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d’appartenance. C’est de fait, la négation même de l’option interculturelle qui s’inscrit dans
une tension entre singularité et universalité.
La démarche interculturelle, confondue souvent avec une approche
culturelle voire multiculturelle, met au contraire l’accent sur les processus et les interactions
qui unissent et définissent les individus et les groupes les uns par rapport aux autres. Il ne
s’agit pas de s’arrêter sur les caractéristiques auto-attribuées ou hétéro-attribuées des autres,
mais d’opérer, dans le même temps, un retour sur soi. En effet, toute focalisation excessive
sur les spécificités d’autrui conduit à l’exotisme ainsi qu’aux impasses du culturalisme, par
sur-valorisation des différences culturelles et par accentuation, consciente ou non, des
stéréotypes voire des préjugés. L’interrogation identitaire de soi par rapport à autrui fait partie
intégrante de la démarche interculturelle. Le travail d’analyse et de connaissance porte autant
sur autrui que sur soi-même.
1° De la connaissance des cultures à la re-connaissance de l’altérité
La question de l’altérité se pose moins à partir d’une connaissance par
marquage, catégorisation et description que par une compréhension inter-subjective. C’est
dire que sont privilégiées les philosophies de la différence - même si nous contestons ce
terme, au profit de celui de diversité - avec Derrida, Deleuze, Foucault, M de Certeau,
Lyotard et F. Jacques, les philosophies de l’altérité avec Labarrière, Ricoeur, Lévinas, la
pensée du complexe vulgarisée notamment par E. Morin, mais aussi les pensées de la
variation avec I. Stengers, H. Atlan, M. Serres et A. Jacquard, notamment.
Il ne s’agit pas de former à « l’interculturel », ni de s’engager dans des
formations spécifiques en fonction de publics dits particuliers (les migrants, les Arabes, les
Chinois, les Asiatiques, les Africains…). La compréhension d’autrui exige un travail sur soi
afin d’éviter de sombrer dans une projection et un jeu de miroir ou de sombrer dans une forme
de tautologie expérientielle où l’enseignant ne fait que reproduire, consciemment ou non, du
même.
Entendue comme une connaissance de l’Autre, la formation culturelle,
quelle que soit la finesse des savoirs, reste extérieure à l’acte de formation car elle s’appuie
sur un discours de catégorisation et d’attribution à partir notamment de savoirs factuels et
descriptifs. Elle produit ainsi un artefact qui justifie en retour les analyses culturalistes. Le
formateur ne rencontre plus Yves, Antonio, Mohamed…, mais le stéréotype acquis et renforcé
à partir justement des connaissances culturelles factuelles, ponctuelles, partielles voire
partiales sur les Français, les Portugais, les Arabes… Les connaissances abstraites et