Quelle formation initiale et continue pour les professionnels éducatifs travaillant en IME ?

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QUELLE FORMATION INITIALE ET CONTINUE POUR LES
PROFESSIONNELS ÉDUCATIFS TRAVAILLANT EN IME ?
Philippe Heim
ERES | « Empan »
2016/4 n° 104 | pages 66 à 70
ISSN 1152-3336
ISBN 9782749253848
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-empan-2016-4-page-66.htm
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Quelle formation
initiale et continue
pour les professionnels
éducatifs travaillant
en IME ?
Philippe Heim
C’est sur cette interrogation qu’il m’a été proposé de réfléchir et
d’essayer d’apporter quelques points de débat. Sur un plan purement
méthodologique, il semble que la première étape est de déconstruire
la proposition, d’en définir les différentes composantes et d’essayer
de mettre en exergue toute la complexité du problème et de son
contexte. Cette dénomination générique, a priori simple et explicite,
pose, de fait, incidemment, trois postulats dans l’intitulé :
–il y aurait une spécificité des professionnels éducatifs liée aux
IME ;
–les IME sont une entité homogène en termes de public, d’organi-
sation, de projet ;
–les professionnels éducatifs représentent un corpus bien identifié
et repéré.
Un premier élément à prendre en compte est que les notions de
formation initiale et continue n’ont plus cours si ce n’est dans les
représentations qu’en ont les acteurs ; en effet, depuis les lois
successives sur la formation professionnelle, il s’agit de formation
tout au long de la vie, la différenciation entre la dimension initiale
et continue étant essentiellement liée au mode de financement. On
peut toutefois postuler, pour l’exercice, que nous nommerons
formation continue ce qui advient en complément, après un premier
diplôme professionnel.
Un autre facteur incident de l’interrogation est que la question est
plus une question de compétences et de savoirs à acqrir, de
parcours professionnalisant. Lesquels, savoirs et compétences,
Philippe Heim,
directeur de l’institut
Saint-Simon – ARSEAA,
avenue du Général De Croutte,
31100 Toulouse.
1. G. Le Boterf, Construire
les compétences individuelles et
collectives. Agir et réussir avec
compétence, les réponses
à 100 questions, Paris, Eyrolles,
2015 (7eédition).
2. SOP – Syndicat général
organisme privé sanitaire et
social, SNASEA Syndicat national
au service des associations
du secteur social et
médicosocial, fusionnés
dans le SYNEAS Syndicat
des employeurs associatifs
de l’action sociale et
médicosociale ; FEGAPEI
Fédération nationale des
associations gestionnaires
au service des personnes
handicapées et fragiles ;
aujourd’hui NEXEM est la fusion
des trois ; FEHAP Fédération
des établissements hospitaliers
et d’aide à la personne, privés
non lucratifs.
…/…
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Dossier
LES ACTEURS
ET LES
PRATIQUES
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Q u e l l e f o r m a t i o n i n i t i a l e e t conti n u e p our l e s p r o f e s s i o n n e l s é d u c a t i f s t r a v a i l l a n t e n IM E ?
n’existent que s’ils sont évalués, ce qui nous
amène à intégrer cet aspect dans la proposition.
Le « savoir agir et interagir en situation » déve-
loppar Guy le Boterf 1explicite que le fait
de posséder des compétences ne rend pas
compétent pour autant si celles-ci ne sont pas
agies dans un contexte, en référence au proces-
sus qu’un professionnel met en œuvre lorsqu’il
agit avec pertinence et compétence en situation.
