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Mésorectum
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Y. Panis*, M. Pocard*
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a chirurgie demeure, en 1998, l’élément essentiel du
traitement du cancer du rectum. De nombreuses publications ont démontré que la qualité de l’exérèse chirurgicale du cancer du rectum gouverne le pronostic carcinologique du patient. En d’autres termes, une intervention ne respectant
pas des critères carcinologiques stricts expose le patient à un taux
de récidive locale important (supérieure à 30 % à cinq ans). Parmi
ces principes carcinologiques, l’extension de l’exérèse digestive
en fonction du siège de la tumeur (respect lors de la section digestive d’une marge de sécurité de 2 cm sous le pôle inférieur de la
tumeur) et l’étendue du curage ganglionnaire (ligature haute des
vaisseaux mésentériques inférieurs) ne font guère l’objet de controverse (1). Plus récemment, est apparu, grâce à Heald, le concept
d’exérèse totale du mésorectum afin de diminuer le taux de récidive locale après chirurgie apparemment curative (2).
vait s’expliquer par la présence des cellules laissées en place lors
de la proctectomie (figure 1). Pour ces auteurs, seule l’exérèse totale
du mésorectum permet de limiter ce risque. Le principe est alors
d’enlever l’ensemble du mésorectum jusqu’au plan des releveurs
de l’anus, et ce quel que soit le siège de la tumeur, indépendamment
donc de la conservation ou non d’un moignon rectal et du sphinc-
L’EXÉRÈSE CARCINOLOGIQUE “CLASSIQUE”
DU CANCER RECTAL
Lors de l’exérèse du rectum pour cancer, le mésorectum, c’est-àdire l’ensemble du tissu celluleux périrectal (jusqu’aux parois latérales du pelvis), était enlevé jusqu’à la zone de section rectale, soit
au moins 2 cm sous la tumeur. Au-dessus, l’ensemble de ce tissu
devait être réséqué. En dessous, en cas de tumeur autorisant une
conservation sphinctérienne, le mésorectum était préservé, ce qui
assurait la vascularisation du moignon rectal restant.
Avec cette technique, le taux de récidive locale à cinq ans après
proctectomie pour cancer variait de 15 % à 35 % dans les différentes séries publiées (3, 4, 5), cette grande variabilité soulignant,
s’il était besoin, l’importance du geste chirurgical dans le pronostic du cancer du rectum.
L’EXÉRÈSE TOTALE DU MÉSORECTUM
Heald et coll. (2), puis récemment d’autres équipes (6, 7), ont démontré que des cellules cancéreuses pouvaient être présentes, dans ce
mésorectum, jusqu’à 4 ou 5 cm sous le pôle inférieur de la tumeur.
Ainsi, avec une proctectomie “classique”, la “récidive” locale pou-
* Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Lariboisière, Paris.
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Figure 1. Protectomie
classique.
ter.
La technique d’exérèse chirurgicale est donc modifiée. La dissection doit aller, dans tous les cas, jusqu’au plan des releveurs de l’anus
(c’est-à-dire jusqu’au plancher pelvien). L’éventuelle conservation
sphinctérienne dépend ensuite du siège de la tumeur et, plus précisément, de la distance entre le pôle inférieur de la tumeur et la ligne
pectinée (qui indique le niveau du sphincter anal).
