S’il ne fait de doute pour personne que la céphalée secondaire trouvera
sa place à l’hôpital, quel que soit le praticien qui l’aura vue en première
intention, il n’en est pas de même pour les céphalées primaires.
Celles-ci errent de généralistes en spécialistes souvent sans bien trouver
celui qui mettra un coup d’arrêt à ce nomadisme médical involontaire,
et qui, rapidement si on n’est pas en présence d’un patient tenace, se ter-
minera par “c’est une fatalité” ou “personne ne peut rien pour moi”.
Ce comportement médical explique les quelque 20 à 30 % de patients
qui ont consulté pour leur céphalée et qui se situent dans la catégorie
“non satisfaits de leur prise en charge”.
Doit-on continuer, face à un céphalalgique, d’accepter qu’en fin de
consultation pour un autre motif chez son généraliste, ce dernier se
contente d’ajouter 2 ou 3 boîtes d’antalgiques, voire d’AINS ou d’anti-
migraineux spécifiques sur la même ordonnance sans motiver le patient
à prendre un rendez-vous de consultation pour mettre en route une prise
en charge “réelle” de sa céphalée ?
Certes les recommandations de l’ANAES, en diffusant les critères IHS,
devraient permettre au généraliste – toujours en première ligne – d’affiner
son diagnostic et d’assurer son traitement. Mais au moindre doute,
plutôt que faire le tour des différents spécialistes (ophtalmologiste, ORL,
stomatologiste, rhumatologue, etc.), ne vaudrait-il pas mieux adresser le
patient à un neurologue correspondant qui, lui, sera plus à même de faire
le tri, évitant au patient des consultations marathons avec retour à la case
départ ? Ces différents allers-retours avec attente de rendez-vous multi-
plient les prescriptions d’antalgiques faisant bien souvent le lit de la
céphalée quotidienne chronique (céphalée quotidienne chronique par
abus médicamenteux inclus).
Certains de nos confrères neurologues n’accordent pas toujours un grand
intérêt à cette pathologie, certes bénigne mais handicapante pour le
patient et au coût socio-économique considérable pour la société au vu
du nombre de céphalalgiques. Peut-être qu’une meilleure information,
voire une formation spécifique (le DU migraine céphalées a été créé
pour cela), viendra à bout de ces préjugés.
Il n’en reste pas moins qu’à terme, la majorité des céphalées primaires
devra être prise en charge en première intention par le généraliste (devant
être plus sensibilisé et mieux formé), et le neurologue ne devra être en
première ligne, avant tout autre spécialiste, que lorsque le généraliste
aura échoué dans une prise en charge bien menée.
MIGRAINE ET PLAN MINISTÉRIEL DOULEUR
M. Lantéri-Minet (Centre antidouleur, hôpital Pasteur, Nice), G. Géraud
(Service de neurologie, hôpital Rangueil, Toulouse).
Le 8 octobre 2002 s’est tenue au ministère de la Santé, de la Famille et
des Personnes handicapées une journée intitulée “Organisation de la
prise en charge de la douleur : repères pour les décideurs”. Cette journée,
organisée à l’initiative de la Direction de l’hospitalisation et de l’orga-
nisation des soins, avait pour objectif de présenter le programme national
2002-2005 de lutte contre la douleur aux responsables des agences régio-
nales d’hospitalisation (ARHs) et aux cadres hospitaliers. Compte tenu
de cet objectif, les interventions et les débats qui ont animé cette journée
ont souvent été généraux, abordant la prise en charge de la douleur chro-
nique dans sa globalité. Néanmoins, lors de son allocution d’ouverture,
M. Jean-François Mattéi, ministre de la Santé, de la Famille et des
Personnes handicapées, a insisté sur le fait que la migraine était une des
priorités clairement identifiées dans le programme ministériel.
