Cancer du rein métastatique et thérapies antiangiogéniques Metastatic renal cell carcinoma and antiangiogenic therapies IP D. Pouessel, S. Culine* résuMé suMMAry L’année 2006 restera comme un tournant dans la prise en charge quotidienne des patients présentant un cancer du rein métastatique à cellules claires. Alors que le traitement standard d’immunothérapie ne bénéficie qu’à un nombre restreint de patients, de nouvelles molécules antiangiogéniques permettent d’obtenir un bénéfice clinique. Une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires de l’oncogenèse a conduit au développement de ces nouvelles thérapies mono- et multicible. Un anticorps ciblant le vascular endothelial growth factor (VEGF), le bévacizumab, utilisé en deuxième ligne, augmente la survie sans progression. Deux inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase du récepteur au VEGF prolongent la survie sans progression des patients en première ligne de traitement (sunitinib), ou en seconde intention (sorafénib). Enfin, le temsirolimus, inhibiteur de l’activité sérine/thréonine kinase de mTOR (mammalian target of rapamycin), augmente la survie globale des patients de mauvais pronostic en première ligne thérapeutique. Tous ces résultats cliniques prometteurs vont conduire à de nouvelles stratégies thérapeutiques, mais des études complémentaires seront nécessaires pour déterminer les meilleures séquences et répondre aux nombreuses questions qui restent posées. The year 2006 will mark a turning point in the daily management of patients with metastatic renal cell carcinoma. The impact of immunotherapy with interferon-α or interleukin-2 has been shown to be restricted to a minority of patients. The growing understanding of molecular mechanisms involved in the pathogenesis of the disease, especially clear cell carcinoma, has led to the development of multiple targeted therapies with significant clinical benefits. Bevacizumab, a monoclonal antibody that binds vascular endothelial growth factor (VEGF), has been shown promising activity, with an improved progression-free survival. Two compounds that inhibit the tyrosine kinase activity of the VEGF receptor have been shown to improve the progression-free survival of patients in first-line (sunitinib) or second-line (sorafenib) of treatment. Temsirolimus, an agent that inhibits the serine-threonine kinase activity of the mammalian target of rapamycin, offers better overall survival than interferon in patients with poor-risk characteristics. Further studies are needed to determine the optimal combinations of these agents in metastatic disease and to assess their impact in the adjuvant setting. Mots-clés : Cancer du rein - Thalidomide - Bévacizumab Sorafénib - Sunitinib - Temsirolimus - Traitement antiangiogénique. Keywords: Renal cell carcinoma - Thalidomide - Bevacizumab Sorafenib - Sunitinib - Temsirolimus - Targeted therapy Angiogenesis. L e cancer du rein, dont l’incidence augmente depuis 50 ans, représente 2 à 3 % des tumeurs malignes de l’adulte, et 85 000 nouveaux cas environ sont répertoriés chaque année en Europe, dont 8 300 en France (1). L’histologie la plus fréquente est représentée par le carcinome à cellules claires, où elle est retrouvée dans 70 à 80 % des cas, suivie des carcinomes papillaire (10 à 20 %) et chromophobe (5 %) [2]. Un tiers de ces patients est diagnostiqué au stade d’emblée métastatique, et 30 % des patients présentant une forme localisée initiale développeront des métastases après la néphrectomie (3, 4). Les armes thérapeutiques disponibles pour ces formes métastatiques de cancer du rein à cellules claires sont limi* Département d’oncologie médicale, Centre régional de lutte contre le cancer Val-d’Aurelle, parc Euromédecine, Montpellier. La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 