Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, nO 9, pp. 443-447
©Masson, Paris, 1985 NOTE DE TECHNIQUE
Tentative de différenciation analytique des muscles synergiques
lors du bilan musculaire des membres inférieurs
H. BOUSSAGOL (1), B. COMBE (2), F. STER (3), J. SANY (4)
(1) Kinésithérapeute-Chef; (3) Médecin-Chef, centre de rééducation, F34240 Lamalou-les-Bains. (2) Chef de Clinique, service de
Rééducation Fonctionnelle; (4) Professeur à l'UER de médecine de Montpellier, chef de service de Rééducation fonctionnelle, Centre
Gui de Chauliac, CH. u., F34Q59 Montpellier.
A quelques rares exceptions près, un mouve-
ment est toujours la résultante de contractions
musculaires synergiques, concourant à sa
meilleure exécution soit en renforçant l'action
du muscle principal, soit en stabilisant une
articulation intermédiaire, améliorant ainsi les
conditions mécaniques et permettant une
meilleure efficacité.
Ala hanche
FLEXION
Psoas iliaque et couturier, principaux muscles
fléchisseurs, agissent ensemble; leur différencia-
tion est relativement aisée :
- le psoas et l'iliaque, muscles profondément
situés, ne peuvent être palpés. Le mouvement
dans un plan antéro-postérieur est un mouve-
ment de flexion «pure» car la rotation externe
produite par le psoas iliaque est neutralisée par
l'action rotatrice interne du fascia lata.
La contraction du couturier entraîne une
flexion de hanche avec une composante d'abduc-
tion et de rotation externe. Ce muscle est
facilement visualisé et palpé sur la face antéro-
interne de la cuisse, qu'il «cravate » de l'épine
iliaque antéro-supérieure à la patte d'oie (fig. 1).
- Le tenseur du fascia-lata est un fléchisseur
accessoire de la hanche. En position de réfé-
rence, la hanche étant en rectitude, l'axe de son
Tirés à part: H. BOUSSAGOL, à l'adresse ci-dessus.
long corps tendineux est pratiquement superpo-
sable à l'axe du fémur. Son action sera donc nulle
ou presque dans les premiers degrés de flexion
et ne deviendra efficace qu'à partir de 30°.
Lors des paralysies hautes du plexus lombaire
ce fait peut être vérifié mais la flexion est
cependant fonctionnelle puisque la montée des
escaliers est possible.
Enfin, le droit antérieur, chef polyarticulaire
du quadriceps a une action d'appoint non
négligeable d'autant plus que la hanche est en
rectitude ou même en extension (étirement du
corps musculaire). Son rôle palliatif était très
important dans les atteintes poliomyélitiques
dont les lésions anarchiques pouvaient paralyser
le psoas en respectant plus ou, moins le
quadriceps.
Actuellement, en pathologie périphérique, le
quadriceps donc le droit antérieur, est paralysé
en même temps que les fléchisseurs de hanche
(innervation lombaire ou crurale).
FIG. 1. - Le couturier «cravate» la face antéro-interne de la
cuisse.
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PLEXUS Lü/1BAIRE
collatérales pour
l'iliaque (1)
. le psoas (2 et 3)
NERF CRURAL
L2
L3
L4
L5
du biceps crural) le demi-membraneux et le
demi-tendineux (innervés par la racine L4) sont
capables àeux seuls d'effectuer une extension
de hanche dans la cotation 2 du bilan musculaire
et ceci malgré le maintien passif du genou en
flexion; il sera donc indispensable par la
palpation de contrôler la paralysie du grand
fessier, muscle volumineux, superficiel, consti-
tuant àlui seul le relief de la fesse. L'absence
du biceps sera également aisément constatée. Ce
muscle constituant àlui .seul, la colonne
postéro-externe de la cuisse.
Collatérales pour l'iliaque (4)
le psoas (5)
FIG. 2. - Double innervation du psoas iliaque.
La palpation de ce muscle est possible à son
origine sur l'épine iliaque antéro-inférieure entre
le couturier en dedans et le tenseur du fascia-Iata
en dehors.
