Le clin d’œil et la loupe E. Bacon* Inserm, Strasbourg. Mutations PRODH et hyperprolinémie dans un sous-groupe de patients schizophrènes. Rouen (France) L a microdélétion 22q11 représente la délétion interstitielle la plus fréquente, avec une prévalence de un sur quatre mille. Elle a été associée à diverses expressions phénotypiques, notamment le syndrome de Di Georges et le syndrome vélo-cardiofacial, caractérisé par une aplasie ou une hypoplasie du thymus et des parathyroïdes, des problèmes cardiaques, une apparence faciale particulière, une fente palatine, et des troubles de l’apprentissage. La plupart des patients souffrant de ces deux syndromes ont en commun une délétion 3Mb. Par ailleurs, un certain nombre d’observations tendent à montrer qu’un gène de susceptibilité pour la schizophrénie pourrait être localisé sur le chromosome 22q11. Par exemple, on constate un accroissement de la prévalence de la schizophrénie (de 25 à 30 %) chez les patients porteurs de la microdélétion 22q11. En outre, une prévalence accrue et réciproque de la délétion de la région chromosomique du syndrome de Di Georges sur le chromosome 22q11 a été détectée chez des patients schizophrènes. La prévalence accrue de schizophrénie parmi les patients porteurs de la délétion interstitielle 22q11 associée avec le syndrome de Di Georges a conduit les chercheurs à supposer l’existence d’un gène de susceptibilité pour la schizophrénie dans la région chromosomique du syndrome de Di Georges, sur le chromosome 22q11. Une équipe française a effectivement identifié une délétion dans la région chromosomique du syndrome de Di Georges au sein d’une famille dont deux des membres sont atteints de schizophrénie. (Jacquet H, Raux G, Thibaut F, Hecketsweiler B et al. PRODH mutations and hyperprolinemia in a subset of schizophrenic patients. Human Molecular Genetics 2002 ; 11 : 2243-9). Pour ce faire, les chercheurs ont cherché à localiser l’existence d’un réarrangement génomique, total ou partiel, chez 63 patients schizophrènes sans lien familial et 68 sujets contrôle. Ils ont ensuite pu identifier, dans la famille dont deux des membres sont atteints de schizophrénie, une délétion hétérozygote du gène PRODH entier encodant la proline déshydrogénase. Cette délétion était associée à une hyperprolinémie chez les deux patients. En outre, ils ont identifié chez trois patients deux mutations rares également associées avec des taux plasmatiques élevés de proline. Aucun des 68 témoins n’était porteur de cette particularité génétique. D’autres observations intéressantes émergent de cette étude : une analyse de ségrégation dans deux familles respectivement porteuses de la délétion PRODH et de la mutation L441P a montré que la présence d’une deuxième variation du nucléotide PRODH était accompagnée de taux plus élevés de prolinémie. Chez deux patients sans lien de parenté souffrant d’hyperprolinémie sévère de type I avec manifestations neurologiques, les auteurs ont identifié une mutation homozygote PRODH qui, chez l’un des patients, se trouvait associée avec une substitution hétérozygote R453C. Ces observations Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 3, mars 2004 démontrent qu’une hyperprolinémie de type I, caractérisée par un déficit de l’activité de la proline déshydrogénase, est présente dans un sous-groupe de patients schizophrènes. Elles suggèrent une grande complexité en ce qui concerne le déterminisme génétique de l’hyperprolinémie de type I, la sévérité de l’hyperprolinémie dépendant de la nature et du nombre de hits affectant le locus PRODH. Le contrôle de la prolinémie devrait donc présenter un intérêt thérapeutique pour certains patients schizophrènes. Il sera intéressant, en outre, de déterminer les conséquences fonctionnelles des différents génotypes PRODH sur les taux plasmatiques de proline. Mots clés. Psychiatrie génétique – Schizophrénie – Mutations PRODH – Hyperprolinémie. Les benzodiazépines sontelles toujours le médicament de choix pour les patients souffrant de troubles paniques ? Boston (États-Unis) L e trouble panique est une affection psychiatrique particulièrement invalidante qui s’accompagne de perturbations importantes de la vie sociale et professionnelle. Les études épidémiologiques ont estimé que sa prévalence sur la vie entière est de 2 à 4 %. Par ailleurs, ce syndrome est souvent accompagné de dépression (55,6 %). Au cours de la dernière décennie, le traitement des attaques de panique a changé et plusieurs options de traitement ont été développées. Le but est évidemment de trouver le traitement le plus efficace, en tenant compte des différences d’efficacité et de sécurité de ces choix thérapeutiques. Historiquement, le trouble panique a d’abord été traité par les antidépresseurs tricycliques et les IMAO avec, comme corollaire, de nombreux effets secon- 41 Revue de presse Revue de presse daires difficiles à supporter. Au cours de ces quinze dernières années, les benzodiazépines ont fait leur entrée dans l’arsenal thérapeutique de ce syndrome. Elles ont pour elles l’avantage de la rapidité d’action, mais les risques de dépendance et