dossier thématique d ossier thématique tées. En effet, ce dernier est réputé être hormono- et chimiorésistant. Les taux de réponse obtenus avec la majorité des cytotoxiques sont inférieurs à 10 % dans la plupart des études publiées (5-7). Jusqu’à présent, le traitement standard du cancer du rein métastatique à cellules claires (CRM) reposait sur l’immunothérapie, basée sur l’utilisation de deux cytokines : l’interleukine 2 (IL-2) et l’interféron α (IFNα). En première ligne thérapeutique, l’IFNα a conduit à des taux de réponse globale de 10 à 15 %, dont 2 à 5 % de réponses complètes (RC). La survie globale a été prolongée de 3 à 7 mois dans des essais de phase III randomisés versus placebo (8, 9). De plus, dans deux études, un bénéfice en survie a été démontré chez les patients d’emblée métastatiques ayant eu une néphrectomie avant le traitement par IFNα (10, 11). L’ajout de l’IL-2 à l’IFNα permet d’augmenter les taux de réponse globale sans répercussion significative sur la survie 243 dossier thématique d ossier thématique globale, au prix d’une toxicité plus importante (12-14). L’administration intraveineuse de l’IL-2 a été abandonnée en raison d’une toxicité majeure, sans gain suffisant en termes de réponse ou de survie (15). Pour les patients de pronostic intermédiaire traités par médroxyprogestérone, IFNα, IL-2 ou l’association, aucune différence de survie n’a été mise en évidence (16). Peu de patients vont donc bénéficier d’un traitement d’immunothérapie, c’est-à-dire obtenir une réponse complète prolongée. En 2006, l’immunothérapie semble devoir être réservée aux patients de bon pronostic. Leur sélection est alors primordiale, et de nombreuses équipes ont cherché à définir des critères pronostiques. Suivant les études, des facteurs cliniques (PS, sites métastatiques, délai d’apparition des métastases…) ou biologiques (lactate déshydrogénase sérique, hémoglobine…) ont été retrouvés (17-19). Malgré la prise en charge médicochirurgicale des CRM métastatiques, la survie globale médiane reste limitée à 8-10 mois (20), et le taux de survie à 5 ans est inférieur à 10 % (21). Devant ces résultats décevants, des alternatives thérapeutiques ont été recherchées. La meilleure connaissance des mécanismes moléculaires physiopathologiques du cancer du rein, notamment dans le type histologique à cellules claires, a permis d’orienter les recherches vers des traitements ciblant la néo-angiogenèse tumorale. Plusieurs cibles ont été identifiées, et des molécules ont été évaluées. Certaines de ces thérapies ciblées ont récemment montré un bénéfice clinique dans des essais de phase II et III, conduisant à la délivrance d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU), puis d’autorisations de mise sur le marché (AMM) en juillet 2006. Dans cette revue, nous soulignerons les principaux mécanismes mis en jeu dans la néovascularisation et les cibles moléculaires potentielles. Puis, dans un second temps, nous développerons les résultats des essais cliniques évaluant ces nouveaux agents antiangiogéniques dans le CRM. CAnCer du rein eT néo-AnGioGenÈse Le cancer du rein à cellules claires est réputé être une tumeur maligne hypervascularisée, démontrant l’existence d’une angiogenèse importante en son sein. Une mutation du gène von Hippel-Lindau (VHL) a été retrouvée dans 60 à 80 % des formes sporadiques (22). Cet événement est reconnu comme étant précoce dans le processus de développement du cancer rénal à cellules claires (23, 24). En l’absence de mutation du gène VHL suppresseur de tumeur, la protéine pVHL interagit avec l’hypoxia-inducible factor (HIF-1) et forme un complexe multiprotéique (VEC) avec elongin B, elongin C, cullin 2 et Rbx1 (25, 26). Dans des conditions de normoxie, HIF-1 est exprimé en faible quantité et