Enfin, l'on doit savoir que malgré une
paralysie crurale, la flexion active de la hanche
reste possible car si le couturier et le droit
antérieur sont paralysés, le psoas iliaque, grâce
à sa double innervation (nerf crural et rameaux
directs du plexus lombaire (fig. 2) n'est que
parétique, et sa contraction assurera une flexion
de hanche proche de la cotation 3 du bilan
musculaire, une paralysie traduirait une atteinte
en amont par lésion du plexus lombaire. Cette
atteinte haute entraîne une paralysie non seule-
ment par dénervation du psoas iliaque (rameaux
directs et crural) mais aussi par atteinte du droit
antérieur et également des muscles petit et
moyen adducteurs innervés par l'obturateur.
Nous signalons ces deux muscles car ils ont un
rôle dans la flexion de la hanche surtout dans
les vingt premiers degrés du mouvement.
EXTENSION
Grand fessier et ischio-jambiers (biceps longue
portion, demi-tendineux et demi-membraneux),
assurent l'extension de la hanche mais il suffit
de maintenir passivement le genou en flexion
pour «éliminer» l'action des ischio-jambiers.
Dans le cas d'une paralysie SI (se traduisant
entre autre par une atteinte du grand fessier et
ROT AnON EXTERNE
Les pelvi-trochantériens sont les principaux
rotateurs externes de hanche mais leur présence
est toujours difficile àdéceler surtout dans les
cotations inférieures à 3. En effet, le couturier
et les fibres externes du grand fessier agissent
simultanément avec les pelvi-trochantériens.
Affirmer la part exacte qui revient aux pe1vi-
trochantériens (impalpables) ou au couturier
et au grand fessier paraît techniquement impos-
sible.
Au genou
FLEXION
La flexion est assurée par les ischio-jambiers :
demi-membraneux, demi-tendineux et biceps
ainsi que par le droit interne. Ces muscles
fléchisseurs du genou classés en deux groupes,
interne et externe, peuvent agir selon le mouve-
ment considéré comme muscles synergiques ou
antagonistes. Ils sont synergiques dans la flexion
lors de leur contraction simultanée, ils sont
antagonistes dans les mouvements de rotation
du genou, la rotation interne étant assurée par
le demi-membraneux et le demi-tendineux alors
que la rotation externe est assurée par le biceps.
La différenciation entre demi-tendineux et
demi-membraneux ne présente que peu d'intérêt
puisque ces deux muscles ont la même innerva-
tion radiculaire et tronculaire.
Par contre, plus intéressante sera la différen-
Longue portion _
(nerf des ischios jambiers) courte portion
(S.P.E.)
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Nerf de la longue
portion
FIG. 3. - Différenciation entre longue et courte portion du biceps.
ciation dans le cas d'une paralysie sciatique
haute entre le droit interne d'une part, le
demi-membraneux et le demi-tendineux d'autre
part. Ces deux derniers muscles seront paralysés
mais le droit interne innervé par le nerf
obturateur' sera conservé et palpé sur la face
interne de la cuisse, de son tiers inférieur jusqu'à
la branche ischio-pubienne.
Enfin, une attention particulière sera portée
à l'évaluation du biceps. La différenciation entre
longue et courte portion (fig. 3) permettra'
d'établir un diagnostic topographique différen-
tiel entre une atteinte haute ou basse du
sciatique, la longue portion étant innervée à
partir d'une collatérale haute (para-ischiatique),
la courte portion recevant un rameau dont
l'origine est beaucoup plus basse (tiers moyen
de la cuisse) (fig. 4). La palpation s'effectue en
demandant au patient de réaliser une rotation
externe du segment jambier (genou maintenu
passivement en flexion à 600). L'absence de la
courte portion se traduira par une dépression
située sur le tiers inférieur et externe de la cuisse
Nerf de la courte portion
du biceps.
FIG. 4. - Innervation du biceps crural.
entre le tenseur du fascia-Iata en dehors et la
longue portion intacte en dedans.
Les jumeaux externe et interne participent
également à la flexion du genou. En règle
générale, on ne rencontre pas de paralysie
complète des ischio-jambiers alors que les
jumeaux sont conservés. Leur action est cepen-
dant facilement décelable par la palpation
associée à une flexionplantaire contre résistance.
EXTENSION
.Il va sans dire que les 4 faisceaux du
quadriceps sont synergiques lors de l'extension
du genou. On peut différencier le droit antérieur
des autres chefs et la manœuvre est bien connue:
évaluation de tout le quadriceps hanche en
rectitude suivie de la variante hanche en flexion
à900 qui, rapprochant les insertions du droit
antérieur (épine iliaque antéro-inférieure), sup-
prime son action.
446 Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, nO 9
Enfin, il est classique d'affirmer que c'est le
vaste interne qui assure les derniers degrés
d'extension mais ceci n'est pas tout àfait exact.