de syndrome de sevrage en cas d’utilisation à long terme plaident en leur défaveur. Actuellement, certains inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sont conseillés comme traitement de premier choix dans le cas du trouble panique. Ces molécules semblent présenter le meilleur rapport bénéfice/risque. Elles sont moins nocives en cas de surdosage et elles induisent moins d’effets secondaires que les IMAO. Par rapport aux benzodiazépines, leur propension à entraîner une dépendance physiologique est moindre, quoique certaines études aient mis en évidence un syndrome de sevrage. Les auteurs de cette étude ont examiné l’utilisation à long terme des traitements psychotropes par des patients souffrant de trouble panique. Leur but était, en se focalisant plus spécifiquement sur les dix dernières années, de voir si une évolution de la prescription des traitements pouvait être mise en évidence, comme conséquence de la disponibilité de nouveaux traitements et de la modification des recommandations concernant cette pathologie (Bruce S, Vasile R, Goisman R et al. Are benzodiazepines still the medication of choice for patients with panic disorder with or without agoraphobia ? Am J Psychiatry 2003 ; 160 : 1432-8). Pour ce faire, ils ont pu disposer des résultats d’un programme spécifique, le Harvard/Brown Anxiety Research Project, qui est une étude multicentrique longitudinale prospective concernant les troubles anxieux chez les adultes. Quatre cent quarante-trois patients souffrant de trouble panique ont ainsi pu être inclus dans cette étude, et suivis pendant dix ans. En dépit des recommandations multiples et des efforts engagés pour encourager l’usage des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine dans cette pathologie (citons, par exemple, les recommandations de l’APA, et l’approbation de ces médicaments par la FDA), les auteurs n’ont observé qu’une augmentation modérée de leur utilisation. Les profils des traitements ont peu changé en dix ans, et les benzodiazépines sont demeurées le médicament de prédilection auprès des thérapeutes. Pendant la même période, l’utilisation des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine est restée faible. Les patients ayant utilisé ce traitement n’ont pas montré une évolution plus favorable que ceux traités par benzodiazépines, et l’usage conjoint des deux types de médication n’a pas démontré de meilleurs taux de rémission. Ces résultats illustrent l’existence d’un fossé entre les recommandations en faveur des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les traitements effectivement prescrits, qui ne suivent pas encore ces recommandations. Mots clés. Trouble panique – IMAO – Benzodiazépines – Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. Jusqu’à 40 ans, le risque de schizophrénie ne diminue pas avec l’âge Helsinki (Finlande) L e fait que l’incidence de l’entrée dans la schizophrénie présente un pic vers l’âge de vingt ans et diminue ensuite est communément admis. Une équipe finlandaise vient de publier des résultats qui tendent à montrer que tel n’est pas le cas. (Haukka J, Suvisaari J, Lonnqvist J. Increasing age does not decrease risk of schizophrenia up to age 40. Schizophr Res 2003 ; 61(1) : 105-10). Leur étude se fondait sur un modèle statistique particulier, qui présume au départ que seule une partie de la population est susceptible de développer cette pathologie. À des âges plus élevés, une proportion plus importante des individus susceptibles de développer la maladie en est déjà atteinte et l’incidence liée à l’âge commence à diminuer. Cette diminution de l’incidence est considérée comme un résultat de la sélection. Toutefois, au niveau individuel, dans le groupe susceptible de la population, le risque pourrait être de nature relativement différente. En utilisant une telle méthode, les chercheurs ont modélisé la susceptibilité au niveau individuel. Ils ont fondé leurs calculs sur des cohortes de populations finlandaises nées entre 1950 et 1968. Chaque cohorte a été suivie jusqu’en 1991, jusqu’à l’âge de 40 ans. La méthode détecte la proportion d’individus susceptibles, mais ne permet pas d’identifier les individus à risque. Le modèle a révélé une augmentation du risque de développer une schizophrénie au fur et à mesure de l’avancée en âge des individus appartenant à la partie susceptible de la population. L’accroissement du risque était plus élevé chez les sujets de sexe mâle mais, dans le groupe susceptible, le risque était le même pour les deux sexes. La proportion d’individus susceptibles semblait plus faible dans les cohortes les plus jeunes. Le modèle a donc permis de révéler que, chez les individus susceptibles, le risque basique de développer une schizophrénie augmente avec l’âge, au moins jusqu’à quarante ans. L’impression, s’appuyant sur des données agrégées, que le risque est maximum vers vingt ans et diminue ensuite, serait donc invalidée. Cette modélisation a également permis de mettre en évidence des raisons à l’apparente baisse actuelle de l’incidence et de la proportion des individus susceptibles. Notons, parmi celles-ci, la