Etats septiques et bactériémies nosocomiales : définition, épidémiologie, traitement et prévention Pr Moussa SEYDI1 & Pr Ndeye Mery DIA BADIANE2 1. 2. Service des maladies infectieuses et tropicales de Fann & Universite Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal) Service des maladies infectieuses et tropicales de Saint Louis & Universite Gaston Berger, Saint Louis (Sénégal) Définition d’une infection • L'infection : résultat de l'agression d'un organisme vivant (l'hôte) par un autre micro-organisme vivant (l'agent infectieux). • Cette agression se traduit par des manifestations cliniques et/ou biologiques qui expriment le conflit entre le pouvoir pathogène de l'agent infectieux et les défenses de l'hôte. 2 Définition d’une infection • Une infection peut être – localisée (par exemple un abcès) – systémique (par exemple l'infection à VIH) • Elle peut être – générale d’emblée (infection sur cathéter veineux par exemple) – généraliser secondairement, à la faveur du passage de l'agent infectieux (ou des substances qu'il a élaborées) dans la circulation sanguine • Selon l'agent infectieux isolée dans le sang, on parlera de bactériémie, de virémie, de parasitémie ou de fongémie 3 Définitions états septiques 4 Définitions états septiques • Sepsis sévère : – Syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) + – Infection cliniquement suspectée ou microbiologiquement documentée + – une ou plusieurs défaillances d’organe. 5 6 Définitions états septiques • Choc Septique : – Syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) + – Infection cliniquement suspectée ou microbiologiquement documentée + – une ou plusieurs défaillances d’organe. – Hypotension artérielle malgré remplissage correct 7 Calcul du score SOFA (Sequential Organ Failure Assessment) 8 9 Mortalité (40%) 10 11 Conduite a Tenir – Hospitalisation dans une Unité de soins intensifs dés examen fait et diagnostic posé – Voie veineuse – Monitorage: TA, pouls, FR, Saturation en oxygène, diurèse – Biologie : étiologie et retentissement • Hémocultures répétées et prélèvements sites infectieux • Imagerie médicale • Autres Examens para cliniques : gaz du sang, pH, ionogramme sanguin et urinaire, glycémie, hémostase, lactates, etc… 12 Évolution • Modalités évolutives – Décès – Guérison – Choc septique 13 Choc septique Début : choc chaud • S’installe dans les heures suivant un grand clocher thermique à 40°- 41° C avec frissons, • Tension artérielle peut être normale ou augmentée mais particulière car instable avec une différentielle élargie • Pouls est accéléré, vibrant, bondissant • Faciès est rouge, vultueux • Chaleur des téguments ( peau chaude et sèche) • Extrémités chaudes et normalement colorées 14 Choc septique Période d’état : Choc froid • Malade est prostré ou anxieux, agité voire confus ou comateux • Faciès terreux, pâleur • Marbrures cutanées violacées des membres voire généralisées • Extrémités sont froides; Cyanose des ongles nette et prolongée • Allongement du temps de coloration cutanée • Chute de la tension artérielle systolique en dessous de 90 mm Hg différentielle est pincée • Pouls accéléré petit, filant, parfois imperceptible • Veines jugulaires sont plates 15 16 BACTERIEMIES NOSOCOMIALES 17 Définitions Bactériémie nosocomiale: • hémoculture positive documentée plus de 48h après l’admission du patient associée à la présence de signes cliniques évocateurs d’un état septique. – hyperthermie > 38°C – frissons ou choc – hypothermie – terme englobe les épisodes bactériennes et fongiques. 