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La Gestion de la Relation Client dans la banque
Véronique des Garets
CERMAT IAE de TOURS
Université de Tours
La Gestion de la Relation Client dans la banque
Résumé :
Le marketing relationnel a pris une place importante dans le secteur des services. Ce
développement d’abord souligné par Berry en 1983, est aujourd’hui analysé par de
nombreux auteurs. La banque, soumise à une concurrence croissante, s’est intéressée à
cette évolution du marketing pour développer une Gestion de la Relation Client. Cette
nouvelle orientation nécessite une évolution de l’organisation pour être pleinement
efficace. Clients et personnel bancaire ne sont pas toujours favorables à ces changements.
Notre article propose de faire le point sur la Gestion de la Relation Client et les conditions
de sa mise en œuvre.
Mots Clés : Banque, marketing relationnel, fidélité, relation client, CRM
Customer Relationship Management in the bank sector
Abstract :
Relationship Marketing has played an important role in the servicing sector. Its importance
was first shown y Berry in 1983 and is now analysed by a number of authors. Competition
in the bank sector has grown and the management of the bank in interested in this type of
marketing to build a “Customer Relationship Management” (CRM).
This new way of marketing needs organisational changes t o become more efficient.
Customers and banking personnel are not always content with these changes.
Our paper presents the CRM and explains the necessary conditions for putting it into
action.
Key words: Bank, relationship marketing, loyalty, CRM
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Le paysage de l’industrie financière est en perpétuelle évolution, déréglementations
ou nouvelles technologies augmentent le nombre de concurrents potentiels. La banque
propose aujourd’hui des produits d’assurance et de leur coté les assureurs élargissent leurs
domaines d’activité vers les produits financiers et la banque. En même temps, de nouveaux
concurrents apparaissent comme les entreprises de la grande distribution. Parallèlement à
cette arrivée de nouveaux concurrents, les banques traditionnelles se concentrent. Le
marché semble saturé, le taux de bancarisation est à son maximum et le client n’hésite pas à
changer de banque s’il est mécontent, ou à multiplier le nombre de ses comptes. La prise en
compte du client a donc évolué. D’une vision produit, on est passé à une vision client. La
banque a longtemps considéré ses clients comme autant d’individus que de produits
vendus, le client est aujourd’hui considéré globalement et la part de client devient aussi
importante que la part de marché.
Le marketing relationnel connaît un engouement certain dans les entreprises de
services depuis près de 15 ans, la banque prend aujourd’hui conscience de son importance
pour fidéliser ses clients. Mais tous les clients doivent ils être fidéliser ? Et comment mieux
connaître ses clients pour être plus réactif à leur demande ? La gestion de la relation client
permet de répondre à ces questions.
Nous allons analyser la situation du marketing relationnel dans les services en
général et dans le secteur bancaire en particulier, puis nous aborderons les conditions de
mise en place d’une gestion de la relation client dans la banque ainsi que les conséquences
organisationnelles de ces nouveaux choix. Enfin, la problématique de la fidélité bancaire
sera posée.
I - LE MARKETING RELATIONNEL DANS LE SECTEUR DES SERVICES ET
DANS LA BANQUE
La première apparition de la notion de marketing relationnel date des travaux de
Berry en 1983. Il définit le marketing relationnel comme le fait d’ « attirer, maintenir et
renforcer la relation client ». On est donc bien au cœur de la problématique de la relation
client.
I-1 Du marketing de la transaction au marketing de la relation
Le marketing relationnel s’appuie sur un élargissement du concept d’échange.
L’échange relationnel est opposé à l’échange transactionnel sur trois dimensions : une
dimension temporelle, une dimension stratégique et une dimension sociale. Dans une
dimension temporelle, l’échange relationnel est situé sur le long terme. Sa durée est
indéterminée contrairement à l’échange transactionnel qui est instantané. Sa durée donne
une nouvelle perspective à l’échange.
Dans sa dimension stratégique, l’échange transactionnel ne nécessite que peu
d’investissements, les coûts de changement d’un fournisseur sont considérés comme
faibles, la dimension stratégique de l’échange est donc peu étendue. A l’opposé, l’échange
relationnel nécessite des investissements importants et changer de fournisseur a un coût
élevé. Des investissements spécifiques ont pu être mis en place pour construire la relation
3
rendant ces changements plus difficiles. Ces investissements peuvent être constitués
d’outils technologiques mais on peut les élargir au temps passé à mieux connaître son
partenaire. La dimension stratégique de l’échange relationnel est donc très élevée.
Enfin, la prise en compte de la dimension sociale de l’échange distingue l’échange
transactionnel de l’échange relationnel. L’échange transactionnel considère principalement
la dimension économique de l’échange. Le lien social est absent de cette relation.
L’approche transactionnelle reprend les thèmes de l’économie classique en plaçant
l’échange dans un simple mécanisme d’allocation des ressources.