diminution d’un certain nombre de risques infectieux pendant la vie fœtale et/ou de risques environnementaux, qui pourrait être à l’origine de la réduction de la proportion des individus susceptibles. Mots clés. Schizophrénie – Incidence – Âge. 42 Revue de presse Revue de presse Syndrome respiratoire aigu et stress post-traumatique L es traitements en unités de soins intensifs exposent les patients à des stress considérables. Ils résultent, d’une part, d’une situation physique menaçant la survie et, d’autre part, de la nécessité de la mise en œuvre de procédés médicaux intensifs. À ce jour, on dispose de peu de données concernant l’état psychologique à long terme et la qualité de vie sanitaire de patients ayant subi des soins intensifs. Par ailleurs, d’un point de vue étiologique, les patients atteints du syndrome respiratoire aigu constituent un groupe hétérogène. Les difficultés respiratoires, la dépendance à l’égard d’un appareillage, et l’extrême difficulté à communiquer durant l’intubation constituent les aspects essentiels des expériences effrayantes de ces patients. Des chercheurs des départements de psychiatrie et d’anesthésiologie de Munich ont collaboré à une étude visant à établir la présence sur le long terme de morbidité psychiatrique et d’effets négatifs sur la qualité de vie chez des patients ayant présenté un syndrome respiratoire aigu. (Kapfhammer H, Rothenhausler H, Krauseneck T et al. Post-traumatic stress disorder and health-related quality of life in long-term survivors of acute respiratory distress syndrome. Am J Psychiatry 2004 ; 161 : 4552). Quarante-six patients ont été inclus dans une étude de suivi psychiatrique. Tous avaient reçu un traitement standardisé selon un protocole préétabli. La durée moyenne du suivi était de huit années après le traitement. Le diagnostic psychiatrique était basé sur le DSM-IV. Des tests psychologiques ont été mis en œuvre pour évaluer le PTSD, la dépression, l’anxiété, la somatisation, les symptômes reliés aux problèmes de concentration, d’attention et de mémoire à court terme. Ont été pris en compte également le soutien social et la qualité de vie par rapport à l’état de santé. Au moment de la sortie de l’unité de soins intensifs, vingt patients souffraient de PTSD, et quatre autres de sub-PTSD. Lors de l’étape de suivi, onze patients étaient encore atteints d’un PTSD et huit d’un sub-PTSD. Les patients avec PTSD présentaient une forte tendance à la somatisation et à l’anxiété. Dans l’ensemble du groupe, on n’observait pas de différences statistiquement significatives en ce qui concerne le soutien social et les symptômes cognitifs. Cependant, les patients avec PTSD avaient des déficits dans un certain nombre de dimensions associées à la qualité de vie reliée à l’état de santé, cependant que les autres étaient similaires à celles de la population générale. Si l’on excepte la durée du séjour dans l’unité de soins intensifs, les groupes avec ou sans PTSD ne présentaient pas de différences particulières, qu’il s’agisse de l’âge, du sexe, des variables sociodémographiques, de la pathologie prémorbide, ou de la sévérité de la maladie au moment de l’inclusion. Les patients ayant survécu à un syndrome respiratoire aigu peuvent donc avoir sur le long terme un risque majeur de PTSD, ainsi que des perturbations sévères de la qualité de vie liée à l’état de santé. Mots clés. Syndrome respiratoire aigu – PTSD. Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 3, mars 2004 Éthnoépidémiologie de la dépression postnatale Hong Kong (Chine) D ans de nombreux pays industrialisés, la dépression postnatale est devenue une des complications les plus communes de l’accouchement. Les études épidémiologiques révèlent, en effet, que 10 à 15 % des jeunes mères en sont affectées. Un certain nombre de facteurs de risque ont été identifiés, comme la mésentente dans le couple, un soutien social insuffisant, un passé de dépression, une personnalité vulnérable, et des événements particuliers peu avant ou peu après le terme. Des facteurs culturels ont également été évoqués. La dépression postnatale étant rare dans les sociétés préindustrielles, certains ont suggéré qu’elle pourrait être un syndrome lié à la culture de la modernité occidentale. Une étude a été menée à Hong Kong auprès de 959 jeunes mères ; leur état psychologique de base a été évalué à leur première visite prénatale, et son évolution a été ensuite relevée au premier trimestre, puis juste après l’accouchement et, enfin, à trois mois post-partum. Les auteurs ont constaté que des taux accrus de dépression étaient associés de manière indépendante avec l’insatisfaction maritale, une histoire de dépression, et des conflits avec la bellemère. Les facteurs socioculturels jouent donc un rôle dans le bien-être émotionnel des jeunes mères. (Lee D, Yip A, Leung T, Chung T. Ethnoepidemiology of postnatal depression : Prospective multivariate study of sociocultural risk factors in a Chinese population in Hong Kong. Br J Psychiatry 2004 ; 184 : 34-40). Mots clés. Dépression postnatale – Facteurs socioculturels. 43 Revue de presse Revue de presse