La dépression : des pratiques aux théories 9 Synthèse Atelier 3 Après l’épisode dépressif B. Falissard Maison des Adolescents, Hôpital Cochin, Paris ÉVOLUTION DES PATIENTS Le spectre des troubles thymiques est large. Le paradigme de l’unipolarité et de la bipolarité est un élément central en terme de pronostic et d’orientation thérapeutique. Mais cette notion peut être différemment appréhendée selon la culture dans laquelle on se trouve, dépendant d’un « portage culturel ». Le diagnostic et le traitement peuvent changer en fonction du thérapeute. La tendance est-elle au sur-diagnostic ou au sur-traitement ? Après la dépression peuvent survenir des épisodes hypomaniaques ou persister des symptômes dépressifs. Dès le premier épisode dépressif majeur, il existe une « cicatrice post dépression » : persistance de symptômes résiduels, non restitution du fonctionnement ad integrum (social, cognitif…) ou retour voire révélation d’une comorbidité. L a p r é s e n c e d ’ u n t ro u b l e comorbide entraîne un risque de résistance au traitement plus L’Encéphale, 33 : 2007, Septembre, Cahier2 B. Falissard a rédigé la synthèse d’un atelier de travail qui a fait émerger plusieurs constats cliniques et thérapeutiques. La complexité des pathologies dépressives est décidément peu compatible avec des schémas trop simples tant sémiologiques que stratégiques. élevé. L’évaluation des comorbidités doit être répétée à distance, environ 6-8 semaines après la rémission. La consommation excessive d’alcool se rencontre souvent dans la trajectoire du sujet déprimé. Soit elle précède l’épisode dépressif majeur (plutôt chez l’homme) soit l’inverse (plutôt chez la femme). La question du traitement est dans ce cas délicate en raison de l’intrication de ces deux pathologies. Le traitement antidépresseur seul est-il suffisant ? Un des risques évolutifs de la dépression chez le sujet âgé est l’émergence d’un processus démentiel. Le risque de détérioration cognitive est important lors de la survenue d’un premier épisode dépressif majeur après 50 ans dans ce cas. La tendance actuelle est de maintenir le trai- tement antidépresseur au long cours. La neuro-imagerie a permis de mettre en évidence une atrophie de l’hippocampe après un épisode dépressif majeur. Un déficit cognitif résiduel peut se rencontrer. Chez le sujet âgé, il est souvent difficile de discriminer un trouble dépressif d’une pathologie démentielle débutante. Cependant, le concept de pseudodémence dépressive est remis en question. Plusieurs questions se posent : Quand doit-on prescrire des examens complémentaires ? Qui les prescrit ? Doit-on prescrire des antidépresseurs pour leur rôle neuroprotecteur ou des anticholinestérasiques ? Quelle est la place des électroconvulsivothérapies et de la stimulation trans-crânienne dans ce cas ? La dépression est un facteur de risque cardiovasculaire. S677 La dépression : des pratiques aux théories 9 B. Falissard LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS De nombreuses recommandations concernent la prise en charge des patients souffrant de troubles thymiques. Mais elles ne permettent pas de répondre à toutes les questions. Peu de données sont disponibles au-delà de 18 mois de prise en charge d’un épisode dépressif caractérisé. L’évaluation de l’efficacité des séances d’électroconvulsivothérapie d’entretien ou de stimulation magnétique trans-crânienne est délicate. En revanche, l’efficacité de la sismothérapie de consolidation est S678 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 677-678, Cahier 2 comparable à celle des traitements antidépresseurs au long cours. L’observance du traitement et la durée du traitement sont inversement corrélées. Dans la maladie dépressive, le maintien du traitement est préconisé jusqu’au retour à un état normothymique. Mais comment le définir ? La dépression évolue souvent de manière chronique. La chronicité peut être vécue comme un échec de la part du médecin et l’annonce diagnostique est délicate. Mais cela n’est pas forcément synonyme d’une prise de traitement définitive. Le médecin doit régulièrement informer le patient en raison du risque d’arrêt de traitement, voire de suivi quand « ça va mieux ». Le rapport bénéfice / risque du symptôme est important à évaluer dans les troubles de l’humeur. En effet, une hypomanie peut être perçue comme positive par le patient ou son entourage. Il existe une différence entre le symptôme brut et le vécu du symptôme par le patient. Les facteurs psychodynamiques sont à rechercher. Le rôle du psychiatre persiste après la guérison de l’épisode dépressif afin d’aider les patients dans leur reconstruction. « Après ma dépression, je ne serai plus jamais comme avant, et je ne sais pas comment je serai… »