HEMOCULTURES
GENERALITES
Au cours des bactériémies ou même des septicémies, les bactéries sont, dans l'immense
majorité des cas, beaucoup trop rares dans le sang pour pouvoir être visualisées au microscope
(exceptions possibles : peste, charbon). Il y aura donc toujours une étape de mise en culture
du sang et ce sont ces cultures qui seront examinées.
- Le sang circulant et le système circulatoire en général est un milieu très défavorable à
la survie des bactéries : il contient de nombreux facteurs bactéricides et des "filtres
immunitaires" (rate, ganglions). En fait, les bactéries ne se multiplient pas dans le sang; elles
y sont déversées, plus ou moins fréquemment, de façon plus ou moins massive, depuis un
point de multiplication. En conséquence les prélèvements de sang pour hémoculture seront
généralement ensemencés dans des bouillons de culture, à raison de 1 volume de sang pour 10
volumes de bouillon (ou 10 %), directement au lit du malade. Ce rapport de 10 % est
considéré comme optimum : les facteurs inhibiteurs sont suffisamment dilués pour ne plus
être défavorables à la pousse ; la quantité de sang est suffisante pour que de faibles
concentrations de germes puissent être décelés (par exemple, on considère que, au cours d'une
fièvre typhoïde, il peut n'y avoir que 10 bactéries par ml de sang, soit seulement 100 bactéries
dans un échantillon de 10 ml).
- Il existe, aujourd'hui des systèmes dits de "centrifugation-lyse" (système Isolator®).
Ce sont des tubes contenant un anticoagulant et une substance de lyse des cellules sanguines
permettant la libération des bactéries intracellulaires. Dès son prélèvement le sang est injecté
dans ce tube et l'ensemble est mélangé par agitation. Ces tubes seront centrifugés au
laboratoire et seul le culot sera récupéré et mis en culture. Ces systèmes de centrifugation-lyse
sont assez peu utilisés car, même s'ils présentent des avantages indéniables de sensibilité et si
c'est le seul système permettant, actuellement, la recherche de Mycobactéries dans le sang, ils
présentent des inconvénients : prix élevé et nécessité de l'ouverture du laboratoire pour
centrifuger et sub-cultiver rapidement le contenu des tubes : ils sont donc inadaptés aux
prélèvements effectués pendant les heures de fermeture du laboratoire de microbiologie.
PRELEVEMENT
Moment du prélèvement
Chaque fois que possible on prélèvera au moment d'un frisson ou, au moins, au moment où le
patient se plaint d'avoir froid, c'est-à-dire au moment où la fièvre monte, donc que des
pyrogènes circulent. A l'inverse on ne fera jamais de prélèvements lorsque la température
baisse c'est-à-dire que le patient se plaint d'avoir trop chaud ou transpire. Si il n'y a pas de
frissons ou de sensation bien nette de froid, comme ce peut être le cas, par exemple, dans la
brucellose ou l'endocardite, on choisira de pratiquer les hémocultures plutôt entre 17 et 19 h.
On s'efforcera toujours de faire le prélèvement avant toute administration d'antibiotiques. Si
ce n'est pas le cas on tentera d'effectuer une fenêtre thérapeutique d'au moins 24 h ou 48 h
avant d'effectuer les prélèvements. On peut lorsque le sujet reçoit une antibiothérapie, faire un
"prélèvement sur résines" lesquelles résines doivent fixer des antibiotiques. Cette technique, coûteuse, n'est pas
d'un grand apport.
Dans pratiquement tous les cas les hémocultures sont beaucoup plus fréquemment positives
en début de maladie qu'ultérieurement.
Nombre de prélèvements
Toute hémoculture comprend, en principe, une mise en culture en aérobiose et une mise en
culture en anaérobiose. En conséquence, on dispose généralement d'un flacon dit aérobie et
d'un flacon dit anaérobie : les milieux qu'ils contiennent sont de compositions différentes. On
considère donc qu'une hémoculture est composée d'une paire de flacons.
On conseille généralement d'effectuer trois hémocultures dans une journée (soit 6 flacons). Ce
nombre, si les moments de prélèvement sont bien choisis et qu'il n'y a pas eu de traitement
antibiotique est généralement nécessaire et suffisant pour établir le diagnostic étiologique
d'une bactériémie ou d'une septicémie.
Comment prélever
Il est généralement conseillé de prélever par ponction à l'aiguille métallique d'une veine
périphérique. l'asepsie doit être soigneuse. En effet, la fréquence d'isolement de
Staphylococcus epidermidis (principal germe de la flore cutanée aérobie) alors qu'il est
évident qu'il n'est pas l'agent étiologique de l'infection, montre combien les contamination
d'origine cutané sont courantes.
Nous rappellerons que les antiseptiques nécessitent un délais d'action d'au moins 5 minutes.
