramway dans
le cadre de l’extension de son réseau.
(20) Avis n°10-A-22 du 19 novembre 2010, pc., pt 100.
(21) Ibid., pt 103.
(22) Ibid., pt 99.
(23) Ibid., pt 120.
(24) Ibid., pt 120.
ne doit pas faciliter une telle position, un candidat invoquant
un droit d’exclusivine doit pas abuser de sa position domi-
nante. Hormis le cas du t d’une offre globale, le refus de
communication de données jugées nécessaires à l’élaboration
du marcet à la constitution du dossier de consultation des
entreprises(25) est constitutif d’un tel abus.
La pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence enjoint
d’une manière générale de favoriser l’accès à des données
protégées qui seraient incontournables pour l’exercice de la
concurrence. Ainsi, dans l’avis du 19 novembre 2010 précité,
l’Autorité de la concurrence recommande que les données pro-
gées par un droit exclusif soient fournies dès le marché initial
pour desserrer aux stades ultérieurs la contrainte technolo-
gique induite par le marché primitif. Il en est de même sous
l’empire du Conseil de la concurrence qui avait estimé à pro-
pos des pratiques de Citroën visant à refuser l’accès aux infor-
mations techniques et à un logiciel de diagnostic « renfermant
les informations cessaires aux parations des véhicules de
cette marque », à des parateurs non agréés par le construc-
teur, qu’elles étaient « susceptibles d’être qualiées d’abusives
si elles [étaient] avérées. […] Faute d’un acs complet à toutes
les informations techniques et à tous les systèmes de diagnos-
tic pour la paration et l’entretien des hicules automobiles
Citroën, les réparateurs inpendants ne seraient pas en état
d’effectuer certaines réparations et mises à jour »(26).
Cette obligation d’information de données protégées par un
droit d’exclusivité privilégie le principe de transparence et
d’égalité de traitement des candidats et partant favorise grande-
ment l’acs de socs concurrentes aux marcs publics. Pour
autant, la divulgation d’informations ou de données protégées
peut être considérée comme intrusive aboutissant à une atteinte
au secret des affaires et à la protection que le droit d’exclusi-
vitend préciment à protéger. Finalement, l’invocation de la
protection des droits de PI par un soumissionnaire n’apparaît
pas forment comme un avantage concurrentiel par rapport à
ses concurrents.
Conclusion
La jurisprudence administrative rendue sur le fondement des
articles 35-II-8° et 144-II-3° du CMP, éclairée en cela utilement
par la pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence,
doit inciter les acheteurs publics à la plus grande prudence
lorsqu’ils décident de recourir à une procédure gociée sans
publicini mise en concurrence justiée par la tention de
droits d’exclusivi. La parfaitecurisation de cette procédure
négociée réside notamment dans l’obligation de communi-
quer des dones protégées par un droit d’exclusivité pesant
sur l’acheteur public. Cette contrainte procédurale, à laquelle
l’acheteur public doit se soumettre s le marché initial ainsi
que pour les marchés ultérieurs, n’est pas sans risque pour la
préservation gitime du secret des affaires que les droits de PI
tendent précisément à protéger.
(25) Avis 10-A-22 du 19 nov. 2010 relatif au projet de lancement par la
communauté urbaine de Bordeaux d’un marché de rames de tramway dans le
cadre de l’extension de son réseau, pt 119.
(26) Conseil conc., déc. n°06-D-27.
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