semaine 2

publicité
Table des matières
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Noyaux itérés
La recherche d’un vecteur minimal
Sous-espaces cycliques
Endomorphismes cycliques
Matrice compagnon
Théorème de Cayley-Hamilton
1
2
3
5
7
7
1. Noyaux itérés
En particulier, on donnera une classe de sous-espaces stables importante qui correspond chez les groupes abéliens finis aux sous-groupes cycliques.
1.1. Suite des noyaux itérés. Noter qu’on a une suite croissante de sous-espaces
ker f ⊂ ker f 2 ⊂ ker f 3 · · · ,
On peut facilement démontrer que
(1.1)
si ker f k = ker f k+1
alors ker f k = ker f j
pour tout j ≥ k.
Autrement dit, une fois on atteint égalité des dimensions de la suite des noyaux itérés,
cette suite devient stationnaire. Or, si E est de dimension finie, cette suite croissante est
majorée, du coup pour chaque f ∈ L(E) il existe un p tel que la suite des ker f k pour
k = 1, . . . , p−1 est strictement croissante, et pour k = p, . . . , dim E elle est stationnaire.
Plus généralement, pour E arbitraire et f ∈ L(E), si p est le plus petit entier positif
tel que ker f p = ker f p+1 (si aucun p existe on met p = ∞), alors dim ker f p ≥ p.
Notons que si f est un automorphisme, alors p = 0; cette chaine de noyaux itérés reste
figée en {0}. Si f est un endomorphisme nilpotent, alors p est précisément l’indice de
nilpotence. Du coup, la suite stationne avec ker f p = E comme point de stationnement.
On en déduit que le résultat suivant (le deuxième énoncé s’en déduit à partir du principe
des tiroirs).
Proposition 1.2. Soit f ∈ L(E). Si f est nilpotent d’indice p, alors dim ker f p ≥ p.
Si E est de dimension finie et que p = dim E, alors pour tout k = 0, 1, . . . , p on a
dim ker f k = k.
Exemple 1.2.1. Soit f un endomorphisme de E, nilpotent d’indice n = dim E. Ainsi
f n = 0 mais f n−1 6= 0. Déterminons tous les sous-espaces stables par f .
Soit F un sous-espace stable par f . L’endomorphisme enduit fF reste nilpotent, mais
son indice peut diminuer. Soit p l’indice de fF . Alors fFp = 0F et du coup F = ker fFp .
On aimerait relier F à ker f p . Pour cela, remarquer que ker fFp ⊂ ker f p . Mais cette
inclusion est en fait une égalité, car les deux espace ont la même dimension. En effet,
par Proposition 1.2, on a dim ker f p = p et dim ker fFp ≥ p.
Pour un endomorphisme f ∈ L(E) on aimerait comprendre mieux les écarts
ek = dim ker f k+1 − dim ker f k .
1
2
On prend note de des identités suivantes évidentes:
ker f|F = ker f ∩ F
(1.2)
et imf|F = f (F ).
On peut démontrer la formule suivante.
Proposition 1.3. Soient f ∈ L(E) et k ∈ N. Alors
ek = dim(imf k ∩ ker f ).
En particulier, la suite des écarts ek est décroissante.
Proof. Soit g = f|k
ker f k+1
. Alors la formule du rang affirme que
dim ker f k+1 = dim ker g + dim im g.
Par (1.2) on a
ker g = ker f k ∩ ker f k+1 = ker f k
et im g = f k (ker f k+1 )
donc
dim ker f k+1 = dim ker f k + dim f k (ker f k+1 ).
Il suffit de montrer que f k (ker f k+1 ) = imf k ∩ ker f . Pour le sens ⊂, prenons y = f k (x)
où x ∈ ker f k+1 . Alors il est clair que y ∈ im f k et puis f (y) = f (f k (x)) = f k+1 (x) = 0
ce qui démontre que y ∈ ker f k+1 . Pour le sens ⊃, prenons y ∈ im f k ∩ ker f . Alors il
existe x ∈ E tel que y = f k (x) et par ailleurs f (y) = 0. Cela veut dire que x ∈ ker f k+1 .
