I
d’obtenir une charge virale indétectable avec une
réplication à très bas bruit, voire une absence de ré-
plication virale. À l’origine d’une réponse virolo-
gique imparfaite ultérieure avec phénomène
d’échappement au traitement, l’apparition de mu-
tations et de souches résistantes est liée non seule-
ment au fort pouvoir de réplication du virus mais
aussi aux erreurs de la transcriptase inverse. Cela
explique que, chez certains patients en multi-échecs,
les interruptions thérapeutiques programmées de
traitement vont permettre – en l’absence de pres-
sion de sélection – de réverser les souches, ces
souches mutées étant alors progressivement rem-
placées par des souches de type sauvage.
Cibles et stratégies
thérapeutiques
D’après la communication
du Dr Pascale Leclercq (CHU Grenoble)
Depuis 1996 et l’avènement des trithérapies, l’inci-
dence des nouveaux cas de sida et de décès a consi-
dérablement diminué alors que plus de la moitié des
décès observés actuellement concerne des patients
non traités (dépistés au stade de sida) ou refusant le
traitement. Les traitements antirétroviraux sont donc
Physiopathologie
de l’infection à VIH
Dans sa présentation, le Dr Jean-Claude Tardy
(service de virologie, Lyon) a rappelé qu’un virus
est un parasite strict obligatoire ne pouvant se mul-
tiplier qu’à l’intérieur d’une cellule : la molécule
CD4 présente sur la membrane des lymphocytes
T4 constitue le récepteur du VIH. Il s’agit par consé-
quent d’une pathologie du système immunitaire.
Parmi les différents types d’infections virales (ai-
guës, latentes ou quiescentes, chroniques), l’in-
fection à VIH est une infection chronique carac-
térisée par une multiplication quotidienne et
ininterrompue du virus. La capacité réplicative est
de l’ordre de 107/jour, avec une fabrication quoti-
dienne de l’ordre de 1 à 10 milliards de virus de
type sauvage.
Dans le processus de l’infection à VIH, trois
grandes étapes se succèdent : diminution de la pro-
duction des lymphocytes par le thymus, multiplica-
tion du virus dans les lymphocytes T activés (lym-
phoblastes) et destruction massive de ces mêmes
lymphocytes en quelques jours. Les lymphocytes T
mémoires (demi-vie longue de 6 à 7 mois) vont
ensuite garder la trace du virus et sont capables
de proliférer en cas de nouvelle mise en contact.
L’objectif d’un traitement antirétroviral est
Tiré à part du compte-rendu paru dans Professions Santé Infirmier Infirmière no48
Les infirmières
au cœur du VIH
À l’initiative de Bristol-Myers Squibb et en partenariat
avec la Fédération Nationale des Centres de Lutte contre
le Sida (FNCLS), a eu lieu à Paris, le 23 mai 2003, la
première journée de formation spécifiquement destinée
aux infirmiers(ères) impliqué(e)s dans la prise en charge
des patients infectés par le VIH.
Octobre 2003
II
des traitements puissants en termes d’efficacité vi-
rologique et de contrôle de la morbi-mortalité, même
s’il faut désormais apprendre à gérer leur toxicité à
long terme.
Principaux objectifs
d’un traitement antirétroviral en 2003
Les antirétroviraux à disposition sont des traite-
ments anti-multiplication : il ne s’agit donc pas
d’éradiquer le virus, mais d’améliorer le statut im-
munologique et de maintenir la charge virale indé-
tectable. Dans le contexte de la mise en route d’un
traitement pour la première fois (patient “naïf”), on
sera intransigeant sur l’efficacité, tout en pensant
aux lignes suivantes de traitement (le premier trai-
tement est toujours le plus efficace et il ne faut pas
le gâcher).
Quel traitement antirétroviral choisir ?
Le choix d’un traitement dépend de nombreux
facteurs : de la ligne (“naïf”, 1re, 2e, ou Xeligne), de
la toxicité (spécifique, croisée), de la situation cli-
nique (sida) et immunovirologique (CD4 < 200, CV
très élevée) où il faudra augmenter la puissance,
des résistances virologiques acquises (histoire thé-
rapeutique ou “archivage des mutations”, données
issues du génotype) de la tolérance et des diffi-
cultés d’observance présumées (choisir un traite-
ment avec des effets indésirables acceptables pour
le patient).
