Chapitre V Matrices

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Chapitre V
Matrices
1 Révisions
a)
Généralités
Définitions. Soient m, n
et un corps commutatif. Une matrice de type m, n à coefficients dans
un tableau de mn éléments de à m lignes et n colonnes, que l’on note :
a1,1
a2,1
a1,2
a2,2
. . . .
am,2
am,1
est
. . . a1,n
. . . a2,n
. . .
. . . am,n
ou, en abrégé, aij . Dans la notation abrégée, ai,j désigne l’élément (ou coefficient) de la iième ligne et la jième
colonne. L’ensemble des matrices à m lignes et n colonnes est noté Mm,n
.
Définitions. Une matrice de type n, n a le même nombre de lignes et de colonnes. Elle est dite carrée
d’ordre n. L’ensemble des matrices carrées d’ordre n est noté Mn
. Si A
aij
Mn
, alors on dit que
A est diagonale si l’on a aij 0 dès que i j, qu’elle est triangulaire supérieure si l’on a aij 0 dès que i j,
et qu’elle est triangulaire inférieure si l’on a aij 0 dès que i j.
Définition. Une matrice à une seule ligne s’appelle un vecteur-ligne, et une matrice à une seule colonne
s’appelle un vecteur-colonne.
Sur l’ensemble Mm,n
on définit les lois suivantes :
– une addition entre matrices de même type : si aij , bij
aij
bij
– multiplication d’une matrice par un scalaire : si aij
aij
bij .
et λ
Mm,n
, alors
λaij .
λ aij
– produit d’une matrice A
, alors
Mm,n
aij de type m, k et une matrice B
bij de type k, n :
k
AB
cij ,
où ci,j
ai1 b1j
air brj .
aik bkj
r 1
Remarques.
32
CHAPITRE V. MATRICES
33
(a) Le produit AB ne peut s’effectuer que si le nombre de colonnes de A est égale au nombre de lignes de
B.
(b) On peut avoir AB
0 sans que A ou B soient nulles.
(c) En général, on ne peut pas ‘simplifier’ à gauche ou à droite : si AB
forcément B C.
AC ou BA
(d) Lorsqu’elle est définie, le produit des matrices n’est pas commutatif en général : AB
associatif, et distributif à gauche et à droite par rapport à l’addition.
CA, on n’a pas
BA. Mais il est
Proposition 46. Munis des lois d’addition et de multiplication matricielle, Mn
est un anneau unitaire
non commutatif. L’élément neutre pour l’addition est la matrice nulle ; celui de la multiplication est la matrice
1 0
0 1
identique de Mn
, notée In
0
..
... ... 0
0 ... 0
.
..
.
.. ..
. .
1
0 ...
0 ... ...
.
0
0
0 1
Proposition 47. Muni des deux premières lois, Mm,n
est un espace vectoriel sur de dimension finie, et
dim Mm,n
mn. En particulier, Mm,n
est isomorphe (en tant que -espace vectoriel) à mn . Le vecteur
nul est la matrice nulle, et l’opposé de la matrice A
aij est A
aij .
Remarque. Pour tout i
1, . . . , m et j
1, . . . , n, soit Ei,j
Mm,n
la matrice dont tous les éléments
ième
ième
sont nuls sauf celui à l’intersection de la i
ligne et de la j
colonne qui est égal à 1. Toute matrice
A
ai,j
Mm,n
s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire des Ei,j :
m
n
ai,j Ei,j .
A
i 1j 1
Les mn matrices Ei,j
b)
1 i m, 1 j n
forment une base de Mm,n
, appelée base canonique de Mm,n
.
Transposée
Définition. Soit A
aij
Mm,n
. On appelle transposée de A la matrice B
t
par : bij a ji . Cette matrice est notée A.
Définition. Soit A
antisymétrique) si tA
aij
Mn
A (resp. tA
Exemple. Dans Mn
, toute matrice diagonale est symétrique.
(i)
t tA
Mm,n
A, t λA
et λ
définie
une matrice carrée. On dit que A est une matrice symétrique (resp.
A).
Proposition 48 (Propriétés de la transposée).
(a) Soient A, B
bij de Mn,m
. Alors on a :
λ tA et t A
B
tA
tB.
CHAPITRE V. MATRICES
(ii) Si C
34
, alors t AC
Mm,p
tC tA.
(b) L’ensemble des matrices symétriques (resp. antisymétriques) est un sous-espace vectoriel de Mn
mension n n2 1 (resp. n n2 1 ).
, de di-
c) Inverse
Définition. Soit A Mn
B Mn
telle que AB
une matrice carrée. On dit que la matrice A est inversible s’il existe une matrice
BA In . La matrice B est dite inverse de A, et est notée A 1 .