Du coup, y ∈ f k (ker f k+1 ).
Pour en déduire que la suite des écarts est décroissante, on se sert de l’inclusion
imf k+1 ⊂ imf k qui implique
(imf k+1 ∩ ker f ) ⊂ (imf k ∩ ker f ).
et donc ek+1 ≤ ek .
On remarque que pour un morphisme nilpotent f ∈ L(E), où E est de dimension
finie n, la somme des écarts e0 + e1 + · · · vaut n.
2. La recherche d’un vecteur minimal
Si G est un groupe abélien fini, on sait qu’il existe un g ∈ G tel que o(g) = e(G).
Dans cette section on aimerait donner un résultat analogue chez les endomorphismes.
Exemple 2.0.1. Soit G = Z/p4 q 2 Z × Z/pq 3 Z, avec p, q des nombres premiers distincts.
Alors e(G) = p4 q 3 et tout élément de la forme g = g1 + g2 , où g1 = (a1 q 2 , b1 q 3 ) et
g2 = (a2 p4 , b2 p) suffit, pourvu que p - ai , q - bi . Remarquer que, dans ce dernier cas,
si mn : G → G désigne l’homomorphisme x 7→ nx, alors g1 ∈ ker mp4 − ker mp3 et
g1 ∈ ker mq3 − ker mq2 .
Le lemme suivant sera utile pour la suite.
Lemme 2.1. Soient f ∈ L(E) et P ∈ K[x].
(1) La suite ker P k (f ) est strictement croissante puis stationnaire.
(2) Si P est irréductible et x ∈ ker P k (f ) − ker P k−1 (f ), alors le polynôme minimal
de f en x est P k .
3
Q
(3) Si µf = k Pkαk est la factorisation du polynôme minimal µf de f en puissances
de polynômes irréductibles alors pour tout k on a ker Pkαk (f ) 6= ker Pkαk −1 (f ).
Proof. On laisse comme exercice la vérification que si ker Pka (f ) = ker Pka+1 (f ) alors
ker Pka (f ) = ker Pkb (f ) pour tout b ≥ a.
Puisque x ∈ ker P k (f ) on a P k (f )(x) = 0 donc µf,x |P k . L’irréductibilité de P entraîne
alors µj,x = P j pour un certain j ≤ k. Mais, puisque x ∈
/ ker P k−1 (f ), la seule possibilité
(par la propriété d’avant) est que j = k.
α −1
α
S’il existe un k0 tel que ker Pk0k0 (f ) = ker Pk0k0 (f ) alors on pourrait considérer le
α −1 Q
αk
produit Q = Pk0k0
k6=k0 Pk . Par le lemme des noyaux (appliqué à µf et à Q) on a
M
M
α −1
E = ker µf (f ) =
ker Pkαk (f ) = ker Pk0k0 (f )
ker Pkαk (f ) = ker Q(f ).
k
k6=k0
Ainsi Q annule f , ce qui contredit la minimalité de µf .
Proposition 2.2. Soit f ∈ L(E). Alors il existe x ∈ E tel que µf,x = µf .
Q
Proof. Décomposons µf en produits de polynômes irréductibles Pkαk . Par partie (3) du
lemme 2.1, pour chaque k on peut choisir un élément xk dans ker Pkαk (f )−ker Pkαk −1 (f ).
Montrons que x = x1 + · · · + xk satisfait µf,x = µf . La divisibilité µf,x | µf est automatique pour tout f et x, donc il faut montrer que µf | µf,x .
Par le lemme d’Euclide, il suffit de montrer que Pkαk divise µf,x . Or, la partie (2) du
lemme 2.1 affirme que Pkαk est le polynôme annulateur de f en xk . Ainsi, il suffit de
montrer que µf,x (f )(xk ) = 0E .
Par linéarité on a
X
µf,x (f )(xk ).