Parmi les associations possibles chez le patient
naïf : 3 INRT ; 2 INRT + 1 IP ; 2 INRT + 1 INNRT en
sachant que l’on n’associe jamais 2 INNRT et que
l’on évite chez un patient naïf d’associer des mo-
lécules des trois classes (réservé aux patients en
multi-échecs).
Les échecs du traitement
antirétroviral ou le problème
de la résistance
L’échec du traitement peut se manifester de plu-
sieurs façons : échec clinique (manifestations cli-
niques, infections opportunistes, pathologie tumo-
rale ou événements indésirables sévères), échec
immunologique (absence de remontée des CD4 à
6 mois ou CD4 < 200/mm3– c’est l’une des indica-
tions de l’immunothérapie si le patient est bien
contrôlé sur le plan virologique) ou virologique (CV
indétectable redevenant détectable, absence d’in-
détectabilité après 6 mois d’un premier traitement).
Une des causes de l’échec du traitement est la ré-
sistance du VIH aux antirétroviraux, liée à des mu-
tations au niveau des gènes codant pour la trans-
criptase inverse et la protéase (ces enzymes
deviennent alors insensibles aux antirétroviraux
concernés).
La tolérance des traitements :
un facteur majeur d’observance
La tolérance précoce est dominée par les troubles
digestifs (nausées et surtout selles liquides) et neuro-
psychiques, même si les plus redoutés par les méde-
cins sont les allergies cutanées (avec les INNRT et cer-
tains INRTI) et les troubles hépatiques (avec les INNRT).
À plus long terme, la lipodystrophie est quasiment
inévitable et constitue un véritable “challenge” pour
les années à venir. Elle s’accompagne généralement
de troubles métaboliques (insulino-résistance, dysli-
pémie, stéatose et risque cardiovasculaire accru). En-
fin, la toxicité mitochondriale aboutissant à une
moindre production d’ATP et une libération accrue de
radicaux libres peut aller jusqu’au tableau d’acidose
lactique avec défaillance multiviscérale (d’où la né-
cessité d’en dépister les signes avant-coureurs : amai-
grissement brutal inexpliqué, fatigabilité musculaire,
cytolyse hépatique...).
Tiré à part du compte-rendu paru dans Professions Santé Infirmier Infirmière no48
Figure 1. Site d’action des différentes classes d’anti-
rétroviraux.
Il existe plusieurs classes d’antirétroviraux
(figure 1) : les inhibiteurs de la transcriptase inverse
(analogues nucléosidiques ou INRT, analogues non
nucléosidiques ou INNRT et analogue nucléoti-
dique) et les inhibiteurs de la protéase (IP). Parmi
les nouveaux produits, on retient les nouveaux IP
(présentant un avantage en termes de tolérance,
de conséquences à long terme et d’efficacité viro-
logique), les inhibiteurs de fusion ainsi que les once
a day (une administration une fois par jour).
La mise en route d’un traitement est indiquée chez
les patients en stade sida (tous), chez les asympto-
matiques avec moins de 350 CD4/mm3et en pré-
vention de la transmission mère-enfant. Seules les
primo-infections symptomatiques sont traitées (ex-
cepté dans les protocoles de recherche en associa-
tion avec une immunothérapie).
Adsorption à CD4
et CCR5/CXCR4
Fusion
Provirus
LTR
LTR
Traduction
Transcription
Pénétration
Transcription
inverse
ARN
gp enveloppe
Glycosylation
Protéase cellulaire
Insertion membranaire
ADN
ARN messagers
ARN génomiques
Bourgeonnement
In Fields Virology, Lippincott-Raven, 3eed., 1996, p. 1886
Prot-pol, gag
Assemblage capside
Protéase virale
Intégration
Inhibiteurs
de l’intégrase
Nucléosidiques
Non nucléosidiques
Nucléotidiques
Inhibiteurs
de fusion
Inhibiteurs de la protéase
Inhibiteurs
de la transcriptase
inverse
III
d’assumer un ou plusieurs problèmes concernant
une personne”. En fait, on part du principe que cha-
cun des acteurs arrive avec sa propre spécialité : le
patient avec son vécu et l’infirmière avec son ex-
périence professionnelle et sa propre façon d’être.
Cette formation au counseling a été conçue, orga-
nisée et dispensée par le CISIH de Nice et l’agence
Comment dire : toutes les infirmières participant au
programme de consultation d’observance ont reçu
cette formation.
