Le Courrier de la Transplantation - Volume IV - no1 - janvier-février-mars 2004
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Revue
de presse
Régénération myocardique
par thérapie cellulaire :
risques et résultats
L
e traitement consistant à transplanter des
cellules vivantes dans le myocarde patho-
logique entraînerait un processus de régéné-
ration capable de réduire la fibrose ventricu-
laire survenue lors d’un infarctus du
myocarde. Cette approche devient progressi-
vement une nouvelle voie thérapeutique de la
défaillance ventriculaire postischémique.
Le développement de la biologie cellulaire et
moléculaire permet ainsi d’envisager cette stra-
tégie. L’objectif de la thérapie cellulaire, appe-
lée aussi “cardiomyoplastie cellulaire”, est
d’obtenir une régénération du myocarde lésé
par injection de cellules issues du même malade
(autologues), afin de limiter et de rendre réver-
sible le remodelage postischémique, et éven-
tuellement de restaurer la contractilité ventri-
culaire. Il faut tenir compte du fait que les
cardiomyocytes, passé le stade fœtal du déve-
loppement, perdent leur faculté de prolifération.
Une lésion d’infarctus myocardique ne peut
donc se réparer par la prolifération des cardio-
myocytes adultes, car le nombre de cellules
souches myocardiques est très limité.
Dans des essais cliniques actuels, soit des myo-
blastes squelettiques autologues cultivés in vitro
pendant trois semaines sont utilisés afin d’in-
duire une “myogenèse”, soit des cellules
souches de moelle osseuse sont utilisées fonda-
mentalement dans des protocoles “d’angioge-
nèse”. L’objectif de la cardiomyoplastie cellu-
laire est ainsi de régénérer le myocarde par le
biais d’une myogenèse et/ou d’une angiogenèse.
Cependant, des complications graves ont été
observées, car les cellules musculaires squelet-
tiques (myoblastes) cultivées dans du sérum de
veau fœtal (SVF) et utilisées dans la régénéra-
tion myocardique ont provoqué des arythmies
ventriculaires sévères et parfois des morts
subites, nécessitant l’implantation de défibrilla-
teurs. Ainsi, dans les essais cliniques en cours
en France, l’implantation d’un défibrillateur est
devenue obligatoire. En revanche, l’expérience
clinique internationale (plus de 80 cas) n’a
jamais démontré d’effets arythmogéniques après
implantation dans le myocarde de cellules issues
de la moelle osseuse ; dans cette approche, les
cellules ne sont pas cultivées ex vivo.
Une étude européenne a exploré l’hypothèse
selon laquelle le contact des cellules avec le SVF
pendant trois semaines entraînerait une fixation
de protéines sur les myoblastes, responsables de
réactions immunologiques à l’origine d’aryth-
mies sévères. Chez 12 patients, des myoblastes
autologues prélevés des muscles squelettiques
ont été cultivés avec du sérum autologue et
ensuite injectés à ces malades porteurs d’une car-
diomyopathie ischémique. Les cellules ont été
cultivées pendant trois semaines sans facteurs de
croissance, dans des milieux de culture complè-
tement autologues préparés à partir du sérum du
même malade, utilisant des techniques de plas-
maphérèse. Les injections de myoblastes ont été
réalisées sur des lésions non viables d’infarctus,
au cours de la chirurgie coronarienne destinée à
la revascularisation d’autres zones du cœur.
Tous les patients ont survécu à l’intervention.
Dans le suivi à long terme, il n’y a pas eu de mor-
talité. La surveillance rythmologique par Holter
n’a pas montré d’arythmies ventriculaires signi-
ficatives. Des améliorations objectives à long
terme ont été observées dans la fraction d’éjec-
tion du ventricule gauche ainsi que dans les
études de contractilité régionale de zones traitées
par les cellules. La viabilité myocardique des
zones infarcies a été améliorée significativement.
Conclusion. L’utilisation d’un procédé de cul-
ture cellulaire totalement autologue a permis de
réduire le risque d’arythmie ventriculaire sévère
ainsi que celui de mort subite. L’implantation
de défibrillateurs a été évitée. Un autre béné-
fice de cette méthode est d’éviter tout risque de
contamination virale, par prions ou zoonoses.
