Les dépressions du sujet âgé

Telechargé par margaux laspreses
NPG
Neurologie
-
Psychiatrie
-
Gériatrie
(2015)
15,
206—218
Disponible
en
ligne
sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
PRATIQUE
PSYCHIATRIQUE
Les
dépressions
du
sujet
âgé
:
du
diagnostic
à
la
prise
en
charge
Depressions
in
the
elderly:
From
diagnosis
to
management
J.
Roblin
(Praticien
hospitalier)
SHU
du
centre
hospitalier
Sainte-Anne,
1,
rue
Cabanis,
75674
Paris
cedex
14,
France
Disponible
sur
Internet
le
30
d´
ecembre
2014
MOTS
CLÉS
Dépression
;
Sujet
âgé
;
Risque
;
Traitement
;
Prise
en
charge
Résumé
La
dépression
est
particulièrement
fréquente
chez
le
sujet
âgé
de
65
ans
et
plus.
Pourtant,
elle
reste
sous-diagnostiquée
et
insuffisamment
traitée,
avec
un
délai
moyen
allongé
pour
l’instauration
d’un
traitement.
Le
taux
de
rechute
d’une
dépression
chez
un
sujet
âgé
et
le
risque
de
passage
à
la
chronicité
sont
élevés.
Les
états
dépressifs
d’expression
symptomatique
atténuée,
plus
nombreux
dans
l’avancée
en
âge,
évoluent
dans
une
forte
proportion
vers
une
dépression
majeure.
De
multiples
facteurs,
en
particulier
les
affections
somatiques,
peuvent
aussi
modifier
l’expression
de
la
dépression
du
sujet
âgé.
Ces
particularités
peuvent
mettre
en
difficulté
le
clinicien
pour
diagnostiquer
un
état
dépressif.
Pourtant,
l’identification
pré-
coce
de
symptômes
dépressifs
est
essentielle,
tout
comme
le
repérage
des
situations
à
risque
de
dépression,
des
facteurs
de
risque
ou
aggravant
l’évolution.
Cela
justifie
une
sensibilisa-
tion
particulière
des
praticiens
amenés
à
prendre
en
charge
la
population
âgée.
La
dépression
gériatrique
est
associée
à
une
surmortalité
et
à
un
risque
suicidaire
élevé,
à
une
péjoration
de
la
qualité
de
vie
et
est
à
l’origine
d’une
consommation
importante
de
soins
et
de
coûts
croissants.
La
prise
en
charge
d’un
état
dépressif
gériatrique
est
multimodale
et
pluridiscipli-
naire.
Les
différentes
approches
de
soins
comprennent
les
soins
somatiques,
les
traitements
psychotropes,
les
techniques
de
stimulation
cérébrale,
la
psychothérapie
et
les
interventions
médicosociales.
Certaines
situations
ou
cas
complexes
justifient
une
demande
d’avis
psychia-
trique
:
sévérité
de
l’épisode,
troubles
cognitifs
associés,
polypathologie
et
risque
iatrogénique
important,
chimiorésistance.
©
2014
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Les
dépressions
du
sujet
âgé
:
du
diagnostic
à
la
prise
en
charge
207
KEYWORDS
Depression;
Elderly;
Risk;
Treatment;
Management
Summary
Depression
is
particularly
frequent
in
the
elderly
aged
over
65.
However,
depression
is
underdiagnosed
and
undertreated,
with
a
lengthened
delay
to
begin
a
treatment.
The
relapse
rate
of
depression
in
the
elderly
and
the
risk
of
evolution
to
chronicity
are
high.
The
depres-
sive
disorders
with
attenuated
symptomatic
expression,
more
frequent
in
later
life,
evolve
in
a
high
proportion
towards
major
depression.
Many
factors,
especially
somatic
affections,
may
also
modify
clinical
expression
of
depression
in
the
elderly.
These
particularities
may
create
difficulties
for
the
practitioner
to
diagnose
depressive
disorders.
However,
the
early
identifi-
cation
of
depressive
symptoms
is
essential,
such
as
the
identification
of
depression
risk
status,
risk
factors
and
factors
which
deteriorate
evolution.
