De pronostic très variable, les méningites font toujours peur Sporadiques dans les pays développés, ces infections ravagent une partie de l'Afrique. Elles doivent être traitées sans délai car elles peuvent être mortelles ou laisser des séquelles neurologiques graves Mis à jour le samedi 22 janvier 2000 MÉNINGITE. Le mot fait peur. Dans l'opinion, il est synonyme de maladie mortelle, d'affection aux séquelles neurologiques lourdes, qui touche surtout les sujets jeunes. Avec l'appendicite et la pneumonie, elle est de ces maladies auxquelles les parents pensent spontanément même si en France ne sont constatés que des cas sporadiques. Mais la méningite est grave, trop grave pour être négligée. Inflammation des enveloppes du cerveau et de la moelle, d'où son nom de méningite cérébro-spinale, la méningite résulte du passage dans le liquide céphalo-rachidien, qui baigne le cerveau et la moelle épinière, d'un agent infectieux présent dans les capillaires sanguins cérébraux. A partir d'une porte d'entrée variable (ORL, digestive...), cet agent prolifère dans le sang jusqu'à un certain seuil avant le passage dans le liquide céphalo-rachidien. L'inflammation ainsi provoquée peut avoir une action destructrice sur le cerveau et être responsable du décès ou de séquelles. Le problème est qu'il y a méningite et méningite. Selon l'agent infectieux en cause, bactérien ou viral essentiellement, l'évolution et le pronostic de l'infection diffèrent. « D'une certaine façon, l'inquiétude, voire la panique, que suscite la méningite a quelque chose de salutaire », confie le professeur Jean-Marie Decazes du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Louis (Paris). « Si les méningites virales ont le plus souvent une évolution simple, les méningites bactériennes non soignées sont presque toujours mortelles et, si le traitement tarde trop à être mis en oeuvre ou s'il est inefficace, la survie est accompagnée de séquelles. La guérison sans séquelle d'une méningite bactérienne constitue donc un succès », estime le président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF). Les méningites bactériennes surviennent plutôt en hiver et les virales au printemps et à l'automne. Mais les manifestations cliniques ne permettent pas de différencier les différents types de méningites. Le début est volontiers brutal, aussi bien en cas de méningite bactérienne qu'en cas de méningite virale, même si le tableau est souvent moins sévère dans ce dernier cas. Il est plutôt progressif dans la méningite tuberculeuse. En règle générale, il existe une fièvre. Chez l'enfant de plus de cinq ans et chez l'adulte, elles prennent la forme de céphalées violentes, accompagnées de vomissements et d'une raideur de la nuque. Mais le malade peut aussi avoir des troubles de la conscience, voire un coma, des convulsions ou un état de choc. PRÉLÈVEMENT DE LIQUIDE Compte tenu des risques qu'elles font courir, le diagnostic des méningites bactériennes doit être envisagé par précaution. « Chez le nourrisson et chez l'enfant de trois mois à cinq ans, précise le professeur Eric Mallet, responsable du département de pédiatrie médicale au CHU de Rouen, une température élevée, une modification franche du comportement, des troubles de la vigilance, une raideur, une hypersensibilité de l'enfant lorsqu'on le manipule ou une ”éruption“ doivent faire évoquer une méningite bactérienne. D'ailleurs, les mères s'en inquiètent vite et les médecins généralistes adressent facilement et rapidement, au plus dans les vingt-quatre heures, un enfant dans un tel état à l'hôpital pour une ponction lombaire. » Ce geste est essentiel. Il consiste à prélever du liquide céphalo-rachidien au moyen d'une aiguille introduite entre deux vertèbres. La piqûre est faite à un niveau suffisamment bas pour ne pas risquer de léser la moelle. Elle permet immédiatement de différencier les méningites à liquide purulent de celles à liquide clair. Le liquide est purulent dans la plupart des méningites bactériennes, avant tout celles dues au méningocoque (Neisseria meningitidis) et au pneumocoque (Streptococcus pneumoniæ). Il est clair - « eau de roche » comme il l'est normalement - dans les méningites aiguës virales, certaines méningites bactériennes (listériose, brucellose) ou d'autres dues à des agents d'une autre nature (bacille de la tuberculose, syphilis, etc.). Dans le liquide céphalo-rachidien prélevé, on examine immédiatement la présence de cellules sanguines, en particulier des globules blancs. S'il contient de façon prédominante des polynucléaires, la méningite doit être considérée comme bactérienne. Si ce sont des lymphocytes, cela oriente vers les différents types de méningites à liquide clair, au premier chef celles dues à un virus si le contexte ne fait pas évoquer une autre cause. Outre des dosages de différents composants (glucose, protéines), le liquide céphalo-rachidien est l'objet d'un examen microbiologique direct et d'une mise en culture, qui prend trente-six heures. Cet examen permet d'identifier le germe en cause. « La règle d'or est que tout patient ayant eu une ponction lombaire reste hospitalisé jusqu'à obtention des résultats complets, y compris ceux de la mise en culture », insiste le professeur Decazes. L'antibiothérapie est alors adaptée en fonction des résultats. DÉCLARATION À LA DDASS