Le milieu de culture utilisant le sérum de veau
fœtal semblerait être lié à l’induction de phé-
nomènes inflammatoires et d’antigénicité, res-
ponsables de complications rythmologiques
sévères chez les malades soumis à l’implanta-
tion intramyocardique de myoblastes.
Des questions restent posées quant aux méca-
nismes d’action de cette thérapie cellulaire,
en particulier sur l’existence d’un couplage
électromécanique avec le tissu myocardique
environnant, car les myoblastes squelettiques
ne se contractent pas spontanément.
J.C. Chachques, Paris
Herreros J et al. Autologous intramyocardial injec-
tion of cultured skeletal muscle-derived stem cells in
patients with non-acute myocardial infarction. Eur
Heart J 2003 ; 24 : 2012-20.
Short and long term outcomes
of combined cardiac
and renal transplantation
with allografts from
a single donor
C
et article rapporte l’expérience de l’hô-
pital Papworth des transplantations com-
binées cœur-rein à partir d’un même donneur
réalisées dans ce centre. Ces transplantations
sont rares, puisqu’elles ne concernent que 5 à
6 patients par an en France, mais leur indica-
tion est souvent difficile, surtout lorsqu’il
s’agit de proposer une transplantation rénale
chez des patients devant subir une nouvelle
transplantation cardiaque.
De 1986 à 2002, 13 patients âgés en moyenne
de 45 ans ont ainsi nécessité une transplantation
combinée cœur-rein. Les étiologies des insuffi-
sances rénales terminales sont variées. Trois de
ces 13 patients avaient une néphrotoxicité à la
ciclosporine en raison d’une transplantation car-
diaque antérieure et devaient subir une nouvelle
transplantation cardiaque pour rejet chronique.
Avant cette transplantation combinée,
9 patients étaient en dialyse péritonéale, 2 seu-
lement en hémodialyse et les 2 patients dont
l’insuffisance rénale était secondaire à l’admi-
nistration prolongée de ciclosporine n’avaient
aucune technique d’épuration extrarénale. Mal-
heureusement, aucune donnée n’est disponible
quant à la date de début de l’épuration par rap-
port à la date de transplantation combinée.
Quatre patients sont décédés, 3 très précoce-
ment et un tardivement (879 jours post-trans-
plantation), de dysfonction précoce du gref-
fon cardiaque, de sepsis, de défaillance
multiviscérale ou d’insuffisance cardiaque.
Parmi les 3 patients ayant eu une retransplan-
tation cardiaque, un est décédé au 13
e
jour post-
opératoire, et les deux autres sont encore en vie
plus de 2 et 3 ans après cette retransplantation.
La survie actuarielle globale est de 77 % à un
an et de 67 % à 10 ans, survie comparable à
celle des 760 autres transplantations car-
diaques réalisées durant la même période par
cette équipe (82 % à un an et 58 % à 10 ans).
Le nombre moyen de rejets aigus cardiaques
pour 100 patients-jours a été significative-
ment moins élevé par comparaison avec les
transplantations cardiaques isolées (0,04 ver-
sus 0,4 ; p = 0,01) et seul un épisode de rejet
aigu rénal a nécessité un traitement, fréquence
de rejet aigu rénal plus faible que celle décrite
après transplantation cadavérique.
L’immunosuppression était celle utilisée par le
centre pour les transplantations cardiaques isolées
avec, de 1986 à 1994, une induction systématique
par RATG, puis, dans plus de 50 % des cas, les
années ultérieures. Le traitement immunosuppres-
seur de fond comprenait ciclosporine, azathioprine
(ou mycophénolate mofétil chez 2 patients) et une
corticothérapie stoppée au 18
e
mois postopératoire.
Seule la compatibilité de groupe sanguin était prise
en compte pour le choix du donneur sans apparie-
ment HLA. Pour expliquer cette moindre incidence
de rejet, diverses hypothèses sont soulevées : temps
d’ischémie plus court pour le rein par rapport à une
transplantation cadavérique, existence d’une cer-
taine tolérance en raison de la combinaison de la
greffe de deux organes…
Le taux moyen de créatinine était de 724 µmol/l en
préopératoire, de 158 µmol/l à la sortie de l’hôpital
et de 123 µmol/l tardivement avec un suivi médian
de 2,637 jours, sans aucune perte fonctionnelle du
greffon rénal chez les 9 patients survivants.
