1 Surjectivité de l’exponentielle matricielle complexe Théorème 1. Soit A ∈ GLn (C), alors il existe P ∈ C[X] tel que A = exp(P (A)) et l’exponentielle exp : Mn (C) −→ GLn (C) est surjective. Démonstration. : Etape 1 : Montrons que exp(P (A)) ∈ C[A] pour P ∈ C[X] Comme C[A] ' C[X]/(µA ) où µA désigne le polynôme minimal associé à A, C[A] est un C-espace vectoriel de dimension finie deg(µA ). En tant que C-espace vectoriel de dimension finie, C[A] est un sous-espace complet de Mn (C) donc une partie fermée de Mn (C). Ainsi, N P (A)k P ∈ C[A] comme limite d’une suite d’éléments de C[A]. N →∞ k=0 k! exp(P (A)) = lim Etape 2 : D’après l’étape 1, exp : C[A] −→ C[A] et l’algèbre C[A] étant commutative, on a : ∀P, Q ∈ C[X], exp(P (A) + Q(A)) = exp(P (A)) exp(Q(A)) En particulier, In = exp(0) = exp(P (A)) exp(−P (A)) =⇒ exp(P (A))−1 = exp(−P (A)) ∈ C[A] et on en déduit ainsi que exp : (C[A], +) −→ (C[A]∗ , ×) est un morphisme de groupes. Etape 3 : Montrons que C[A] ∩ GLn (C) = (C[A]∗ , ×) L’inculsion C[A]∗ ⊂ C[A]∩GLn (C) est évidente. Inversement, soit P (A) ∈ GLn (C)∩C[A]. Alors, 0 n’est pas valeur propre de P (A) et n’est pas une racine de µP (A) , le polynôme minimal et le polynôme caractéristique ayant les mêmes racines. Ainsi, X - µP (A) et X ∧ µP (A) = 1. Par le théorème de Bezout, il existe Q1 , Q2 ∈ K[X] tels que Q1 X + Q2 µP (A) = 1 et appliqué en P (A) on a : Q1 (P (A))P (A) + Q2 (P (A)) µP (A) (P (A)) = In =⇒ P (A)−1 = (Q1 P )(A) ∈ C[A] | {z } =0 ∗ D’où GLn (C) ∩ C[A] = C[A] et en particulier A ∈ C[A]∗ . Méthode 1. Comme A ∈ C[A]∗ , pour montrer la surjectivité de exp, on va montrer que C[A]∗ = exp(C[A]). L’inclusion exp(C[A]) ⊂ C[A]∗ étant immédiate, il suffit de montrer l’inclusion réciproque. Méthode 2. montrer que exp(C[A]) est un sous-groupe ouvert et fermé du groupe C[A]∗ = C[A] ∩ GLn (C), qui est naturellement muni d’une structure de groupe topologique comme sousensemble de GLn (C) ⊂ Mn (C), puis montrer que C[A]∗ est connexe. Etape 4 : montrons par le théorème d’inversion locale que exp(C[A]) contient un voisinage de In . On rappelle que exp : Mn (C) −→ GLn (C) est C 1 et donc sa restriction à C[A] l’est encore avec d exp(0) = IdC[A] qui est inversible. En effet, pour H dans un voisinage ouvert de 0 dans C[A], on a : exp(0 + H) = exp(H) = In + H + ∞ Hk P = In + H + o(H). k=2 k! Par le théorème d’inversion locale, il existe : • V voisinage ouvert de 0 contenu dans C[A] • W voisinage ouvert de exp(0) = In contenu dans exp(C[A]) tels que exp|V : V −→ W soit un C 1 difféomorphisme. Alors, exp(C[A]) est un groupe qui contient un voisinage ouvert de l’identité. Par le lemme suivant, il s’agit donc d’un sous-groupe ouvert et fermé de C[A]∗ : Lemme 1. Soit G un groupe topologique, alors si H contient un voisinage ouvert V de 1G , H est ouvert et fermé dans G. 2 Démonstration. Soit V un voisinage de 1G dans H. Pour tout h ∈ H, l’application : φh : V v −→ 7−→ hV hv d’inverse φh−1 : hV w −→ 7−→ V h−1 w est un homéomorphisme, par continuité de la multiplication × dans le groupe topologique G. Ainsi, φh (V ) = hV est ouvert dans H et contient h, on en déduit que H est un voisinage de h, donc de