Michel Dubois346
29 juillet 2013 10:21 PM ‑ L’Année sociologique vol. 63/2013 - n° 2 ‑ Collectif ‑ L’Année sociologique ‑ 135 x 215 ‑ page 346 / 530
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futilité – à quoi bon restituer l’« arrière-cuisine » de la science, celle-ci
ne se sut-elle donc pas à elle-même ?
Ainsi que le rappelait Jean-Michel Berthelot (2008), il existe
autant de façons de répondre à cette double interrogation que de
façons de définir la science comme activité sociale. La controverse
qui agite cycliquement depuis trente ans la sociologie des sciences
autour de la démarcation de la science l’illustre abondamment. La
polarité de cette controverse peut être rappelée ici à grands traits.
D’un côté la thèse selon laquelle le caractère social de l’activité
scientifique n’est ni banal ni futile dans la mesure où il représente
la condition nécessaire de l’autonomie, sinon absolue du moins
relative, de la science et de ses produits. Le social s’apparente ici à un
état et/ou un processus collectif – interactionnel, organisationnel,
normatif – dont la spécificité est indissociable de celle des produits
de l’activité scientifique comme de la légitimité du « pouvoir social »
des scientifiques. De l’autre, la thèse selon laquelle le caractère social
de l’activité scientifique ne peut être ni banal ni futile dans la mesure
où il fait l’objet d’un travail systématique d’occultation de la part
des scientifiques. Une fois « dévoilé » par le sociologue, il permet
d’en finir définitivement avec l’« illusion » d’une autonomie de la
science et de la communauté scientifique. Le social s’apparente là
encore à un état et/ou un processus collectif, mais dont l’absence de
spécificité ne peut qu’alimenter tant le scepticisme quant à celle des
produits de l’activité scientifique que la critique du « pouvoir social »
des scientifiques.
Cette controverse a été reconstituée dans ses grandes lignes
historiques et épistémologiques (Stehr, 1978 ; Ben-David, 1991 ;
Boudon, Clavelin, 1994 ; Dubois, 2001 ; Raynaud, 2003 ; Shinn,
Ragouet, 2005 ; Evans, 2005). La sociologie des sciences nord-
américaine – en particulier celle développée en contact direct
ou indirect avec les départements de sociologie des univer-
sités de Harvard ou de Columbia dans la seconde moitié du
e siècle – incarne traditionnellement le pôle centré sur l’idée
d’une autonomie de la science. Pour mémoire on peut évoquer
rapidement quelques figures sociologiques classiques. Dans le sillage
des variantes du fonctionnalisme incarnées par Parsons et Merton,
B. Barber (1953) arme par exemple que « la science conserve
une marge d’indépendance, comme toutes les autres parties de
la société, parce qu’elle possède sa propre structure interne et un
principe d’action qui lui est propre ». Parmi les éléments qui garan-
tissent l’« autonomie relative de la science » il faut compter certes
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