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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001
Fiche
Tests d’éva-
cuation rec-
N°20
Rationnel
Quels tests
d’évacuation ?
Fiche
technique
Proctectomie pour cancer
La chirurgie demeure, en 2001, l’élément essentiel du traitement du cancer du rectum. Les principes tech-
niques, qui doivent permettre aujourd’hui d’obtenir un résultat carcinologique satisfaisant (c’est-à-dire prin-
cipalement l’obtention d’un taux de récidives locales inférieur à 10 %) tout en conservant le plus souvent la
fonction sphinctérienne, ont beaucoup évolué ces dernières années.
Ces principes, fondés sur une meilleure connaissance du mode de dissémination du cancer du rectum, peu-
vent être résumés schématiquement en quelques points clés :
une exérèse totale du mésorectum est nécessaire dans les cancers du rectum sous péritonéale, afin de
réduire le taux de récidive locale. Classiquement, lors de l’exérèse du rectum pour cancer, le mésorectum,
qui est l’ensemble du tissu celluleux périrectal (jusqu’aux parois latérales du pelvis), était enlevé jusqu’à
la zone de section rectale, soit au moins 2 cm sous la tumeur. Au-dessous, en cas de tumeur autorisant une
conservation sphinctérienne, le mésorectum était préservé, ce qui assurait la vascularisation du moignon
rectal restant. Avec cette technique, le taux de récidive locale variait de 10 à 35 % dans les séries publiées,
cette grande variabilité soulignant, s’il était besoin, l’importance du geste chirurgical dans le cancer du
rectum. Il a été démontré que des cellules
cancéreuses pouvaient être présentes, dans
ce mésorectum, jusqu’à 4 cm sous le pôle
inférieur de la tumeur (figure 1). Ainsi,
avec une proctectomie “classique”, la
“récidive” locale pouvait s’expliquer par
ces cellules laissées en place. Seule l’exé-
rèse totale du mésorectum permet de limi-
ter ce risque. Les séries récentes utilisant
cette technique rapportent des taux de réci-
dive locale allant de 2,7 à 7 %, ce qui
démontre à l’évidence la supériorité de
cette technique sur les techniques clas-
siques ;
une marge de sécurité digestive d’en-
viron 1,5 à 2 cm sous le pôle inférieur de
la tumeur doit être respectée ; en effet, l’extension microscopique pariétale à plus de 2 cm de la tumeur
n’est observée que dans 2 % des cas. Cette meilleure connaissance du mode de dissémination locale du
cancer rectal a permis le développement des techniques “conservatrices” de la fonction sphinctérienne, et
notamment des anastomose colo-anales ;
l’adjonction d’un réservoir colique en J au-dessus de l’anastomose permet d’améliorer le résultat
fonctionnel des anastomoses colo-anales ou colorectales très basses.
D’autres questions restent encore en suspens et ne font pas l’objet d’un consensus :
une stomie temporaire de protection est habituellement réalisée en cas d’anastomose basse ;
une radiothérapie préopératoire est proposée en cas de tumeurs infiltrantes T3, T4 et N+ en échoen-
Proctectomie pour cancer
Y. Panis
Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Lariboisière, Paris
Figure 1. Exérèse totale du mésorectum.
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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001
Quels
intérêts ?
doscopie, alors que la place de la chimiothérapie reste
encore à établir ;
la proctectomie est techniquement envisageable
par voie laparoscopique, mais il faut probablement
attendre encore les résultats carcinologiques à long
terme des études contrôlées pour avoir une idée plus
précise de son éventuel bénéfice en cancérologie ;
en cas de tumeurs du très bas rectum, il est pos-
sible de repousser encore les limites de la conserva-
tion sphinctérienne en réalisant des résections sub-
totales ou totales du sphincter interne avec section
digestive sous la ligne pectinée, suivie d’anastomose
colo-anale (figure 2).
Voie d’abord
Par laparotomie, la proctectomie est habituellement réalisée par une voie d’abord médiane xipho-pubienne.
Le patient est installé en position dite “de double équipe”, permettant éventuellement un abord périnéal.
Principaux temps opératoires
L’intervention comporte successivement :
– la libération complète du côlon gauche
(avec décrochage de l’angle gauche) et
du sigmoïde ;
– la section de la veine mésentérique infé-
rieure sous le pancréas et la section de
l’artère mésentérique inférieure près de
l’aorte (en respectant les plexus nerveux
para-aortiques) permettant de réaliser un
curage ganglionnaire mésentérique infé-
rieur carcinologique (figure 3) ;
– la section du côlon à la jonction côlon
gauche-côlon sigmoïde (qui est enlevée
avec le rectum pour des raisons de vas-
cularisation) ;
– la dissection du rectum dans le plan
d’exérèse totale du mésorectum (tissu
cellulo-graisseux périrectal, siège de
métastases ganglionnaires et source de
récidive locale), et ce jusqu’au plancher pelvien, c’est-à-dire le plan des releveurs de l’anus ;
– la section rectale sous le pôle inférieur de la tumeur ;
– la réalisation d’une anastomose, soit colorectale basse (avec une pince mécanique) (figure 4),soit colo-
anale manuelle (par voie périnéale), ou, beaucoup plus rarement, d’une amputation abdomino-périnéale avec
sacrifice sphinctérien, en fonction de la distance entre le pôle inférieur de la tumeur et la ligne pectinée ;
– la réalisation d’une iléostomie temporaire de protection en cas d’anastomose basse.