hydroxylé, et la sous-unité HIF1α se fixe sur le VEC, ce qui conduit à sa dégradation. Lors de l’hypoxie, HIF-1α n’est plus dégradée, s’accumule et se lie à la sous-unité HIF-1β. Le complexe HIF-1 formé initie alors la transcription de gènes inductibles par l’hypoxie qui codent pour plusieurs facteurs de croissance : vascular endothelial growth factor (VEGF), platelet-derived growth factor (PDGF), ou 244 transforming growth factor α (TGFα) [27]. L’absence de pVHL, par mutation ou inactivation biallélique du gène, conduit de la même façon à l’accumulation de HIF-1α, et à la surexpression de ces mêmes facteurs de croissance, puis à l’angiogenèse et à la prolifération cellulaire (28). La néovascularisation est essentielle à la croissance tumorale (29), et le VEGF est le facteur prépondérant de ce mécanisme. Par sa liaison au récepteur de VEGF (VEGF-R), il va induire une angiogenèse, via la migration de cellules endothéliales, leur prolifération et leur survie. Cinq isomères de VEGF et trois de son récepteur existent, permettant une régulation de ce mécanisme, mais ce sont autant de cibles thérapeutiques possibles. Cependant, d’autres systèmes sont impliqués dans la néovascularisation, notamment les gènes inductibles par l’hypoxie. Ainsi, le PDGF favorise l’angiogenèse, en particulier par son action sur les péricytes riches en récepteurs au PDGF (PDGF-R). Le TGFα, ligand du récepteur à l’epidermal growth factor (EGF-R), conduit à la prolifération, la survie, la différenciation et la migration cellulaires. Au sein de ces facteurs existent des boucles autocrines par lesquelles le TGFα et l’EGF stimulent notamment l’expression du VEGF (28). Outre les facteurs de croissance, leurs récepteurs sont également présents sur les cellules endothéliales (PDGF-R ou VEGF-R) et sur les cellules tumorales (EGF-R). En régulant les voies de transduction par leur activité tyrosine kinase (TK), ils participent à la néoangiogenèse, à la prolifération, la migration, l’adhésion et la survie cellulaires. Parmi ces cascades, deux ont un rôle majeur : la voie PI3kinase/AKT, et celle de Raf/MEK/ERK. Sur la première, une cible potentielle est représentée par mTOR (mammalian target of rapamycin), une protéine impliquée dans la survie cellulaire et sa division. Mais mTOR est aussi connue pour induire une surexpression de HIF-1 (30) et, par son intermédiaire, des facteurs de l’angiogenèse. Plusieurs mécanismes peuvent influencer l’activité de mTOR, en particulier PI3K, qui agit après avoir été activée par des facteurs de croissance ou inhibée par le gène PTEN, un gène suppresseur de tumeur. Or, le gène PTEN est fréquemment muté et dérégulé dans le CRM (31, 32). La voie Raf/MEK/ERK, ubiquitaire, occupe un rôle prépondérant dans la progression du cycle cellulaire. Son activation est sous la dépendance, entre autres, de Ras, protéine largement impliquée dans les mécanismes d’oncogenèse, et elle-même située en aval des récepteurs à activité tyrosine kinase, tels que PDGF-R, VEGF-R ou EGF-R. Dans le CRM, cette voie est fréquemment activée de façon constitutive, ce qui entraîne l’expression de nombreux facteurs, notamment proangiogéniques. Enfin, la voie Raf/MEK/ERK induit un signal de survie par son action sur les protéines de la famille Bcl-2 (33). De même, par son interaction avec la protéine antiapoptotique bcl-2, la protéine Raf a une action antiapoptotique. Toutes ces voies de signalisation intervenant dans l’angiogenèse, la prolifération cellulaire ou l’apoptose sont autant de cibles potentielles pour les thérapies ciblées en développement. Enfin, plusieurs mécanismes d’action sont possibles : agir sur le ligand ou sur le récepteur, utiliser un anticorps ou une petite molécule inhibitrice de l’activité TK, agir sur une seule ou plusieurs cibles… La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 