Dans ce quil est convenu dappeler « le
secteur », la référence à l’expérience est souvent
convoqe par les professionnels en place et
les équipes de direction, pour beaucoup tenant
du « avant on était mieux formés, on était plus
engagés… C’était différent ». Effectivement, il
y a peu de rapport entre le niveau de complexité
des problématiques auxquelles sont confrontés
les nouveaux professionnels et les réalités de la
fin des Trente Glorieuses, voire jusquaux
années 2000. Les cadres de référence qui ont
présidé, après guerre, à la structuration des
espaces professionnels sociaux et médico -
sociaux ont vu leurs lignes de partage s’effilo-
cher jusquà disparaître. Les confrontations
didées, les engagements idéologiques, qui
alimentaient le débat entre mouvements d’édu-
cation populaire, structures confessionnelles,
associations de parents, Éducation nationale…,
portés par des groupements et syndicats
employeurs 2, n’ont plus cours ; les regroupe-
ments et fusions des syndicats et des branches,
des associations, la polarisation des agréments
signent un changement de paradigme radical,
économique, politique et social, du « champ »
et de ce qui en termine le sens. L’ancrage
revendiqué des Unions dans l’économie soli-
daire (UDES) peut être la base d’un nouveau
bat d’ies. Parallèlement, peu de rapport
également entre les niveaux acquis de savoirs
et de connaissances exigés actuellement dans
les formations et les diplômes d’État, et ce qui
faisait référence avant les réformes des titres et
le passage aux crédits européens. Les profes-
sionnels entrant dans la carrière aujourd’hui
sont bien mieux et bien plus équipés que nous
ne l’étions 3et ainsi mieux armés à affronter les
défis et problématiques qui leur sont proposés,
tant au regard des prescrits de la commande
publique que des transformations des organisa-
tions ou de l’évolution des publics accueillis.
Ce discours régulièrement véhiculé selon lequel
les éducateurs d’aujourd’hui sont moins bien
fors, moins engagés, que le processus de
formation ne produit pas ce qui est escomp
en termes de compétences par les terrains
professionnels (dénomination générique qui
associe les acteurs sur l’ensemble de la chaîne
des fonctions) est à mettre en perspective avec
le fait que dans ce processus d’apprentissage
en alternance, plus de la moitié du temps de
formation est effectué dans le cadre de stages
de formation pratique. Dans le cadre récent des
formes des formations, les professionnels,
reprenant ainsi les processus historiques de l’ap-
prentissage, sont les premiers formateurs. Cette
fonction tutorale, formatrice, est également à
intégrer dans le processus de formation perma-
nente, partant du fait que le fait d’exercer un
métier, voire avec une ancienneté importante
(cf. ancienneté versus compétence), ne garantit
en rien la compétence à en transmettre les
compétences.
La confusion, constante, inhérente au secteur,
entre expérience et ancienneté s’inscrit égale-
ment dans la problématique.
Un autre aspect concerne la notion de « profes-
sionnels éducatifs » et les tiers qui compo-
sent ce corpus, la mission qui leur est dévolue
et ce qui fait sens. Dans le cadre d’un institut
médico-éducatif (cette dénomination pouvant
spécifier des acteurs des deux champs, sanitaire
et éducatif), que revêt ce corpus ? Ceux de la
filière éducative, sociale… ? Tous les profes-
sionnels participent-ils à la fonction éducative
de la structure ? Si l’on s’entend assez large-
ment sur la finalité, cest-à-dire essayer de
permettre à celles et ceux, quel que soit leur
âge, qui sont en marge, quelles qu’en soient les
raisons situation de handicap, précarité, âge,
difficultés sociales de tous ordres, délin-
quance… , de prendre le train soctal sans
finir sysmatiquement sur le marchepied au
mieux, si ce n’est sur la voie, on reste assez en
difficulpour ce qui est de définir quels sont
les métiers reconnus comme « professionnels
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éducatifs ». La fonction éducative dans un IME n’est pas le domaine
réser des professionnels éducatifs, pas plus que le soin n’est
celui des decins, psychologues et autres acteurs des tiers de
la santé. Ce qui fait soin est ce qui est porté par l’institution dans
ses composantes multiples.
