
 
III. Où se trouvait Matthieu quand il écrivait ? 
Les sources antiques affirment qu'à l'époque où Pierre et Paul affermissaient la communauté 
chrétienne  de  Rome  (vers  l'an  60  ou  61),  Matthieu  qui  évangélisait  les  « Hébreux »  de 
Palestine  et  de  Syrie,  fut  prié  de  rédiger  une  version  synthétique  de  la  vie  et  de 
l'enseignement de Jésus. 
Ainsi, Eusèbe de Césarée affirme : « Matthieu prêcha d'abord aux Hébreux. Comme il devait 
aussi  aller  vers  d'autres,  il  confia  à  l'écriture,  dans  sa  langue  maternelle,  son  évangile, 
suppléant du reste à sa présence par le moyen de l'écriture, pour ceux dont il s'éloignait. » 
Toujours selon Eusèbe de Césarée, Papias aurait écrit vers 125 : « Matthieu réunit donc en 
langue  hébraïque  les  logia  (les  "dits"  de  Jésus)  et  chacun  les  traduisit  comme  il  en  était 
capable. »  (Histoire ecclésiastique  III, 39,  16). De  même saint  Irénée avait  écrit, vers 180 : 
« Ainsi  Matthieu  publia-t-il  chez  les  Hébreux,  dans  leur  propre  langue,  une  forme  écrite 
d'évangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Église. » 
C'est  donc  la  perspective  de  son  départ  qui  déclencha  le  processus.  Pour  ce  travail, 
l'intervention  d'un  témoin  de  la  première  heure  avait  paru  indispensable.  Le  premier 
évangile,  condensé  de  la  catéchèse  apostolique,  était  plus  réduit  que  l'évangile  selon 
Matthieu actuel. Pantène (v. 140 - v. 206), qui dirigea l'Académie d'Alexandrie, trouva à son 
arrivée  aux  Indes  cet  évangile  en  caractère  hébreux.  Il  aurait  été  apporté  par  l'apôtre 
Barthélémy aux populations locales, qui l'avaient depuis précieusement conservé. 
Dans  ce  cas-ci,  il  fallait  l'adapter  aux  besoins  des  nouveaux  auditoires  pagano-chrétiens. 
« Chacun, écrit Papias vers 120, les traduisit comme il en était capable. » Il y eut au moins 
deux traductions, avec des retouches et des additions. L'une d'elles fut conçue à Antioche, 
l'un des lieux d'évangélisation les plus importants du Proche-Orient. 
Après  le  départ  de  Matthieu,  un  de  ses  disciples,  scribe,  appartenant  à  un  milieu  juif 
hellénophone, vivant probablement en Syrie, très attaché à la Bible hébraïque, compléta le 
préévangile grec d'Antioche et lui donna sa touche finale. 
Et donc l'évangile selon Matthieu a été composé en Palestine. Il dénote une connaissance 
précise de ce pays. L'auteur apparaît à plus d'une reprise  comme un fin connaisseur de la 
Palestine. Il lui arrivait même de corriger discrètement la géographie un peu approximative 
de Marc, ou même de Luc. Ainsi en Mt 8,28 il précisait que Jésus, débarqué sur l'autre rive, 
était parvenu au pays des Gadaréniens et non pas au territoire des Géraséniens (cf. Mc 5,1 ; 
Lc 8,26). Il précise donc que la ville de Gadara, en Décapole, était bien plus proche du lac de 
Tibériade que la ville de Gérasa. 
En  Matthieu  15,39,  l'auteur  change  le  nom  de  Dalmanoutha,  donné  par  Marc  (8,10)  et 
inconnu des géographes, en celui de Magadan. Certes Magadan était tout aussi impossible à 
situer sur les cartes : mais précisément plus d'un exégète y voyait une corruption, due à un 
copiste, du nom de "Magdala", bourgade fort bien identifiée des bords du lac. 
En Matthieu 27,7, l'auteur affirme que les grands prêtres achetèrent avec les trente sicles de 
Judas le "champ du potier", bien connu des habitants de Jérusalem (Ac 1,19), comme lieu de 
sépulture  pour  les  étrangers.  "Voilà  pourquoi  ce  champ-là  s'est  appelé  jusqu'à  ce  jour  le