résulTATs CliniQues des TrAiTeMenTs AnTiAnGioGéniQues Thalidomide La thalidomide, disponible en ATU pour la prise en charge du myélome multiple osseux, a montré une activité antiangiogénique, via une diminution d’expression du VEGF. Des essais de phase II évaluant la thalidomide en monothérapie dans le CRM sont publiés. Les taux de réponse obtenus sont peu élevés (0 à 7 %) [22, 34, 35]. Dans une étude de phase III randomisée, 353 patients ont été traités en première ligne par de l’IFN-α en monothérapie ou associé à la thalidomide. Aucune différence significative n’a été mise en évidence, ni en taux de réponse, ni en temps jusqu’à progression, ni en survie globale. En revanche, la toxicité était majorée dans le bras combiné (36). À ce jour, malgré des résultats intéressants, l’utilisation de la thalidomide n’est donc pas recommandée dans le CRM en dehors d’essais prospectifs, et des études complémentaires sont nécessaires. D’autres actions sont en effet démontrées : diminution du TNFα, induction de l’apoptose, diminution de l’IL-6 et de la protéine C réactive chez les patients traités pour un CRM. Des taux élevés d’IL-6 étant corrélés à une résistance à l’immunothérapie par IL-2, une association IL-2 et thalidomide pourrait s’avérer intéressante pour lever cette résistance (37). Bévacizumab Le bévacizumab (Avastin®) est un anticorps monoclonal humanisé recombinant qui agit sur le VEGF. Sa fixation sur le ligand circulant empêche l’activation du VEGF-R. Le bévacizumab est la première thérapie ciblée à avoir montré un intérêt dans le CRM (tableau I). Dans un essai de phase II randomisé versus placebo à trois bras, le bévacizumab à haute dose (10 mg/kg, J1 = J15) augmentait la survie sans progression (SSP) de façon significative par rapport au placebo (4,8 mois versus 2,5 mois, p < 0,001) chez des patients prétraités pour un CRM. La différence était moins significative avec l’anticorps à faible dose (3 mois, p = 0,041). De plus, les taux de SSP dans les bras anticorps (n = 39) et placebo (n = 40) étaient respectivement de 64 % et 20 % à 4 mois, et de 30 % et 5 % à 8 mois (38). Cependant, les réponses étaient peu nombreuses et n’étaient obtenues qu’avec le bévacizumab à haute dose (10 % de réponses partielles). Aucun impact sur la survie globale n’était rapporté, mais un cross-over était possible pour les patients recevant le placebo. Les principales toxicités retrouvées étaient les épistaxis, l’hypertension artérielle, les hématuries et les protéinuries. À ce jour, Avastin® n’a pas obtenu d’AMM dans le CRM, mais uniquement en première ligne dans le cancer colorectal métastatique en association à l’irinotécan. Deux essais de phase III ont comparé, en première ligne, l’IFNα seul ou associé au bévacizumab. Les inclusions sont closes et les résultats sont en attente. Enfin, R.M. Bukowski et al. ont présenté à l’ASCO 2006 les résultats d’une étude randomisée de phase II comparant le bévacizumab seul (n = 61) et ce même anticorps combiné à l’erlotinib (n = 66). En effet il a été rapporté avec cet inhibiteur de l’EGF-R en monothérapie des données prometteuses dans le CRM (39). Cependant, les résultats de l’association sont décevants, avec des taux de réponse proches, respectivement, de 13 % et 14 % ; aucune différence significative en termes de SSP n’a en outre été constatée (40). dossier thématique d ossier thématique Sorafénib Le sorafénib (Nexavar®) est un inhibiteur de TK multicible, administré par voie orale, à raison de deux prises quotidiennes (400 mg matin et soir) en continu. La première activité décrite était celle d’inhibiteur de sérine/thréonine kinase de la protéine Raf-1. Par la suite, d’autres cibles ont été successivement identifiées parmi des TK : VEGF-R2, VEGF-R3, PDGF-Rβ, stem-cell growth