18 Classification Bactériémie primaire: • Hémoculture positive en l’absence de source d’infection au niveau d’un autre site anatomique. • Concerne aussi les infections compliquant l’insertion d’un cathéter intraveineux ou intra artériel (CDC) Bactériémie secondaire. • Infections documentées au niveau d’un autre site anatomique • Microorganismes identifiés simultanément ou séquentiellement ( sang / site anatomique ) 19 EPIDEMIOLOGIE • Bactériémies nosocomiales • > 1/3 : sur cathéters ++ 20 EPIDEMIOLOGIE • Donnes Globales • En 2014, 19 996 fiches de prélèvements BMR ont été renseignées par les 1 442 ES participant. Parmi elles, 1 631 concernaient des bactériémies (8,2 % de l’ensemble des BMR) dont 37,0 % à SARM (n=603, soit 9,9 % des 6 120 prélèvements à SARM) et 63,0 % à EβLSE (n=1 028, soit 7,4 % des 13 876 prélèvements à EBLSE) . Bulletin CClin-Arlin n° 2 - mars 2016 21 EPIDEMIOLOGIE • Donnes Globales • 52,8 % des bactériémies à EBLSE étaient à E. coli (6,8 % des prélèvements à E.coli BLSE), 30,6 % à des K. pneumoniae (9,5 % des prélèvements) et 12,5 % à des E. cloacae (8,9 % des prélèvements). En dehors de ces espèces, seules 42 autres bactériémies à entérobactéries BLSE avaient été colligées (4,3 % des 967 prélèvements). Bulletin CClin-Arlin n° 2 - mars 2016 22 EPIDEMIOLOGIE • Selon le Service • Les bactériémies à BMR concernaient principalement les services de médecine (44 % pour les SARM, 37 % pour les EBLSE), chirurgie (18 % pour les SARM, 16 % pour les EBLSE) et de réanimation (10 % pour les SARM, 18 % pour les EBLSE). Bulletin CClin-Arlin n° 2 - mars 2016 23 EPIDEMIOLOGIE • Selon le Service • Les incidences des bactériémies en court séjour étaient pour les EBLSE de 0,075/1000 JH et de 0,043 pour les SARM. • Si ces incidences étaient faibles dans les services de soins de suite et de réadaptation (0,010 pour les EBLSE et 0,008 pour les SARM) et soins de longue durée (0,009 pour les EBLSE et 0,006 pour les SARM), elles étaient très élevées dans les services de réanimation (0,335 pour les EBLSE et 0,113 pour les SARM). Bulletin CClin-Arlin n° 2 - mars 2016 24 EPIDEMIOLOGIE incidence des bactériémies à SARM / 1 000 JH (cohorte de 624 établissements) 25 EPIDEMIOLOGIE incidence des bactériémies à EBLSE / 1 000 JH (cohorte de 624 établissements) 26 EPIDEMIOLOGIE • Du rapport sur la surveillance des bactériémies publié par le CCLIN Ouest (Résultats – Année 2010) se dégagent un certain nombre de caractéristiques : • L’âge moyen des patients est de 68 ans et ne varie que peu selon le sexe ; • La plupart des bactériémies (69%) ont été observés en court séjour (services de chirurgie, médecine, gynécologie et obstétrique, pédiatrie et réanimation) ; 27 EPIDEMIOLOGIE • 53,4% sont communautaire et 43,8% est d’origine nosocomiale ; • La porte d’entrée urinaire est la porte d’entrée la plus courante (28%). Les portes d’entrée digestive et pleuro-pulmonaire représentent 29% des bactériémies. La porte d’entrée « dispositif intravasculaire » regroupant les portes d’entrée cathéter central, cathéter périphérique, chambre implantée et autres cathéters représente 11% des portes d’entrée. (Tableau 2) 28 EPIDEMIOLOGIE • Parmi les bactériémies ayant une porte d’entrée pleuro-pulmonaire ou urinaire, 24,4% ont un dispositif invasif présumé en cause : intubation et trachéotomie, présence d’une sonde. • La létalité à 7 jours est de de 8,8%. • 94% des bactériémies sont monomicrobiennes et 6 % polymicrobiennes. • Les principaux germes isolés sont Escherichia coli (31%) et Staphylococcus aureus (15%). 29 Tableau 2: Principaux microorganismes isolés des bactériémies Données issues du rapport du CCLIN Ouest (2010) 30 EPIDEMIOLOGIE 31 Clinique • Anamnèse : fièvre élevée ± frissons et sueurs, ou hypothermie (entérobactéries) Apyrexie dans certaines circonstances : – Sujet âgé – Immunodépression, corticothérapie – Traitement antipyrétique • Clinique : variée selon la porte d’entrée et les éventuelles localisations secondaires, le germe en cause, le terrain… 32 Paraclinique • Hémocultures : toujours par paires, un flacon en aérobiose et le second en anaérobiose • Prélèvement : asepsie stricte, on réalise 2 à 3 paires d’hémoculture sur plusieurs sites différents ou espacés de 30min (pas de consensus) en dehors d’un sepsis grave, avant tout antibiotique. - En cas de suspicion de bactériémie/fongémie sur cathéter central, le 2ème site sera le cathéter. - En cas de suspicion d’endocardite, on réalisera des prélèvements espacés dans le temps. - En cas de sepsis grave ou de choc septique, les 2 paires seront réalisées sur le même site afin de ne pas retarder l’antibiothérapie. 