This
justifies
particular
awareness
for
practitioners
who
manage
care
in
geriatric
populations.
Depression
in
the
elderly
is
associa-
ted
with
excess
mortality,
very
high
suicidal
risk,
reduced
quality
of
life
and
is
responsible
for
important
care
consumption
and
increased
healthcare
costs.
The
management
of
depression
in
the
elderly
consists
of
many
modalities
and
requires
multidisciplinarity.
The
different
care
approaches
include
somatic
care,
psychotropic
drugs,
brain
stimulation
techniques,
psychothe-
rapy,
and
medicosocial
interventions.
Some
situations
and
complex
cases
justify
an
assessment
by
a
psychiatrist:
episode
severity,
decline
in
cognitive
performance
associated
with
depression,
polypathology
and
important
iatrogenic
risks,
and
treatment
resistance.
©
2014
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
En
France,
comme
dans
l’ensemble
des
pays
occidentaux,
on
constate
un
vieillissement
démographique
important.
En
2004,
les
sujets
âgés
de
plus
de
60
ans
y
représen-
taient
21,6
%
de
la
population
et
les
plus
de
75
ans
8,7
%.
Selon
l’Institut
national
de
la
statistique
et
des
études
économiques,
la
part
des
personnes
de
plus
de
60
ans
va
augmenter
jusqu’en
2035,
pour
atteindre
31
%.
Au-delà,
elle
devrait
continuer
à
croître,
mais
à
un
rythme
moindre.
En
2035,
selon
les
projections,
les
personnes
de
plus
de
75
ans
devraient
représenter
13,6
%
de
la
population
(contre
8,5
%
en
2007).
Et
en
2060,
la
proportion
des
plus
de
75
ans
pourrait
atteindre
16,2
%
[1].
L’espérance
de
vie
continue
de
progresser.
Entre
2004
et
2012,
l’espérance
de
vie
à
la
naissance,
en
France
métropolitaine,
est
passée
de
83,8
à
84,8
ans
pour
les
femmes
et
de
76,7
à
78,4
ans
pour
les
hommes
[2].
L’espérance
de
vie
à
65
ans
est
de
22,8
ans
pour
les
femmes
et
18,6
ans
pour
les
hommes
[3].
Cette
évolu-
tion
démographique
a
des
répercussions
à
la
fois
médicales,
sociales
et
économiques.
L’allongement
de
l’espérance
de
vie
s’accompagne
d’une
augmentation
de
la
proportion
des
personnes
âgées
dépendantes.
La
dépendance
est
définie
comme
le
besoin
d’aide
des
personnes
de
60
ans
ou
plus
pour
accomplir
certains
actes
essentiels
de
la
vie
quotidienne.
Elle
est
liée
non
seulement
à
l’état
de
santé
de
l’individu
mais
aussi
à
son
environnement
matériel.
En
2035,
le
nombre
de
per-
sonnes
dépendantes
devrait
s’établir
à
1,55
millions
(contre
1,15
millions
en
2007).
Chez
les
hommes
comme
chez
les
femmes,
le
taux
de
dépendance
reste
faible
jusqu’à
75
ans,
puis
augmente
rapidement
avec
l’âge.
L’âge
moyen
des
dépendants
est
de
78
ans
pour
les
hommes
et
83
ans
pour
les
femmes
[4].
Avec
le
vieillissement
de
la
population,
la
pré-
valence
de
toutes
les
pathologies
liées
à
l’âge
augmente.
De
même,
les
pathologies
chroniques
et
les
situations
de
comorbidités
sont
très
fréquentes
en
population
géria-
trique,
elles
nécessitent
de
la
part
du
clinicien
une
expertise
particulière
(modifications
de
l’expression
symptomatique
d’une
pathologie
avec
l’avancée
en
âge
rendant
difficile
le
diagnostic,
adaptation
thérapeutique
spécifique.
.
.).
Épidémiologie
des
dépressions
du
sujet
âgé
Parmi
les
pathologies
fréquentes
dans
l’avancée
en
âge,
les
troubles
psychiques
ont
une
forte
prévalence
[5].