factor (c-KIT) et Fms-like tyrosine kinase-3 (Flt-3) [41, 42]. L’inhibition des voies de transduction sous-jacentes à ces récepteurs confère au sorafénib une action sur l’angiogenèse mais aussi sur la prolifération cellulaire et l’apoptose. Dans un essai Tableau i. résultats des essais de phase ii et iii des thérapies ciblées en monothérapie en deuxième ligne dans le CrM. Agent Bévacizumab (3 mg/kg) versus bévacizumab (10 mg/kg) versus placebo Sunitinib Sunitinib Sorafénib versus placebo Temsirolimus (25 mg) versus temsirolimus (75 mg) versus temsirolimus (250 mg) Essai Phase II randomisée Phase II Phase II Phase III Phase II randomisée La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 37 39 40 63 106 451 452 36 Taux de réponse objective (%) 0 10 0 40 34 2 NR 5,6 Survie sans progression (mois) 3 4,8 2,5 8.7 8.3 6 3 6,3 38 7,9 6,7 37 8,1 5,2 Nombre de patients Référence (38) (46) (47) (44) (50) .../... 245 dossier thématique d ossier thématique .../... de phase II, 202 patients traités pour un CRM évoluant après immunothérapie ont reçu du sorafénib pendant 12 semaines. Soixante-treize patients avaient une réponse objective et 69 avaient une stabilisation tumorale, soit des taux de réponse globale et de stabilisation respectivement de 36 % et 34 %. En cas de maladie stable, les patients étaient ensuite randomisés entre la poursuite du traitement (n = 32) ou un placebo (n = 33). Après 24 semaines de traitement, 50 % des patients recevant le sorafénib ne présentaient pas de progression tumorale, versus 18 % dans le bras placebo (p = 0,0077). La SSP médiane était significativement augmentée dans le bras sorafénib : 24 semaines versus 6 semaines (p = 0,0087) [43]. La tolérance était correcte, et les principales toxicités relevées étaient l’asthénie (73 %) dont 7 % de grade 3-4, le syndrome mains-pieds (62 %), dont 13 % de grade 3, le rash cutané dans 66 % des cas, et la diarrhée (58 %), dont 4 % de grade 3. Enfin, 31 % des patients ont présenté une HTA de grade 3, dont la prise en charge a reposé efficacement sur les antihypertenseurs habituels. Neuf patients sont sortis de l’étude pour toxicité, mais aucun décès toxique n’a été rapporté. Les résultats d’un essai de phase III randomisé contre placebo réalisé chez 903 patients prétraités ont été présentés en 2005. Malgré un taux de réponse peu élevé (10 %), la SSP était significativement supérieure dans le bras sorafénib (24 semaines versus 12 semaines, p < 0,000001). Les données de survie globale ne sont pas encore disponibles (44). Les toxicités étaient proches de celles décrites précédemment. Enfin les résultats d’un essai de phase II randomisant en première ligne le sorafénib et l’IFNα sont en attente (45). Après une ATU accordée en mars 2006 dans le cadre de la prise en charge de seconde intention des CRM après un traitement d’immunothérapie ou en cas de contreindication à ce dernier, le sorafénib a obtenu une AMM dans cette même indication en juillet 2006. Sunitinib Le sunitinib (Sutent®) est également un inhibiteur de TK multicible. En effet, par son action sur plusieurs récepteurs, VEGFR1, VEGF-R2, PDGF-Rα, PDGF-Rβ, c-KIT et Flt-3, il présente une activité antiangiogénique mais aussi antitumorale. Son administration se fait par voie orale, en une prise quotidienne (50 mg), quatre semaines sur six. Dans un essai de phase II, chez 63 patients prétraités par immunothérapie pour un CRM, le sunitinib a permis d’obtenir 40 % de réponses partielles et 27 % de stabilisations de plus de 3 mois, soit 67 % de contrôle de la maladie (46). Le temps médian jusqu’à progression était de 8,7 mois. Les principales toxicités relevées étaient l’asthénie (38 % de grade 2-3), les diarrhées (24 % de grade 2-3), les nausées (19 % de grade 2-3), la stomatite (19 % de grade 2-3). Sur le plan biologique, des