33 Paraclinique Prélèvement • Un volume de 30 à 40 mL est optimal pour assurer une bonne détection des bactériémies – Soit réaliser des prélèvements multiples : de 2 à 3 prélèvements de 2 flacons. L’intervalle entre les prélèvements n’a pas d’importance (30 à 60 min) 34 Paraclinique Prélèvement – Soit réaliser un seul prélèvement et recueillir le sang dans 4 à 6 flacons. Le prélèvement unique est simple, permet de réduire les contaminations (taux de contamination divisé par 2 ou 3 / prélèvements multiples) et enfin il permet de démarrer une antibiothérapie plus rapidement. Attention : le prélèvement unique n’est pas conseillé en cas d’endocardite 35 Paraclinique Prélèvement • Étiqueter correctement l'ensemble des flacons • Une fiche de renseignement correctement étiquetée doit accompagner les prélèvements, elle doit indiquer : nom et prénom du patient ; date et heure du prélèvement, mode de prélèvement (ponction veineuse ou sur cathéter), service d’origine, température du patient au moment du prélèvement, traitement antibiotique s’il existe (nom de la molécule). 36 Figure 3 : Procédure prélèvement direct hémocultures © bioMérieux 37 Paraclinique • Résultats : en 24-48h. On conclura à une bactériémie selon différents critères : – Isolement d’une même bactérie sur plusieurs hémocultures dans un contexte clinique compatible – Isolement d’un pathogène obligatoire sur une seule hémoculture : Saphylococcus aureus Streptocoque pneumoniae, E. Coli, Pseudomonas aeruginosa, Brucella, Listeria, Pasteurella, Candida etc…dans un contexte clinique compatible 38 Paraclinique – Isolement d’un organisme commensal sur au moins 2 hémocultures de 2 paires différentes, avec clinique compatible (porte d’entrée cutanée, neutropénie…) : Staphylocoques coagulase négative, Corynebacterium sp. , Bacillus sp. – Autres examens orientant de façon précoce le diagnostic : radio pulmonaire, ECG, écho abdo… 39 Surveillance • Surveillance constantes, signes cliniques et porte d’entrée • Contrôle des hémocultures – A J3 si bactériémie à S. aureus ou candidémie – Si aggravation de l’état clinique ou suspicion d’endocardite • En cas de persistance / aggravation de la bactériémie ou fongémie, un bilan doit être réalisé : – Surveillance clinique : vérifier porte d’entrée et localisations secondaires, iatrogénie, maladie thromboembolique… – Surveillance biologique : CRP, hémocultures, nouvelle adaptation si nécessaire 40 Complications • Bactériémie à S. aureus et candida : localisations secondaires fréquentes, nécessitent un suivi particulier – Bactériémies à S. aureus : 10% d’endocardite, ostéites, arthrites, méningites – Candidémie : choriorétinite, endocardite • Bactériémie à S. Pneumoniae : méningites, arthrites, péritonites, péricardites • Bactériémie à méningocoque : purpura fulminans 41 DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE • Arguments épidémiologiques (prédisposition et facteurs de risques), contexte et cliniques justifiant la suspicion d’une bactériémie et la prescription des hémocultures sont variés : – présence des signes de sepsis – suspicion d’endocardite infectieuse – existence d’une fièvre inexpliquée – patients à risque (aplasie par exemple). – La recherche du foyer infectieux primaire et de la porte d'entrée est primordiale. – Tout matériel étranger sera enlevé et analysé. 42 DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE Prédispositions • venant du malade – âge ≤ 1 an ou ≥ de 60 ans – traitement immunosuppressif – peau non intacte (traumatismes, brûlures, etc…. • Facteurs de risque exogènes: – cathéter veineux central ou artériel – autres mesures invasives – Sonde urinaire, interventions chirurgicales 43 DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE Prédispositions • risque augmente avec durée en réanimation • bactériémie / septicémie possible par translocation des bactéries intestinales. 