Ils
constituent
une
des
premières
causes
de
morbidité
et
de
mortalité
prématurée
du
sujet
âgé
et
près
de
3/5
des
sources
d’incapacité
liées
au
vieillissement.
La
dépression
est
une
des
plus
fréquentes
pathologies
psychiatriques
du
sujet
âgé
avec
des
conséquences
en
termes
de
handicap
[6],
de
mortalité
[5]
et
d’institutionnalisation
[7].
Dans
la
littérature,
les
taux
de
prévalence
de
la
dépression
du
sujet
âgé
sont
très
variables,
avec
des
extrêmes,
au-delà
de
65
ans,
en
population
générale
à
3
%
et
en
institution
entre
15
et
40
%
[7].
L’hétérogénéité
des
taux
s’explique
par
l’hétérogénéité
des
méthodologies
utilisées
pour
les
études,
des
stratégies
d’échantillonnage,
des
outils
d’évaluation
employés,
des
évaluateurs,
des
critères
appliqués
au
dia-
gnostic
de
dépression
gériatrique,
des
populations
étudiées
(lieu
de
vie
de
la
personne,
comorbidités
associées.
.
.).
Dans
une
méta-analyse
récente,
la
prévalence
de
l’épisode
dépressif
majeur
chez
les
sujets
âgés
de
75
ans
et
plus
variait
entre
4,6
et
9,3
%
et
pour
les
états
dépressifs
dans
leur
ensemble
entre
4,5
%
et
37,4
%.
La
prévalence
poolée
était
respectivement
de
7,2
%
(intervalle
de
confiance
à
95
%
(IC95)
:
4,4—10,6
%)
pour
l’épisode
dépressif
majeur
et
de
17,1
%
(IC95
:
9,7—26,1
%)
pour
les
autres
états
dépressifs
[7].
Ainsi,
seule
une
petite
proportion
des
sujets
âgés
avec
une
symptomatologie
dépressive
répond
aux
critères
d’épisode
dépressif
majeur
selon
le
DSM
IV-TR
[8]
(Tableau
1).
En
population
générale,
de
nombreuses
études
mettent
en
évidence
une
plus
large
prévalence
des
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208
J.
Roblin
Tableau
1
Critères
diagnostiques
d’un
épisode
dépressif
majeur,
d’après
le
DSM-IV-TR.
A.
Au
moins
cinq
des
symptômes
suivants
doivent
avoir
été
présents
pendant
une
même
période,
d’une
durée
de
deux
semaines
et
avoir
représenté
un
changement
par
rapport
au
fonctionnement
antérieur
;
au
moins
un
des
symptômes
est
soit
(1)
une
humeur
dépressive,
soit
(2)
une
perte
d’intérêt
ou
de
plaisir.
N.B.
:
ne
pas
inclure
des
symptômes
qui
sont
manifestement
imputables
à
une
affection
médicale
générale,
à
des
idées
délirantes
ou
à
des
hallucinations
non
congruentes
à
l’humeur
Humeur
dépressive
présente
pratiquement
toute
la
journée,
presque
tous
les
jours,
signalée
par
le
sujet
(par
exemple,
sentiment
de
tristesse
ou
vide)
ou
observée
par
les
autres
(par
exemple,
pleure)
Diminution
marquée
de
l’intérêt
ou
du
plaisir
pour
toutes
ou
presque
toutes
les
activités,
pratiquement
toute
la
journée,
presque
tous
les
jours
(signalée
par
le
sujet
ou
observée
par
les
autres)
Perte
ou
gain
de
poids
significatif
en
l’absence
de
régime
(par
exemple,
modification
du
poids
corporel
en
un
mois
excédant
5
%),
ou
diminution
ou
augmentation
de
l’appétit
presque
tous
les
jours
Insomnie
ou
hypersomnie
presque
tous
les
jours
Agitation
ou
ralentissement
psychomoteur
presque
tous
les
jours
(constatés
par
les
autres,
non
limités
à
un
sentiment
subjectif
de
fébrilité
ou
de
ralentissement
intérieur)
Fatigue
ou
perte
d’énergie
presque
tous
les
jours
Sentiment
de
dévalorisation
ou
de
culpabilité
excessive
ou
inappropriée
(qui
peut
être
délirante)
presque
tous
les
jours
(pas
seulement
se
faire
grief
ou
se
sentir
coupable
d’être
malade)
Diminution
de
l’aptitude
à
penser
ou
à
se
concentrer
ou
indécision
presque
tous
les
jours
(signalée
par
le
sujet
ou
observée
par
les
autres)
Pensées
de
mort
récurrentes
(pas
seulement
une
peur
de
mourir),
idées
suicidaires
récurrentes
sans
plan
précis
ou
tentative
de
suicide
ou
plan
précis
pour
se
suicider
B.