Nous conseillons d'utilisé, après toilette locale, un antiseptique iodé (Bétadine (R)). L'asepsie
est commencée avant tout autre geste. Le tampon imprégné d'antiseptique est laissé en place
au point que l'on envisage de ponctionner. On préparera alors sa seringue ou son cathéter de
ponction, ses flacons dont on aseptisera les bouchons, on placera le garrot, etc... Juste au
moment de piquer, on passe alors un nouveau tampon imprégné d'antiseptique puis on
effectue la ponction.
Chez les porteurs de cathéter certains conseillent de ne jamais utiliser le dit cathéter pour
ensemencer des hémocultures. D'autres conseillent au contraire de les utiliser pour mieux
déceler des infections dont le point de départ est le cathéter...
Il est important d'insister sur le fait que les mocultures ne sont pas réservées au milieu
hospitalier ! Il est parfaitement possible, et tout à fait souhaitable, d'en effectuer en clientèle
de ville, en particulier pour tous les syndromes septicémiques à manifestations cliniques
discrètes, bâtardes : au premier chef les endocardites infectieuses et les brucelloses. Les
laboratoires de ville sont équipés du matériel nécessaire et sont tout à fait aptes à faire les
prélèvements, aussi bien au lit du patient que dans le laboratoire.
INTERPRETATION DES RESULTATS
- Les hémocultures négatives n'éliminent rien ! Si elles restent négatives, cela démontre
seulement que l'on n'a pas mis en évidence de germes, non qu'ils n'y étaient pas : certaines
bactéries de septicémie ou d'endocardite sont très exigeantes et les milieux que nous pouvons
leur proposer "en standard" ne permettent pas leur culture (streptocoques déficients,
Coxiella...) ; le passage de bactéries viables dans le sang est presque toujours bref ou très bref
et il n'est pas certain que nous ayons saisi cet instant fugitif ; un traitement antibiotique a put
être administré sans que nous le sachions...
- Une des principales difficultés d'interprétation est de distinguer les contaminations des
véritables bactériémies ou septicémies. On s'appuiera pour cette distinction au moins sur trois
éléments :
- la nature des germes identifiés : les bactéries de la peau sont évidemment beaucoup
plus souvent contaminantes que des bactéries exceptionnellement présentent sur la peau.
- le nombre de flacons positifs avec une espèce bactérienne : plus ce nombre est
important plus la probabilité d'infection avec cette espèce augmente au dépend de la
probabilité de contamination.
- du mono ou plurimicrobisme : septicémies et bactériémies sont très habituellement
monomicrobiennes (hormis les cholécystite, généralement responsables de bactériémies
plurimicrobiennes). La présence de plusieurs espèces bactériennes est toujours très en faveur
d'une souillure du prélèvement... mais il peut y avoir association du germe responsable de la
septicémie et d'une bactérie contaminante...
- Certaines espèces bactériennes doivent attirer l'attention sur la possibilité d'existence de
certaines pathologies sous-jacentes :
- Streptococcus bovis se rencontre presque toujours lors de lésions coliques, en
particulier du cancer du colon,
- Les Streptocoques dits "viridans" se rencontrent essentiellement lors d'endocardites
infectieuses du coeur gauche.
TECHNIQUES BACTERIOLOGIQUES
Transport
Les hémocultures doivent être mises à incuber à 36° C dans les minutes qui suivent leur
ensemencement. Leur emballage dans du coton cardé pour éviter leur refroidissement pendant
le transport au laboratoire, s'il est classique, n'a pas lieu d'être : l'étuve du laboratoire est
rarement à plus d'une centaine de mètres et la température dans les locaux rarement inférieure
à 20° ! Une étuve est normalement mise à la disposition des services pendant les heures de
fermeture du laboratoire de microbiologie.
Mise en culture
Elle est donc effectuée par le personnel infirmier, au lit du malade.
Milieux ensemencés
C'est le bactériologiste qui choisit le type de flacons mis à la disposition des services.
Trois questions se posent : l'utilisation d'un système inhibant les antibiotiques, le choix des
bouillons, le type de lecture et surveillance des flacons (automatisée, semi-automatisée,
manuelle...).
- Système inhibant les antibiotiques.
Actuellement, aucun système n'est absolument satisfaisant, tout en étant coûteux. Hormis
quelques indications spécifiques (suspicion d'endocardite infectieuse ayant reçu des
antibiotiques par exemple) ces systèmes ne s'imposent pas.
- Choix des bouillons de culture.
Quelques industriels, chacun avec quelques produits, se partagent actuellement le marché.
Actuellement, tous leurs milieux sont de bonne, voire d'excellente qualité. Le choix du type
de milieu sera donc fonction des bactéries qu'on isolera le plus fréquemment dans les
pathologies que l'on est amené à recevoir. En effet, certains milieux peuvent favoriser
(discrètement mais significativement) telle ou telle espèce bactérienne.
- Choix d'un système plus ou moins automatisé.
C'est surtout sur ce dernier point que portera le choix. C'est un problème complexe, tant
économique que technique et bactériologique, nécessitant d'étudier son insertion dans un
cadre biologique global. Sa discussion sort de notre sujet.
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