Ainsi, schématiquement, pour une tumeur du haut rectum située
entre 10 et 15 cm de la ligne pectinée (soit environ 12 à 18 cm
de la marge anale), la résection rectale par voie abdominale est
la règle. On réalise alors une résection du rectum, avec exérèse
totale du mésorectum, et une section du rectum au moins 2 à 3 cm
sous le pôle inférieur de la tumeur. Dans ces cas, afin d’éviter de
conserver un moignon rectal dévascularisé (du fait de l’exérèse
totale du mésorectum), on doit soit enlever l’ensemble du rectum
(quel que soit le siège de la tumeur) jusqu’au sphincter, soit laisser un moignon rectal très court. On voit ainsi que le respect de
l’exérèse totale du mésorectum impose d’achever l’opération par
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une anastomose soit colo-rectale très basse, soit colo-anale (8),
et ce, répétons-le, quel que soit le siège de la tumeur. Pour la plupart des auteurs, cette attitude “maximaliste” n’est pas justifiée
pour les cancers du haut rectum (assimilés à des cancers du sigmoïde), et une exérèse de 5 cm de mésorectum sous le pôle inférieur de la tumeur est suffisante, comme cela est démontré dans
plusieurs séries (7). Cela présente l’avantage de conserver un moignon rectal plus long, bien vascularisé, tout en limitant probablement au maximum le risque de laisser dans le mésorectum à
distance de la tumeur principale des cellules cancéreuses résiduelles. Dans de tels cas, une anastomose colo-rectale sur le
moyen rectum est possible.
Dans tous les autres cas, c’est-à-dire dans les cancers du moyen
et du bas rectum sous-péritonéaux, l’intervention se termine soit
par un rétablissement de continuité, qui sera colo-rectal bas, si
l’on peut conserver un moignon rectal suffisant, ou colo-anal, soit
plus rarement par une amputation abdomino-périnéale.
En cas de moignon rectal conservé, l’anastomose colo-rectale est
effectuée à la pince automatique (figure 2). Cette anastomose
colo-rectale basse est habituellement protégée par une colo- ou
iléostomie temporaire de dérivation, fermée six semaines après
l’intervention. Si le moignon rectal restant est trop court ou enlevé
en totalité (du fait du respect d’une marge de sécurité de 2 cm),
on réalise alors une anastomose colo-anale entre le sphincter anal
et le côlon d’amont.
Lors de la réalisation d’une anastomose colo-anale ou colo-rectale basse, il est préférable de confectionner un réservoir colique
en J, sorte de néorectum (9, 10) qui permet une amélioration significative du résultat fonctionnel par rapport à l’anastomose coloanale ou rectale basse directe sans réservoir (figure 3).
Si la tumeur est située à moins de 5 cm de la marge anale ou à
moins de 2 cm de la ligne pectinée (bas rectum), l’amputation
abdomino-périnéale (par double voie d’abord abdominale et périnéale) avec colostomie iliaque gauche définitive reste nécessaire
Figure 2. Anastomose colo-rectale à la pince
automatique.
(figure 4).
On voit donc que cette règle de l’exérèse totale du mésorectum
pour les cancers du moyen et du bas rectum, et subtotale pour les
cancers du haut rectum, a profondément modifié l’approche chirurgicale du cancer rectal. Ainsi, aujourd’hui, l’intervention
s’achève le plus souvent par une anastomose mécanique transsuturaire colo-rectale basse ou colo-anale avec réservoir, et, plus
rarement, par une amputation abdomino-périnéale (moins de
30 % des cas dans les séries récentes). Seuls les cancers du haut
rectum sus-péritonéaux peuvent bénéficier d’une anastomose sur
le moyen rectum (manuelle ou mécanique en fonction des conditions locales).
LES RÉSULTATS CARCINOLOGIQUES
Les premières publications de Heald à propos de l’exérèse totale
du mésorectum datent de 1982. Il a finalement fallu plus de dix
ans pour que ce progrès s’impose aujourd’hui à tous les chirurgiens colo-rectaux.
Les séries récentes (2, 6) utilisant cette technique rapportent des
taux de récidive locale allant de 2,7 % à 7 % à cinq ans, ce qui
démontre, à l’évidence, la supériorité de cette technique par rapport aux techniques classiques.
En outre, il est possible de réaliser cette exérèse totale du mésorectum tout en respectant les plexus nerveux sympathiques préaortiques et parasympathiques sacrés. Cela permet de réaliser une
chirurgie, comme nous l’avons vu, efficace sur le plan carcinologique, mais aussi moins mutilante en termes d’impuissance
(observée maintenant chez moins de 20 % des patients) et de
troubles de la fonction urinaire (6).