L’échange relationnel, en se plaçant dans le long terme, intègre donc une dimension
sociale à l’échange. « Dans un échange relationnel, les participants retirent des avantages
personnels, des satisfactions de nature non économiques et s’engagent dans un échange
social » ( Dwyer, Schurr, Oh, 1987). Payne, Christopher, Clarck et Peck 1 (1998) mettent en
parallèle ces deux orientations (tableau 1)
Tableau 1 : le passage du marketing de la transaction au marketing de la relation
(Payne et al. 1998)
Marketing de la transaction Marketing de la relation
Orientation à court terme
Intérêt pour la vente isolée
Contact discontinu avec la clientèle
Mise en avant des caractéristiques du produit
Peu d’importance accore au service clientèle
Engagement limité à satisfaire la clientèle
Contacts avec la clientèle modérés
La qualité est d’abord le souci de la production
Orientation à long terme
Intérêt pour la rétention de clientèle
Contact continu avec la clientèle
Mise en avant de la valeur du produit pour le client
Beaucoup d’importance accordée au service clientèle
Engagement fort à satisfaire la clientèle
Fort contact avec la clientèle
La qualité est le souci de tout le personnel
I-2 Les services financiers tournés vers le marketing relationnel
L’approche du marketing relationnel est particulièrement bien adaptée aux services,
et donc aux services bancaires, pour quatre raisons (Berry, 1995) 2 :
L’essence même du service rend la relation interpersonnelle fondamentale.
La répétition des contacts entre les clients et les fournisseurs de services facilite l’approche
relationnelle de l’échange. La recherche d’une qualité de service par l’entreprise vise à
favoriser la fidélité du client et donc une relation de long terme. Le secteur bancaire a
longtemps recherché la qualité de service par la performance des produits et services
financiers commercialisés. Depuis quelques années la qualité de la relation interpersonnelle
est envisagée, conduisant l’entreprise vers le développement d’un marketing relationnel.
L’intangibilité du service rend difficile l’évaluation a priori du service et apport un risque à
l’acheteur. Il doit donc faire confiance à son fournisseur avant d’acquérir le service. Le
marketing relationnel est adapté à cette problématique.
1 Payne A, Christopher M, Clark M., Peck H. (1998) Relationship Marketing for competitive advantage,
Butterworth Heinemann
2 Berry L. (1995) : Relationship marketing of services- growing interest, emerging perspectives, Journal of
the Academy of Marketing Science, Vol 23, N°4, pp 226-245.
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le secteur des services a été bouleversé ses dernières années par la
dérégulation. Les transports, la distribution d’énergie, la banque ont vu les conditions de la
concurrence se durcir et le consommateur plus courtisé. Reichfeld et Sasser 3 (1990) ont
montré que fidéliser les clients favorise l’augmentation des bénéfices. Leur étude célèbre a
montré qu’une réduction de 5% de l’infidélité des clients pouvait augmenter les bénéfices
en moyenne dans les entreprises de 25%. Cette augmentation est due au coût de
recrutement élevé de nouveaux clients aussi bien qu’à l’augmentation du panier moyen des
clients les plus fidèles. Une analyse, menée dans le secteur des cartes de crédit aux Etats-
Unis par ces auteurs, a montré que la baisse du taux de défection des clients de 20 à 10%
avait doublé la durée de vie moyenne d’un client, la faisant passer de 5 à 10 ans. De la
même façon le produit net par client passait de 134 à 300 $. Ces auteurs ont souligné que si
ce taux baissait encore de 5 points, passant ainsi à 5%, la durée de la relation doublait à
nouveau et le produit net passait alors à 525 $. L’entreprise a donc tout intérêt à mettre en
place un marketing relationnel.
Une meilleure connaissance de son fournisseur réduit le risque perçu du
client. La construction d’une relation entre le fournisseur de service et le client valorise ce
dernier qui aime se sentir reconnu. Cette reconnaissance sociale a été mise en évidence
dans de nombreux secteurs de service et en particulier dans le secteur bancaire
(Parasuraman et al 1991 4). Le secteur bancaire cumule deux difficultés : il fournit un
service intangible qui rend la relation interpersonnelle entre le chargé de clientèle et le
client fondamentale, il traite d’un « produit » à forte connotations pour le client : l’argent.
A ce double titre l’approche relationnelle de l’échange est particulièrement bien adaptée.
Une façon de répondre à ce défi est de renforcer l’image de marque de
l’entreprise (Berry et Parasuraman, 1991) 5. Or la plupart des banques françaises et
européennes ont pris conscience de l’insuffisante différenciation de leur marque. En
l’absence d’un réel positionnement, le client choisit l’entreprise la moins coûteuse ou la
plus proche de chez lui. Les banques qui vont gagner cette lutte concurrentielle seront donc
celles qui pratiquent des prix faibles ou ont le réseau de distribution le plus dense. La
grande distribution se lance sur le marché financier avec des avantages sur ces deux points.