0E = µf,x (f )(x) =
k
ker Pkαk (f ),
Mais µf,x (f )(xk ) ∈
que µf,x (f )(xk ) = 0E .
et comme ces ker’s sont en somme directe, on a forcément
3. Sous-espaces cycliques
Maintenant on arrive à l’analogue chez les endomorphismes des sous-groupes cycliques
d’un groupe abélien fini G. Rappelez-vous que le groupe cyclique engendré par un
élément g ∈ G est, par définition, le plus petit sous-groupe (au sens de l’inclusion)
contenant g. Cette propriété détermine bien un unique sous-groupe, noté hgi, car si
deux sous-groupes contiennent g alors leur intersection est un sous-groupe qui contient
g aussi.
De même pour les endomorphismes. Soit f ∈ L(E) et x ∈ E. Si deux sous-espaces
stables par E contiennent x alors leur intersection est encore un sous-espace stable qui
contient x. Cela motive la définition suivante.
Définition 3.0.1. Soit f ∈ L(E) et x ∈ E. Alors le sous-espace cyclique engendré par
x est le plus petit (au sens de l’inclusion) sous-espace Ef,x stable par f et contenant x.
Proposition 3.1. Soit f ∈ L(E) et x ∈ E. Alors une base de Ef,x est donnée par
{x, f (x), f 2 (x), . . . , f d−1 (x)},
où d = deg µf,x .
4
En particulier, dim Ef,x = deg µf,x et le polynôme minimal de l’induit de f sur Ef,x est
µf,x .
Proof. D’abord démontrons que Ef,x = vect{f k (x)}k∈N . Pour voir cela, déjà remarquons
que inclusion ⊂ est conséquence de la définition de Ef,x . En effet, vect{f k (x)}k∈N est
un espace vectoriel stable par f et contenant x, et du coup Ef,x est inclu dedans. Pour
l’autre sens, évidemment x ∈ Ef,x , mais f (x) aussi, car Ef,x est stable par f . Par
récurrence on en déduit que f k (x) ∈ Ef,x pour tout k, ce qui fallait démontrer.
P
Maintenant, raffinons l’argument ci dessus. Écrivons µf,x (X) = dk=0 ak X k . Alors
µf,x (f )(x) = 0E , ce qui veut dire que les vecteurs x, f (x), . . . , f d (x) sont liés. Ainsi
vect{f k (x)}k∈N = vect{x, f (x), f 2 (x), . . . , f d−1 (x)}. Il faut maintenant montrer que les
vecteurs x, f (x), f 2 (x), . . . , f d−1 (x) sont linéairement indépendants. Mais si ce n’était
pas le cas, on trouverait un polynôme non nul P ∈ K[X], de degré au plus d − 1 tel que
P (f )(x) = 0, ce contredirait la minimalité de µf,x .
Pour voir l’énoncé sur le polynôme minimal de Ef,x , posons pour simplicité G = Ef,x
et g l’induit de f sur G. Noter que
Ig = {P ∈ K[x] : P (g) = 0L(G) }
= {P ∈ K[x] : P (g)(x) = P (g)(f (x)) = · · · = P (g)(f d−1 (x)) = 0E }
= {P ∈ K[x] : P (g)(x) = 0E }
= {P ∈ K[x] : P (f )(x) = 0E } = If,x .
Ceci implique µg = µf,x .
La proposition précédente justifie la remarque que le polynôme minimal de f en x
jour le rôle de l’ordre d’un élément dans un groupe abélien fini. En effet, l’ordre d’un
élément, c’est l’exposant du sous-groupe qu’il engendre, et de façon analogue, µf,x est
le polynôme minimal du sous-espace cyclique Ef,x engendré par x.
Proposition 3.2. Soit f ∈ L(E) quelconque. Pour tout x ∈ E tel que µf = µf,x le
sous-espace cyclique Ef,x engendré par x admet un supplément stable par f .
