R E V U E D E P R E S S E Revue de presse ● A. Travade* MAMMOGRAPHIE La détection des cancers du sein au stade le plus précoce possible, ce qui est l’objectif du dépistage mammographique, passe par la lecture des films. Tout ce qui permet d’optimiser cette lecture doit donc être étudié. Elmore JG, Miglioretti DL et al. Does practice make perfect when interpreting mammography ? Part II. J Natl Cancer Inst 2003 ; 95 : 250. Cet éditorial d’Elmore souligne ce qui permet d’améliorer l’interprétation mammographique et dénonce quelques idées préconçues. La fiabilité de la lecture est-elle due à l’expérience du radiologue, au nombre des mammographies interprétées, ou à des facteurs extérieurs, comme des contraintes financières ou la peur des poursuites médico-légales ? En fait, les tests de lecture ne représentent pas la réalité. En effet, certains kits d’apprentissage contiennent 40 % de cancers alors qu’en pratique courante, dans une population dépistée, seulement 2 à 6 cancers sont détectés pour 1 000 mammographies lues. Comment déterminer le nombre de mammographies à lire par an pour permettre à un radiologue d’être lecteur dans le cadre d’un dépistage organisé ? La réponse n’est pas claire et varie d’un pays à l’autre : par exemple, 480 pour un lecteur américain, 5 000 pour un lecteur anglais. Ce n’est pas l’article suivant de Beam qui permet d’apporter une réponse et des travaux supplémentaires sont nécessaires. Beam CA, Conant EF, Sickles EA. Association of volume and volume independent factors with accuracy in screening mammogram interpretation. J Natl Cancer Inst 2003 ; 95 : 282. Intuitivement, on pense que des radiologues entraînés et expérimentés en sénologie, ayant à leur actif de très nombreuses lectures de mammographies pendant des années, et confrontant régulièrement les résultats histologiques des biopsies qu’ils ont recommandées avec l’imagerie initiale, auront de meilleurs scores d’interprétation. Cet article ne confirme pas cette hypothèse et met en évidence de nombreux facteurs annexes qui influencent la fiabilité de la lecture. Nodine CF, Mello-Toms C et al. Time course of perception and decision making during mammographic interpretation. AJR 2002 ; 179 : 917. Quel est le temps nécessaire pour la détection d’une anomalie en dépistage et ce temps est-il variable en fonction de l’expérience du lecteur ? Les auteurs ont fait lire une série de mammographies numériques par des radiologues experts et par des lecteurs en cours de formation. Les experts détectent la plupart La Lettre du Sénologue - n° 22 - octobre/novembre/décembre 2003 des anomalies (71 %) par reconnaissance globale en moins de 25 secondes. Si le temps de lecture est prolongé, on trouve peu de lésions supplémentaires, mais on augmente le risque d’erreurs. Les radiologues en formation mettent plus de temps et détectent moins d’anomalies. Wan L. Mammography and beyond : building better breast cancer screening tests. J Natl Cancer Inst 2003 ; 95 : 344. Peut-on faire mieux que la mammographie de dépistage actuelle ? Cet examen reste le meilleur test mais il n’est pas parfait. D’autres méthodes de détection sont à l’étude mais ne peuvent être utilisées en routine, c’est le cas de l’imagerie par résonance magnétique ou celui des études avec des protéines spécifiques. On peut aussi améliorer la mammographie ellemême. La mammographie numérique, si elle a des avantages – rapidité et meilleure résolution en contraste, possibilité de stockage et transfert d’images favorisant la deuxième lecture – a aussi des inconvénients, en particulier, son coût. Pour l’instant, on ne peut pas prouver qu’elle donne de meilleurs résultats que la mammographie analogique en termes de détection des cancers. Les résultats de l’étude DMIST (Digital Mammmography Imaging Screening Trial), enrôlant 49 500 femmes, ne seront pas connus avant 2005. La double lecture et la comparaison avec les mammographies antérieures améliorent le score de détection de même que l’utilisation d’un logiciel d’aide à la détection, le CAD. D’autres