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Les auteurs concluent à la faisabilité de ces
transplantations combinées après une sélec-
tion rigoureuse des candidats, même lorsqu’il
s’agit d’un patient ayant déjà eu une trans-
plantation cardiaque antérieure.
P. Chevalier, Paris
Luckraz H et al. J Heart Lung Transplant 2003 ; 22 :
1318-22.
Vers une meilleure
connaissance
du syndrome hépatopulmonaire...
L
e syndrome hépatopulmonaire (SHP) est
défini par la présence d’un gradient
d’oxygène alvéolo-artériel et d’une dilatation
vasculaire intrapulmonaire, en présence d’une
maladie hépatique. Il s’agit d’une complica-
tion rare des maladies du foie, longtemps
considérée comme une contre-indication à la
transplantation hépatique (TH) du fait du
risque de mortalité postopératoire lié à l’hy-
poxie. Il a été récemment suggéré que le SHP
était réversible après TH, de sorte que, depuis
une dizaine d’années, certains centres consi-
dèrent le SHP comme une indication à la TH,
même lorsque la maladie hépatique n’est pas
très évoluée. Le présent travail rapporte l’ex-
périence des centres de la région parisienne
sur dix ans. Le diagnostic de SHP a été fondé
sur la présence d’une PaO2< 70 mmHg, ou
d’un gradient alvéolo-artériel de plus de
20 mmHg en air ambiant, associé à un retard
(plus de trois cycles cardiaques) sur l’écho-
cardiographie de contraste.
Sur la période, quatre des six centres ont trans-
planté 23 patients adultes (14 à 64 ans) atteints
de SHP (parmi 2 265 TH). Tous les patients
étaient atteints d’hypertension portale, avec un
épisode au moins d’hémorragie digestive. Au
moment de l’évaluation prégreffe, la PaO2allait
de 32 à 67 mmHg, avec une médiane de
52 mmHg. À l’épreuve de ventilation en oxy-
gène pur, la PaO2médiane était de 310 mmHg
(74 à 663). Le shunt isotopique était en moyenne
de 33 % (0 à 80 %). Le shunt mesuré en oxy-
métrie allait de 2 à 34 % (en médiane de 19 %).
Dans tous les cas, la maladie hépatique avait été
diagnostiquée avant le SHP. Le temps médian
entre les deux était de 60 mois. Le temps médian
entre le diagnostic de SHP et la TH était de
12 mois ; 43,5 % des patients avaient une PaO2
de moins de 50 mmHg et 13 nécessitaient une
oxygénothérapie continue au moment de la TH.
Il n’a pas été constaté de relation entre la PaO2
en air ambiant et la PaO2en oxygène pur. Le
shunt isotopique était corrélé à la PaO2en air
ambiant, mais pas à la PaO2mesurée en oxy-
gène pur. Il existait une corrélation négative entre
l’âge et la PaO2(R = -0,61 ; p = 0,004). Il n’y
avait pas de corrélation entre le score de Child et
la PaO2(il existait même une corrélation para-
doxale inverse, non statistiquement significa-
tive).
Parmi les 23 patients de cette série, deux sont
décédés dans les 3 mois du fait d’une hypoxie
réfractaire, avec défaillance multi-organe. Cinq
autres sont décédés plus tardivement. La durée
médiane de ventilation postopératoire a été de
2 jours et la médiane d’hospitalisation en unité
de soins intensifs de 14 jours. Quatre patients
ont nécessité une trachéotomie. En analyse uni-
variée, aucun des paramètres préopératoires du
SHPn’était associé à la mortalité postopératoire.
En revanche, en postopératoire, les patients ven-
tilés pendant plus de 2 jours ou ayant nécessité
une trachéotomie ont eu une mortalité plus éle-
vée que le reste du groupe. Par ailleurs, la pré-
sence d’un shunt significatif lors de l’épreuve
d’hyperoxie prégreffe était associée à une durée
plus longue de ventilation mécanique et d’hos-
pitalisation en unité de soins intensifs.
