ENS 1995 page 1 COMPOSITION DE MATHÉMATIQUES Durée : 4

ENS 1995 page 1
COMPOSITION DE MATH´
EMATIQUES
Dur´ee : 4 heures
Introduction
De mani`ere informelle, une fonction ´el´ementaire est une fonction d´efinie sur un ouvert de Rou de C
et qui «s’exprime par composition »`a l’aide de la fonction exponentielle (ez=P
n0
zn
n), de la fonction
logarithme (log (1 + z) = P
n1
(1)n1zn
n), des op´erations rationnelles (somme, produit, quotient) et
d’op´erations alg´ebriques (telles que les racines n-i`emes). Par exemple, les fonctions :
cos (z) = eiz +eiz
2, sin (z) = eiz eiz
2i,
z
1995 3
v
u
u
tsin z2
1 + z
elog z, arctan (z) = log (1 + iz)log (1 iz)
2i
sont ´el´ementaires. Il est plausible, d’apr`es cette vague d´efinition, que la d´eriv´ee d’une fonction ´el´ementaire
est encore ´el´ementaire et il est bien connu qu’une fraction rationnelle `a coefficients r´eels ou complexes
admet comme primitive une fonction ´el´ementaire. Par contre, il existe des fonctions ´el´ementaires tr`es
simples n’ayant pas de primitive qui soit ´el´ementaire : c’est le cas par exemple de la fonction z7→ ez2;
il est donc impossible de calculer «la »primitive d’une telle fonction, du moins avec les r`egles du jeu
habituel.
Le but de l’´epreuve consiste d’une part `a formaliser le concept de fonction ´el´ementaire et d’autre part
`a prouver un crit`ere dˆu en partie `a Liouville (1835), am´elior´e par Ostrowski (1946) permettant de
tester si certaines fonctions admettent comme primitive une fonction ´el´ementaire. Le cadre de cette
´etude est purement alg´ebrique, la notion de primitive ´etant consid´er´ee comme inverse de la d´eriv´ee :
on dispose d’un corps de base K(penser au corps des fractions rationnelles sur Rou C), d’un surcorps
Ede K(on admettra ici que l’ensemble des fonctions d´eveloppables en s´erie enti`ere sur un ouvert
connexe de Rou Cest un anneau int`egre dont on peut consid´erer le corps des fractions) et d’un
op´erateur de d´erivation D:EEsatisfaisant aux propri´et´es habituelles (c.f. la suite). Il est alors
possible de d´efinir de mani`ere rigoureuse ce que veut dire «fEest ´el´ementaire sur K»et de
donner dans certains cas un crit`ere permettant d’affirmer que fEadmet une primitive gE, i.e.
D(g) = f, ´el´ementaire sur K.
Partie 0 : Pr´eliminaires
Nous supposerons que tous les corps consid´er´es dans le probl`eme sont commutatifs et contiennent Q;
en particulier, si xest ´el´ement d’un tel corps et nZ\ {0}, alors nx = 0 implique x= 0. On rappelle
que si Kest un corps (commutatif), l’anneau des polynˆomes K[X] est un anneau principal.
Soit Eun surcorps d’un corps Kc’est-`a-dire un corps contenant K; un ´el´ement xEest
alg´ebrique sur Ks’il existe PK[X]\ {0}tel que P(x) = 0 ; il est dit transcendant sur
Kdans le cas contraire. Pour xE, on d´esigne par K(x) le plus petit sous-corps de E contenant
Ket x.
1. Si xEest alg´ebrique sur K, montrer l’existence et l’unicit´e d’un polynˆome unitaire Px
K[X] tel que, pour QK[X], on ait l’´equivalence Q(x)=0Px|Q; montrer alors que
K(x) =
n1
L
i=0
Kxio`u n= deg Px; en particulier dimKK(x) = n.
R´eciproquement, si K(x) est de dimension finie sur K, montrer que xest alg´ebrique sur K
(consid´erer les puissances de xdans le K-espace vectoriel K(x)).
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Le polynˆome Pxest appel´e le polynˆome minimal de xsur K.
2. Si xEest transcendant sur K, montrer que l’application K(X)E, R 7→ R(x) induit un
isomorphisme du corps des fractions rationnelles K(X) sur le corps K(x).
