La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. II - février 1999 43
une anastomose soit colo-rectale très basse, soit colo-anale (8),
et ce, répétons-le, quel que soit le siège de la tumeur. Pour la plu-
part des auteurs, cette attitude “maximaliste” n’est pas justifiée
pour les cancers du haut rectum (assimilés à des cancers du sig-
moïde), et une exérèse de 5 cm de mésorectum sous le pôle infé-
rieur de la tumeur est suffisante, comme cela est démontré dans
plusieurs séries (7). Cela présente l’avantage de conserver un moi-
gnon rectal plus long, bien vascularisé, tout en limitant proba-
blement au maximum le risque de laisser dans le mésorectum à
distance de la tumeur principale des cellules cancéreuses rési-
duelles. Dans de tels cas, une anastomose colo-rectale sur le
moyen rectum est possible.
Dans tous les autres cas, c’est-à-dire dans les cancers du moyen
et du bas rectum sous-péritonéaux, l’intervention se termine soit
par un rétablissement de continuité, qui sera colo-rectal bas, si
l’on peut conserver un moignon rectal suffisant, ou colo-anal, soit
plus rarement par une amputation abdomino-périnéale.
En cas de moignon rectal conservé, l’anastomose colo-rectale est
effectuée à la pince automatique (figure 2). Cette anastomose
colo-rectale basse est habituellement protégée par une colo- ou
iléostomie temporaire de dérivation, fermée six semaines après
l’intervention. Si le moignon rectal restant est trop court ou enlevé
en totalité (du fait du respect d’une marge de sécurité de 2 cm),
on réalise alors une anastomose colo-anale entre le sphincter anal
et le côlon d’amont.
Lors de la réalisation d’une anastomose colo-anale ou colo-rec-
tale basse, il est préférable de confectionner un réservoir colique
en J, sorte de néorectum (9,10)qui permet une amélioration signi-
ficative du résultat fonctionnel par rapport à l’anastomose colo-
anale ou rectale basse directe sans réservoir (figure 3).
Si la tumeur est située à moins de 5 cm de la marge anale ou à
moins de 2 cm de la ligne pectinée (bas rectum), l’amputation
abdomino-périnéale (par double voie d’abord abdominale et péri-
néale) avec colostomie iliaque gauche définitive reste nécessaire
(figure 4).
On voit donc que cette règle de l’exérèse totale du mésorectum
pour les cancers du moyen et du bas rectum, et subtotale pour les
cancers du haut rectum, a profondément modifié l’approche chi-
rurgicale du cancer rectal. Ainsi, aujourd’hui, l’intervention
s’achève le plus souvent par une anastomose mécanique trans-
suturaire colo-rectale basse ou colo-anale avec réservoir, et, plus
rarement, par une amputation abdomino-périnéale (moins de
30 % des cas dans les séries récentes). Seuls les cancers du haut
rectum sus-péritonéaux peuvent bénéficier d’une anastomose sur
le moyen rectum (manuelle ou mécanique en fonction des condi-
tions locales).
LES RÉSULTATS CARCINOLOGIQUES
Les premières publications de Heald à propos de l’exérèse totale
du mésorectum datent de 1982. Il a finalement fallu plus de dix
ans pour que ce progrès s’impose aujourd’hui à tous les chirur-
giens colo-rectaux.
Les séries récentes (2, 6) utilisant cette technique rapportent des
taux de récidive locale allant de 2,7 % à 7 % à cinq ans, ce qui
démontre, à l’évidence, la supériorité de cette technique par rap-
port aux techniques classiques.
En outre, il est possible de réaliser cette exérèse totale du méso-
rectum tout en respectant les plexus nerveux sympathiques pré-
aortiques et parasympathiques sacrés. Cela permet de réaliser une
chirurgie, comme nous l’avons vu, efficace sur le plan carcino-
logique, mais aussi moins mutilante en termes d’impuissance
(observée maintenant chez moins de 20 % des patients) et de
troubles de la fonction urinaire (6).
Les progrès observés grâce à cette technique soulèvent maintenant
le problème de la radiothérapie adjuvante préopératoire (ou post-
opératoire). En effet, si celle-ci a démontré son bénéfice en termes
Figure 2. Anastomose colo-rectale à la pince
automatique. Figure 3. Réservoir colique en J. Figure 4. Amputation abdomino-périnéale
avec colostomie iliaque gauche définitive.