Synthèse Atelier 3 Après l’épisode dépressif B. Falissard

S677
L’Encéphale, 33 : 2007, Septembre, Cahier2
B. Falissard a rédigé la synthèse d’un atelier de travail qui a fait
émerger plusieurs constats cliniques et thérapeutiques. La com-
plexité des pathologies dépressives est décidément peu compatible
avec des schémas trop simples tant sémiologiques que stratégiques.
ÉVOLUTION DES PATIENTS
Le spectre des troubles thymiques
est large. Le paradigme de l’uni-
polarité et de la bipolarité est
un élément central en terme de
pronostic et d’orientation thé-
rapeutique. Mais cette notion
peut être différemment appré-
hendée selon la culture dans
laquelle on se trouve, dépen-
dant d’un « portage culturel ».
Le diagnostic et le traitement
peuvent changer en fonction du
thérapeute.
La tendance est-elle au sur-dia-
gnostic ou au sur-traitement ?
Après la dépression peuvent
survenir des épisodes hypoma-
niaques ou persister des symp-
tômes dépressifs.
Dès le premier épisode dépressif
majeur, il existe une « cicatrice
post dépression » : persistance
de symptômes résiduels, non
restitution du fonctionnement
ad integrum (social, cognitif…)
ou retour voire révélation d’une
comorbidité.
La présence d’un trouble
comorbide entraîne un risque
de résistance au traitement plus
élevé. L’évaluation des comor-
bidités doit être répétée à dis-
tance, environ 6-8 semaines
après la rémission. La consom-
mation excessive d’alcool se
rencontre souvent dans la tra-
jectoire du sujet déprimé. Soit
elle précède l’épisode dépressif
majeur (plutôt chez l’homme)
soit l’inverse (plutôt chez la
femme). La question du trai-
tement est dans ce cas délica-
te en raison de l’intrication de
ces deux pathologies. Le traite-
ment antidépresseur seul est-il
suffisant ?
Un des risques évolutifs de la
dépression chez le sujet âgé
est l’émergence d’un processus
démentiel. Le risque de détério-
ration cognitive est important
lors de la survenue d’un premier
épisode dépressif majeur après
50 ans dans ce cas. La tendance
actuelle est de maintenir le trai-
tement antidépresseur au long
cours. La neuro-imagerie a per-
mis de mettre en évidence une
atrophie de l’hippocampe après
un épisode dépressif majeur. Un
déficit cognitif résiduel peut se
rencontrer. Chez le sujet âgé, il
est souvent difficile de discrimi-
ner un trouble dépressif d’une
pathologie démentielle débu-
tante. Cependant, le concept
de pseudodémence dépressive
est remis en question. Plusieurs
questions se posent : Quand
doit-on prescrire des examens
complémentaires ? Qui les
prescrit ? Doit-on prescrire des
antidépresseurs pour leur rôle
neuroprotecteur ou des anti-
cholinestérasiques ? Quelle est
la place des électroconvulsivo-
thérapies et de la stimulation
trans-crânienne dans ce cas ?
La dépression est un facteur de
risque cardiovasculaire.
Synthèse Atelier 3
Après l’épisode dépressif
B. Falissard
Maison des Adolescents, Hôpital Cochin, Paris
La dépression : des pratiques aux théories 9
S678
La dépression : des pratiques aux théories 9
LA PRISE EN CHARGE DES
PATIENTS
De nombreuses recommandations
concernent la prise en charge des
patients souffrant de troubles thy-
miques. Mais elles ne permettent
pas de répondre à toutes les ques-
tions. Peu de données sont disponi-
bles au-delà de 18 mois de prise en
charge d’un épisode dépressif carac-
térisé. L’évaluation de l’ef cacité des
séances d’électroconvulsivothéra-
pie d’entretien ou de stimulation
magnétique trans-crânienne est
délicate. En revanche, l’ef cacité de
la sismothérapie de consolidation est
comparable à celle des traitements
antidépresseurs au long cours.
L’observance du traitement et la
durée du traitement sont inverse-
ment corrélées. Dans la maladie
dépressive, le maintien du traite-
ment est préconisé jusqu’au retour
à un état normothymique. Mais
comment le définir ? La dépres-
sion évolue souvent de manière
chronique. La chronicité peut être
vécue comme un échec de la part
du médecin et l’annonce diagnosti-
que est délicate. Mais cela n’est pas
forcément synonyme d’une prise
de traitement dé nitive. Le méde-
cin doit régulièrement informer le
patient en raison du risque d’arrêt
de traitement, voire de suivi quand
« ça va mieux ».
Le rapport béné ce / risque du symp-
tôme est important à évaluer dans les
troubles de l’humeur. En effet, une
hypomanie peut être perçue comme
positive par le patient ou son entou-
rage. Il existe une différence entre le
symptôme brut et le vécu du symp-
tôme par le patient. Les facteurs psy-
chodynamiques sont à rechercher.
Le rôle du psychiatre persiste après
la guérison de l’épisode dépressif
afin d’aider les patients dans leur
reconstruction. « Après ma dépres-
sion, je ne serai plus jamais comme
avant, et je ne sais pas comment je
serai… »
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 677-678, Cahier 2B. Falissard
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