Les
symptômes
ne
répondent
pas
aux
critères
d’épisode
mixtea
C.
Les
symptômes
induisent
une
souffrance
cliniquement
significative
ou
une
altération
du
fonctionnement
social,
professionnel
ou
dans
d’autres
domaines
importants
D.
Les
symptômes
ne
sont
pas
imputables
aux
effets
physiologiques
directs
d’une
substance
(par
exemple,
une
substance
donnant
lieu
à
un
abus,
un
médicament)
ou
d’une
affection
médicale
générale
(par
exemple
:
hypothyroïdie)
E.
Les
symptômes
ne
sont
pas
mieux
expliqués
par
un
deuil,
c’est-à-dire
après
la
mort
d’un
être
cher,
les
symptômes
persistent
pendant
plus
de
deux
mois
ou
s’accompagnent
d’une
altération
marquée
du
fonctionnement,
de
préoccupations
morbides,
de
dévalorisation,
d’idées
suicidaires,
de
symptômes
psychotiques
ou
d’un
ralentissement
psychomoteur
[8].
aCritères
diagnostiques
de
l’épisode
mixte
selon
DSM-IV-TR.
A.
Les
critères
sont
réunis
à
la
fois
pour
un
épisode
maniaque
et
pour
un
épisode
dépressif
majeur
l’exception
du
critère
de
durée),
et
cela
presque
tous
les
jours
durant
au
moins
une
semaine.
B.
La
perturbation
de
l’humeur
est
suffisamment
sévère
pour
entraîner
une
altération
marquée
du
fonctionnement
professionnel,
des
activités
sociales
ou
des
relations
interpersonnelles,
ou
pour
nécessiter
l’hospitalisation
afin
de
prévenir
des
conséquences
dommageables
pour
le
sujet
ou
pour
autrui,
ou
il
existe
des
caractéristiques
psychotiques.
C.
Les
symptômes
ne
sont
pas
dus
aux
effets
physiologiques
directs
d’une
substance
(par
ex.
substance
donnant
lieu
à
abus,
médicament
ou
autre
traitement)
ou
d’une
affection
médicale
générale
(par
exemple
:
hyperthyroïdie).
symptômes
dépressifs
cliniquement
significatifs
sur
celle
des
épisodes
dépressifs
majeurs.
En
population
gériatrique,
ce
constat
se
vérifie
d’autant
que
les
états
dépressifs
d’expressions
symptomatiques
atténuées
(dépression
mineure,
dépression
subsyndromique)
sont
très
nombreux
au
cours
de
la
deuxième
partie
de
la
vie
[9]
et
estimés
deux
à
trois
fois
plus
fréquents
que
les
dépressions
majeures
;
et
près
de
8
à
10
%
de
ces
formes
évoluent
vers
un
épisode
dépressif
majeur
chaque
année
[10].
Une
étude
portant
sur
1088
sujets
de
65
ans
et
plus,
vivant
dans
la
communauté,
a
retrouvé
un
état
dépressif
chez
11
%
des
sujets
dont
6,3
%
de
dépressions
subsyndromiques,
1,4
%
de
dépressions
mineures,
1,9
%
de
dysthymies
et
1,4
%
d’épisodes
dépressifs
majeurs
[11]
(Tableau
2).
Parmi
les
consultants
de
médecine
générale
âgés
de
65
ans
et
plus,
15
à
30
%
présentent
des
symptômes
dépressifs
significatifs
[12].