De plus, dans la session qui avait pour thème “Les structures de prise en
charge de la douleur chronique rebelle”, la spécificité de la prise en
charge de la migraine a été clairement cernée par les interventions du
Pr B. Laurent (“Problématiques des centres de prise en charge de la douleur
chronique rebelle”) et du Dr M. Lantéri-Minet (“Prise en charge de la
migraine : état des lieux et perspectives”). Les échanges autour de ces
interventions ont permis de revenir sur les chiffres clés de l’épidémiologie
française de la migraine (prévalence de 17% dans la population générale
adulte, coût direct de 5 milliards de francs au début des années 1990 et
dont le quart est produit par des hospitalisations, coût indirect estimé entre
15 et 20 millions de journées de travail perdu), que certains “décideurs”
ont probablement découverte dans la mesure où la migraine était rare-
ment, jusqu’à ce jour, un sujet de débats dans l’institution hospitalière.
Une présentation des “équipes migraine” hospitalières a également été réa-
lisée, ce qui a permis d’illustrer la nature essentiellement neurologique
de la prise en charge de la migraine, de rappeler l’importance d’une
action synergique entre les services de neurologie et les structures de
prise en charge de la douleur chronique (avec l’exemple des expériences
bordelaise, niçoise et stéphanoise) et d’insister sur l’expérience positive
du Centre urgences céphalées de Lariboisière.
Cette présentation s’est accompagnée de la description de l’environne-
ment mettant en exergue la place de la SFEMC en tant que société
savante représentative, le développement d’un enseignement spécifique
avec le DU migraines et céphalées, la publication prochaine des recom-
mandations sur la prise en charge de la migraine par l’ANAES, et la
mise en route d’un véritable “observatoire hospitalier de la migraine”
avec l’utilisation du dossier commun Intranet.
À partir de cet état des lieux, les perspectives discutées ont été multiples.
En termes d’environnement, plusieurs pistes ont été évoquées, comme
le développement d’une complémentarité entre la SFEMC et la SETD,
la possible transformation du DU en diplôme interuniversitaire afin de
lui donner une dimension nationale et la nécessaire poursuite des efforts
pour définir des standards de prise en charge au travers de recomman-
dations ANAES portant sur des thèmes plus spécifiques, comme les
céphalées chroniques quotidiennes. En termes de structures, l’officiali-
sation et le renforcement des équipes existantes ont été discutés, sans
négliger la nécessaire création d’une consultation migraine dans chaque
CHU et même dans chaque “gros” CHG. Dans cette dernière perspec-
tive, la synergie entre les services de neurologie, les structures de prise
en charge de la douleur chronique et les services d’urgence a été mise
en avant. Plutôt qu’envisager un modèle unique, il faut maintenant que
les projets fleurissent en tenant compte des acquis et de l’environnement
loco-régional. Dans ce dessein, les interlocuteurs privilégiés sont les
ARHs qui, au-delà d’une dotation budgétaire globale de plus de 11 mil-
lions d’euros pour l’année 2002 (pour l’ensemble du programme qui,
outre la migraine, comprend la douleur provoquée et la douleur de l’en-
fant comme priorités), ont été sensibilisés à la migraine.
AU-DELÀ DU MÉDICAMENT
F. Radat (UTDC, CHRU Pellegrin Tripode, Bordeaux),A. Autret (Service
de neurologie, CHU Bretonneau, Tours).
Tel Monsieur Jourdain ignorant qu’il était l’auteur de sa propre prose, le
médecin moderne n’a plus la conscience que son action dépasse largement
le principe actif du médicament qu’il prescrit. Est-ce la conséquence du
nécessaire réductionnisme de la méthodologie scientifique? Quoi qu’il
en soit, la réflexion “politiquement correcte” sur notre action est focali-
sée sur sa seule partie démontrable, celle qui est indépendante de l’effet
placebo. L’art de prescrire sent le soufre. Et pourtant, dans le domaine
de la migraine, quel enseignement ne peut-on pas tirer des études sur
l’effet des placebos? Ne retenons que le travail de Diener et al., 1999,
montrant que l’effet placebo croît en raison inverse de la taille relative
des groupes contrôles. Bref, il y a de quoi convaincre le plus intransigeant
des méthodologistes que la façon de donner l’emporte largement sur ce
La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au n° 9 - vol. VI - novembre 2002
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