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La Lettre du Neurologue - n° 7 - vol. VIII - septembre 2004 227
correspondants (figure 2).
La sensibilité et la spécificité des grades 4-5 pour la détection
d’une recanalisation complète en DTC (91 et 93 %) étaient excel-
lentes. Inversement, le stade recanalisation partielle (grade 2-3)
correspondait plus d’une fois sur deux à une occlusion persistante
en angiographie diminuant la sensibilité du grade 0-1 (occlusion
complète) à 50 %, pour une spécificité à 100 %, et la spécificité
du grade 2-3 (occlusion partielle) à 76 %, pour une sensibilité à
100 %. Ainsi, la persistance d’un flux amorti avec une diminution
de plus de 30 % de la VS comparativement au côté opposé peut
correspondre à une occlusion persistante de l’artère et justifier,
en l’absence d’amélioration clinique et de lésion hémorragique
au TDM cérébral, un examen angiographique urgent.
UN OUTIL PRONOSTIQUE
Après la validation des critères TIBI, les auteurs ont analysé leur
relation avec l’évolution du déficit neurologique quantifiée par
le score NIHSS. Ainsi, une occlusion complète avant la throm-
bolyse était associée non seulement à un déficit neurologique
plus important mais aussi à une mortalité significativement supé-
rieure à celle observée en cas de recanalisation partielle ou com-
plète (22 % versus 5 %).
L’utilisation d’un casque spécifique a permis de surveiller, par un
enregistrement en continu, la recanalisation de l’artère au cours
d’une thrombolyse. En cas d’occlusion démontrée de l’ACM, la
recanalisation était observée entre 70 % et 78 % des cas (7). Le
délai moyen de recanalisation était de 250 mn, survenant dans
75 % des cas pendant l’administration du traitement par tPA. De
plus, chez les patients présentant une récupération majeure (dra-
matic recovery) sous traitement thrombolytique (NIHSS ≤3 ou
diminution de plus de 10 points du score [22 % des cas]), une
recanalisation complète de l’artère était observée dans 58 % des
cas versus 14 %. Le mode de recanalisation avait aussi son impor-
tance. Ainsi, une recanalisation brutale (< 1 mn) était associée
dans 80 % des cas à une récupération neurologique quasi com-
plète (NIHSS ≤3) à 24 h alors que celle-ci n’était retrouvée que
dans 13 % des cas de recanalisation lente (≥30 mn).
Mais si la fréquence de recanalisation de l’artère occluse chez ces
patients était nettement supérieure à celle observée dans les séries
“angiographiques” (1), la surveillance continue par DTC a permis
de mettre en évidence, chez un patient sur trois ayant présenté
une recanalisation partielle ou complète, une réocclusion précoce
survenant dans les 2 heures suivant l’administration du traitement
thrombolytique i.v. (7). Cette réocclusion s’accompagnait d’une
réaggravation du déficit neurologique dans 50 % des cas. Dès
lors, le dépistage et le traitement de la réocclusion artérielle
deviennent une des cibles majeures pour le renforcement du trai-
tement thrombolytique de l’infarctus cérébral.
En conclusion, une recanalisation précoce, brutale et stable est un
élément de bon pronostic lors d’une thrombolyse. Le tableau
résume le rôle pronostique de l’état de perméabilité de l’artère
dans les 2 heures suivant l’administration du bolus de tPA (7).
D’autres facteurs ont également démontré leur rôle, comme
les signes précoces d’ischémie sur le scanner cérébral (score
ASPECTS), la glycémie, l’importance du déficit initial et la pres-
sion artérielle.
À côté du DTC, l’écho-doppler énergie transcrânien est un outil
de développement récent particulièrement intéressant pour la
visualisation directe des artères potentialisées par l’injection de
produit de contraste (8). Cet outil est particulièrement intéressant
en l’absence de fenêtre temporale. Il a été utilisé dans le moni-
toring de la recanalisation de l’ACM (9). Cintas et al. ont décrit
la recanalisation progressive de l’ACM en codage énergie. Ainsi,
en cas d’occlusion proximale de M1, les auteurs ont décrit une
réapparition progressive du signal dont l’amplitude augmente au
fur et à mesure de la recanalisation de l’artère. La persistance
d’un ralentissement du flux suggérait une occlusion distale. Ces
résultats furent obtenus en l’absence de traitement par rtPA, sug-
gérant un effet thrombolytique direct des ultrasons focalisés sur
le thrombus par l’échographie.
PERSPECTIVES : ULTRASON, UN ALLIÉ
POUR LA THROMBOLYSE…
(10)
Depuis 1992, plusieurs travaux ont démontré que les ultrasons
aux fréquences utilisées pour le diagnostic accélèreraient la
thrombolyse induite par les activateurs du plasminogène comme
le tPA. Les ultrasons utilisés à cette fréquence favoriseraient la
pénétration du tPA au sein de la fibrine et l’exposition des sites
de liaison à cet enzyme. D’autres travaux ont suggéré un effet
direct des ultrasons sur le thrombus potentialisé par l’action de
micro-bulles stabilisées. Enfin, le taux élevé de recanalisation
observé dans les séries de patients suivies en DTC, comparative-
ment aux résultats obtenus dans les études contrôlées par angio-
0
NIHSS 0-3
2 h NIHSS 0-3
24 h Rankin 0-1
3 mois Survie
3 mois
20
40
60
80
100
10
30
50
70
90
Occlusion persistante (n = 13)
Réocclusion précoce (n = 16)
Recanalisation stable (n = 31)
Tableau. Pronostic des patients en fonction de la recanalisation de
l’artère occluse (7). Les résultats sont exprimé en pourcentages de
patients dans chaque groupe.