en enchaînement ensuite. On se situe ici à un niveau phonétique
puis phonologique.
Le niveau phonologique, c’est-à-dire la capacité du sujet à
enchaîner les sons constitutifs de la langue et à produire des mots
plus ou moins longs et complexes, est plus élaboré que le précé-
dent. Les phonèmes intégrés dans une chaîne parlée s’influencent
mutuellement, et on peut assister, chez l’enfant, à des difficultés
de programmation phonologique qui entraînent des simplifica-
tions, plus communément nommées « facilitations phonolo-
giques ». Par exemple, il est plus facile d’un point de vue
phonologique de produire le mot [krain] que le mot [train]. Ainsi,
les jeunes enfants qui commencent à parler font souvent cette
altération phonologique, ce qui est tout à fait normal dans le
cadre de l’apprentissage du langage oral. Ces deux niveaux de
structuration de la langue (phonétique et programmation phono-
logique), quand ils sont retardés dans leur développement, consti-
tuent le retard simple de parole. Ces types de retard font l’objet
d’un suivi orthophonique, en général d’assez courte durée (moins
d’une année 1).
Lorsque l’on parle de retard de langage, la référence en termes de
modalité de langage oral est en lien avec la construction lexicale
et la structuration morphosyntaxique. On atteint ici un niveau
plus avancé d’expression orale. La structuration lexicale trouve
ses fondements dans la capacité de l’enfant à fixer progressive-
ment des contours sonores invariants, associés à une représenta-
tion sémantique stable. La représentation des concepts liés aux
formes sonores dépend étroitement des relations que les concepts
entretiennent entre eux d’une part, et du contenu de la mémoire
épisodique du sujet d’autre part. Il est important de considérer ici
la notion de « mémoire sémantique », associée au concept de
«mémoire épisodique », décrits dans les travaux de E. Tulving
(1972). La « mémoire sémantique » contient les signifiants des
différentes formes sonores qui constituent le lexique interne, et la
mémoire épisodique contient l’histoire de l’individu. Les deux
formes de mémoire sont étroitement liées. La mémoire séman-
tique intègre également le stockage des « mots fonctions », ou
morphèmes grammaticaux (notamment les prépositions,
conjonctions, connecteurs logiques) qui y occupent une place
particulière puisqu’ils ne renvoient pas directement à un concept,
mais à une mise en relation des mots entre eux.
La construction morphosyntaxique constitue une étape essen-
tielle pour l’enrichissement de l’expression orale humaine. En
effet, si nous ne disposions que de la modalité lexicale pour nous
exprimer, nous ne pourrions décrire le monde que d’un point de
Acculturation/déculturation
Rappelons que le phonème
n’est pas constitué par
un son seul, mais par
un groupe de sons.
Un même phonème peut
présenter des
caractéristiques acoustiques
différentes selon
la personne qui le produit,
mais l’interlocuteur
reconnaîtra toujours
le même phonème.
Leur différenciation est
étroitement liée aux
caractéristiques linguistiques
et acoustiques de la langue
maternelle. Par exemple,
comme le décrit Jean Caron
(1989), le phonème [k],
en français, est réalisé
différemment dans les mots
« qui » et « cou », mais reste
identifié comme étant
le même phonème.
En arabe, ces deux
réalisations articulatoires du
[k] sont perçues comme
des phonèmes différents.
Un locuteur francophone ne
pourra donc pas différencier
ces deux variations
acoustiques du phonème
[k], alors qu’un locuteur
arabophone le pourra.
Àl’inverse, en langue arabe,
il n’existe pas de
différenciation phonétique
entrele [e] et le [i]. Ce que
nous pouvons différencier,
locuteurs francophones,
entre les mots « il »
et « elle », sera plus
difficilement distingué
et reproduit par un locuteur
arabophone.
1. Précisons ici que la
temporalité des orthophonistes
est un peu particulière, puisque
nous considérons comme
brèves des prises en charge
de moins d’un an, et comme
réellement longs des suivis
qui dépassent trois années.
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Enf&Psy n°48 10/11/10 18:05 Page 46
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