Matthieu 25, 14-30 (33ème dimanche A)
Curieux évangile à lire en temps de crise économique. Le Christ ferait-il l’éloge de ceux qui
réussissent les meilleurs placements ? Non pas, mais il refuse la paresse comme le dit
clairement le verset 26 qui constitue la pointe (la leçon) de cette parabole. Chacun a reçu
« selon ses capacités » et un talent constituait déjà une belle somme d’argent. Le serviteur
« mauvais et paresseux » a eu peur, ce qui l’a empêché d’agir selon son savoir à moins que
celui-ci ne fût lui-même faussé. Le maître confirme en effet qu’il moissonne là où il n’a pas
semé et ramasse là où il n’a pas répandu le grain mais il ne se reconnaît pas dans le portrait
d’un « homme dur » (sklèros !). Son exigence n’est pas dureté mais elle est à la hauteur du bien
confié. Les biblistes se sont interrogés sur ces « talents ». Représentent-t-il la Loi que les
scribes et les pharisiens ont enfouie tel un dépôt stérile au lieu de le faire fructifier dans une
pratique libératrice ? Evoquent-ils les « charismes », les dons que chacun a reçu au service des
autres ou l’Evangile du Royaume que nous sommes invités à transmettre aux Nations ?
Matthieu ne répond pas à ces questions mais insiste sur le fait qu’un travail a été confié dont
il faudra rendre compte de la gestion. Encore faut-il ne pas inverser les perspectives : c’est
parce que la foi, l’espérance et la charité nous ont été déjà confiées, ou autrement dit, parce
que le maître nous associe déjà à sa mission que nous pouvons être des bons ou des mauvais
serviteurs et donc hériter ou non le Royaume. Nous sommes responsables et c’est la grandeur
de notre dignité de disciples voulue par Dieu ! La grâce précède donc le travail et ce ne sont
pas nos actes, aussi méritoires soient-ils, qui nous valent l’amour de Dieu. Rappelons-nous
l’œil mauvais de l’ouvrier de la première heure (20, 12-15) ! En 13, 12, notre évangéliste avait
déjà mis dans la bouche de Jésus la même conclusion : celui qui a recevra encore et celui qui
n’a pas se verra enlever même ce qu’il a. Il faut entendre le caractère paradoxal de la
formule : comment peut-on enlever quelque chose à quelqu’un qui n’a rien ? Si chacun
participe à la Mission selon ses capacités, l’alternative est pourtant la même pour tous. Il
nous faut choisir entre le travail et la paresse ! Les pleurs et grincements de dents déjà décrits
par Matthieu ne sont que les effets logiques de la peur... L’argent n’est pas un absolu, il doit
être (bien) dépensé : la campagne de publicité du CCFD pour libérer l’argent des paradis
fiscaux afin de le risquer au service d’un monde différent le rappelle avec ironie !
Nous ne sommes plus, comme au premier siècle, dans l’attente du retour imminent du
Maître ; cette situation devrait nous rendre encore plus conscients du travail qui nous a été
donné. Ces chapitres 24 et 25 rapportent le dernier grand discours de Jésus avant la Passion
en insistant sur la vigilance et la semaine prochaine, nous clôturerons l’année liturgique dans
l’attente de Celui qui vient. Cette semaine, dans une actualité politique agitée, peut-être une
belle occasion pour faire le bilan de ce que nous avons reçu… Sommes-nous devenus
paresseux ? Un « examen de conscience » à faire sans peur !