Nouvelle Revue de psychosociologie - 14
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« socio-éthique » du désavantage. Effort qui pourrait toutefois se voir contrarié par les
implications mêmes de cette définition, générique, qu’entend simultanément promou-
voir ce texte de loi.
S’il est bien question de « restriction de participation subie dans son environnement
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»
pour qualifier la notion de handicap stricto sensu – c’est-à-dire bornée aux conséquen-
ces sociocomportementales négatives de de toutes sortes d’altérations fonctionnelles,
qu’elles soient de nature physique, somatique, sensorielle, cognitive, ou encore
psychique –, la notion de « handicap psychique » que le texte avalise ainsi implicite-
ment n’est sans doute pas sans devoir engager un certain nombre de changements
d’angles de vue par rapport aux définitions classiques, biomédico-sociales du
handicap.
Aussi son introduction dans le champ médico-légal viendrait-elle, d’une certaine façon,
faire obstacle à la véritable inscription du dispositif de 2005 dans la perspective socia-
lisante que les législateurs ambitionnaient de rallier. Car la conception socioenvironne-
mentale du handicap, comme l’ont déjà fait valoir les acteurs du champ de la maladie
mentale
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, rencontre peut-être ici ses limites. Comment dissocier les troubles psychi-
ques de leurs conséquences sociales restrictives, si l’on considère que ce type de
pathologies se définit du point de vue même de ce qu’il engage comme perturbation
du contact avec le monde extérieur, et comme rupture avec les normes socioculturel-
les en vigueur dans un espace communautaire donné ? Car il en va bien en réalité de
la spécificité des troubles psychopathologiques d’engager déjà par eux-mêmes, en
eux-mêmes, une perturbation du contact avec le monde extérieur, pour autant qu’il
s’agisse là de troubles qui atteignent les personnes dans leur subjectivité et leur
conscience (Delbecq, Weber, 2009), dans leur construction narcissique et identitaire,
et de fait, dans leur rapport au monde.
Ce qui revient en fait à reconsidérer le handicap, psychique en l’occurrence, comme
inhérent à la personne, à sa façon de « fonctionner » et d’être au monde, tandis que
la perspective sociosituationnelle proposait de mettre plutôt l’accent sur la part socia-
lement construite de celui-ci, dans l’optique de le des-essentialiser et de le décoller de
l’être des personnes qui le subissent, pour en faire apparaître le caractère en partie
extrinsèque à celles-ci. Ou plus exactement, cela revient à faire reconnaître l’implica-
tion de la structure subjective de l’individu dans ce défaut d’inscription sociale, aux
côtés de facteurs socioculturels évidents, et du poids des cadres normatifs qui régu-
lent la vie publique.
Par ailleurs, on constate aujourd’hui, non sans surprise, la quasi-absence des psycho-
logues cliniciens dans le débat relatif à cette question, dès lors que la notion de
Cf. P. Peretti, V. Boucherat-Hue, « Processus de formation des handicaps dans les trajec-
toires toxicomaniaques », Bulletin de psychologie, n° 520(4), 2012, p. 351-364.
4. Cf. définition du handicap dans la loi du 11 février 2005 : « Constitue un
handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de
participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne
en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs
fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un poly-
handicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
5. Cf. note de l’UNAFAM dans Rapport Charzat, 2002, p. 25.
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Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut pour le Travail Éducatif et Social - - 194.2.76.126 - 14/03/2013 09h45. © ERES
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