Il est certain que ce faisceau lors de sa
contraction oriente la rotule et la palpation à
la face inférieure et antéro-interne de la cuisse
permet d'apprécier la contraction et le volume
musculaire.
Il faut savoir que dans des cas rares de patients
ayant une paralysie complète du quadriceps, le
genou peut être étendu contre pesanteur mais
incomplètement (- 250) grâce à l'action du
tenseur du fascia-lata. Ce trucage sera dépisté
par l'absence complète de fixation de la rotule
et par ailleurs par la contraction très marquée
du fascia-lata sur la face externe de la cuisse.
Au pied
FLEXION DORSALE
Deux muscles principaux (jambier antérieur
et extenseur commun des orteils), un muscle
accessoire (extenseur prop"re du 1) agissent
synergiquement lors de la flexion dorsale de la
tibio-tarsienne. La prévalence d'un des deux
muscles principaux entraîne un déséquilibre
dans le mouvement soit en inversion (jambe
antérieur) soit en éversion (extenseur commun)
selon le muscle dominant. En effet, bien qu'in-
nervés. tous les deux par le tibial antérieur, il
est possible de rencontrer chez certains patients
polytraumatisés (par suite d'une fracture du
cotyle par exemple) une atteinte élective du
jambier antérieur causée par l'embrochage trans-
tibia!. La récupération est habituelle et ne pose
aucun problème après l'ablation de la broche.
INVERSION
Beaucoup plus intéressante est la distinction
entre jambier antérieur et jambier postérieur,
tous deux inverseurs du pied.
Plusieurs cas de figures peuvent être ren-
contrés :
- le jambier antérieur est absent ainsi que
l'extenseur commun et les péroniers latéraux,. le
jambier postérieur est présent.
Il s'agit d'une atteinte de type sciatique poplité
externe; en effet,lejambier postérieur est innervé
par le sciatique poplité interne.
- lejambier antérieur est absent ainsi que l'exten-
seur commun et lespéroniers latéraux,. lejambier
postérieur est également paralytique. On notera
la persistance de la fonction du triceps pour
éliminer une atteinte globale du sciatique et l'on
pourra alors affirmer que la paralysie :
Jambier antérieur +jambier postérieur +exten-
seurs +péroniers =atteinte radiculaire L4/L5.
Car le jambier antérieur et le jambier posté-
rieur sont de même niveau radiculaire L4/L5
mais innervés par des terminales différentes :
- sciatique poplité externe pour le jambier
antérieur,
- sciatique poplité interne pour le jambier
postérieur.
Le jambier postérieur ne s'évalue pas en force
car l'inversion du pied est certes due àsa
contraction mais aussi àl'action du jambier
antérieur et du triceps, c'est la palpation, facile,
en arrière du sommet de la malléole interne qui
permet d'affirmer ou d'infirmer sa présence.
FLEXION PLANTAIRE
Aucun autre muscle ne peut remplacer le
triceps surallors de l'élévation sur la pointe du
pied mais lors de la cotation «non fonction-
nelle », lepatient étant en décubitus, il ne faudra
point se laisser abuser par la contraction du long
péronier latéral qui tout en ayant tendance à
placer le pied en éversion portera l'avant-pied
en flexion plantaire.
Par contre, lors d'une atteinte du musculo-
cutané, la paralysie des péroniers gênera l'éléva-
tion sur la pointe du pied, non pas par
insuffisance du triceps mais par manque de
stabilité latérale au niveau de la sous-astraga-
lienne. L'examinateur devra bloquer le calca-
néum par un appui sur sa face interne et un
contre appui sur le tiers inférieur et externe de
la jambe afin que le patient puisse effectuer
plusieurs élévations consécutives sur la pointe
du pied (cotation fonctionnelle).
D'où l'intérêt dans toute atteinte neurologique
périphérique du pied, d'évaluer d'abord les
péroniers latéraux (indispensables àla stabilisa-
tion de la sous-astragalienne avant d'évaluer le
triceps sural).
Conclusion
Pour garder toute sa fiabilité, l'appréciation
manuelle de la fonction musculaire se veut d'être
Ann. Kin ésithér.,1985, t. 12, 9 447
analytique, ce qui évidemment demandera à
l'examinateur de bonnes connaissances anatomi-
ques et cinésiologiques permettant d'apprécier
la participation exacte revenant àchaque muscle
au cours d'un mouvement précis.
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