Dans
une
revue
de
la
littérature
portant
sur
l’incidence
de
la
dépression
gériatrique
(sujets
âgés
de
70
ans
et
plus),
le
taux
d’incidence
de
l’épisode
dépressif
majeur
variait
entre
0,2
et
14,1
pour
100
personnes-années,
et
le
taux
d’incidence
des
symptômes
dépressifs
cliniquement
signi-
ficatifs
était
de
6,8
pour
100
personnes-années.
Selon
le
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usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Les
dépressions
du
sujet
âgé
:
du
diagnostic
à
la
prise
en
charge
209
Tableau
2
Autres
états
dépressifs.
La
dépression
subsyndro-
mique
Terme
proposé
par
certains
auteurs
pour
caractériser
une
symptomatologie
dépressive
le
nombre
de
symptômes
dépressifs
est
insuffisant
pour
remplir
les
critères
de
définition
de
l’épisode
dépressif
majeur
ou
du
trouble
dysthymique.
Ce
terme
peut
également
être
synonyme
de
dépression
mineure,
d’où
un
certain
flou
lors
de
son
utilisation
Le
trouble
dysthymique
Se
définit
par
l’association
d’une
humeur
dépressive
chronique,
pratiquement
toute
la
journée,
la
majeure
partie
du
temps,
pendant
au
moins
deux
ans
(et
sans
rémission
plus
de
2
mois
consécutifs),
avec
au
moins
deux
autres
symptômes
présents
parmi
la
liste
:
perte
d’appétit
ou
hyperphagie,
insomnie
ou
hypersomnie,
baisse
d’énergie
ou
fatigue,
faible
estime
de
soi,
difficultés
de
concentration
ou
difficultés
à
prendre
des
décisions,
sentiment
de
perte
d’espoir.
La
comorbidité
avec
une
affection
chronique
somatique
est
fréquente
La
dépression
mineure
Nécessite
pour
le
diagnostic,
l’association
d’une
humeur
triste
ou
d’une
perte
d’intérêt
ou
de
plaisir
à
au
moins
2
(mais
moins
de
5)
des
9
symptômes
dépressifs
décrits
pour
l’épisode
dépressif
majeur
dans
le
DSM-IV-TR,
persistant
au
moins
2
semaines.
Un
antécédent
d’épisode
dépressif
majeur
exclut
le
diagnostic.
La
dépression
mineure
a
un
retentissement
fonctionnel
souvent
similaire
à
celui
de
l’épisode
dépressif
majeur
[11].
genre,
le
taux
est
largement
plus
élevé
chez
les
femmes.
Par
contre,
aucun
argument
n’est
retrouvé
dans
les
études
pour
soutenir
que
l’avance
en
âge
est
en
elle-même
facteur
d’une
incidence
accrue
de
la
dépression
[13,14].
Dans
certains
groupes
de
populations
spécifiques,
les
taux
de
prévalence
sont
beaucoup
plus
élevés
:
en
établissements
d’hébergement
pour
personnes
âgées,
les
états
dépressifs
concernent
33
%
des
résidants.
Les
femmes
présentent
un
peu
plus
souvent
un
état
dépressif
que
les
hommes
(35
%
contre
28
%).
L’état
dépressif
diagnostiqué
est
considéré
comme
très
grave
par
les
médecins
dans
environ
un
cas
sur
dix.
La
gravité
de
cet
état
est
aussi
liée
à
un
risque
suicidaire
élevé
[15].
La
perte
d’autonomie
et
la
solitude
affective,
facteurs
de
risque
connus
de
dépression,
sont
des
causes
d’entrée
en
institution.
Parmi
les
patients
âgés
hospitali-
sés
pour
des
affections
somatiques
en
hôpitaux
généraux,
la
prévalence
de
la
dépression
est
estimée
entre
5
et
58
%
et
la
prévalence
moyenne
à
29
%
[16,17].
Chez
les
sujets
âgés
hos-
pitalisés
en
psychiatrie,
une
dépression
est
retrouvée
dans
35
%
des
cas
[18].
Facteurs
de
risque
de
dépression
tardive
Il
faut
différencier
chez
le
sujet
âgé
la
dépression
de
sur-
venue
tardive
(premier
épisode
dépressif
survenu
chez
un
patient
sans
antécédent
de
trouble
thymique)
de
la
dépres-
sion
qui
fait
suite
à
une
histoire
de
troubles
de
l’humeur.
