REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES • N° 514 • JUILLET-AOÛT 2019 59
Dossier scientifique
Les vitamines du groupe B
et sont souvent responsables de carences mixtes. Le syn-
drome d’Imerslund-Gräsbeck, lié à une mutation des gènes
CUBN ou AMN, entraînant la perte de l’absorption iléale
du complexe B12-FI, conduit à une mégaloblastose dès
l’enfance, associée à des troubles neurologiques et à une
protéinurie en raison de l’implication de ce récepteur dans
la réabsorption des protéines de l’urine primaire.
La maladie de Biermer ou anémie pernicieuse est le pro-
totype de la carence en vitamine B12 et correspond éga-
lement à un défaut d’absorption par absence de FI. Elle
est secondaire à une gastrite atrophique auto-immune
entraînant la destruction des cellules pariétales. La détec-
tion d’anticorps antifacteur intrinsèque a une haute spé-
cicité (97 %) mais doit être faite à distance d’une injec-
tion de vitamine B12. A contrario, ce test est peu sensible
puisque négatif dans 40 à 60 % des cas. La recherche d’an-
ticorps anticellules pariétales gastriques a une sensibilité
de 80 % mais manque de spécicité puisqu’ils peuvent
être présents chez 10 % de la population générale. Ils
témoignent de la présence d’anticorps anti-estomac qui
peuvent s’associer à une gastrite atrophique et au déve-
loppement ultérieur d’une anémie pernicieuse [9]. Enn,
la présence d’anticorps anti-FI à titre élevé peut fausse-
ment normaliser le dosage de vitamine B12 sérique avec
certains kits et le recours au dosage d’autres marqueurs
(MMA ou homocystéine) est ici indispensable. Une valeur
élevée de la gastrinémie à jeun ou l’abaissement du pep-
sinogène ont aussi une très bonne sensibilité (évaluée à
90 %) [10].
Anomalies du métabolisme cellulaire
de la vitamine B12
En dehors des rares anomalies constitutionnelles du
métabolisme des cobalamines, une exposition prolongée
au NO peut également entraîner une mégaloblastose
par inhibition de l’utilisation cellulaire de la vitamine
B12. En effet, le NO inactive la méthyl-cobalamine au
site catalytique de la méthionine-synthétase, entraînant
une déplétion progressive en vitamine B12 au niveau
cellulaire alors que les concentrations sériques sont
normales [11] (tableau 1).
Conséquences des carences
Conséquences hématopoïétiques
communes
La conséquence la plus classique des carences est
hématopoïétique, reet direct de la diminution de
la synthèse d’ADN dont l’effet prédomine dans les
tissus à renouvellement rapide. Cela explique les
troubles muqueux associés à ces carences, notam-
ment la glossite, et surtout la classique anémie méga-
loblastique par asynchronisme de maturation nucléo-
cytoplasmique, avec aspect immature des noyaux
érythroblastiques contrastant avec une maturation
cytoplasmique relativement préservée. L’atteinte
hématologique se traduit dans un premier temps
par une macrocytose isolée qui évolue progressive-
ment vers un tableau de mégaloblastose carentielle
associant anémie macrocytaire et atteintes qualita-
tive et quantitative des autres lignées. Les paramètres
hématologiques sont communs aux deux carences :
macrocytose, anisocytose, macro-ovalocytose, par-
fois tableau de « pseudo-MATT » avec schizocytose,
thrombopénie, pancytopénie, hypersegmentation
des polynucléaires neutrophiles (présence de 5 % de
PNN avec 5 lobes ou 1 % avec 6 lobes). Ces signes ne
sont pas spéciques et manquent de sensibilité dans
les formes débutantes.
Folates et grossesse
Au cours de la grossesse, les apports alimentaires des
folates/acide folique doivent à la fois couvrir les besoins
maternels et assurer le bon développement du fœtus et du
placenta. En effet, plusieurs anomalies de développement
ont été associées à une carence en vitamine B9 [12] : petit
poids de naissance, prématurité, retard de croissance mais
aussi anomalies de fermeture du tube neural qui aboutissent
à l’exposition du tissu neuronal de la région crânienne
(anencéphalie) ou de la région spinale (spina bifida).
Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents sont
multifactoriels et impliquent des facteurs nutritionnels,
environnementaux, alimentaires et génétiques. Deux
études ont montré une réduction de ce risque par sup-
plémentation systématique en acide folique dès la phase
de conception [13,14]. La supplémentation alimentaire
continue en acide folique serait une alternative efcace,
puisqu’en Amérique du Nord l’enrichissement de la farine
en acide folique a permis d’en diminuer signicativement
l’incidence [15].
Conséquences neurologiques
de la carence en B12
Le rôle particulier de la vitamine B12 au niveau du
tissu nerveux explique les conséquences neurolo-
giques propres à la carence en B12. Celle-ci entraîne
une démyélinisation des nerfs crâniens et périphé-
riques, du système nerveux végétatif et de la subs-
tance blanche [16]. Les conséquences sont à la fois des
troubles neurologiques à type de myélopathie, allant
jusqu’à la classique sclérose combinée de la moelle,
et des troubles des fonctions supérieures (altération
des fonctions cognitives, dépression, paranoïa, labilité
thymique). Lorsque la carence survient chez le nour-
risson, principalement en cas d’allaitement maternel
prolongé et si la mère est carencée, on observe des
défauts du développement cérébral, un retard psycho-
moteur, une hypotonie pouvant aller jusqu’au coma,
des convulsions, des myoclonies avec, à l’imagerie, un
retard de myélinisation et une atrophie [17].