Particularités techniques et choix du type d’intervention
En cas de cancer du rectum intrapéritonéal, c’est-à-dire de cancer du haut rectum ou de la charnière recto-
sigmoïdienne, il est admis que l’évolution locale, après résection, est équivalente de celle d’un cancer du sig-
Proctectomie pour cancer
Technique
chirurgicale
Figure 2. Dissection intersphinctérienne pour can-
cer du très bas rectum (d’après Rullier et al).
Figure 3. Curage mésentérique inférieur.
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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001
Tests
d’évacua-
N°20
Fiche
technique
Proctectomie pour cancer
moïde, c’est-à-dire avec un très faible taux de réci-
dive locale. Dans ces conditions, une résection du
mésorectum (et du rectum) de 5 cm sous le pôle infé-
rieur de la tumeur est nécessaire et suffisante, suivie
d’anastomose colorectale sur le moyen rectum, sans
nécessité de l’adjonction d’un réservoir colique en J.
Le choix entre anastomose colo-anale, colorectale
basse et amputation abdomino-périnéale (aujour-
d’hui dans moins de 20 % des cas) est guidé par le
siège de la tumeur. Schématiquement, après dissec-
tion complète du rectum, on peut considérer que :
l’amputation abdomino-périnéale est néces-
saire si la tumeur est à moins de 2 cm de la ligne
pectinée (mais certains pourraient alors proposer
une dissection intersphinctérienne dans certains
cas favorables) ;
l’anastomose colo-anale manuelle est néces-
saire, si la tumeur siège entre 2 et 4 cm environ
de la ligne pectinée ;
l’anastomose colorectale basse mécanique
est réalisable, si une section du rectum par voie
abdominale avec une marge de sécurité d’au moins 2 cm est possible, c’est-à-dire, en pratique, si la tumeur
siège au moins à 4 ou 5 cm de la ligne pectinée.
Actuellement, la mortalité opératoire est d’environ 2 % après proctectomie pour cancer. La morbidité spéci-
fique est essentiellement représentée par les sepsis pelviens postopératoires, le plus souvent secondaires à une
fistule anastomotique, dont les conséquences immédiates sont le plus souvent prévenues par la réalisation
d’une iléostomie temporaire de protection. Parfois, un drainage sous scanner ou par voie transanale d’une col-
lection présacrée peut-être nécessaire. Globalement, on peut évaluer à 10 % le nombre de patients qui vont
avoir une complication septique pelvienne postopératoire.
En l’absence de complication postopératoire, la durée d’hospitalisation est d’environ 10 à 12 jours, prolon-
gée par un arrêt d’activité d’environ 1 mois, puis par une réhospitalisation de 5 à 7 jours pour le deuxième
temps opératoire de fermeture de la stomie de protection.
Après proctectomie pour cancer, la qualité du résultat fonctionnel est influencée par la hauteur de rectum res-
tant. En effet, 92 à 100 % de bons résultats fonctionnels sont rapportés après résection antérieure du rectum
et anastomose colorectale conservant plus de 5 cm de rectum. Le problème de l’évaluation des résultats fonc-
tionnels se pose donc essentiellement en cas d’anastomose colo-anale ou colorectale basse. Enfin, il faut savoir
que plusieurs facteurs liés au terrain peuvent conditionner les résultats fonctionnels des anastomoses colo-
anales et colorectales basses : notamment l’âge, la radiothérapie préopératoire, et surtout la survenue d’une
fistule anastomotique symptomatique.
Un an après anastomose colo-anale, une continence parfaite est observée dans 65 à 95 % des cas. En moyenne,
le nombre de selles par 24 heures varie de 2 à 3, et une bonne discrimination entre les gaz et les selles est
observée chez 90 à 100 % des patients. Enfin le taux d’impériosité après anastomose colo-anale varie de 4 à
12 % selon les séries. La réalisation d’un réservoir colique permet d’améliorer les résultats fonctionnels à long
terme des anastomoses colo-anales et colorectales très basses, en particulier en diminuant le nombre de selles
par 24 heures et le taux d’impériosité. Des résultats fonctionnels proches ont été observés après anastomose
colorectale basse à la pince, que ce soit pour la continence, le nombre de selles par 24 heures, l’impériosité
ou la discrimination entre les selles et les gaz.
Résultats
opératoires
Résultats
fonctionnels
Figure 4. Anastomose mécanique et iléostomie
de protection.
Proctectomie pour cancer
Actuellement, avec les techniques d’exérèse totale du mésorectum et de respect des nerfs pelviens, le taux
de complications sexuelles (impuissance et éjaculation rétrograde chez l’homme, dyspareunie chez la femme)
est inférieur à 20 %.
La proctectomie représente le traitement de référence du cancer du rectum. Sa technique (et donc le chirur-
gien), qui est dans plusieurs études un facteur pronostique carcinologique indépendant au même titre que le
stade tumoral, est aujourd’hui bien codifiée dans ses grands principes carcinologiques. Elle doit ainsi com-
porter un curage ganglionnaire large mésentérique inférieur et surtout une exérèse totale du mésorectum, qui
permet de à réduire à moins de 10 % le taux de récidive locale après chirurgie. De plus, une conservation
sphinctérienne est possible chez plus de 80 % des patients, et ce sans altérer ce résultat carcinologique.
Conclusions
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