chacun de ces points et est ouvert. De plus, S Hc = gH est ouvert comme union quelconque d’ouverts g6∈H les gH étant ouverts, d’après ce qui précède. On en conclut donc que H c = G \ H est ouvert et finalement H est aussi fermé. Etape 5 : Montrons que C[A]∗ est connexe par arcs. Pour ce faire, prouvons que deux éléments M et N de C[A]∗ sont nécessairement dans la même composante connexe par arcs, i.e qu’il existe un sous-ensemble connexe par arcs de C[A]∗ contenant M et N . On note : Ω = {z ∈ C | det(zM + (1 − z)N ) = 0} ∗ Comme M, N ∈ C[A] = C[A] ∩ GLn (C) nécessairement 0, 1 6∈ Ω. L’application det étant polynômiale, il n’y a qu’un nombre fini de z qui annule det(•M + (1 − •)N ) et alors C \ Ω est connexe par arcs puisque le plan complexe privé d’un nombre fini de points l’est. L’application continue φ: C \ Ω −→ z 7−→ C[A] zM + (1 − z)N envoie le connexe par arcs C \ Ω sur φ(C \ Ω) qui est connexe par arcs et contient M, N . Il nous reste à vérifier que φ(C \ Ω) ⊂ C[A]∗ . Or, ∀z 6∈ Ω, zM + (1 − z)N ∈ C[A] ∩ GLn (C) = C[A]∗ . Conclusion : C[A]∗ est connexe par arcs, donc connexe. De plus, exp(C[A]) est une partie non vide, ouverte et fermée de C[A]∗ , d’où exp(C[A]) = C[A]∗ = C[A] ∩ GLn (C). Application 1. Soit A ∈ GLn (R). Alors, ∃M ∈ Mn (R), A = exp(M ) ⇐⇒ ∃B ∈ Mn (R), A = B 2 . Démonstration. : Etape 1 : Si A = exp(M ) où M ∈ Mn (R), alors M 2 commutant avec elle-même, on a : M M 2 A = exp( M 2 ) exp( 2 ) = B avec B = exp( 2 ). Etape 2 : Suppons que A = B 2 . Comme A ∈ GLn (R), det(A) 6= 0 =⇒ det(B) 6= 0 et B est dans GLn (R) ⊂ GLn (C). D’après le théorème précédent, il existe P ∈ C[X] tel que B = exp(P (B)). Alors, B étant une matrice réelle, B = B et exp(P (B)) = exp(P (B)) = exp(P (B)). En effet, la conjugaison complexe est une application continue, ce qui donne : k N P (B)k N P (B) P P exp(P (B)) = lim = lim = exp(P (B)) N →∞ k=0 N →∞ k=0 k! k! Ainsi : A = B 2 = exp(P (B)) exp(P (B)) = exp((P + P )(B)) où P + P ∈ R[X], ce qui donne le résultat attendu avec M = (P + P )(B). Rappel 1. L’application exponentielle est de classe C 1 sur Mn (C). Rappel 2. Soit K = R ou C. Un K-ev normé de dimension finie est toujours complet. 3 Rappel 3. Un groupe topologique est un groupe munid d’une d’une topologie pour laquelle la multiplication et le passage à l’inverse sont des applications continues. Rappel 4. Un espace topologique E est connexe si et seulement s’il ne peut pas s’écrire comme réunion de deux ouverts non triviaux. C’est équivalent à dire que les seuls sous-ensembles à la fois ouvert et fermé de E sont E et ∅. Rappel 5. La connexité par arcs implique la connexité. Rappel 6. Un homéomorphisme entre deux espaces topologiques E et F est en particulier une application ouverte, ie envoie tout ouvert de E sur un ouvert de F . Rappel 7. Théorème d’inversion locale Soient U un ouvert de Rn et a un point de U . On suppose que f : U −→ Rn est une application de classe C 1 . On suppose que la matrice jacobienne Jf (a) est inversible. Alors : • Il existe un ouvert V contenant a et contenu dans U . • Il existe un ouvert W contenant f (a) tel que f|V soit un difféomorphisme de classe C 1 de V sur W = f (V ).