Théorème 49 (Propriétés de l’inverse). On se place dans Mn
(a) Soit A
.
. Les conditions suivantes sont équivalentes :
Mn
(i) A est une matrice inversible.
(ii) A est une matrice inversible à gauche (il existe B
(iii) A est une matrice inversible à droite (il existe B
(b) Soit A une matrice inversible. Alors l’inverse A
(c) Si A, B
1
telle que BA
Mn
telle que AB
Mn
(d) Si A est inversible, alors tA est inversible, et tA
1
t
In ).
de A est unique et inversible, et A
Mn
sont inversibles, alors AB est inversible, et AB
Mn
In ).
A
1
1
B
1
1
A.
1 A 1.
.
Définition. Muni de la multiplication, l’ensemble des matrices inversibles de Mn
note GL n,
et s’appelle groupe linéaire.
est un groupe. Il se
d) Matrice d’une application linéaire
Définition. Soient E et F deux -espace vectoriels de dimension finie n et m respectivement. Soient B
ei 1 i n une base de E, C
f j 1 j m une base de F, et f une application linéaire de E dans F. Alors
f e1 , . . . , f en s’écrivent de manière unique sous la forme :
f e1
a1,1 f 1
am,1 f m
f e2
a1,2 f 1
am,2 f m
m
ou encore
..
.
f en
ai,j f i pour j
f ej
1, . . . , n.
i 1
a1,n f 1
am,n f m ,
La matrice (representative) de f dans les bases B et C, notée Mat f ; B, C , est la matrice appartenant à Mm,n
dont les coefficients de la jième colonne sont les coordonnées du vecteur f e j dans la base C
fi 1 i
c’est-à-dire :
f e1
f e2
. . . f en
Mat f ; B, C
f1
f2
..
.
a1,1
a2,1
..
.
a1,2
a2,2
...
...
a1,n
a2,n
..
.
fm
am,1
am,2
...
am,n
.
m,
CHAPITRE V. MATRICES
35
Si F
E, alors f est un endomorphisme, et l’on peut choisir la même base B dans E considéré comme
espace de départ et d’arrivée. Dans ce cas, Mat f ; B, B Mn
, et l’on notera cette matrice Mat f ; B .
Définition. Soient E un espace vectoriel de dimension finie n et B
ei
et x1 , . . . , xn
les coordonnées de x dans la base B (donc x
x 1 e1
x1
..
.
xn
Mn,1
une base de E. Soient x E,
xn en ). On écrira Mat x; B
1 i n
, et on dira que X est la matrice de x dans la base B.
Proposition 50. Soient E, F deux
E et C une base de F. Alors :
-espace vectoriels de dimension n, m respectivement. Soient B une base de
(a) l’application de L E, F dans Mm,n
qui à une application f associe Mat f ; B, C est un isomorphisme
d’espaces vectoriels. En particulier, dim L E, F
mn.
(b) l’application de E dans
n
qui à x
E associe Mat x; B est un isomorphisme d’espaces vectoriels.
Théorème 51. Soient E, F des -espace vectoriels de dimension finie, B une base de E, C une base de F,
f: E
F une application linéaire, et A Mat f ; B, C .
(a) Si x
E, soient X
Mat x; B et Y
Mat f x ; C . Alors :
AX
Y.
(b) Si G est un -espace vectoriel de dimension finie, D est une base de G, et g : F
linéaire, alors
C BA,
où B
Mat g; C, D et C
Mat g
G est une application
f ; B, D .
(c) L’application f est bijective si et seulement si Mat f ; B, C est inversible. Ceci étant, Mat f ; B, C
Mat f 1 ; C, B .
e)
1
Changement de bases
La matrice qui représente une application linéaire a été construite par rapport à un choix de bases
dans l’espace de départ et l’espace d’arrivée. Nous allons voir comment sont reliées deux matrices qui
représentent la même application linéaire dans des bases différentes.
Définition. Soient E un -espace vectoriel de dimension n, B
e1 , . . . , en et B
de E. On appelle matrice de passage de la base B à la base B la matrice
Pass B, B
e1 , . . . , en deux bases
Mat IdE ; B , B
La matrice Pass B, B est donc la matrice dont la jième colonne est formée des coordonnées de e j dans la
base B.
Remarque. Si Q est la matrice de passage de la base B à la base B, alors QP
P est inversible, et P 1 Q.
Mat IdE ; B , B
In , donc
CHAPITRE V. MATRICES
36
Théorème 52 (action de changement de base : coordonnées). Soient E un -espace vectoriel de dimension
n, et B et B deux bases de E. Soient x E, X Mat x; B , X
Mat x; B et P Pass B, B . Alors
PX .