Partie I : Les d´erivations et leurs propri´et´es ´el´ementaires
Une d´erivation sur un corps Kest une application D:KKsatisfaisant `a :
D(u+v) = D(u) + D(v), D(uv) = D(u)v+D(v)u,u, v K.
Un corps diff´erentiel Kest un corps muni d’une d´erivation D; on note Kcst ={uK|D(u) = 0}
que l’on appelle le sous-corps des constantes.
1. Que vaut D(1) ? Pour (u, v)K×K, exprimer D(u/v) en fonction de u,v,D(u), D(v).
Question analogue pour D(un) avec (u, n)K×Nou (u, n)K×Z.
V´erifier que Kcst est bien un sous-corps de K. Quelle propri´et´e poss`ede la «d´eriv´ee logarith-
mique »KKqui `a uassocie D(u)/u ?`
A quelle condition a-t-on D(u)/u =D(v)/v ?
2. Si P=P
i
aiXiK[X], on note PDle polynˆome P
i
D(ai)Xiet P0le polynˆome d´eriv´e de Pau
sens habituel i.e. P0=P
i
iaiXi. Pour uK, v´erifier que D(P(u)) = P0(u)D(u) + PD(u).
3. On rappelle qu’un polynˆome `a coefficients dans Kest sans facteur carr´e s’il est produit de po-
lynˆomes irr´eductibles distincts c’est-`a-dire si les exposants intervenant dans sa d´ecomposition en
facteurs premiers sont tous ´egaux `a 1. Soit Dune d´erivation sur le corps des fractions ration-
nelles K(X) v´erifiant D(K[X]) K[X]. On consid`ere une famille finie (Qj)jJde polynˆomes
non nuls de K[X]sans facteur carr´e et premiers entre eux deux `a deux et une ´egalit´e :
P
jJ
Pj
Qj
=DP
Q,Pj, P K[X], QK[X]\ {0}, pgcd (P, Q) = 1.
Montrer que Qdivise D(Q). Montrer ensuite que si jJest tel que pgcd (Qj, Q) = 1, alors
Qj|Pj.
Partie II : D´erivation sur K(X)de type logarithmique
Un surcorps diff´erentiel Ed’un corps Kest un surcorps de Kmuni d’une d´erivation Dv´erifiant
D(K)Ket ayant mˆeme sous-corps des constantes que K(i.e. si vEv´erifie D(v) = 0 alors
vK).
On consid`ere dans cette partie une d´erivation Dsur le corps des fractions rationnelles K(X) telle que
K(X) est un surcorps diff´erentiel de Ket D(X)K.
1. Soit P=P
i
aiXiK[X] ; `a l’aide de l’expression de D(P) en fonction de D(X), PD=
P
i
D(ai)Xiet P0(c.f. question I.2), montrer que D(P)K[X] et comparer son degr´e avec celui
de P.`
A quelle condition a-t-on deg D(P)<deg P?
2. Quels sont les polynˆomes unitaires QK[X] tels que Qdivise D(Q) ? les polynˆomes PK[X]
tels que D(P)K?
3. Soit Rune fraction rationnelle de K(X) telle que D(R)K; montrer R=cX +gavec cKcst
et gK.
Dans un corps diff´erentiel K, on appelle somme de Liouville dans Ktout ´el´ement de Kde
la forme :
D(g) +
n
P
i=1
ci
D(fi)
fi
,gK,ciKcst,fiK\ {0}.
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4. Soit fK; on suppose que fest une somme de Liouville dans K(X). Montrer qu’il existe
cKcst tel que fcD(X) soit une somme de Liouville dans K. Pour cela, on montrera, en
partant de la d´efinition d’une somme de Liouville dans K(X), que l’on peut ´ecrire fsous la
forme :
f=D(R) + P
iI
ci
D(fi)
fi
+P
jJ
dj
D(Qj)
Qj
,
avec RK(X), fiK\ {0},QjK[X]\ {0},ci, djKcst,
les Qj´etant des polynˆomes distincts de K[X], de degr´e non nul, irr´eductibles e t unitaires puis
on utilisera la question I.3.
