134
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no3 - vol. III - juin 2000
DOSSIER THÉMATIQUE
animaux (10). Cela a suggéré que l’immunisation par voie
muqueuse pouvait aussi être efficace dans le traitement éradica-
teur de Helicobacter.
LES ÉTUDES PRÉCLINIQUES
POUR L’ÉLABORATION D’UN VACCIN ANTI-H. PYLORI
À partir de 1995, plusieurs modèles d’infection à H. pylori ont
été décrits (modèles murins ou de gros mammifères comme le
chat ou le singe) (11). Le développement de tels modèles a per-
mis la recherche d’antigènes protecteurs avec une spécificité pour
ce pathogène (par exemple, la cytotoxine vacuolisante VacA).
Ces modèles ont également servi pour l’étude de l’efficacité de
nouvelles formulations et voies d’administration d’antigènes,
dans les protocoles d’immunisation (12). Néanmoins, jusqu’à ce
jour, les résultats provenant de modèles d’infection à H. pylori
ont été pour le moins décevants à cause de l’absence d’une pro-
tection dite de type “stérilisante” (c’est-à-dire absence d’orga-
nismes détectables), comme cela avait été obtenu dans le modèle
H. felis.
Une conséquence importante des travaux provenant des modèles
animaux d’infection par H. pylori a été la mise en évidence de
l’efficacité d’immunisations systémiques. En effet, Guy et al. (12)
ont montré que des protocoles d’immunisation systémique à l’aide
de l’uréase de H. pylori, en présence d’adjuvants dérivés de la sapo-
nine ou lipides cationiques, préconisés pour les immunisations par
voie parentérale, pouvaient induire chez les animaux des taux de
protection comparables à ceux obtenus dans des protocoles
d’immunisation par voie muqueuse. Quant à la vaccination par
voie muqueuse, le manque actuel d’adjuvants induisant des
réponses au niveau de ces sites tissulaires, et sans effet toxique, est
un obstacle important à l’application de protocoles de développe-
ment chez l’homme.
En ce qui concerne la caractérisation des effecteurs immunolo-
giques impliqués dans les réponses protectrices, des auteurs ont
récemment contesté le rôle présumé d’anticorps gastriques (de type
IgA sécrétoires ou d’IgG) dans la protection (13). Différentes
lignées de souris, déficientes pour les molécules de complexes
majeurs d’histocompatibilité de type I ou II ou pour les cellules B,
ont été testées pour leur capacité à être protégées contre une infec-
tion à H. pylori après immunisation par l’uréase en présence d’un
adjuvant, la toxine labile d’E.coli. Seules les souris invalidées pour
la formation de molécules du complexe majeur d’histocompatibi-
lité de type II, et qui donc étaient déficientes en cellules T de type
CD4+, ne pouvaient pas être protégées contre une telle infection.
À la suite de ce travail, il a été conclu que seules les cellules T de
type CD4+étaient déterminantes pour la protection.
LES ESSAIS CLINIQUES D’IMMUNOTHÉRAPIE
DANS L’ÉRADICATION
D’ores et déjà, les résultats des premiers essais cliniques de
phase I et phase II ont montré que des préparations antigéniques
à base d’uréase de H. pylori étaient bien tolérées par des sujets
déjà infectés par H. pylori. En effet, l’uréase de H. pylori était
administrée aux patients sous forme recombinante (sans ou avec
adjuvant) à des doses variables (14). L’administration d’antigènes
à ces individus provoquait une augmentation à la fois du taux
d’anticorps de type IgA spécifiques à l’uréase dans le sérum et
du nombre de plasmocytes circulant de type IgA dans le sang.
De plus, il a été montré que, lorsque l’antigène était administré
en présence d’un adjuvant capable d’induire des réponses immu-
nitaires au niveau des muqueuses (la toxine labile d’E. coli), il y
avait une réduction significative de la charge bactérienne de
H. pylori chez les sujets traités par rapport aux témoins non trai-
tés (14). La prochaine étape sera de tester l’efficacité de cette
combinaison antigène/adjuvant dans le contexte d’une vaccina-
tion à visée prophylactique. À cette fin, un modèle d’infection
expérimentale chez l’homme a récemment été développé.
L’EXPLOITATION D’APPROCHES RATIONNELLES
POUR L’IDENTIFICATION DE NOUVEAUX
ANTIGÈNES VACCINANTS
Jusqu’à récemment, le choix d’antigènes pour la formulation de
nouveaux vaccins a été effectué sur la base de critères empiriques,
souvent associés à l’importance des protéines choisies pour la
colonisation et/ou la pathogenèse. Plus récemment, des approches
rationnelles ont été appliquées à l’identification de nouveaux anti-
gènes protecteurs, comme c’est le cas pour le développement du
vaccin anti-H. pylori. Quelques exemples de ces approches, qui,
dans les années à venir, pourraient être couramment utilisées dans
le domaine de la vaccinologie sont cités ci-dessous.
Hocking et al. (15)ont criblé une banque d’expression génomique
de H. pylori avec des anticorps provenant de souris qui avaient
été immunisées avec des extraits totaux de H. felis, en présence
de l’adjuvant toxine cholérique. De cette façon, les auteurs espé-
raient pouvoir identifier des antigènes capables de stimuler la for-
mation d’anticorps protecteurs chez l’hôte qui, grâce à leur
conservation entre espèces de Helicobacter, seraient aussi des
cibles antigéniques privilégiées au sein des souches de H. pylori.
En effet, ce travail a permis la définition, chez H. pylori, de 5 nou-
veaux antigènes protecteurs dont une lipoprotéine (Lpp20) et plu-
sieurs protéines de fonctions inconnues, ainsi que la confirma-
tion de l’efficacité protectrice d’autres antigènes, qui avaient été
auparavant identifiés par des approches empiriques (par exemple,
les sous-unités uréasiques A et B, et la protéine HspB).
La génomique permet aussi l’identification d’antigènes poten-
tiels pour un pathogène donné ; dans ce cas, les protéines déduites
à partir des séquences nucléotidiques sont analysées “in silico”
pour la présence de certains motifs normalement reconnus comme
étant requis pour une localisation membranaire par les protéines,
ou pour leur sécrétion vers le milieu externe. Cette approche a
déjà été appliquée à la définition d’antigènes protecteurs pour
l’élaboration de vaccins contre H. pylori, mais également contre
Neisseria meningitidis (sérogroupe B), pathogène souvent asso-
cié à des méningites et des septicémies chez l’enfant. Alors que
les résultats du projet H. pylori n’ont pas encore été rendus
publiques, les auteurs de l’étude sur N. meningitidis ont rapporté
la sélection de 350 gènes codant pour des protéines potentielles
de type extra-cellulaire ou exportées chez cette bactérie (16). Cha-
cun de ces gènes a été synthétisé par amplification génique, cloné