Remarque 1. La preuve construira un supplément stable de Ef,x explicitement. Mais
pour le moment, supposons donné un supplément stable F de Ef,x ; qu’elles propriétés
a-t-il?
La décomposition en somme directe E = Ef,x ⊕ F donne lieu a une décomposition
⊥
E ∗ = Ef,x
⊕ F ⊥ de l’espace dual. En particulier, F ⊥ consiste en toutes les fonctionnelles
de E qui s’annule sur F , et si p = dim Ef,x on a dim F ⊥ = p.
Par ailleurs, la stabilité de F par f entraine la stabilité de F ⊥ au sens suivant: si
` ∈ F ⊥ alors f ∗ (`) ∈ F ⊥ aussi, où f ∗ (`) = `◦f . On peut même montrer que F ⊥ cyclique
sous l’action de f ∗ . En effet, si on convient d’écrire ei = f i (x) pour i = 0, . . . , p − 1,
alors une base pour Ef,x est donnée par {e0 , e1 , . . . , ep−1 }. Complétons cette base en
une base e0 , e1 , . . . , en−1 de E, et écrivons e∗0 , . . . , e∗n−1 la base duale dans E ∗ . Alors le
vecteur e∗p−1 engendre F ⊥ sous l’action de f ∗ .
On peut bien sûr inverser ce raisonnement: si on connaît une description indépendante
de F = F ⊥ alors on peut tout simplement définir F en posant F = F ⊥ = {x ∈ E :
`(x) = 0 ∀ ` ∈ F}. C’est ce qu’on va faire.
5
Proof. Soit les notations comme dans la remarque ci-dessus. Soit `0 = e∗p−1 ∈ E ∗ . Ainsi
`0 est l’unique fonctionnelle de E vérifiant
(3.1)
`0 (ej ) = δp−1,j
pour tout i = 0, 1, . . . , n − 1. Remarquer que `0 s’annule sur tout supplément de Ef,x .
On met `k := (f ∗ )k (`0 ) pour tout k > 0. Le sous-espace F = vect{`k }k>0 ⊂ E ∗ est
stable par f ∗ , cyclique et engendré par `0 sous l’action de f ∗ . Posons
F = F ⊥ = {y ∈ E : `k (y) = 0 ∀ k > 0}.
On montrera que F est un supplément stable de Ef,x .
(1) (Stabilité) D’abord on remarque que F est stable par f , car si y ∈ F alors
`k (f (y)) = `k+1 (y) = 0 pour tout k ≥ 0.
(2) (Intersection triviale) Par ailleurs, on a F ∩ Ef,x = {0E }. En effet, supposons
y = a0 e0 + · · · + ap−1 ep−1 ∈ F . En utilisant (3.1), on voit par un argument par
récurrence que 0 = `k (y) = ap−1−k pour tout k = 0, 1, . . . , p − 1. On en déduit que
y = 0.
Les deux vérifications ci-dessus n’ont pas utilisé l’hypothèse que x est un vecteur minimal. C’est le propriété suivante où on en a besoin.
(3) (Dimension pleine) Il suffit maintenant de montrer que dim F = n − p.
D’abord on peut remarquer que dans la définition de F il aurait suffit d’exiger
que `k (x) = 0 pour tout k = 0, . . . , p − 1. En effet, on a vu la semaine dernière
que K[f ] = vect(Id, f, . . . , f deg µf −1 }, et par hypothèse deg µf = deg µf,x = p.
Ainsi, toute puissance f k pour k ≥ p est une expression polynomiale dans les
Id, f, . . . , f p−1 .
Ensuite on peut remarquer que les `0 , . . . , `p−1 forment une famille libre. Pour
voir cela, prenons une relation λ0 `0 + · · · + λp−1 `p−1 = 0E ∗ . En utilisant (3.1), on
montre par récurrence que que λp−1−k = 0 pour tout k = 0, 1, . . . , p − 1.
Ainsi on trouve que F est l’intersection d’hyperplans donnés par les noyaux de
p formes linéaires qui sont linéairement indépendentes. On en déduit que dim F =
n − p.