Dans un corps diff´erentiel K, on dit que vKest un logarithme de uK\ {0}si
D(v) = D(u)/u (penser `a la formule (log u)0=u0/u).
Un surcorps diff´erentiel Ede Kest dit logarithmique s’il est de la forme E=K(v) o`u vE
est un logarithme d’une fonction uK\ {0}.
5. Soit E=K(v) un surcorps diff´erentiel logarithmique, v´etant suppos´e transcendant sur K.
Montrer le th´eor`eme de descente de Liouville : si fKest une somme de Liouville dans
E, alors fest une somme de Liouville dans K. Pour cela, on transportera la d´erivation de E
en une d´erivation de K(X) `a l’aide de l’isomorphisme de corps K(X)E(c.f. la question 0.2)
et on appliquera la question pr´ec´edente.
Partie III : D´erivation sur K(X)de type exponentiel
On consid`ere dans cette partie une d´erivation Dsur le corps des fractions rationnelles K(X) telle que :
K(X) est un surcorps diff´erentiel de K,D(X)
XK.
La premi`ere assertion signifie donc que D(K)Ket K(X)cst =Kcst (en particulier D(X)6=0).
1. Soit PK[X] ; montrer que D(P)K[X] et comparer son degr´e avec celui de P.
2. Soit PK[X] ; montrer que Pdivise D(P) si et seulement si Pest de la forme aXn, avec
aK.
3. Soit RK(X) une fraction rationnelle ; montrer que si D(R)K[X], alors soit RKcst soit
Rest un polynˆome, de mˆeme degr´e que D(R) (en particulier, si D(R)Kalors RK).
4. Soit fK; on suppose que fest une somme de Liouville dans K(X). Montrer qu’il existe
cKcst tel que fcD(X)/X soit une somme de Liouville dans K. Pour cela, on raisonnera
comme dans la question II.4.
Dans un corps diff´erentiel K, on dit que vK\ {0}est une exponentielle de uKsi
D(v)/v =D(u) (penser `a la formule (eu)0=u0eu).
Un surcorps diff´erentiel Ede Kest dit exponentiel s’il est de la forme E=K(v) o`u vE est
une exponentielle d’un ´el´ement uK.
5. Soit E=K(v) un surcorps diff´erentiel exponentiel, v´etant suppos´e transcendant sur K.´
Enoncer
et montrer un th´eor`eme de descente de Liouville analogue `a celui de la question II.5.
Partie IV : Norme, trace et descente dans un surcorps de dimension finie
Dans cette partie, Kd´esigne un corps (rappel : Kest commutatif et contient Q, en particulier il
est infini) ; si uest un endomorphisme d’un K-espace vectoriel Ede dimension n, on note χu(T) =
det (T IEu)K[T] le polynˆome caract´eristique de u, Ωu(T)K[T] le polynˆome χu(T)χu(0)
Tet
u#l’endomorphisme (1)n1u(u).
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1. Soit Ala matrice de udans une base de E; montrer que la matrice A#de u#dans cette base
est la transpos´ee de la matrice des cofacteurs de A(consid´erer d’abord le cas o`u u est inversible ;
consid´erer ensuite l’endomorphisme uλIEpour λK).
2. Soit Eun surcorps de Kde dimension finie comme K-espace vectoriel ; on d´efinit deux applica-
tions tr : EK(la trace) et N:EK(la norme) par :
tr (x) = tr (mx), N(x) = det (mx) (mx=y7→ xy est la multiplication par xdans E).
V´erifier que la trace est K-lin´eaire ; que vaut tr (λ) pour λK? V´erifier que N(xy) = N(x)N(y)
pour x, y E; que vaut N(λ) pour λK?
Soit xE; montrer qu’il existe un unique x#Etel que (mx)#=mx#. V´erifier que x#x=
xx#=N(x).
3. Soit Dune d´erivation sur K; pour A= (ai,j )Mn(K), on note D(A) la matrice (Dai,j ).
Montrer que D(det A) = tr A#D(A).