44 DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE Agents pathogènes 45 DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE Agents pathogènes et portes d’entrées 46 DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE Cas des hémocultures polymicrobiennes 47 DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE Cas des hémocultures négatives • Le plus souvent : pas de bactériémie. • Parfois échec de culture – le prélèvement a été réalisé à un moment inopportun – le patient était sous antibiotique • la concentration en germes du sang était insuffisante • la bactériémie à un microorganismes difficile a cultiver : Brucella, Campylobacter spp, Legionella spp, Mycoplasma spp, les bactéries du groupe HACCEK ou des bactéries anaérobies strictes. 48 Pseudobactériémie • présence d’une hémoculture positive pour un ou plusieurs microorganisme mais dont la croissance ne reflète pas la réalité clinique. • « contamination » ou « germes contaminants» résulte d’une contamination dans une des étapes de prélèvement de l’hémoculture. – lit du malade ( asepsie incomplète ) – laboratoire 49 Pseudobactériémie : Sources contamination intrinsèque des flacons d’hémoculture colonisation oro pharyngée du soignant contamination des gants du soignant contamination de la solution désinfectante cutanée contamination d’un flacon d’agent additif contamination au cours de la manipulation ( ex: rétrograde à partir de la tubulure ) • contamination par manipulation effectuée avant l’adjonction de l’hémoculture dans le bouillon • asepsie non respectée • contamination après la collection ( tubes citratés 50 contaminés) • • • • • • Pseudobactériémie : Sources 51 Traitement des Bactériémies Nosocomiales • A l’hôpital • Antibiothérapie probabiliste après les hémocultures si – Signes de gravité – Terrain à risque • Antibiothérapie secondairement adaptée • Traitement de la porte d’entrée… – Digestive, urinaire, cutanée, dentaire, … • Traitement des foyers secondaires • Remplissage 52 Traitement des Bactériémies Nosocomiales 53 54 55 56 57 58 59 Prévention Bactériémies Nosocomiales Mesures d’hygiène de base +++ repose sur l’application stricte des précautions standard complétées par des précautions complémentaires dans des situations à haut risque de transmission croisée 60 Isolements septiques • Mesures communes • précautions complémentaires – «CONTACT » – « GOUTTELETTES » (Ex grippe, méningocoque, coqueluche…) – « AIR » (Ex tuberculose, rougeole, varicelle …) 61 Prévention infections urinaires nosocomiales • • • • • • • Hydrater Éviter le sondage! Raccourcir le sondage Sonder en système clos Utiliser des matériaux adaptés Asepsie Sac vidé régulièrement et en position déclive Conférence de consensus, 2001 62 Prévention pneumonies nosocomiales • Aspects généraux : – mobiliser, éviter le décubitus, – ne pas sédater, – pas de nutrition orale ou entérale en décubitus – Opérés : • faciliter la toux (antalgiques, kiné, …) • Arrêter le tabac en préopératoire • Ventilation : – raccourcir la durée de ventilation – hygiène des manipulations (aspirations, etc..) – entretien du matériel (respirateurs, etc…) – mesures spécialisées… 63 Prévention des infections liées au cathéter • Pose – cathéters centraux : asepsie chirurgicale pour l ’opérateur + antisepsie chirurgicale de la peau du malade ; pose en milieu spécialisée ; retrait précoce des KT posés en urgence – cathéters courts : hygiène des mains ++ (SHA) + antisepsie de la peau du malade • Maintenance – délai changement des cathéters courts à 4 jours – manipulation aseptique des connections Prévention des infections liées aux cathéters périphériques, HAS, 2005 64 65