4. Endomorphismes cycliques
Soit f ∈ L(E). On dit que f est un endomorphisme cylique s’il existe un x ∈
E tel que E = Ef,x . Ainsi, par la proposition 3.1, E admet une base de la forme
x, f (x), . . . , f n−1 (x). Dans ce chapitre on s’intéressera à des exemples des endomorphismes cycliques, et des caractérisations de la cyclicité d’un endomorphisme.
4.1. Caractérisation par le polynôme minimal. Chez les groupes abéliens finis,
un sous-groupe est cyclique si son exposant est égal à son ordre. L’analogue chez les
endomorphismes est donné dans la proposition suivante.
Proposition 4.2. Soit f ∈ L(E), où E est de dimension finie. Si deg µf = dim E alors
f est cyclique.
6
Proof. On sait, par la proposition 2.2, qu’il existe x ∈ E tel que µf = µf,x . Par
ailleurs, les vecteurs x, f (x), . . . , f deg µf,x (x) sont linéairement indépendants. Posons
n = dim E. Alors par hypothèse le degré de µf (et donc de µf,x ) est égal à n. Ainsi
E = vect(x, f (x), . . . , f n−1 (x)).
4.3. Caractérisation par des commutants.
Proposition 4.4. Soit f ∈ L(E) cyclique. Alors C(f ) = K[f ].
Proof. L’inclusion K[f ] ⊂ C(f ) est automatique pour toute endomorphisme, cyclique
ou non.
Pour l’autre inclusion, soit g ∈ C(f ). Puisque E est cyclique, il existe x ∈ E tel que
E = Ef,x . Posons n = dim E. Alors x, f (x), . . . , f n−1 (x) est une base pour E. Ainsi il
existe des scalaires a0 , . . . , an−1 tels que
(4.1)
g(x) =
n−1
X
ak f k (x).
k=0
On aimerait montrer
(4.2)
g=
n−1
X
ak f k ,
k=0
car l’endomorphisme du membre de droite est dans K[f ].
Utilisons (4.1), ainsi que l’hypothèse que g ∈ C(f ) pour évaluer g maintenant sur
chaque element de cette base de E. En posant y = f j (x) pour j = 0, . . . , n − 1 on a
! n−1
n−1
X
X
g(y) = f j (g(x)) = f j
ak f k (x) =
ak f k (y).
k=0
Puisque les valeurs de g et celles de l’endomorphisme
une base de E, on en déduit (4.2).
k=0
Pn−1
k=0
ak f k sont les mêmes sur
On démontre maintenant la réciproque de la Proposition 4.4.
Proposition 4.5. Soit f ∈ L(E) tel que C(f ) = K[f ]. Alors f est cyclique.
Proof. Soit x ∈ E tel que µf = µf,x . Par la proposition 3.2 on a E = Ef,x ⊕ F pour un
sous-espace stable F . Montrons que F = 0.
Soit p le projecteur sur F parallèlement à Ef,x . On a vu la semaine dernière que
p ∈ C(f ), car Ef,x et F (le ker et image de p) sont stables par f . Par l’hypothèse, il
existe P ∈ K[T ] tel que p = P (f ).
Comme x ∈ Ef,x on a P (f )(x) = p(x) = 0E , ce qui montre que µf,x divise P . Mais x
était choisi de satisfaire à µf,x = µf , donc P annule f . On obtient donc que p = P (f )
est l’endomorphisme nul, ce qu’il fallait démontrer.
On en déduit, par l’un ou l’autre critère, que le bloc de Jordan Jn est cyclique, et
toute matrice diagonale dont les coefficients sont deux à deux distincts est cyclique. De
même, toute matrice conjugée à celles-ci est cyclique. Le dernier exemple est l’analogue
chez les endomorphismes du fait que si un groupe abélien fini G est produit direct
Z/p1 Z × · · · × Z/pn Z, où les pi sont des nombres premiers deux à deux distincts, alors
G est cyclique.
