Phénobarbital Le phénobarbital (Gardénal®, Aparoxal®, Alepsal®) est le plus ancien (1912) des antiépileptiques encore utilisés. Il est le dernier barbiturique utilisable en France en dehors de l’hôpital. Les antiépileptiques (aussi appelés anticonvulsivants) sont destinés à combattre les symptômes de l’épilepsie, mais ne peuvent pas éliminer les causes. Les crises épileptiques sont dues à l’activation subite, intense et simultanée d’un grand nombre de neurones cérébraux. L’épilepsie est, après la migraine, l’affection neurologique la plus fréquente, touchant surtout l’enfant avant 10 ans et le sujet de plus de 65 ans. La crise épileptique est l’expression d’un dysfonctionnement neuronal et peut prendre son origine dans une zone clairement individualisée (crise partielle), ou bien aucun signe ne peut définir de zone (crise généralisée). La plus connue est la crise tonico-clonique (grand mal). Les « absences » (petit mal) sont caractérisées par une rupture de contact brève et sont observées essentiellement chez l’enfant. Les épilepsies symptomatiques ont pour origine une lésion (traumatisme, AVC, tumeur, alcoolisme) et les épilepsies cryptogéniques sont de cause inconnue. Le phénobarbital est absorbé à 80 % au niveau du tractus digestif ; le pic plasmatique est atteint en 8 heures environ chez l’adulte, 4 heures environ chez l’enfant. Très liposoluble, sa diffusion est bonne dans l’organisme, surtout au niveau du cerveau, du placenta et du lait maternel. Le phénobarbital se lie à seulement 50 % aux protéines sériques, sa demi-vie plasmatique est de 50 à 140 heures chez l’adulte et de 40 à 70 heures chez l’enfant. L’état d’équilibre est atteint en 2 ou 3 semaines. Son métabolisme s’effectue au niveau hépatique, avec transformation en un dérivé hydroxylé inactif qui sera ensuite glucuro- ou sulfoconjugué et éliminé par voie rénale ; 20 à 30 % de la dose administrée sont éliminés sous forme inchangée dans les urines. Le phénobarbital est surtout utilisé seul dans le traitement des crises tonico-cloniques et des crises partielles, mais il est inefficace sur les absences. Il est également employé dans le traitement des convulsions hyperthermiques du nourrisson. Utilisé autrefois pour calmer les anxiétés et les insomnies, il est aujourd’hui remplacé dans cette indication par d’autres molécules présentant moins d’effets secondaires. Son action pharmacologique se manifeste par : • une action indirecte sur les cellules lésées autour du foyer épileptique par irrigation de la zone ischémiée ; • une action directe prévenant la décharge exagérée des neurones épileptogènes et protégeant les cellules saines environnantes de la propagation de ce foyer ; • une diminution de l’excitabilité de la cellule nerveuse et une augmentation du seuil de stimulation du cortex, par interaction avec le fonctionnement des canaux membranaires à sodium ; • une activation du système GABA-ergique central au niveau pré- et postsynaptique. C’est l’antiépileptique le plus facile à manier, car une marge confortable existe entre dose utile et dose toxique ; de plus, il y a une bonne correspondance entre dose administrée et concentration plasmatique obtenue. Les effets secondaires peuvent diminuer au cours du traitement par un effet d’accoutumance, alors que l’effet thérapeutique n’est pas soumis au phénomène d’accoutumance. Les effets sont surtout la sédation (chez l’adulte) et l’hyperexcitabilité chez l’enfant. Il est nécessaire d’éviter tout arrêt brutal du traitement pour empêcher la recrudescence des crises convulsives. Le risque tératogène apparaît faible au cours du premier trimestre de grossesse. Chez le nouveau-né de mère ainsi traitée, des syndromes hémorragiques sont souvent observés ; ils peuvent être contournés en administrant à la mère un traitement de vitamine K1 per os 1 mois avant l’accouchement. Les interactions d’ordre pharmacologique sont les plus nombreuses. Elles sont dues à la liaison aux protéines et/ou à l’effet d’induction, d’inhibition ou de compétition enzymatique. Le phénobarbital est considéré comme l’inducteur enzymatique de référence. Il n’agit pas spécifiquement sur les enzymes d’oxydation, mais permet une augmentation d’autres réactions enzymatiques comme la glucuroconjugaison. De ce fait, il présente de nombreuses interférences avec d’autres médicaments dont il peut accélérer le catabolisme et donc diminuer l’efficacité. C’est le cas de la phénytoïne, de la vitamine D (chez les enfants, on ajoute souvent un traitement antirachitique), des antivitamines K (dont la posologie doit être augmentée au cours du traitement), des contraceptifs oraux. Ce pouvoir inducteur a été utilisé pour le traitement de l’ictère néonatal. On note également un risque de diminution d’efficacité de la ciclosporine, des corticoïdes, de la quinidine et de la théophylline. À l’opposé, le phénobarbital potentialise l’effet sédatif des phénothiazines, des benzodiazépines et des antihistaminiques. L’acide valproïque augmente d’environ 40 % les concentrations plasmatiques de phénobarbital par inhibition de son métabolisme hépatique (l’acide valproïque est un inhibiteur enzymatique, contrairement au phénobarbital, à la phénytoïne et à la carbamazépine, qui sont des inducteurs enzymatiques). L’association phénobarbital-antidépresseurs imipraminiques peut favoriser la survenue de crises convulsives exagérées qui demandent une surveillance clinique intense et éventuellement une augmentation de la dose des anticonvulsivants. Le suivi thérapeutique est essentiellement effectué par immunodosage. Étant donné la longue demi-vie du phénobarbital, le moment du prélèvement n’est pas très important. Cependant, pour un suivi thérapeutique classique, il est préférable d’effectuer le prélèvement toujours à la même heure et juste avant la nouvelle prise du médicament. La zone thérapeutique pour un traitement anticonvulsivant efficace est de 65 à 170 μmol/l (15 à 40 mg/l), ceci restant cependant variable suivant les individus. Des concentrations plasmatiques de 65 à 85 μmol/l (15 à 20 mg/l) sont reconnues comme efficaces dans la prévention des convulsions hyperthermiques du nourrisson. Il est utilisé chez le chien et la zone thérapeutique à l’état d’équilibre se situe entre 86 et 176 μmol/l (20 à 40 mg/l). La zone à risque toxique correspond à des valeurs supérieures à 215 μmol/l (50 mg/l) : la toxicité peut se traduire par une somnolence, une dépression respiratoire, une hypotension. Dans certains cas, on peut évaluer la dose considérée comme effective chez un patient en effectuant un dosage 2 heures après une injection IV, ce qui permet de calculer le volume de distribution avant la mise en place de la thérapie. Les dosages sont effectués : • pour la recherche d’une intoxication, durant laquelle il est également indispensable de suivre la clinique, car des troubles respiratoires très prononcés peuvent se manifester ; • pour le suivi chez des patients présentant d’autres troubles (atteinte hépatique) susceptibles de modifier la clairance corporelle du phénobarbital. ☞ ( Barbituriques, Benzodiazépines, Carbamazépine, Éthosuximide, Lamotrigine, Phénytoïne, Primidone, Valproate de sodium Berny C. Phénobarbital. Bioforma – Cahiers de Formation Biologie médicale 2000 ; No 18 : 58-68. Gélisse P, Crespel A, Genton P. Les médicaments de l’épilepsie. Épilepsies 2005 ; 17/4 : 227-244.