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Le Courrier de l’algologie (2), no4, octobre/novembre/décembre 2003
C
es deux termes de “douleur” et de “souffrance” peuvent être utilisés
comme synonymes, mais l’usage a tendance à les différencier, attribuant
celui de douleur au registre du somatique et celui de souffrance au registre
psychique.
Douleur et souffrance
Éliane Ferragut
Unité de psychopathologie
de la douleur,
Centre d’évaluation
et de traitement de la douleur,
département
d’anesthésie-réanimation B,
CHU de Montpellier.
Depuis quelques années, la prise en charge de la douleur est devenue une des
priorités de l’hôpital et des autres lieux de soins, et certains espèrent qu’il est pos-
sible “d’éradiquer” la souffrance. Mais le problème n’est pas si simple, car, si la
douleur peut être diminuée, voire supprimée, par un traitement adapté, il n’en
est rien pour la souffrance.
Beaucoup de soignants s’attendent à ce que le patient soit soulagé lorsqu’il bé-
néficie d’une analgésie ; ils ne comprennent pas la persistance de la plainte. Or,
dans la mesure où la part psychique de la douleur n’est pas entendue et prise en
compte, elle perdure et continue d’alimenter la plainte douloureuse même si la
composante organique est correctement traitée. Et cela est vrai quelles que soient
les douleurs, aiguës ou chroniques.
Nous sommes parfois appelés auprès d’un patient que le somaticien n’arrive pas
à soulager avec des doses importantes d’antalgiques ; or, lorsqu’une prise en
charge psychologique est mise en place, non seulement la douleur s’apaise, mais
il est aussi possible de réduire le traitement médical.
Quelles sont donc les souffrances que l’on peut rencontrer lors de la prise en
charge des douleurs ? Elles sont de plusieurs ordres :
les souffrances directement en lien avec la douleur, et donc avec une organi-
cité, par exemple lorsque la peur de mourir vient exacerber la douleur d’un trau-
matisme physique important ou la souffrance due aux conséquences esthétiques
ou fonctionnelles d’une intervention ;
les souffrances concomitantes d’une organicité, mais non directement en lien
avec celle-ci, par exemple la souffrance due à un drame familial ou à une sépa-
ration survenant lors d’une hospitalisation et majorant les symptômes doulou-
reux organiques. De même, la mort d’un proche dans l’accident dont le sujet est
victime amplifie l’intensité douloureuse des plaies ;
les souffrances s’exprimant par une plainte somatique en l’absence de toute
organicité, par exemple les complications d’un traumatisme psychique, d’un
deuil pathologique ou d’une pathologie intrapsychique s’exprimant par une dou-
leur psychogène en dehors de toute organicité ;
les souffrances passant inaperçues aux yeux et aux oreilles des soignants, par
exemple dans une situation de désespoir, le patient n’ayant même plus l’énergie
de se plaindre et se laissant mourir en silence.
Ainsi, analgésier les douleurs est un grand progrès, mais il est insuffisant pour sou-
lager les souffrances. Cela devrait s’accompagner d’une écoute du patient lui per-
mettant d’exprimer ce qu’il vit et ce qui le fait souffrir.
La souffrance, la peur, l’angoisse ne peuvent être éradiquées. Il est donc important
de les repérer et de proposer un accompagnement psychologique au patient pour
le soutenir face à la maladie et aux difficultés auxquelles il est confronté.
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