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le clinicien novembre 2010
Une cellulite qui ne guérit pas
Procéder à une investigation adéquate
S’agit-il vraiment d’une cellulite?
La dermite de stase peut parfois être confondue avec une infection cutanée
(Tableau 1). Il est primordial d’orienter l’examen clinique vers la recherche
d’un abcès sous-cutané, d’une bursite infectée ou d’une arthrite septique, car
ces pathologies nécessitent souvent un drainage. En présence d’atteinte du
membre inférieur, une échographie Doppler doit être envisagée selon la
probabilité clinique de thrombose veineuse.
Autre piège à éviter : l’arthrite microcristalline s’accompagne fréquemment
de signes inflammatoires et d’une température corporelle qui miment une
infection des tissus mous.
Serait-ce une fasciite nécrosante ou une gangrène gazeuse?
La fasciite nécrosante et la gangrène gazeuse sont des infections graves asso-
ciées à un risque d’amputation et de mortalité.
La fasciite de type II, souvent causée par un streptocoque bêta-hémolytique
du groupe A, est classiquement associée à une douleur aiguë. La fasciite
polymicrobienne de type I se retrouve chez des patients avec plusieurs comor-
bidités, dont le diabète, et peut se présenter de façon plus sournoise avec une
douleur modérée.
Le dosage des CK s’avère peu sensible pour la détection d’une fasciite, car
celle-ci ne s’accompagne pas systématiquement d’une myosite ou d’un syn-
drome du compartiment. La tomodensitométrie et la résonance magnétique
offrent, quant à elles, peu de spécificité pour le diagnostic.
Une fascite nécrosante ou une gangrène gazeuse présentent des signes sou-
vent tardifs (voir Encadré 1 pour les caractéristiques cliniques); en cas de
doute diagnostique, le clinicien ne doit pas hésiter à demander l’avis d’un spé-
cialiste afin de procéder à une exploration chirurgicale d’urgence.
Est-ce que des germes inhabituels seraient en cause?
Les comorbidités du patient, notamment le diabète de type 2, peuvent sug-
gérer une cause polymicrobienne. Le patient neutropénique, plus sujet à une
infection à Pseudomonas aeruginosa, doit souvent subir un traitement
intraveineux à large spectre. L’utilisation de drogues par voie intraveineuses
doit être recherchée, car elle engendre fréquemment des infections polymicro-
biennes (incluant à SARM-AC) et elle peut s’accompagner d’abcès ou de
thrombophlébites septiques. Le Tableau 2 indique les germes pouvant infecter
une plaie lors d’un contact avec un animal ou de l’eau contaminée.
Infection à SARM-AC
On note en Amérique du Nord une incidence accrue d’infections cutanées à
SARM-AC. Ce germe est retrouvé plus fréquemment chez les populations à
Tableau 1
Diagnostic différentiel de
l’infection des tissus
mous
Encadré 1
Caractéristiques cliniques
suggérant une fasciite
nécrosante ou une
gangrène gazeuse
•Sepsis sévère, tableau clinique de
choc toxique streptococcique;
•Douleur disproportionnée;
•Progression rapide et œdème
dépassant la zone d’érythème;
•Anesthésie du site de l’infection;
•Ecchymoses associées;
•Induration du site;
•Phlyctènes (surtout hémorragiques);
•Emphysème sous-cutané (signe
souvent tardif);
•État post-traumatique avec corps
étrangers ou site opératoire.
Dermite de stase, lipodermatosclérose
Érythème de déclivité de l’insuffisance
artérielle (il blanchit à l’élévation du
membre)
Arthrite ou bursite septique (souvent
olécrânienne)
Arthrite microcristalline ou
inflammatoire
Infection à herpès zoster (zona) ou
simplex (Whitlow)
Pyoderma gangrenosum ou vasculite
cutanée
Réaction allergique, dermatite de
contact, syndrome de Sweet,
syndrome de Stevens-Johnson
Réaction inflammatoire à la suite d’une
piqûre d’insecte, Erythema migrans
(maladie de Lyme)
Thrombose veineuse superficielle ou
profonde