lymphopénies, neutropénies et anémies de grade 3-4 étaient retrouvées dans, respectivement, 32 %, 13 % et 10 % des cas. Une seconde étude de confirmation de phase II, menée par la même équipe, a inclus 106 patients avec un schéma thérapeutique identique. Des résultats proches ont été rapportés, avec 34 % de réponses partielles et 29 % de maladies stables de plus de 3 mois, soit 63 % de contrôle de la maladie (47). La SSP était de 8,3 mois. Les effets indésirables étaient similaires, avec des fréquences comparables. Récemment, à l’ASCO 2006, R.J. Motzer et al. ont présenté les résultats d’une étude randomisée de phase III comparant en première ligne, chez 750 patients présentant un CRM à cellules claires, le sunitinib en monothérapie (50 mg/j, 4 semaines sur 6) à l’IFNα sous-cutané (9 millions d’unités, 3 fois par semaine, pendant 6 semaines). L’objectif principal était la survie sans progression (48). Une différence significative était observée en faveur du bras sunitinib, avec respectivement une SSP de 47,3 semaines versus 24,9 semaines (p < 0,000001). Les taux de réponse globale étaient de 24,8 % dans le bras sunitinib et de 4,9 % dans le groupe IFNα (p < 0,000001). Des sorties d’étude pour toxicité ont été nécessaires pour 8 % des patients traités par sunitinib, et 13 % de ceux recevant l’IFNα (tableau II). Peu de réponses partielles sont donc observées avec le sorafénib comparativement au sunitinib (25 à 40 %). Les taux de contrôle de la maladie (réponse partielle et maladie stable) sont par contre proches, avec un profil de tolérance paraissant en faveur du sorafénib. Le sunitinib est aujourd’hui disponible en ATU pour les patients présentant un CRM en deuxième ligne après échec d’une immunothérapie ou en cas de contre-indication à ce traitement. Enfin, une AMM européenne conditionnelle a été accordée fin juillet 2006, sous réserve de l’examen des données cliniques de l’essai de phase III par l’Agence européenne de l’évaluation du médicament (EMEA). Tableau ii. résultats des essais de phase iii des thérapies ciblées en monothérapie en première ligne dans le CrM. Agent Sunitinib versus IFN IFN versus temsirolimus (25 mg) versus IFN + temsirolimus (15 mg) 248 Essai 451 Taux de réponse objective (%) 31 Survie sans progression (mois) 11 452 207 6 7 5 1,9 209 9 3,7 210 11 3,7 Nombre de patients Phase III Phase II Référence (48) (51) La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 Temsirolimus : un inhibiteur de mTOR Le CCI-779 ou temsirolimus (Torisel®), dérivé de la rapamycine, qui est un immunosuppresseur, agit sur une autre cascade intracellulaire de transduction, celle de PI3K/AKT, en inhibant la sérine/thréonine kinase de mTOR. Cette inactivation se fait via la formation d’un complexe entre le CCI-779 et l’immunophiline FKBP (49). Dans un essai randomisé de phase II, 111 patients prétraités pour un CRM ont reçu 25 mg, 75 mg ou 250 mg de temsirolimus (50). Aucune différence en termes de taux de réponse n’était retrouvée entre les trois bras. Une survie médiane prolongée était observée dans les groupes de patients à pronostic intermédiaire et mauvais, comparativement aux données publiées dans la littérature après traitement par IFNα. La dose recommandée pour les études ultérieures est de 25 mg, en raison d’un nombre de réductions de posologie et d’interruptions de traitement supérieur avec les doses élevées. Une étude randomisée à trois bras de phase III a été menée en première ligne chez 626 patients de mauvais pronostic. Ils ont reçu soit de l’IFNα, soit du temsirolimus seul, soit l’association temsirolimus et IFNα (51). La SSP médiane était statistiquement augmentée dans les deux groupes comportant du temsirolimus, mais la survie globale médiane était augmentée uniquement dans le bras temsirolimus en monothérapie