4. Soit Dune d´erivation sur Ev´erifiant D(K)K. Montrer que tr (D(x)) = D(tr (x)) pour xE.
Pour cela, on fixe une base B={e1, e2, . . ., en}de Esur K(n= dimKE) et on note ∆ : EE
l’unique application K-lin´eaire d´efinie par ∆(ei) = D(ei) (attention, Dn’est pas K-lin´eaire) ;
soit (ai,j ) la matrice de mxdans Bet mD
x:EEl’application K-lin´eaire de matrice (Dai,j ).
V´erifier que :
()mx∆ + mD(x)= mx+mD
x
puis conclure.
5. Montrer que tr x#D(x) =N(N(x)) (on pourra ´eventuellement utiliser une base B=
{e1, e2, . . ., en}de Eet la relation () de la question pr´ec´edente). En d´eduire que pour xE\{0}:
D(N(x))
N(x)= tr D(x)
x.
6. ´
Enoncer un th´eor`eme de descente pour un surcorps diff´erentiel Ede Kde dimension finie.
Partie V : Le th´eor`eme de Liouville/Ostrowski
1. Soit Eun surcorps diff´erentiel de K; si xEest alg´ebrique sur K, montrer que D(K(x))
K(x).
Un surcorps diff´erentiel Ede Kest dit ´el´ementaire sur Ks’il existe une suite (Ki)0imde
sous-corps de Etelle que :
K=K0K1K2. . . Km1Km=E
o`u Ki+1 est ou bien de dimension finie sur Kiou bien de la forme Ki(vi+1), vi+1 Ki+1 ´etant
soit un logarithme soit une exponentielle d’un ´el´ement de Ki. On rappelle que Eet Kont
mˆeme sous-corps de constantes.
2. Soit fappartenant `a un corps diff´erentiel K; on suppose que fadmet une primitive dans un
surcorps diff´erentiel E´el´ementaire sur K, i.e. il existe gEtel que D(g) = f. Montrer que f
est une somme de Liouville dans K: c’est le th´eor`eme de Liouville/Ostrowski (il ram`ene
une propri´et´e ayant lieu dans E`a une propri´et´e ayant lieu dans K).
Partie VI : Zet2dtn’est pas une fonction ´el´ementaire
Soit Kun corps diff´erentiel et uK; afin d’all´eger les notations, on note (de mani`ere abusive) eu
tout ´el´ement appartenant `a un surcorps diff´erentiel de Kqui est une exponentielle de u. Idem pour
les logarithmes avec la notation log (u).
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1. On reprend les hypoth`eses figurant au d´ebut de la partie III. Soit fK; montrer que Xf est une
somme de Liouville dans K(X) si et seulement si il existe gKtel que f=D(g)+gD(X)/X.
Si de plus, Kest ´egal `a un corps de fractions rationnelles k(T) (`a coefficients dans un corps k)
muni de la d´erivation habituelle, montrer que si fet D(X)/X appartiennent `a k[T], alors gk[T]
(i.e. si fet D(X)/X sont des polynˆomes en T, alors gest un polynˆome en T).
2. Soit Eun surcorps diff´erentiel de K; on consid`ere un ´el´ement vEtelle que D(v)K(c’est le
cas par exemple de v= log (u) pour uK\ {0}; montrer que si v /K, alors vest transcendant
sur K. De mani`ere analogue, pour uK, montrer que euest transcendant sur Ksauf dans le
cas o`u il existe un entier n > 0 tel que nu soit un logarithme d’un ´el´ement de K(dans les deux
cas, on pourra raisonner par l’absurde et consid´erer le polynˆome minimal de vsur K).
3. On consid`ere le corps diff´erentiel «habituel »K=C(T) ; montrer qu’une fraction rationnelle
de C(T)non constante n’admet pas de logarithme dans C(T). En d´eduire que si uC(T) n’est
pas une constante, alors euest transcendante sur C(T).
4. En d´eduire le crit`ere de Liouville : soient fC(T), uC(T)\C; alors feuadmet une primitive
dans un surcorps diff´erentiel ´el´ementaire de C(T) si et seulement si il existe gC(T) tel que
f=g0+gu0. De plus, si f,usont des polynˆomes, alors gest un polynˆome et deg u1 + deg f.
5. En d´eduire que Zet2dtn’est pas une fonction ´el´ementaire i.e. n’appartient `a aucun surcorps
diff´erentiel ´el´ementaire de C(T).
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