Les
sujets
âgés
déprimés
avec
des
antécédents
personnels
de
troubles
de
l’humeur
ont
plus
souvent
des
antécédents
familiaux
de
dépression,
et
une
prévalence
plus
élevée
de
troubles
de
personnalité
comorbides
[19].
Les
dépressions
gériatriques
tardives
représentent
la
situation
clinique
la
plus
fréquemment
rencontrée
[19,20],
elles
débutent
entre
l’âge
de
55
et
65
ans,
selon
les
auteurs,
chez
des
sujets
jusque-là
sans
antécédent
de
dépression.
Les
facteurs
de
risque
de
dépression
de
survenue
tardive
identifiés
chez
le
sujet
âgé
sont
principalement
médicaux,
sociaux
et
environnementaux
:
maladie
somatique
décla-
rée
ou
latente
exposant
à
un
risque
dépressif
(cancer,
pathologies
cardiovasculaires,
démence,
maladie
de
Parkin-
son),
syndrome
douloureux
chronique
non
pris
en
charge,
conditions
de
vie
(revenus
plus
faibles
et
problèmes
financiers
divers,
entrée
et
vie
en
institution,
déménage-
ment),
perte
d’autonomie,
deuil
et
veuvage,
altération
de
l’intégrité
physique,
pathologies
graves
dans
la
famille,
introduction
récente
de
thérapeutiques
médicamenteuses
mal
tolérées
ou
dépressogènes
(opioïdes,
cytokines
(IL-2),
anti-arythmiques
et
bêtabloquants.
.
.),
manque
ou
perte
de
contacts
sociaux
proches
et
de
rôle
social,
événements
de
vie
stressants,
anxiété,
manque
d’activités
sociales
[21].
La
solitude
et
les
carences
affectives
favorisent
chez
le
sujet
âgé
une
plus
grande
sensibilité
aux
événements
de
vie.
La
solitude
est
souvent
associée
à
la
tristesse
et
à
un
sentiment
d’inutilité.
Parmi
les
patients
âgés
déprimés
pris
en
charge
en
psy-
chiatrie,
55
%
présentent
une
pathologie
somatique
[22].
Les
efforts
visant
à
diminuer
la
prévalence
de
la
dépression
dans
la
population
gériatrique
doivent
cibler
les
facteurs
de
risque
dans
l’ordre
de
leur
importance.
Ceci
implique
une
amélioration
de
la
prévention
et
du
traitement
des
patho-
logies
chroniques
somatiques
et
psychiques,
de
fournir
un
support
social
adapté
et
de
prévenir
l’isolement
social.
De
plus,
s’il
existe
des
difficultés
fonctionnelles
secondaires
à
une
pathologie
chronique
psychique
et
somatique,
des
adaptations
devront
être
envisagées
afin
de
compenser
le
handicap
présent.
Plusieurs
facteurs
sont
corrélés
avec
la
survenue
de
récurrences
dépressives
chez
les
sujets
âgés
:
avoir
des
scores
faibles
aux
échelles
évaluant
les
activités
de
la
vie
quotidienne,
présenter
un
déclin
cognitif,
des
pathologies
somatiques
chroniques
et
avoir
un
réseau
social
pauvre
[23].
Conséquences
des
dépressions
du
sujet
âgé
Selon
les
projections
de
l’étude
Global
Burden
of
Disease
Study,
l’épisode
dépressif
caractérisé,
qui
occupait
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usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
210
J.
Roblin
en
1990
la
quatrième
place
des
maladies
responsables
d’invalidité,
devrait
passer
en
2020
à
la
deuxième
place
derrière
les
maladies
cardiaques
ischémiques
[24].
Les
sujets
âgés
avec
des
états
dépressifs
sont
confrontés
à
de
nombreuses
conséquences
négatives
incluant
un
déclin
fonctionnel,
un
handicap
plus
marqué
dans
les
activités
de
la
vie
quotidienne,
une
dégradation
de
leur
bien-être
et
de
leur
qualité
de
vie
personnelle
mais
aussi
de
la
qua-
lité
de
vie
de
l’aidant,
un
isolement
social,
la
majoration
de
difficultés
cognitives,
une
surmortalité
somatique
(en
influant
négativement
sur
l’évolution
et
le
pronostic
de
nombreuses
pathologies
somatiques),
et
un
risque
suicidaire
élevé
[25,26].