Badoc (2004)6 appelle à la création d’une politique de marque pertinente pour les banques
européennes pour gagner cette lutte concurrentielle. On associera alors à la relation
interpersonnelle, une relation entre le client et l’entreprise à travers sa marque.
Kapferer7 représente l’identité de la marque par un prisme à six facettes qu’on peut
appliquer à la banque : la facette physique comprend les caractéristiques propres de la
banque quant à ses produits et ses services. C’est la facette la plus facile à imiter pour des
concurrents ; la facette « personnalité » permet de personnifier la banque. La facette du
reflet repose sur un mécanisme d’identification pour les clients. La facette de la
mentalisation représente l’aspect « intérieur » du client. Quelle image de lui même lui
renvoie la banque : un créateur, un bon gestionnaire…La facette de la relation représente le
3 Reichfeld F., Sasser W. (1990) : zero defections: quality comes to services, Harvard Business Review,
N°68, oct. pp 105-111.
4 Parasuraman A., Berry L, Zeithaml V. (1991) : Understanding customer expectations of service, Sloan
Management Review (spring) pp 39-48.
5 Berry L., Parasuraman A. (1991), Marketing Services , New York, Free Press.
6 Badoc M .(2004), Rénover le marketing bancaire, Banque Stratégie N°216, juin ? pp 2-5.
7 Kapferer, J-N. (1991), Les Marques, Capital de l’entreprise, 3ème édition, Paris : Editions
d’Organisation
.
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type de relation proposée par la banque. Est-ce un rapport de partenariat (« la banque,
partenaire de vos projets…») ou un rapport de pédagogie (« la banque qui vous
apprend… »). Enfin, la facette culturelle rappelle l’enracinement culturel de l’entreprise.
Certaines banques choisissent par exemple d’insister sur leur caractère régional ou
mutualiste. L’image crée pour la banque une relation particulière avec le client en lui
permettant de la distinguer de ces concurrents et en créant un attachement à la marque.
Le développement des technologies de l’information (TIC) a incontestablement
favorisé le développement de la relation dans les services. Elles ont permis une meilleure
connaissance des comportements d’achat des clients, une personnalisation des services, une
meilleure coordination entre les services proposés au client et un enrichissement des
services proposés. Les TIC ont également permis le développement de la communication
ascendante et descendante entre le client et l’entreprise avec une accélération des échanges.
Dans le schéma de Flambard-Ruaud et Llosa (1999) présentant les facteurs de
changement ayant conduit au marketing relationnel (figure 1), on remarque l’importance de
ces TIC. Elles ont permis à la fois une meilleure information du consommateur et donc des
exigences nouvelles de sa part, et de nouvelles possibilités pour les entreprises pour
analyser en profondeur leur comportement en évitant la massification des propositions
jusque là dominante.
Figure 1 les facteurs de changement (Flambard-Ruaud et Llosa, 1999)8
Facteurs environnementaux:
-Intensification de la concurrence
-Renforcement de la concurrence sur les prix
-Montée en puissance des circuits de distribution
-Changements technologiques
Facteurs stratégiques:
-Stratégie de bas prix
-Amélioration de la qualitédes produits
-Taux élevédes produits innovants
-Stratégie de spécialisation
Modification du comportement du consommateur
Déclin de l’efficacitépublicitaire
MARKETING MANAGEMENT
inapplicable
MARKETING RELATIONNEL
Stratégie de rétention de clientèle
Importance croissante du
service àla clientèle
Développement et prolifération
des technologies de l’information
Problème
Opportunité
Crise
On trouve bien sûr cette évolution des TIC dans le secteur bancaire. Les TIC sont
utilisées à la fois dans les processus de gestion interne et dans la relation avec les clients.
Elles ont ouvert la voie au marketing relationnel. En interne les fichiers-clients ont été
développés et qualifiés afin de mieux suivre l’évolution des acheteurs. La difficulté pour
les opérateurs est d’avoir un fichier fiable pour un suivi optimal de la clientèle. Or si les
informations sont correctement saisies lorsque l’individu devient client de la banque, la
mise à jour est plus difficile. Pourtant elle est une condition fondamentale à la réussite des
politiques de fidélisation menée dans le cadre d’un marketing relationnel. L’ensemble des
informations recueillies sur les consommateurs ou les concurrents forme le Système
d’Information Marketing. En externe l’explosion des moyens d’échange renforce les liens
entre la banque et ses clients par l’envoi de messages personnalisés ascendants et
8 Flambard Ruaud S., Llosa S. (1999), Marketing relationnel et marketing des services : une profonde
complicité, in Bernard Pras (eds) Faire de la Recherche en Marketing, Bernard Pras, Vuibert.
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