Objectifs et principes
de la consultation d’observance
L’objectif principal est d’obtenir la meilleure obser-
vance possible du patient à la prescription de son trai-
tement, et ceci afin d’en assurer une efficacité opti-
male. “Le patient doit devenir acteur et partenaire
du soin et non spectateur de la maladie ou de ses trai-
tements”. Il s’agit de l’aider à réduire les obstacles à
la prise de ses médicaments, d’anticiper d’éventuelles
difficultés et de le doter de compétences pour faire
face à ces difficultés.
La consultation d’observance est fondée sur une
approche centrée sur la personne et plusieurs com-
posantes concourent à l’observance thérapeutique
et à son maintien. L’approche cognitive consiste à
faire le point avec le patient sur ce qu’il connaît de sa
maladie, ce qu’il espère du traitement (“verbaliser les
attentes du patient”) et lui apporter si nécessaire des
explications. Le rôle de l’infirmière est aussi d’essayer
de faire, avec le patient, le lien entre les effets indé-
sirables (EI) et l’observance ainsi que d’anticiper,
parmi les éventuels EI, ceux qui pourraient être à l’ori-
gine d’une altération de l’observance. Plusieurs autres
composantes sont également explorées : émotion-
nelle (dimension affective, amoureuse, sexuelle),
comportementale (attitude vis-à-vis de la prise du
traitement) et sociale (entourage familial, amical et
professionnel).
Au terme de cette consultation, d’une durée
moyenne de 1 heure à 1 heure 30, l’infirmière a la
possibilité d’orienter le patient en fonction de ses
besoins ou de sa demande vers une consultation
de psychologie, de diététique ou vers l’assistante
sociale.
Des outils adaptés
à la consultation d’observance
Plusieurs outils sont à la disposition des infir-
mières en charge de la consultation d’observance :
planning de prise individualisée des médicaments
(figure 2) et guides d’entretien explorant les quatre
composantes précédemment décrites, ces guides
étant évolutifs dans le temps et spécifiques à chaque
entretien.
Une fiche spécifique d’évaluation de l’observance
(modalités de prise de traitement, causes de non-
observance, facteurs prédictifs de non-observance,
Consultation d’observance :
l’expérience du CHU de Nice
Ghislaine Valentini et Patricia Asplanato (CHU de
Nice) ont rapporté leur expérience des consultations
d’observance, proposées dans trois services de l’hô-
pital l’Archet depuis 4 ans. L’objectif principal est ici
d’obtenir la meilleure observance possible du patient
à la prescription de son traitement afin d’assurer une
efficacité optimale de celui-ci.
L’observance, un facteur essentiel
de succès d’un traitement
antirétroviral
De nombreuses études cliniques ont montré que
95 à 100 % d’observance sont nécessaires pour ga-
rantir une efficacité maximale des traitements sur
le plan virologique (Rapport Delfraissy, 2002). L’ob-
servance conditionne ainsi le pronostic clinique, que
ce soit en termes de réponse virologique ou immu-
nologique (Paterson DL, 2000). En pratique clinique,
pourtant, l’observance apparaît comme extrême-
ment fluctuante avec le temps et serait très infé-
rieure aux recommandations : moins de deux pa-
tients sur trois dans la cohorte APROCO sur une
période d’étude de 20 mois (Carneri P, 2001).
Parmi les facteurs affectant l’observance de fa-
çon positive ou négative, on retient ceux liés au trai-
tement lui-même (complexité, nombre de prises,
intégration du traitement dans la vie quotidienne,
effets indésirables), les facteurs propres au patient
(âge, pessimisme face à l’infection, connaissances
et “croyances” sur la maladie, santé mentale, sta-
tut clinique, précarité sociale ou manque de soutien
social), enfin, ceux qui sont plus particulièrement
liés à l’équipe soignante (relation médecin-patient,
modalités d’accès au soin ou qualité de l’informa-
tion en direction du patient).
Soutien et accompagnement
des personnes sous traitement :
un besoin devenu une réalité
La consultation infirmière d’observance a débuté
au CHU de Nice voici 4 ans dans le cadre d’un pro-
tocole (juin 1999-octobre 2000) et se poursuit tou-
jours actuellement (hors protocole). Pour bénéficier
de ce dispositif, les patients doivent être sous tri-
thérapie depuis au moins quatre semaines : quatre
consultations leur sont proposées, chacune à
deux mois d’intervalle. Il s’agit donc d’un accom-
pagnement individualisé, éducatif et psychosocial
du patient VIH à la prise de son traitement. Cet ac-
compagnement a pour but d’aider au suivi des trai-
tements et est fondé sur la méthode du counseling.