De
plus,
la
présence
d’une
dépression
chez
un
sujet
âgé
est
associée
à
une
augmentation
des
coûts
des
soins
(augmentation
des
demandes
de
soins,
hospitali-
sations
plus
fréquentes
et
plus
longues),
à
une
moins
bonne
observance
médicamenteuse,
à
une
moindre
participation
aux
programmes
de
rééducation,
à
une
augmentation
des
entrées
en
institution.
Les
données
recueillies
à
partir
du
projet
Aged
in
HOme
Care
(AdHOC
project)
montrent
que
plus
la
dépression
du
sujet
âgé
est
sévère,
plus
les
soignants
sont
en
difficulté
dans
leur
activité
de
soins
[27,28].
De
nombreuses
études
retrouvent
un
lien
entre
dépres-
sion
et
développement
de
comorbidités,
tel
qu’une
maladie
coronaire
ou
un
infarctus.
De
même,
une
affection
soma-
tique
peut
à
la
fois
être
un
facteur
de
risque
et
un
facteur
aggravant
une
dépression.
Un
risque
augmenté
de
dépres-
sion
a
pu
être
observé
dans
certaines
pathologies,
telles
que
les
affections
cardiaques,
les
douleurs
chroniques
ou
toutes
les
conditions
associées
à
une
douleur,
telle
qu’une
arthrite
par
exemple
[9].
L’épisode
dépressif
majeur
est
le
trouble
psychiatrique
le
plus
fortement
associé
au
suicide
abouti
et
aux
tenta-
tives
de
suicide
des
sujets
les
plus
âgés
(60
à
90
%
des
cas)
[29].
En
France,
en
2010,
28
%
des
décès
par
suicides
concer-
naient
des
sujets
de
65
ans
et
plus.
Le
ratio
tentative
de
suicide/suicide
abouti
est
proche
de
1
chez
l’homme
âgé
avec
l’utilisation
de
moyens
particulièrement
violents
et
proche
de
3
chez
la
femme
âgée.
Les
gestes
suicidaires
sont
le
plus
souvent
accomplis
par
une
personne
vivant
seule,
avec
une
forte
détermination
comme
en
témoignent
les
moyens
employés.
Toutes
les
situations
de
rupture
(déména-
gement,
entrée
en
établissement
pour
personnes
âgées.
.
.)
favorisent
le
passage
à
l’acte
suicidaire.
Le
repérage
de
symptômes
dépressifs
par
le
clinicien
est
essentiel
dans
ces
situations
à
risque.
Les
facteurs
de
risque
de
suicide
du
sujet
âgé
sont
bien
identifiés
:
le
sexe
masculin,
l’âge
>
65
ans,
des
événements
de
vie
stressants,
des
troubles
psychiatriques
actuels
ou
anciens
(dépression,
alcoolodépendance),
des
antécédents
de
tentatives
de
suicides,
des
antécédents
familiaux
de
sui-
cide,
des
maladies
somatiques
ou
handicaps
sévères.
Le
contexte
polypathologique
somatique
et
psychiatrique
fré-
quent
chez
le
sujet
âgé
rend
la
population
gériatrique
plus
vulnérable
à
la
violence
physique
du
geste
[29,30].
Les
deux
tiers
des
personnes
âgées
suicidées
avaient
consulté
leur
médecin
généraliste
durant
le
mois
précédent
leur
geste
suicidaire,
et
pour
la
moitié
durant
les
dix
derniers
jours,
surtout
pour
des
symptômes
relevant
de
troubles
thy-
miques
[29].
Le
dépistage
des
états
dépressifs
doit
être
un
axe
primordial
dans
la
prévention
du
suicide
du
sujet
âgé.
La
dépression
aggrave
le
pronostic
vital
de
nombreuses
pathologies.
La
surmortalité
à
6
ans
de
patients
âgés
de
65
ans
et
plus
avec
une
dépression
est
de
124
%
[31].