techniques sont à l’essai. Le dépistage par IRM dans une population à haut risque est en cours d’étude, en association ou non avec l’échographie, de même que l’élastographie par résonance magnétique, les études de conductivité électrique, etc. Mais toutes ces techniques, surtout si elles sont cumulées de façon à obtenir un meilleur résultat, sont coûteuses. En revanche, un test sanguin, s’il était mis au point et fiable, pourrait être une solution économique. C’est ce que tente de trouver Liotta L : une protéine spécifique dans une goutte de sang qui signalerait les femmes atteintes d’un cancer du sein. Burnside ES, Sickles EA et al. Differential value of comparison with previous examinations in diagnostic versus screening mammography. AJR 2002 ; 179 : 1173. La détection et la caractérisation des cancers sont meilleures si l’interprétation des mammographies est couplée avec la lecture des films antérieurs. En situation de dépistage, cela permet de diminuer les tests positifs et donc le taux des reconvocations inutiles mais cela change peu le taux de détection des cancers. En revanche, les cancers trouvés le sont à un stade un peu plus précoce, avec moins d’envahissement ganglionnaire. 27 R E V U E D E P R E S S E En situation de diagnostic, la comparaison avec les mammographies antérieures augmente le taux de biopsies et celui de détection des cancers. MALADIE DE HODGKIN Huo Z, Giger ML et al. Computerized analysis of digitized mammograms of BRCA1 and BRCA2 gene mutation carriers. Radiology 2002 ; 225 : 519. Yahalom J. Breast cancer after Hodgkin disease. Hope for a safer cure. Éditorial. JAMA 2003 ; 290 : 529. Un logiciel permet d’évaluer les modèles de densité mammographique entre deux groupes de femmes, celles qui sont à très haut risque de cancer du sein car porteuses des gènes BRCA1 ou BRCA2, et celles qui sont à bas risque. Ces dernières sont appariées par l’âge aux précédentes de façon à supprimer le biais lié à l’âge. Les femmes porteuses d’un gène de prédisposition génétique ont globalement des seins plus denses, un contraste plus faible et une texture du tissu glandulaire plus grossière. Ce type de logiciel permettrait d’identifier dans une population tout-venant les femmes à haut risque. Moy L, Slanetz PJ et al. Specificity of mammography and US in the evaluation of a palpable abnormality: retrospective review. Radiology 2002 ; 225 : 176. Il s’agit d’une étude des lésions palpables qui ne se voient ni sur la mammographie ni en échographie. Le risque de cancer est très faible, d’environ 2,6 %. Il est quasi nul si la densité mammographique est basse, de type adipeux. Il augmente jusqu’à 3,8 % si les seins sont de type dense. PET SCAN Cette nouvelle imagerie paraît très prometteuse dans l’étude de l’extension d’un cancer mais ne semble pas encore avoir sa place en dépistage. Samson DJ, Flamm CR et al. Should FDG PET be used to decide whether a patient with an abnormal mammogram or breast finding at physical examination should undergo biopsy ? Acad Radiol 2002 ; 9 : 773. Dans l’état actuel des connaissances et des techniques, l’imagerie du sein par le PET Scan ne remplace pas et n’améliore pas l’imagerie traditionnelle, l’étude étant réalisée sur des mammographies anormales ou sur des lésions palpables. En effet, le risque de faux-négatifs atteint 12 % et est donc trop important. Guller U, Nitzsche E et al. Is Positron Emission Tomography an accurate non invasive alternative to sentinel lymph node biopsy in breast cancer patients ? J Natl Cancer Inst 2003 ; 95 : 1040. De même, l’imagerie par le PET Scan ne dispense pas de l’exploration du creux axillaire en cas de petit cancer du sein puisqu’elle ne détecte pas les petites métastases et les micrométastases. En revanche, le PET Scan permet, pour les tumeurs volumineuses ou les tumeurs de mauvais pronostic, d’apprécier l’étendue de la maladie métastatique à distance ou d’apprécier l’envahissement ganglionnaire méconnu par les autres techniques, par exemple troisième étage de Berg, chaîne susclaviculaire ou chaîne mammaire interne. 