La plupart des écrits positionnent les éducateurs spécialisés (ES),
moniteurs éducateurs (ME) et aides médico-psychologiques (AMP),
voire éducateurs de jeunes enfants, dans le cadre des professionnels
éducatifs. Les études de la DREES de 2010 englobent les dénomina-
tions éducatif, pédagogique et social pour un ratio de 55 % des
professionnels en IME, avec une partition présentant deux fois plus
de MEque d’AMP et unme différentiel entre MEet ES.
LES IME, QUELLE SPÉCIFICITÉ ?
De fait, même si la définition générique des IME demeure stable
depuis leur création avec les annexes XXIV en 1989 (des établis-
sements préexistaient pour accueillir des enfants et adolescents de
moins de 20 ans présentant des handicaps), au fil du temps, des
différentes lois liées à la scolarisation, aujourd’hui à l’inclusion
des enfants présentant une situation de handicap dont la déficience,
l’évolution des cadres de référence (psychanalyse, behaviorisme,
psychothérapie institutionnelle, sociologie, anthropologie…), des
concepts (résilience, don, care, cure, empowerment, humanitude…),
des approches (individuelle versus collective, théorie versus
pratique, psychologique versus sociologique…), la restructuration
des organisations et le développement de dispositifs ambulatoires
ou type SESSAD, les cadres législatifs et règlementaires (2005…)
accompagnent la mutation de ces structures d’accueil et de soin
(dans son acception OMS et non sanitaire). Entre IME, IMP, IMPro…, ces
établissements présentent une grande disparité dans leurs formes
d’organisation, leurs projets, leurs modes de gouvernance, ainsi
qu’en ce qui concerne les profils des enfants, adolescents et jeunes
adultes accompagnés.
La fonction, la place des « professionnels éducatifs » dans ce
contexte est complexe, voire difficile à appréhender. Les métiers
« sociaux » sont adossés à des formations génériques qui doivent
permettre aux professionnels d’exercer leurs compétences dans un
spectre très large de cadres d’emplois, allant de la petite enfance à
la personne âgée, dans des services ou établissements ouverts ou
avec hébergement, auprès de personnes présentant des handicaps
ou en situation de précarité, d’exclusion, ainsi que dans le cadre
de la protection de l’enfance ou du secteur socio-judiciaire.
Aujourd’hui, les espaces professionnels sont encore plus larges,
intégrant les problématiques émergentes liées à des facteurs de
crise hors des frontières.
…/…
3. F. Muel-Dreyfus, Le métier
d’éducateur. Les instituteurs de 1900,
les éducateurs spécialisés de 1968,
Paris, Éditions de Minuit, 1983 : « Le
métier d’éducateur spécialisé offre à
cette génération, outre un salaire
correct, de nombreux avantages : il
n’exige pas d’études supérieures,
majore ce que l’on est par rapport à ce
que l’on sait, n’offre pas de postes
définis une fois pour toutes et permet
donc l’innovation. »
4. C. Dubar, La socialisation.
Construction des identités sociales et
professionnelles, Paris, Armand Colin,
2000, p. 118.
5. J.-P. Gaillard, L’éducateur spécialisé,
l’enfant handicapé et sa famille.
Manuel à l’usage des professionnels
de l’éducation spécialisée et des
familles, Paris, ESF, 2012, p. 17.
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EMPAN N°104
Dossier
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Q u e l l e f o r m a t i o n i n i t i a l e e t conti n u e p our l e s p r o f e s s i o n n e l s é d u c a t i f s t r a v a i l l a n t e n IM E ?