Le counseling est un “type de réponse thérapeu-
tique sous la forme d’un accompagnement à la fois
psychologique et social, mais aussi un mode de
relation d’aide aux fins de traiter, de résoudre ou
Tiré à part du compte-rendu paru dans Professions Santé Infirmier Infirmière no48
Tiré à part du compte-rendu paru dans Professions Santé Infirmier Infirmière no48
IV
problèmes posés et actions à mener par le patient)
permet un retour d’information vers le médecin. En-
fin, des piluliers sont également mis à disposition.
Cette consultation d’observance peut être propo-
sée lors d’un suivi, lors de l’initiation ou de la modi-
fication d’un traitement, au moment de la reprise
d’un traitement après une interruption thérapeutique,
lors d’un suivi de patient co-infecté VIH-VHC ainsi
que dans les cas d’accidents d’exposition au sang
(AES).
Conclusion
La consultation observance est une possibilité sup-
plémentaire offerte aux patients afin de les soutenir
et de les accompagner dans la prise de leur traite-
ment. À la question : « Qu’est-ce qui vous a le plus
aidé dans nos entretiens ? », une patiente a répondu :
« Le fait que vous posiez des questions et que vous
écoutiez les réponses, l’existence même de cette en-
quête individualisée, attentive, valorisante ainsi que
la prise en compte des détails de la vie ».
Prise en charge des victimes
d’accident d’exposition au VIH
à l’hôpital Édouard-Herriot
Michèle Forêt, Martine Augoyat,
hôpital Édouard-Herriot, Lyon
Depuis la mise en application de la circulaire de
1998, on assiste à l’hôpital Édouard-Herriot à une
augmentation du nombre total d’accidents d’expo-
sition (tableau I), même si la progression de ces deux
dernières années (+ 7 % en 2001 et 2002) est net-
tement moins importante que celle qui a suivi la mise
en application de la circulaire (+ 50 % en 1999
et + 28,5 % en 2000).
Tableau I. Accidents d’exposition au VIH pris en charge
à l’hôpital Édouard-Herriot ces quatre dernières années.
Année 1998 1999 2000 2001 2002
Nombre de patients 110 165 212 226 242
Progression
par rapport à l’année + 50 + 26,5 + 7 + 7
précédente (%)
Figure 2. Illustration par un exemple de planning de prise
individualisée.
Sur ce total de 242 accidents d’exposition en 2002,
134 cas ont été documentés par l’Institut de Veille
Sanitaire (patient source inconnu ou séropositif pour
le VIH). Un traitement de 2 mois a été administré
pour 94 % de ces patients : il s’agissait d’un risque
sexuel dans 73 % des cas (46 % de viols, dont
2 hommes sur un total de 45 ; rapports homosexuels
dans 31 % des cas) et d’accident du travail dans
26 % des cas (14 % chez des professionnels de
santé et 12 % chez des non-professionnels de
santé).
Afin d’optimiser la prise en charge de ces victimes
d’accident d’exposition au VIH (en insistant sur la
nécessité de consulter rapidement après l’exposi-
tion), un document spécifique d’éducation à la santé
a été élaboré et permet de mettre l’accent sur les
éléments suivants : délai de séroconversion, fiabi-
lité des résultats garantie seulement en l’absence
de nouvelle prise de risque, prise de conscience de
la potentialité de la contamination et de la néces-
sité de protéger ses proches, notion de pratiques
sexuelles à risque et bon usage des préservatifs mas-
culins et féminins.
Dr Jean-Philippe Madiou
Centre Saint-Victor, Paris
Références bibliographiques
Carneri P et al. The dynamic of adherence to highly active anti-
retroviral therapy : results of the French National APROCO cohort.
J Acquir Immune Defic Syndr 2001 ; 28 (3) : 232-9.
Paterson DL, Swindells S, Mohr J et al. Adherence to protease
inhibitor therapy and outcomes in patients with HIV infection.
Ann Intern Med 2000 ; 133 (1) : 21-30.
Prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le
VIH. Recommandations du groupe d’experts. Rapport 2002
sous la direction du Pr JF Delfraissy. Eds Médecine-Sciences,
Flammarion 2002.
Imprimé en France par Vincent Imprimeries (Tours) - Octobre 2003.
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