Les progrès observés grâce à cette technique soulèvent maintenant
le problème de la radiothérapie adjuvante préopératoire (ou postopératoire). En effet, si celle-ci a démontré son bénéfice en termes
Figure 3. Réservoir colique en J.
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Figure 4. Amputation abdomino-périnéale
avec colostomie iliaque gauche définitive.
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de diminution des récidives locales et d’augmentation de la survie,
il faut garder à l’esprit que ce taux de récidive locale à cinq ans
était de 27 % dans le groupe contrôle contre 11 % dans le groupe
traité dans l’une des études (4), et de respectivement 25 % et 13,5 %
dans l’autre étude (3). Ainsi, l’exérèse totale du mésorectum fait
mieux que les groupes traités des études contrôlées, mais sans traitement adjuvant. Il est donc licite de se demander si la radiothérapie adjuvante ne rattrape pas une “mauvaise” chirurgie. Comme la
radiothérapie (même préopératoire) a une morbidité significative,
notamment en termes de résultats fonctionnels, sa place exacte
mérite d’être rediscutée. C’est pourquoi, une étude est actuellement en cours afin d’évaluer la place de la radiothérapie adjuvante
préopératoire en cas d’exérèse totale du mésorectum.
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ment du cancer du rectum.
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1. Fazio V.W., Tjandra J.J. Primary therapy of carcinoma of the large bowel.
World J Surg 1991 ; 15 : 568-75.
2. Mac Farlane J.K., Ryall R.D., Heald R.J. Mesorectal excision for rectal cancer. Lancet 1993 ; 341 : 457-60.
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therapy for high-risk rectal carcinoma. N Engl J Med 1991 ; 324 : 709-15.
4. Swedish Rectal Cancer Trial. Improved survival with preoperative radiotherapy in resectable cancer. N Engl J Med 1997 ; 336 : 980-7.
5. Poccard M., Panis Y., Malassagne B. et coll. Assessing the effectivness of mesorectal excision in rectal cancer. Prognostic value of the number of lymph nodes
found in resected specimen. Dis Colon Rectum 1998 ; 41 : 839-45.
6. Enker W.E., Thaler H.T., Cranor M.L., Polyak T. Total mesorectal excision in
the operative treatment of carcinoma of the rectum. J Am Coll Surg 1995 ; 181 :
335-46.
CONCLUSIONS
7. Lopez-Kostner F., Lavery I.C., Hool G.R. et coll. Total mesorectal excision is
not necessary for cancers of the upper rectum. Surgery 1998 ; 124 : 612-8.
Le pronostic du cancer du rectum repose essentiellement sur la
qualité de l’exérèse chirurgicale. Les principes carcinologiques
ont été récemment bouleversés par le concept de l’exérèse totale
du mésorectum, tissu celluleux périrectal qui peut contenir des
cellules tumorales jusqu’à 5 cm sous le pôle inférieur de la tumeur.
L’exérèse totale du mésorectum peut, comme cela a été montré
dans de nombreuses séries, réduire significativement le taux de
récidive locale à moins de 10 % à cinq ans. Elle représente donc
aujourd’hui la technique chirurgicale de référence dans le traite-
8.
Hautefeuille P., Valleur P., Perniceni T. et coll. Functional and oncologic
results after coloanal anastomosis for low rectal carcinoma. Ann Surg 1988 ;
207 : 61-5.
9. Benoist S., Panis Y., Boleslawski E. et coll. Functional outcome after coloanal
versus low colorectal anastomosis for rectal carcinoma. J Am Coll Surg 1997 ;
185 : 114-9.
10.
Hallböök O., Pahlman L., Krog M. et coll. Randomized comparison of
straight and coloanal J pouch anastomosis after low anterior resection. Ann Surg
1996 ; 224 : 58-65.
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À découper ou à photocopier
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N
N
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Z
-
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S
!
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Dr, M., Mme, Mlle
❐ 1 an / 190 F*
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❐ 1 an / 95 F* étudiants joindre la photocopie de la carte
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