Ouest France, 18.03.2015 Fin de vie. La loi ne changera rien si on ne forme pas les médecins Marie de Hennezel L'Assemblée a voté solennellement en première lecture la proposition de loi Claeys-Leonetti pour améliorer les conditions de la fin de vie dans notre pays. Cette loi, dite de consensus, même si elle fait apparaître des dissensions entre ceux qui estiment qu'elle ne va pas assez loin et ceux qui craignent qu'elle n'aille trop loin, apporte deux avancées par rapport à la loi « droits des malades et fin de vie » votée il y a dix ans : elle ouvre un droit à la sédation profonde et continue, c'est-à-dire à la possibilité d'être endormi pour toujours, si l'on a un pronostic vital à court terme, que l'on est en proie à des souffrances que l'on ne peut pas soulager par les antalgiques, et si l'on demande l'arrêt d'un traitement qui maintient artificiellement en vie. Et elle rend les directives anticipées contraignantes pour le médecin. C'est-à-dire qu'elle les oblige à respecter les voeux des patients concernant les conditions de leur mort. La première mesure, l'ouverture d'un droit à la sédation profonde et continue, était déjà incluse dans la loi Léonetti, mais sans doute pas assez claire, puisque trop de médecins ignoraient qu'ils pouvaient aller jusque-là, si la souffrance du patient l'exigeait. La seconde mesure sera plus problématique à mettre en oeuvre. Déjà, nombre de médecins ont fait savoir qu'ils refusaient qu'on leur impose leur conduite. Ils y voient une atteinte à leur conscience et à leur responsabilité. Néanmoins, si ces deux avancées devraient permettre aux médecins d'être plus attentifs à la souffrance des patients en fin de vie et à leurs souhaits ! La loi ne changera rien tant que l'on ne s'attaquera pas, avec une volonté politique affirmée, aux problèmes de fond : la formation des médecins. Il y a une grande inégalité en France selon que l'on tombe sur un médecin formé au traitement de la douleur ou sur un médecin qui a fait ses études dans une faculté où cette discipline n'est enseignée qu'à minima. « Prendre le temps de s'asseoir, écouter... » La pratique est complexe car il ne s'agit pas simplement de prescrire de la morphine. Trop de médecins ne savent pas communiquer avec leur patient à propos de sa fin de vie. Cela devrait pouvoir se faire suffisamment en amont. Prendre le temps de s'asseoir, d'écouter les craintes du patient, de le rassurer sur ce qu'il sera possible de faire le jour venu : un tel entretien aurait valeur d'engagement de non-abandon. Il faudrait enfin que la loi sur l'accès de tous aux soins palliatifs soit enfin appliquée ! Prenons l'exemple de la fin de vie dans les maisons de retraite. Combien de personnes qui voudraient mourir dans leur lit se voient transférer in extremis aux urgences, faute d'une compétence médicale permettant de les soulager et de les accompagner sur leur lieu de vie ? Pourquoi ne pas suivre l'exemple de la Vendée qui a lancé cette année un plan de sensibilisation puis de formation des directeurs d'Ehpad (maisons de retraite) et des médecins coordonnateurs du département. J'ai l'honneur d'être associée à ce projet qui, à ma connaissance, est un projet pilote en France. L'objectif est de diminuer le taux élevé de transfert des personnes âgées mourantes de leur lit vers l'hôpital et d'assurer une fin de vie digne, c'est-à-dire sans souffrance, sans acharnement thérapeutique, et accompagnée.