Mise en route d’une insulinothérapie chez le diabétique de type 2 : pourquoi, quand, comment ? Nelly Puech-Bret Service de Diabétologie, Maladies Métaboliques et Nutrition Pôle Cardio-Vasculaire et Métabolique, CHU Rangueil Le diabète de type 2 a une physiopathologie complexe dans laquelle la présence d’une insulinorésistance ne peut être compensée par une sécrétion suffisante d’insuline. Le déficit insulinosécretoire existe très précocement dans la maladie et s’accentue progressivement avec le temps, conduisant à réajuster le traitement pharmacologique. Ainsi, après un traitement par mesures hygiéno-diétetiques progressivement associées à une mono- puis bi- voir trithérapie une insulinothérapie doit être débutée. L’objectif principal de l’instauration d’une insulinothérapie chez le patient diabétique de type 2 est d’améliorer la qualité du contrôle métabolique dans le but de réduire les complications ultérieures liées à l’hyperglycémie chronique. Les nouvelles directives de prise en charge favorisent plus rapidement l’initiation de l’insulinothérapie afin d’éviter à de nombreux patients de rester mal contrôlés sous des doses maximales d’antidiabétiques-oraux. Quand mettre en route une insulinothérapie ? En pratique, le recours à une insulinothérapie pour traiter un patient diabétique de type 2 peut être envisagé à différents moments de l’histoire naturelle de la maladie. Cette insulinothérapie peut être définitive ou temporaire. Insulinothérapie définitive : La mise en route d’une insulinothérapie est justifiée devant un échec des mesures hygiéno-diététiques associées au traitement antidiabétique oral maximal. Ce traitement oral maximal doit comprendre un insulinosécrétagogue (sulfamide ou glinide) et un insulinosensibilisateur (metformine ou glitazone). Le recours à une trithérapie peut être envisagée dans certains cas en combinant sulfamides-metformine-glitazone . Le recours à une insulinothérapie ne doit pas être différé chez un patient présentant des signes d’insulinopénie (perte de poids, fatigue, polyurie…) et il améliore rapidement la symptomatologie. En cas de contre-indication aux antidiabétiques oraux, la mise à l’insuline ne se discute pas. Il s’agit souvent d’une insuffisance rénale contre-indiquant la metformine (risque d’acidose lactique) et les sulfamides (risque d’hypoglycémie). La grossesse représente également une contre-indication aux anti-diabétiques oraux. Insulinothérapie temporaire : Il s’agit généralement de contextes d’urgence tels qu’une cétose ou un coma hyperosmolaire favorisés par une infection sévère. Les autres situations nécessitant une insulinothérapie sont les suivantes : intervention chirurgicales, corticothérapie, neuropathie périphérique douloureuse, infections sévères, syndrome coronarien aigu. Comment recourir à l’insuline ? Chez les sujets diabétiques de type 2, l’altération progressive de la sécrétion endogène d’insuline, conduisant à une insulinopénie que les insulino-secrétagogues ne parviennent plus à compenser, justifie fréquemment l’instauration d’une insulinothérapie. L’objectif de cette stratégie thérapeutique est de rétablir un équilibre glycémique optimal tout en minimisant le risque hypoglycémique et la prise de poids. Insuline basale plus antidiabetiques-oraux : Les sujets diabétiques de type 2 dont l’équilibre glycémique s’avère insuffisant sous traitement oral maximal se voient souvent proposer initialement la réalisation d’une injection d’insuline d’action prolongée (NPH ou analogue lent de l’insuline) au coucher tout en poursuivant le traitement antidiabétique oral (la metformine par son action hépatique et musculaire permet de réduire les besoins en insuline et de limiter la prise de poids ; les sulfamides , en stimulant la sécrétion endogène contribuent à contrôler l’hyperglycémie postprandiale) .L’insuline d’action retard qui peut être utilisée est la NPH , dont l’action peut être un peu trop incisive en milieu de nuit et exposer au risque hypoglycémique ou les analogues lents de l’insuline (détémir ou glargine). L’avantage de ce schéma en une injection d’insuline au coucher (« bed-time ») couplée au maintien des antidiabétiques-oraux est sa facilité d’emploi permettant un passage au traitement insulinique en ambulatoire ; la titration posologique peut s’appuyer sur des algorithmes simples et être confiée au patient éduqué. Schéma intensif basal-bolus Le schéma insulinique, dit « bed time », vise avant tout la normalisation des chiffres glycémiques au réveil, mais son impact sur les excursions glycémiques post-prandiales reste limité. Par conséquent, à plus ou moins long terme en fonction du contexte physiopathologique, l’obtention d’un équilibre glycémique optimal impose l’introduction d’injections pré-prandiales d’analogue rapide, celles-ci pouvant être débutées progressivement en ciblant en premier lieu le repas conduisant à l’excursion hyperglycémique la plus marquée (stratégie basale-plus). Il est désormais admis que l’activité hypoglycémiante des analogues rapides de l’insuline présente le meilleur profil pour atteindre de façon optimale l’objectif post-prandial. Par comparaison à l’insuline humaine ordinaire, les trois analogues disponibles (lispro, asparte et glulisine) induisent un effet hypoglycémiant plus précoce, mais de durée moins prolongée, limitant le risque hypoglycémique à distance du repas. Insuline prémix en deux injections par jour : Il existe une alternative à la stratégie du « bed time », reposant sur l’utilisation initiale de mélanges pré-établis d’insuline d’action intermédiaire et d’analogue rapide (prémix) matin et soir (Humalog Mix 25 et 50, Novomix 30, 50, 70). Dans ce schéma, la metformine est en général poursuivie et le sulfamide interrompu. Les deux approches (bed-time versus deux prémix) ont été évaluées et semblent proches en terme d’efficacité hypoglycémiante, appréciée par l’évolution de l’HbA1c. Bien entendu, l’utilisation des insulines prémix peut représenter une option intéressante pour certains patients afin de limiter les contraintes liées au nombre d’injections d’une insulinothérapie de type basal-bolus (4 à 5 injections quotidiennes). Pourquoi ? Les objectifs du passage à l’insuline peuvent être différents selon la situation. Parfois, le recours à l’insuline s’impose pour traiter une situation aiguë d’hyperglycémie sévère. Dans les situations d’urgence médico-chirurgicales, une insulinothérapie intensive maintenant une parfaite normoglycémie a démontré sa capacité à améliorer la survie des patients. Elle est de plus en plus utilisée dans les centres de soins intensifs, même chez des patients à priori non diabétique de type 2 reconnu. Dans certains cas plus fréquents, l’insulinothérapie permet d’améliorer la qualité de vie des patients symptomatiques (signes d’insulinopénie, infections uro-génitales récidivantes, fatigue, douleur de neuropathie ). Dans l’immense majorité des cas, l’insulinothérapie est débutée afin d’améliorer la qualité du contrôle métabolique dans le but de réduire les complications liées à l’hyperglycémie chronique.