La responsabilité du méningocoque peut être supposée en présence d'un contexte épidémique et d'un purpura. « Un tel soupçon impose de renoncer à la séquence classique de prise en charge qui veut que l'on hospitalise en urgence et que l'on attende que le liquide céphalo-rachidien ait été prélevé pour mettre en route une antibiothérapie. Le médecin doit dans ce cas injecter immédiatement un antibiotique, avant même le transfert du malade », met en garde le professeur Decazes. Une telle attitude est motivée par le risque mortel et le fait que 20 % des personnes survivant à une méningite méningococcique présenteront des séquelles neurologiques importantes (troubles mentaux, surdité, paralysie cérébrale, convulsions). En cas de méningite méningococcique, la déclaration de la maladie aux services de la Ddass est obligatoire et ce sont eux qui entreprennent la recherche des personnes ayant été en contact avec le malade. Un traitement prophylactique de l'entourage par antibiotique est envisagé afin d'éviter l'apparition de nouveaux cas. Ces dernières années, il y a eu pour cette maladie une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle. « La bonne, insiste le docteur Edouard Bingen, chef du service de microbiologie de l'hôpital Robert-Debré (Paris), spécialisé en pédiatrie, c'est la réduction d'un facteur huit à neuf du nombre des méningites à Hæmophilus influenzæ, grâce à la mise en place de la vaccination introduite à partir de 1992. C'était la première cause de méningite entre trois mois et trois ans. » La mauvaise vient des méningites à pneumocoque. « Des trois méningites les plus fréquentes, ce sont les plus graves, avec une mortalité de 30 % et des risques de destruction du cerveau, rappelle le professeur Bruno Hoen, du service de médecine interne du CHU Nancy-Brabois (Meurthe-et-Moselle). Cela impose d'améliorer les prodédures de réanimation. » Une question d'autant plus importante que se développent des phénomènes de résistance chez le pneumocoque. Pour l'instant, l'arsenal des antibiotiques actuels suffit. Mais « un progrès majeur pourrait être accompli, estime le docteur Bingen, avec le nouveau vaccin antipneumococcique, attendu, en principe, pour cette année. Le vaccin existant ne protège pas les enfants de moins de deux ans. La nouvelle forme de vaccin contre les principaux sérotypes de pneumocoque conjugué avec une protéine permettrait de les immuniser. Il servirait aussi face aux autres pathologies dues au pneumocoque. » Paul Benkimoun Les protections du système nerveux central Le système nerveux central cerveau et moelle épinière est séparé du reste du corps et du sang circulant par une « barrière » dite hémato-méningée ou hémato-encéphalique. Cette séparation remplit une double fonction de protection et d'échange. Le rôle de protection mécanique est joué par trois membranes appelées collectivement les méninges : la pie-mère, la dure-mère et l'arachnoïde. Des échanges, régulés par cette barrière, se font entre le sang et le liquide céphalo-rachidien présent dans les cavités du cerveau et autour de la moelle épinière. Ils ont lieu au niveau de petits organes appelés les plexus choroïdes. Les virus et les bactéries peuvent infecter le système nerveux à partir du sang en traversant cette barrière hémato-encéphalique. Ils peuvent pénétrer dans le cerveau, soit au niveau des plexus choroïdes, soit au niveau des cellules endothéliales, qui bordent les vaisseaux capillaires irriguant le système nerveux central. Les éléments d'orientation L'âge. Il oriente fortement les présomptions sur les agents infectieux possibles. Chez le nourrisson de moins de vingt-huit jours, voire jusqu'à trois mois, les bactéries le plus souvent en cause sont le streptocoque du groupe B, les entérobactéries et la listeria. Entre trois mois et deux ans, le pneumocoque et le méningocoque sont le plus souvent impliqués ; Hæmophilus influenzae de type B était le principal responsable de ces méningites avant l'introduc- tion de la vaccination. Après deux ans, c'est le méningocoque qui est le germe le plus probable. Entre cinq ans et l'âge adulte, trois germes se partagent la responsabilité de la plupart des cas de méningite : le pneumocoque, le méningocoque et la listeria ( Listeria monocytogenes). Chez le sujet de plus de cinquante ans, la listeria, le pneumocoque, le streptocoque du groupe A et Hæmophilus influenzae sont le plus souvent retrouvés. Le contexte. Un alcoolisme, des antécédents de traumatisme crânien, de méningite, une altération des défenses immunitaires (infection à VIH, etc.), un coma ou des convulsions sont en faveur d'une méningite à pneumocoque. La notion d'une épidémie, un purpura (apparition de taches rouges en forme de points ou d'ecchymoses), la saison hivernale plaident pour une méningite à méningocoque. La notion d'une épidémie, la grossesse, une dépression des défenses immunitaires militent pour une méningite à listériose. L'absence de vaccination contre Hæmophilus influenzae et l'association d'une otite et d'une conjonctivite font suspecter cette bactérie. La notion d'un contact avec une personne atteinte de tuberculose ou d'un antécédent de tuberculose pulmonaire, un patient immigré ou sous corticothérapie ou infecté par le VIH font évoquer une méningite tuberculeuse. Le Monde daté du dimanche 23 janvier 2000