Parallèlement, au regard de leurs diplômes et
place dans l’organisation, du projet d’établis-
sement, du projet associatif ou de l’employeur
public, la fonction de ces « professionnels
éducatifs » balance entre « prise en charge
éducative », « accompagnement social », « réfé-
rence de projet personnali ou projet indivi-
dualisé », « coordination déquipe de
travailleurs sociaux », « animateur d’activités »,
combinaison de fonctions
De fait, il semble évident que la question de
l’engagement dans un processus continu d’ac-
quisition de compétences et de savoirs s’impose,
et avec une nécessité particulière pour ce qui
est des IME au vu de l’évolution et des transfor-
mations importantes auxquelles ces établisse-
ments ont été confrontés, telles la diversification
des modes d’accueil, la spécialisation, la person-
nalisation des parcours.
Selon Claude Dubar 4, être professionnel est un
mode de socialisation fort « pour réaliser la
construction biographique d’une identiprofes-
sionnelle et donc sociale, les individus doivent
entrer dans des relations de travail, participer
sous une forme ou sous une autre à des activités
collectives dans des organisations, intervenir
d’une manière ou d’une autre dans des jeux
d’acteurs ». On peut comprendre la difficulà
se situer professionnellement, « ographique-
ment » ou/et « symboliquement » dans un orga-
nigramme et un fonctionnement au regard des
autres professionnels et en lien avec les jeunes
accueillis et les parents ou responsables légaux.
Par ailleurs, chaque corps professionnel, champ
disciplinaire, véhicule ses codes, son langage,
son histoire, est empreint denjeux Psy -
chiatres, psychologues, infirmiers, assistants de
service social, enseignants spécialisés, encadre-
ment, orthophonistes, etc., ont un spectre d’in-
tervention, d’action, lié à une expertise et un
savoir reconnu, identifié, validé. Si l’on consi-
dère les éducateurs (au sens large) comme
professionnels éducatifs, ceux-ci, en France, ne
peuvent se référer à un cadre de référence scien-
tifique ou universitaire spécifique et reconnu, à
une technicité explicite, à des concepts du
« travail social ». Un « bon » éducateur est un
éducateur qui « fait », « la double contrainte
culpabilisante dans laquelle les éducateurs sont
emprisonnés, soit normaliser, intégrer, rentabi-
liser le non-normalisable, non-intégrable, non-
rentable, a conduit la profession à une religion
du “faire” 5».
Leur compétence doit être validée en acte, dans
le faire, dans l’action, la capacité à appréhender
des problématiques complexes, en discerner les
contours et enjeux, à les inscrire dans un ou
des projets et à socialiser les hypothèses envi-
sagées auprès d’autres professionnels dont ils
doivent préalablement avoir intég les codes
et modes de communication faute de se voir
invalidés dans leur légitimité à faire émettre du
sens. Compétences et savoirs n’ont de réalité
effective que confrontés à leur évaluation. Dans
ce contexte, la question de la professionnalisa-
tion, de la formation (qu’elle soit initiale, conti-
nue, permanente) des professionnels, est un
enjeu fort des nouvelles organisations, mais
également de leur devenir et de la pertinence
de ce qui est engagé auprès des personnes
accueillies et accompagnées dans les services,
établissements ou pôles.
Au-delà des compétences et savoirs pertinents
pour des professionnels exerçant en institut
dico-éducatif, la question, semble-t-il, est
plutôt de savoir comment les acquérir. Ce qui
interroge tout à la fois les référentiels des diffé-
rentes formations et la place des employeurs,
des professionnels, mais aussi, au regard des
orientations du plan d’action interministériel
pour l’action sociale, des personnes accueillies,
dans leur élaboration. Quelle fonction « appre-
nante » des organisations ? Comment agir le
rôle de tuteur, de transmetteur d’une technicité,
mais également d’une culture, des profession-
nels entre eux, entre les générations, les secteurs
d’activité ?
Dans une profession la fonction d’accompa-
gnement (cum panis) se combine avec celle
d’éduquer (ex ducere, conduire vers…, hors de…,
au sens d’émanciper, de s’élever), la question
de la recherche permanente du sens de l’action
(sociale, éthique, politique) participe des fonde-
ments mêmes de ce qui fait socle à l’acquisition
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