28 Le risque de cancer du sein apparaissant après traitement d’une maladie de Hodgkin est actuellement bien documenté. Le contrôle de la maladie de Hodgkin passe par l’utilisation de radiothérapie, de chimiothérapie ou des deux. La survie globale est d’environ 90 % à 10 ans, mais on voit apparaître dans les années suivantes un excès de mortalité dû à des cancers secondaires, environ 10 % à 20 ans. Parmi ces cancers, le risque de cancer du sein est important et trois facteurs, entre autres, sont à souligner : ce risque est nettement lié à la radiothérapie et il est proportionnel à la dose ; il est lié à l’âge du traitement de la maladie de Hodgkin (10 à 20 ans principalement) ; il apparaît tardivement, environ 15 ans après la fin du traitement. L’augmentation du risque est non seulement liée à la dose de rayons mais aussi au volume irradié. La radiothérapie reste toutefois nécessaire puisque plusieurs études récentes ont montré que, même après rémission complète après chimiothérapie, on ne pouvait s’en passer sans accentuer le risque de récidive. L’irradiation ovarienne et la ménopause précoce diminuent le risque de cancer du sein tandis qu’une stimulation hormonale l’augmente. On peut donc supposer qu’une prise en charge thérapeutique optimale – réduction de la dose, réduction du volume et prévention hormonale – peut diminuer le risque de cancer du sein après maladie de Hodgkin. Travis LB, Hill DA et al. Breast cancer following radiotherapy and chemotherapy among young women with Hodgkin disease. JAMA 2003 ; 290 : 465. La dose de radiothérapie est directement liée au risque ultérieur de cancer du sein, ce risque persistant jusqu’à 25 ans ou plus après le traitement. Une chimiothérapie avec des agents alkylants sans radiothérapie réduit le risque de cancer du sein de 40 %. Quand elle est associée à la radiothérapie, le risque est inférieur à celui observé dans le groupe radiothérapie seule. L’irradiation ovarienne diminue le risque. Les programmes de surveillance après traitement doivent donc être de longue durée. Van Leeuwen FE, Klokman WJ. Roles of radiation dose, chemotherapy and hormonal factors in breast cancer following Hodgkin’s disease. J Natl Cancer Inst 2003 ; 95 : 971. Cet article est à rapprocher du précédent, les conclusions globales étant semblables. Une ménopause induite précocement, en particulier avant l’âge de 36 ans, entraîne une nette réduction du risque de cancer du sein. LÉSIONS PAPILLAIRES DU SEIN Il s’agit de lésions rares qui doivent toutefois être bien connues, puisque le diagnostic peut maintenant être fait avant le recours à la chirurgie. Rosen EL, Bentley RC et al. Imaging-guided core needle biopsy of papillary lesions of the breast. AJR 2002 ; 179 : 185. Bon rappel des divers aspects pathologiques regroupés sous le terme de lésions papillaires bénignes ou malignes, le point La Lettre du Sénologue - n° 22 - octobre/novembre/décembre 2003 commun étant la présence d’un axe fibrovasculaire. Une bonne iconographie illustre les corrélations radiologiques et histologiques. Dans cette étude comptabilisant des prélèvements percutanés guidés par échographie ou par stéréotaxie, microbiopsies 14 G ou Mammotome 11 G, la fréquence de ces lésions est faible (4 %). En cas de résultat bénin, on peut proposer une surveillance, le risque de faux-négatifs étant très faible. Le suivi à deux ans confirme alors la stabilité ou même la régression des images. En revanche, si la biopsie retrouve des lésions papillaires atypiques ou de l’hyperplasie canalaire atypique, une intervention chirurgicale est proposée afin de ne pas méconnaître un carcinome, sous-estimé par la biopsie. Günhan-Bilgen I, Zekioglu O et al. Invasive micropapillary carcinoma of the breast : clinical, mammographic and sonographic findings with histopathologic correlation. AJR 2002 ; 179 : 927. Pouvoir distinguer un carcinome micropapillaire invasif ou non est important pour la conduite thérapeutique. La présence d’une invasion indique en effet le recours à une vérification des