Après un suivi médian de 17 mois, il a été constaté
une amélioration des paramètres oxymétriques
chez les 21 patients survivant à la période pério-
pératoire. Le seuil de 70mmHg de PaO2, utilisé
comme marqueur de guérison, a été franchi chez
15 des patients après 6 mois. La durée médiane
d’oxygénothérapie a été de 3 mois chez les
11 patients qui nécessitaient ce traitement en pré-
opératoire. Deux patients de ce sous-groupe ont
secondairement développé une insuffisance res-
piratoire chronique, liée à une fibrose pulmonaire
idiopathique dans un cas et à une bronchopathie
chronique obstructive dans un autre. La réduc-
tion de 50 % du gradient alvéolo-artériel était plus
longue chez les sujets dont la PaO2préopératoire
était inférieure à 52 mmHg que chez les autres
(RR = 3,6 ; p = 0,001), et chez les sujets dont le
gradient alvéolo-artériel était inférieur à
66 mmHg (RR = 3,1 ; p = 0,03). La récupération
était également plus longue chez les sujets por-
teurs d’une cirrhose alcoolique (RR = 5,2 ;
p = 0,007) et chez les sujets de plus de 48 ans que
chez les plus jeunes (RR=3; p=0,04). Cepen-
dant, aucun de ces paramètres n’était associé à la
récupération en analyse multivariée.
Le SHP est donc une complication rare de la cir-
rhose : 1 % de l’ensemble des patients bénéficiant
d’une TH dans la région parisienne. La mortalité
a été relativement modérée dans cette série, et
aucun des paramètres préopératoires n’était cor-
rélé avec la mortalité. Cependant, deux des patients
décédés précocement sont morts d’hypoxie réfrac-
taire, ce qui suggère que la présence d’une PaO2
très basse en préopératoire est probablement un
facteur de risque, ce qui a pu être sous-évalué sur
la totalité du travail. La majorité des patients ont
récupéré au moins partiellement leur fonction res-
piratoire. Enfin, l’absence de corrélation entre les
paramètres oxymétriques et la survie postopéra-
toire suggère que la présence d’un SHP n’est pas
un argument pour inscrire précocement les patients
cirrhotiques sur liste d’attente.
Y. Calmus, Paris
Taillé C et al. Liver transplantation for hepatopul-
monary syndrome : ten-years experience in Paris,
France. Transplantation 2003 ; 75 : 1482-9.
Du nouveau dans l’utilisation
des anticorps anti-CD40
ligand pour l’induction
d’une tolérance
D
epuis une dizaine d’années, de très
nombreux travaux ont montré que
l’induction d’une tolérance en transplantation
était possible chez des animaux adultes, en blo-
quant le signal de costimulation lymphocytaire.
Dès 1996, dans un article publié dans la revue
Nature, Larsen et al. montraient qu’on pouvait
induire la tolérance à une greffe de cœur et à
une greffe de peau dans un modèle de greffe
allogénique en bloquant le CD28 et le CD40
ligand, deux des principaux récepteurs impli-
qués dans la costimulation lymphocytaire. Ces
résultats très excitants ont conduit au dévelop-
pement d’anticorps anti-CD40 ligand humani-
sés pour une utilisation chez l’homme. De très
nombreux articles ont confirmé l’intérêt du blo-
cage de la costimulation pour induire la tolé-
rance. Les mécanismes impliqués sont suppo-
sés être le blocage du signal 2 de costimulation,
en présence d’un signal de stimulation (signal
1) intact, conduisant à un état d’anergie lym-
phocytaire. Dans un article récent publié dans
la revue Nature Medicine, Monk et al. ont étu-
dié les mécanismes d’action des anticorps anti-
CD40 ligand (anti-CD40L) dans l’induction
d’une tolérance. En utilisant le même type d’ap-
proche que celle de Larsen 7 ans plus tôt, ils
montrent que l’induction d’une tolérance à la
greffe de peau par les anticorps anti-CD40Lest
dépendante de la fraction Fc de ces anticorps et
de la présence du complément. De plus, le trai-
tement par les anticorps anti-CD40L induit une
diminution du nombre de cellules allogéniques.
Dans l’ensemble, ces travaux suggèrent que les
anticorps anti-CD40Linduisent la tolérance, non
pas en bloquant le cosignal d’activation lym-
phocytaire, mais en induisant une déplétion des
lymphocytes CD8 alloréactifs activés par la pré-
sence de l’alloantigène. Ces données posent à
nouveau la question de la meilleure stratégie
pour induire la tolérance et donnent du poids aux
stratégies de déplétion lymphocytaire.
E. Morelon, Paris
Monk NJ et al. Fc-dependent depletion of activated
T cells occurs through CD40L-specific antibody
rather than costimulatory blockade. Nature Med
2003 ; 9, 10 : 1275-80.
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