X
Théorème 53 (action de changement de base : applications). Soient E, F des -espace vectoriels de dimension finie, f
L E, F , B et B deux bases de E, et C et C deux bases de F. Soient A
Mat f ; B, C ,
A
Mat f ; B , C , P Pass B, B et Q Pass C, C . Alors
A
Q
1
AP.
Ceci se voit schématiquement :
E
B
IdE
P
!E
B
f
A
!F
C
IdF
Q
1
! F.
C
En particulier, si f : E
E est un endomorphisme, B, B sont deux bases de E, A
A
Mat f ; B , et P Pass B, B , on a :
A
P
Mat f ; B ,
1 AP.
Ceci motive les définitions suivantes :
Définitions.
(a) Deux matrices A, A
que A
Q 1 AP.
(b) Deux matrices A, A
sont dites équivalentes s’il existe Q
Mm,n
Mn
sont dites semblables s’il existe P
GL m,
GL n,
et P
telles que A
GL n,
P
telles
1 AP.
Remarques.
(a) La relation « être equivalente à » est une relation d’équivalence dans Mm,n
.
(b) Deux matrices sont équivalentes si et seulement si elles représentent la même application linéaire dans
des bases différentes.
(c) La relation « être semblable à » est une relation d’équivalence dans Mn
.
(d) Deux matrices semblables représentent le même endomorphisme dans des bases différentes.
(e) Deux matrices semblables sont équivalentes. Mais la réciproque n’est pas vraie.
f)
Rang d’une matrice
Nous avons déjà défini le rang d’une application linéaire f : E
F au Chapitre IV comme rg f
dim Im f . Si e1 , . . . , en est une base de E, rg f
dim Vect f e1 , . . . , f en .
a1k
Définition. Soit A
aij
Mm,n
. Soient ck
..
.
m,
1
amk
k
n, les vecteurs-colonnes de A.
On pose rg A , le rang de A, égal au nombre maximal de colonnes linéairement indépendantes considérées
comme éléments de l’espace vectoriel m , autrement dit,
rg A
dim Vect c1 , . . . , cn .
CHAPITRE V. MATRICES
37
Comme on peut imaginer, il y a un lien avec la notion de rang d’une application linéaire.
Théorème 54.
(a) Soit A
Mm,n
rg tA .
. Alors rg A
(b) Soient E, F deux espaces vectoriels sur de dimension finie, et f L E, F . Soient B une base de E, C une
base de F, et A
Mat f ; B, C . Alors rg f
rg A . Autrement dit, deux matrices qui représentent la
même application linéaire dans des bases différentes ont même rang ; en particulier, deux matrices équivalentes ont même rang.
Le rang d’une matrice se calcule à l’aide de la méthode de Gauss.
2 Polynôme d’interpolation de Lagrange
Étant donnés n 1 points xi , yi du plan, où les xi sont distincts, il existe un polynôme unique L de
degré n (appelé polynôme d’interpolation de Lagrange) tel que L xi
yi pour tout i 1, . . . , n 1.
P
Théorème 55. Soient un corps commutatif infini, et n X
éléments distincts α1 , . . . , αn 1
. Soient les polynômes L1 , . . . , Ln
X
αi
Li X
X
αi
α1
α1
αi
αi
1
1
X
αi
αi
αi
X | deg P
1 définis par :
X
αi
1
1
αn
αn
n . On considère n
1
1
1
Alors :
(a) Li α j
δi,j pour tous 1
(b) La famille L1 , . . . , Ln
(c) Soient β 1 , . . . , β n
1
1
i, j
n
1.
est une base de
n
X.
quelconques. Alors le polynôme
L X
est l’unique pôlynome de
n
β 1 L1
βn
1 Ln 1
X tel que
L αi
β i pour tout i
1, . . . , n
1.
Il s’appelle polynôme d’interpolation de Lagrange.
Démonstration.
(a) On a bien Li αi
1 et Li α j
0 pour tout j
(b) Supposons que λ1 L1
n X et
λn
1 Ln 1
λi
donc la famille L1 , . . . , Ln
Théorème 28.
1
i.
0, où λ1 , . . . , λn
λ1 L1 α i
λn
est libre, et puisque dim
1
1 Ln 1
n
X
. Pour tout i
1, . . . , n
1, on a Li
0,
αi
n
1, c’est une base de
n
X par le
CHAPITRE V. MATRICES
(c) D’après le (a), on a L αi
β i pour tout i
1, . . . , n 1. Puisque L
base de n X , L se décompose de manière unique sur les Li .
38
n
X et L1 , . . . , Ln
1
est une
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