ganglions axillaires, alors qu’elle n’est pas nécessaire en cas de carcinome in situ. Leur fréquence est rare, de 0,9 à 2,7 % de tous les cancers. L’imagerie est, la plupart du temps, très suspecte ; le diagnostic différentiel se pose surtout avec de rares tumeurs métastatiques (adénome séreux papillaire de l’ovaire ou forme micropapillaire du cancer à cellules transitionnelles de la vessie). LES INHIBITEURS DE L’AROMATASE Environ deux tiers des cancers du sein ont des récepteurs aux estrogènes positifs ; parmi, ceux-ci 60 à 70 % seront sensibles à une hormonothérapie consistant en une privation estrogénique. Les résultats de diverses études montrent l’efficacité, et peut-être même la supériorité, des inhibiteurs de l’aromatase de troisième génération par rapport au tamoxifène. un stade avancé, à un stade précoce, traitement adjuvant ou traitement préopératoire. En prévention, son rôle est à discuter, car même chez des femmes ménopausées, la suppression complète des estrogènes peut avoir des effets indésirables, en particulier sur l’os. Enfin, aucune étude n’a testé l’association concomitante à une chimiothérapie, alors que l’on évite tamoxifène et chimiothérapie dans la crainte d’accentuer le risque thromboembolique. Baum M, Buzdar A et al. The ATAC (Arimidex®, Tamoxifene Alone or in Combination) Trialists’Group. Cancer 2003 ; 98 : 1802. L’anastrozole a été proposé comme alternative au tamoxifène ou en association avec celui-ci. Le taux de survie sans récidive est supérieur dans le premier groupe, lorsque les récepteurs hormonaux sont positifs. L’incidence du cancer du sein controlatéral est plus faible dans le groupe anastrozole que dans le groupe tamoxifène. La tolérance est globalement meilleure dans le premier groupe. Goss PE, Ingle JN et al. A randomized trial of letrozole in postmenopausal women after five years of tamoxifene therapy for earlystage breast cancer. N Engl J Med 2003 ; 349 : 1793. Après cinq ans de tamoxifène, les patientes ont été randomisées en deux groupes : cinq ans de létrozole versus placebo. Les résultats sont meilleurs dans le premier groupe. Rose C, Vtoraya O et al. An open randomized trial of second-line endocrine therapy in advanced breast cancer : comparison of the aromatase inhibitors letrozole and anastrozole. Article intéressant dans le cadre de la “compétition” entre les différents antiaromatases. Sept cent treize patientes présentant un cancer du sein à un stade avancé ont été enrôlées dans cette étude. Après échec du tamoxifène, il leur a été proposé létrozole ou anastrozole. La réponse globale est meilleure dans le premier groupe. Smith IE, Dowsett M. Aromatase inhibitors in breast cancer. N Engl J Med 2003 ; 348 : 2431. Thürlimann B, Robertson JFR et al. Efficacy of tamoxifene following anastrozole (Arimidex®) compared with anastrozole following tamoxifene as first-line treatment for advanced breast cancer in postmenopausal women. Le point sur les inhibiteurs de l’aromatase de 3e génération. Ces molécules (létrozole [Fémara®], anastrozole [Arimidex®], exémestane [Aromasine®]) sont utilisées, comme le tamoxifène, dans le traitement du cancer du sein de la femme ménopausée ayant des récepteurs estrogéniques positifs. Différentes situations doivent être distinguées : traitement de la maladie à De façon classique, les inhibiteurs de l’aromatase étaient proposés après les anti-estrogènes, en cas d’échec de ces derniers, dans les traitments du cancer du sein à un stade avancé. Les auteurs ont montré que l’efficacité existait aussi en sens inverse : l’anastrozole peut être proposé en première ligne, puis suivi, en cas d’échec, par le tamoxifène. ■ Sein, hormones et antihormones 26 es Journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire Coordonnateurs: Anne Lesur, Yves Kessler et Jean-Luc Verhaeghe Secrétariat du congrès : Baron Communication Tél. : 03 83 35 10 50 – Fax : 03 83 35 95 30 – E-mail : [email protected] Nancy, Palais des Congrès, 10-12 novembre 2004 La Lettre du Sénologue - n° 22 - octobre/novembre/décembre 2003 29