7
5. Matrice compagnon
Soit P ∈ K[T ] un polynôme unitaire de degré n, écrit comme
n
P (T ) = T −
n−1
X
ak T k .
k=0
À P on lui associe une matrice CP ∈ Mn (K),
matrice de Frobenius, donnée par

0 0 0 ···
1 0 0 · · ·

0 1 0 · · ·

...
CP =  ..
.
.
...
 ..
0 0 0 ···
appelée matrice compagnon ou bien

0 a0
0 a1 

0 a2 
..
.. 
.
.
. 
..
.. 
.
. 
1 an−1
Proposition 5.1. Soit f ∈ L(E) où E est de dimension finie. Alors f est cyclique si,
et seulement si, il existe une base dans laquelle la matrice est compagnon.
Proof. Supposons f cyclique. Posons dim E = n. Alors il existe x ∈ E tel que E = Ef,x
et une base de E est donnée par {e0 , . . . , en−1 } où ek = f k (x). Ecrivons la matrice de f
dans cette base. Pour k = 0, . . . , n − 2 on a f (ek ) = ek+1 . Pour k = n − 1 on ne peut pas
dire plus que f (en−1 ) = f n (x) = a0 e0 + . . . an−1 en−1 pour certaines constantes ai . Ainsi
la matrice de l’endomorphisme cyclique f dans cette base particulière est une matrice
compagnon.
Réciproquement, si f ∈ L(E) où dim E = n, et qu’il existe une base {e0 , . . . , en−1 }
par rapport à laquelle la matrice de f est compagnon, alors f (ek ) = ek+1 pour tout
k = 0, . . . n − 2. Ainsi la base s’écrit comme {e0 , f (e0 ), . . . , f n−1 (e0 )}. On en déduit que
E = Ef,e0 et f est donc cyclique.
Corollaire 1. Soit CP une matrice compagnon. Alors C(CP ) = K[CP ].
Proof. On vient de voir que CP correspond à un endomorphisme cyclique. Puis, une
application de la proposition 4.4 montre l’égalité énoncée.
6. Théorème de Cayley-Hamilton
Définition 6.0.1. Soit f ∈ L(E) et supposons E de dimension finie. On associe à f
le polynôme χf (x) = (−1)n det(f − xId) de degré dim E dans K[x], appelé polynôme
caractéristique de f . De même on peut définir le polynôme caractéristique χA d’une
matrice A ∈ Mn (K) par la formule χA (x) = (−1)n det(A − xId).
Remarque 2. Rappelons que le choix d’une base de E nous donne un isomorphisme
d’algèbres L(E) → Mn (E). Tout autre choix résulte en une matrice conjuguée (par la
matrice de passage d’une base à l’autre). Or, le déterminant d’une matrice est invariante
sous conjugaison. Ainsi, le polynôme caractéristique de f ∈ L(E) est égal au polynôme
caractéristique toute matrice associée à f par un choix de base de E.
Dans l’analogie avec les groupes abéliens finis, le polynôme caractéristique joue le
rôle de l’ordre du groupe. Par exemple, il en suit de la définition que deg χf = dim E.
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Pour les groupes abéliens finis, si G = H × K alors il est évident que |G| = |H| × |K|.
La proposition suivante donne l’analogue chez les endomorphismes.
Proposition 6.1. Soit f ∈ L(E), où E est de dimension finie. Si F est un sous-espace
stable par f , alors χfF | χf . Par ailleurs, si F admet un supplémentaire stable, de façon
à ce que E = F ⊕ G pour des sous-espaces stables F et G, alors χf = χfF χfG .
Proof. Choisissez une base BF pour l’espace F stable par f . Choisissez une base BG pour
un supplément G de F . Alors la matrice de f − xIdE par rapport à la base B = BF ∪ BG
est triangulaire supérieure par blocs, et le premier bloc est la matrice de fF − xIdF par
rapport à BF . Comme le déterminant d’une matrice triangulaire supérieure par bloc est
le produit des déterminants des blocs, on trouve que χfF divise χf .