L’existence
d’un
état
dépressif
non
traité
est
un
facteur
de
mauvaise
observance
du
traitement,
d’augmentation
des
coûts
économiques
avec
des
durées
d’hospitalisations
plus
longues
et
de
diminution
de
la
survie.
Plusieurs
études
retrouvent
que
pour
une
même
pathologie
somatique,
la
présence
d’une
dépression
associée
augmente
la
durée
d’hospitalisation
de
25
%
[32].
Chez
les
sujets
âgés,
la
dépression
se
chronicise
ou
rechute
dans
presque
la
moi-
tié
des
cas
[21,33].
Une
proportion
importante
(42,8
%)
des
sujets
âgés
déprimés
développent
des
symptômes
dépressifs
subsyndromiques
dans
les
6
mois
suivants
la
rémission
d’un
épisode
dépressif
majeur.
La
durée
de
ces
symptômes
sur-
venant
après
la
rémission
est
proportionnellement
associée
avec
la
récidive
dépressive
dans
les
deux
années
suivantes.
Ceci
amène
à
être
particulièrement
vigilant
dans
les
mois
qui
suivent
la
rémission
d’une
dépression
du
sujet
âgé
[34].
Avec
le
vieillissement
de
la
population,
la
dépression
du
sujet
âgé
aux
conséquences
défavorables
multiples
consti-
tue
un
problème
majeur
de
santé
publique
[35].
Spécificités
des
dépressions
du
sujet
âgé
Dans
l’âge
avancé,
les
tableaux
dépressifs
sont
plus
hété-
rogènes
que
chez
les
sujets
jeunes,
certaines
expressions
cliniques
apparaissent
surreprésentées
et
de
multiples
facteurs
sont
susceptibles
de
modifier
l’expression
sympto-
matique
de
la
dépression
[9].
Reconnaître
l’existence
d’une
dépression
chez
un
sujet
âgé
est
un
objectif
important
pour
le
praticien
dans
la
mesure
ce
diagnostic
peut
être
suivi
de
la
mise
en
place
d’un
traitement
et
de
soins
adap-
tés
dont
l’efficacité
a
été
démontrée
dans
cette
tranche
d’âge.
La
dépression
gériatrique
est
marquée
par
certaines
particularités
cliniques
[36].
Les
affects
dépressifs,
le
sen-
timent
de
tristesse,
les
idées
de
culpabilité
sont
moins
souvent
verbalisés
spontanément,
ce
qui
doit
amener
le
pra-
ticien
à
les
rechercher.
La
perte
d’intérêt
ou
de
plaisir
pour
les
activités
habituelles
est
fréquente
ainsi
que
le
ralentisse-
ment
psychomoteur
mais
sont
plus
difficilement
évaluables
en
cas
de
perte
d’autonomie.
Les
plaintes
et
manifestations
somatiques,
non
expliquées
par
une
pathologie
organique,
sont
également
plus
souvent
retrouvées.
Un
syndrome
dou-
loureux
inexpliqué
peut
constituer
un
symptôme
parfois
isolé
de
la
dépression.
Les
symptômes
anxieux
présents
dans
toutes
les
dépressions
peuvent
masquer
le
reste
du
tableau
dépressif,
ils
sont
associés
à
un
plus
grand
risque
de
chronicisation
et
augmentent
le
risque
suicidaire
[9].
Des
présentations
d’allure
névrotique
d’apparition
récente,
ainsi
que
l’accentuation
de
traits
de
personnalité
antérieurs
peuvent
orienter
vers
une
dépression.
Les
idées
délirantes
de
persécution,
de
ruine
sont
aussi
plus
fréquentes
chez
le
sujet
âgé
déprimé
[36].
Des
plaintes
nouvellement
exprimées
concernant
la
soli-
tude,
jusque-là
bien
supportée,
avec
parfois
des
demandes
inattendues
d’entrée
en
institution
doivent
alerter
[9].
D’autres
signes
doivent
particulièrement
interpeller
les
soignants
car
peuvent
s’intégrer
dans
un
tableau
dépressif
(apparition
de
comportements
perturbateurs,
tels
que
refus
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