par rapport aux bras IFNα ou bithérapie (10,9 versus 7,3 versus 8,4 mois, p = 0,069). Les toxicités de grade 3-4 les plus fréquentes étaient l’asthénie, l’anémie et la dyspnée. ConClusion Au regard de ces différentes études, il semble que les nouvelles thérapies ciblées soient en voie de transformer la prise en charge du CRM à cellules claires. Cependant, à ce jour, seule l’immunothérapie (IFNα et/ou IL-2) conduit à des réponses complètes prolongées. Néanmoins, les résultats des derniers essais suggèrent que ce traitement devrait être réservé aux patients de bon pronostic (15, 16). Pour les autres patients, plusieurs agents thérapeutiques ciblés ont permis un gain de survie sans progression en première ou deuxième ligne de traitement. Parallèlement, la survie médiane globale semble être en passe de passer de 6-12 mois à 18-24 mois. Deux inhibiteurs de TK agissant principalement sur le récepteur au VEGF ont obtenu ou sont sur le point d’obtenir une AMM dans le CRM. Ces deux molécules ont montré une augmentation de la SSP, l’une en première ligne (sunitinib), l’autre en seconde intention (sorafénib). Le temsirolimus, agent inhibiteur de mTOR, a permis un gain de survie globale chez les patients de mauvais pronostic non prétraités. Enfin, le bévacizumab utilisé également en deuxième ligne a augmenté la SSP dans un essai de phase II randomisé. Compte tenu de ces résultats encourageants, l’évaluation de stratégies associant ces nouvelles thérapies est en cours ou en projet. Cette approche vise à inhiber simultanément plusieurs niveaux des voies de transduction du signal, ou plusieurs facteurs de croissance inductibles par l’hypoxie, ou leurs récepteurs. La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006 Des résultats préliminaires suggèrent qu’il existerait un gain d’efficacité mais également une majoration de la toxicité (39, 52). Cependant, dans un essai de phase II randomisé, l’addition de l’erlotinib au bévacizumab n’a pas eu de répercussion sur les taux de réponse ou la SSP comparativement à l’anticorps seul (40). D’autres études seront nécessaires pour déterminer les posologies et les schémas optimaux d’association, et évaluer leur impact sur la survie des patients. De plus, de nouvelles molécules sont en développement, dont l’évérolimus (RAD001), un autre inhibiteur de mTOR (53). Enfin, de nombreuses questions relatives à ces thérapies ciblées demeurent en suspens. Quels sont les mécanismes de résistance mis en jeu avec ces molécules ? Peut-on déterminer des facteurs moléculaires prédictifs de la réponse, ou de nouvelles cibles potentielles ? L’utilisation de ces thérapies ciblées a-t-elle un impact sur la survie en situation adjuvante après néphrectomie, ou en traitement néoadjuvant pour les maladies localement évoluées ? Les patients présentant des cancers du rein non à cellules claires bénéficient-ils de la même façon des ces médicaments ? Autant d’interrogations qui rappellent qu’une étape importante a été franchie, mais que les taux de guérison au stade métastatique demeurent très faibles. ■ dossier thématique d ossier thématique RéféRences bibliogRaphiques 1. Mathew A, Devesa SS, Fraumeni JF, Chow WH. Global increases in kidney can- cer incidence, 1973-1992. Eur J Cancer Prev 2002;11(2):171-8. 2. Storkel S, Eble JN, Adlakha K et al. Classification of renal cell carcinoma: workgroup n°1. Union internationale contre le cancer (UICC) and the American Joint Committee on Cancer (AJCC). Cancer 1997;80:987-9. 3. Motzer RJ, Bander NH, Nanus DM. Renal-cell carcinoma. N Engl J Med 1996;335(12):865-75. 4. Janzen NK, Kim HL, Figlin RA, Belldegrun AS. Surveillance after radical or partial nephrectomy for localized renal cell carcinoma and management of recurrent disease. 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