Si, par ailleurs, si G est stable par f alors la matrice de f − xId par rapport à B est
en fait diagonale par blocs, et le second bloc est la matrice de fG − xIdG par rapport à
BG . Par le même raisonnement que ci-dessus, on trouve que χf = χfF χfG .
Comparer ce résultat pour les polynôme caractéristiques à celui pour les polynômes
minimaux.
Proposition 6.2. Soit P ∈ K[T ] unitaire. Le polynôme caractéristique de CP est P .
En particulier, si f ∈ L(E) est cyclique et dim E = n et E = Ef,x , alors
n
χf (T ) = T −
n−1
X
ak T k ,
k=1
Pn−1
où les coefficients ak sont tel que f n (x) = k=0 ak f k (x).
P
k
Proof. Soit P (T ) = T n − n−1
k=0 ak T un polynôme unitaire. On désignera le polynôme
caractéristique de CP par ∆(a0 , . . . , an−1 )(T ).
On peut calculer ∆(a0 , . . . , an−1 )(T ) en développant (−1)n det(CP − T Id) le long de
la première ligne. En posant
Q = T n−1 −
n−2
X
ak+1 T k
k=0
on a
∆(a0 , . . . , an−1 )(T ) = (−1)n (−T det(CQ − T Idn−1 ) + (−1)n+1 a0 )
= −a0 + T ∆(a1 , . . . , an−2 )(T ).
Ainsi, le terme constant de ∆(a0 , . . . , an−1 )(T ) est celui de P (T ). Un argument par
récurrence donne l’égalité souhaitée pour tous les coefficients.
Pour le deuxième énoncé, on prend la matrice de f dans la base x,P
f (x), . . . , f n−1 (x).
k
C’est la matrice compagnon associée au polynôme P (T ) = T n − n−1
k=0 ak T , où les
P
n−1
coefficients ak sont tel que f n (x) = k=0
ak f k (x). On vient de voir que le polynôme
caractéristique de cette matrice est P (T ).
Proposition 6.3 (Cayley-Hamilton, cas cyclique). Soit f un endomorphisme cyclique.
Alors χf est annulateur de f .
9
Proof. Soit x ∈ E tel que E = Ef,x . Il suffit de montrer que χf (f ) est nul sur la base
x, f (x), . . . , f n−1 (x). En fait, il suffit tous simplement de montrer que χf (f )(x) = 0E
P
k
car χf (f ) commute avec f . Mais si f n (x) = n−1
k=0 ak f (x), la proposition 6.2 montre
que
n−1
X
n
χf (T ) = T −
ak T k .
k=0
Ainsi
χf (f )(x) = f n (x) −
n−1
X
ak f k (x) = 0E ,
k=0
ce qui fallait démontrer.
Théorème 6.1 (Cayley-Hamilton, cas général). Soit f ∈ L(E), où E est de dimension
finie. Alors χf est annulateur de f . De façon équivalente, µf | χf .
Proof. Pour tout x ∈ E on veut montrer que χf (f )(x) = 0E . Posons G = Ef,x et
g l’endomorphisme induit de f sur G. On a χg | χf donc il suffit de démontrer que
χg (f )(x) = 0E , c’est-à-dire, χg (g)(x) = 0E . Alors par la proposition 6.3, on sait que χg
est annulateur de g. En particulier, χg (g)(x) = 0E , ce qui fallait démontrer.
Remarque 3. On en déduit du théorème de Cayley-Hamilton que deg µf ≤ dim E.
Cette inégalité nous permet, par exemple, d’établir la réciproque de la proposition
4.2. En effet, si f est cyclique, alors dim E = deg µf,x pour tout vecteur générateur x.
Mais deg µf,x 6 deg µf car le premier divise le dernier. Comme deg µf ≤ dim E, on voit
bien que deg µf,x = deg µf = dim E.
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